Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 05/Astronomie, article 2

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ASTRONOMIE.

Essai d’une nouvelle solution des principaux problèmes
d’astronomie ;
Par M. Kramp, professeur, doyen de la faculté des
sciences de l’académie de Strasbourg.
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(Quatrième Mémoire).[1]

115. La position du plan de l’orbite d’un astre étant supposée connue, soit par des calculs antérieurs, soit par des observations faites près des nœuds, le problème de déterminer les autres élémens a été ramené dans le second mémoire (Annales, tom. IV, pag. 248) aux quatre équations qui suivent :

Les lettres désignent ici des quantités qu’on peut immédiatement déduire des deux observations qui suffisent à la solution du problème, dont les inconnues sont représentées par les lettres La première est l’angle qui détermine l’excentricité de l’orbite. Les angles et sont, l’un la demi-somme et l’autre la demi-différence des anomalies excentriques de l’orbite, qui répondent aux époques des deux observations. Enfin est une fraction ayant pour numérateur le demi-grand axe de l’orbite de la terre, et pour dénominateur celui de l’orbite de l’astre. Cette fraction est positive dans le cas de l’ellipse, négative dans le cas de l’hyperbole, et nulle dans le cas de la parabole. Dans les deux derniers cas, nos quatre équations générales doivent subir quelques modifications dont nous parlerons plus loin.

116. La troisième de ces équations ne renferme que trois des quatre inconnues du problème, mais les trois autres les comprennent toutes les quatre. Il se présente toutefois un artifice assez simple, pour remplacer les quatre équations par deux autres qui, sans être plus compliquées, ne renferment que deux des quatre inconnues, savoir : l’angle et le facteur Nous poserons d’abord pour cela

117. Ajoutant alors ensemble les quarrés des deux membres des première et troisième équations, on aura

ou

donc

mais, la quatrième équation donne, en transposant et quarrant,

donc

118. Si ensuite nous multiplions l’équation

par le quarré de la troisième

nous aurons

mais, en élevant au quarré les deux membres de la seconde, on a

en les ajoutant donc, membre à membre, il viendra

d’où

mais la seconde, étant multipliée par devient

ce qui donne, par soustraction,

c’est-à-dire,

d’où

Le problème se trouve donc ainsi réduit aux deux équations simples

119. Cette dernière équation nous apprend à trouver l’une des deux inconnues et lorsqu’on connaît l’autre, ou lorsqu’on lui suppose une valeur quelconque. Supposons d’abord connue, et posons, pour abréger,

nous en déduirons

On aura ensuite, en supposant le rayon de l’orbite terrestre égal à l’unité.

Distance périhélie
Distance aphélie

120. Le cas de la parabole est celui de ce qui donne la distance périhélie égale à Dans celui de l’hyperbole, devient négatif, ce qui donne à une valeur imaginaire ; est alors une quantité très-réelle, mais plus grande que l’unité ; la distance périhélie gardera donc la valeur positive que nous lui supposons dans l’ellipse ; mais la distance aphélie deviendra négative.

121. Si les observations sont assez rapprochées pour que l’angle demi-différence des anomalies excentriques, puisse être confondu avec son sinus, sans erreur sensible, la quatrième de nos équations (115) deviendra

ce qui donne, en substituant à la valeur équivalente (119) l’équation

et ensuite, en quarrant et mettant (119) pour sa valeur

Le quarré de devient, en développant

multipliant cette expression par il viendra

on aura donc l’équation

ou

d’où

élevant au quarré de part et d’autre, il viendra

ou, en réduisant,

d’où

est donc déterminée, et conséquemment le problème est résolu.

122. Si le second terme est assez petit pour que son quarré puisse être négligé devant le premier terme le radical deviendra on aura donc, pour trouver l’expression entièrement rationnelle

d’où

C’est la formule à laquelle nous avons été conduits, dans le mémoire précédent, en supposant et de plus La différence entre l’unité et n’a pas été négligée dans l’analise actuelle ; aussi la formule

doit-elle être regardée comme plus exacte que l’autre. Ainsi donc la solution rigoureuse du problème où il s’agit de déterminer le demi-grand axe de l’orbite d’un astre, moyennant deux observations assez rapprochées pour que la demi-différence des deux anomalies excentriques puisse être sensiblement confondue avec son sinus, conduit finalement à une équation très-simple du second degré.

123. Pour voir jusqu’où peut aller la différence entre les deux formules, revenons encore à la seconde comète de Méchain, découverte en 1781, qui nous a déjà fourni l’exemple du mémoire précédent. En faisant usage de l’ancienne formule, nous avons trouvé

voyons ce que donnera la nouvelle. En faisant usage des observations des 14 et 19 de novembre, nous aurons

On en tire

La petitesse de ce second nombre, par rapport au premier, nous fait prévoir que la différence entre les deux résultats sera peu sensible ; effectivement, la nouvelle formule donne,

la différence est au-dessous d’un trois millième ; elle sera toujours d’autant moins sensible qu’on aura employé des observations moins éloignées entre elles.

124. Revenons aux deux équations (118) desquelles dépend la solution rigoureuse et générale du problème ; savoir :

Il ne coûtera rien d’éliminer l’inconnue  ; il en résultera pout l’autre inconnue une équation transcendante et de plus très-compliquée. Pour éliminer il faudra employer des moyens approximatifs. En faisant la première équation deviendra en combinant cette équation avec l’autre on aura, en éliminant les sinus et cosinus de l’angle une équation en très-composée du quatrième degré, laquelle toutefois pourra être réduite à une équation du second, et ce sera celle que nous avons déjà obtenue (122). En faisant

on aura pour une équation encore bien plus compliquée du sixième degré.

125. Il est beaucoup plus convenable de s’en tirer par le simple emploi de la règle de fausse position. On supposera à l’angle une valeur quelconque, plus ou moins grande, d’après l’intervalle de temps qui sépare les deux observations. On aura

et substituant cette valeur de dans l’autre

on aura, par un calcul très-facile, l’erreur que cette fausse position aura produite. Un second emploi de la règle donnera ordinairement l’inconnue qu’on cherche, avec une précision suffisante.

126. Effectivement, le problème présente peu de difficultés dans le cas de l’ellipse ; mais ce n’est pas le cas ordinaire. En appliquant la méthode exposée dans le précédent mémoire à dix ou douze comètes dont les orbites ont été supposées paraboliques, et calculées dans cette supposition, j’ai presque toujours eu une valeur négative pour indice infaillible de l’hyperbole. Il conviens donc d’apporter à nos formules les modifications que cette courbe exige.

127. Soient ainsi le centre ; le sommet ; le foyer ; et soit le point où l’asymptote est rencontrée par la tangente au sommet ce qui donnera Wous conserverons au demi-axe transverse de l’hyperbole la notation qu’il avait dans l’ellipse ; c’est-à-dire, que nous ferons Et, comme l’autre des deux axes, de même que l’angle désigné jusqu’ici par deviennent imaginaires dans l’hyperbole, nous choisirons, parmi les angles réels, celui qui se rapproche le plus de cet angle afin de conserver l’emploi de cette lettre, et d’établir une analogie convenable entre les formules elliptiques et hyperboliques. Ainsi, nous désignerons l’angle par ce qui donnera

L’ordonnée qui répond au foyer de l’hyperbole, dont le double est ce qu’on nomme le paramètre de la courbe, et dont nous aurons besoin par la suite, deviendra donc L’expression générale du rayon vecteur sera

en continuant de désigner par l’anomalie vraie, ou l’angle

128. En employant ces notations, on trouvera, pour la surface du secteur curviligne proportionnelle au temps, l’expression qui suit :

Si, dans cette expression, on fait

elle deviendra.

et si, dans cette dernière, on fait et que de plus on remplace et par et étant on retrouvera la formule elliptique connue

l’anomalie excentrique de l’ellipse sera donc remplacée ici par le logarithme naturel de la fraction

On sent, au surplus, que, dans l’hyperbole de même que dans la parabole, l’anomalie vraie de même que l’excentrique est toujours comptée depuis le périhélie.

129. Il conviendra de choisir quelque signe représentatif des deux fractions et analogues à et Nous conserverons ces deux notations, mais en les écrivant, comme nous venons de le faire, en caractères italiques. Ainsi, au lieu de nous aurons dorénavant

Nous aurons de même

Indépendamment des caractères italiques, les notations et seront toujours reconnaissables en ce que, dans toute cette analise des orbites hyperboliques, elles seront invariablement liées avec les angles et de même qu’avec leur demi-somme et leur demi-différence, et jamais avec l’excentricité ni avec les anomalies vraies et

130. Le développement en séries donne

Ces deux séries connues sont décomposables en facteurs infinis. On voit que et sont toujours plus grands que l’unité, tandis que et étaient constamment moindres que l’unité. Heureusement, de nos trois sections coniques, l’hyperbole est la moins fréquente dans ses applications, sans quoi il faudrait construire des tables de et comme nous en avons pour

131. En introduisant deux angles quelconques et , indépendans entre eux, on aura les expressions qui suivent

d’où il résulte

132. De l’anomalie excentrique on repassera facilement à l’anomalie vraie que lui répond ; on aura

On aura de même le rayon vecteur par la formule

enfin, la surface du secteur se trouvera ; par la formule très-simple

133. Les deux expressions littérales de de même que de subiront les modifications suivantes : on aura

ce qui se réduit à

134. Les expressions subissent de même quelques modifications, exposées dans le tableau qui suit :

À l’exemple de l’ellipse, nous désignerons par et la demi-somme et la demi-différence des deux anomalies excentriques fictives et On aura ainsi

Comme les angles, et se rapportent aux anomalies excentriques et les notations continueront d’être prises dans le sens du n.o 129. On aura

En comparant ces équations à celles de l’analise précédente (Annales, tome IV, pag. 247, et tom. V, pag. 18) on voit qu’en divisant généralement par les expressions elliptiques, on parvient à celles de l’hyperbole.

135. À ces trois équations, il convient d’ajouter la quatrième, qui tient à la surface du secteur hyperbolique, proportionnelle au temps. On a eu (132)

on aura de même, pour une seconde observation

Ôtant la première de la seconde, il résultera

La surface de ce secteur est proportionnelle au temps qui sépare les deux observations, c’est-à-dire, à l’angle  ; reste donc à déterminer le facteur par lequel il faut multiplier l’une de ces deux quantités, pour que le produit soit rigoureusement égal à l’autre.

136. Concevons généralement deux astres, tournant autour du même centre de forces dans deux sections coniques, dont les paramètres soient  ; les lettres désigneront ainsi les ordonnées des deux sections, à leurs foyers respectifs. Supposons de plus que l’un de ces deux astres décrive le secteur dans le temps et l’autre le secteur dans le temps On sait qu’alors les deux fractions et seront égales entre elles. Ainsi, dans le cas les aires étant supposées décrites dans des temps égaux, on aura la proportion, très-générale, c’est-à-dire, les aires des secteurs sont entre elles comme les racines quarrées des paramètres des deux orbites.

187. Appliquons cette proportion à l’analise qui nous occupe. L’un des deux astres est la terre, décrivant, sur un cercle du rayon l’angle au centre Le demi-paramètre est ici et la surface du secteur est L’autre est une hyperbole dont le demi-axe transverse est la distance du foyer au centre et le demi-paramètre Cette comète aura donc décrit, dans le temps même qui sépare les deux observations, l’aire dont nous venons de donner l’expression littérale. Cela donne la proportion

d’où résulte l’égalité

ou bien

138. De même que, dans les problèmes précédens, nous devons nous rappeler que la fraction qui multiplie dans les formules du n.o 55 (Annales, tom. IV, pag. 245), est elle-même une de nos inconnues. En faisant, comme ci-dessus, et en conservant les notations

les quantités seront celles qu’on aura déduites immédiatement des formules du n.o 55, lesquelles, au signe près, sont identiquement les mêmes dans l’ellipse et dans l’hyperbole. Ces quantités pourront être regardées comme connues ; tandis qu’il faudra regarder comme inconnues la fraction aussi bien que

139. Nos quatre équations deviendront ainsi

140. En conséquence, en revenant aux notations déjà employées dans les mémoires précédens (Annales, tom. V, pag. 18), savoir :

le problème sera facilement réduit aux quatre équations qui suivent :

141. En suivant une marche analogue à celle qui a été enseignée au commencement de ce quatrième mémoire, et en se rappelant, pour les réductions, que on parviendra de même à réduire ces quatre équations à deux, ne renfermant plus que les deux inconnues et savoir :

142. Cette dernière est identiquement la même que dans l’ellipse (118), même en ayant égard aux signes. La première diffère de celle qui a été obtenue pour l’ellipse dans le signe de l’angle et de plus dans celui de compris sous le radical. On les résoudra de la même manière ; et deux emplois de la règle de fausse position y suffiront. Une valeur quelconque de qu’on aura supposée, conduira immédiatement à et substituant cette valeur dans la première, on s’assurera de l’erreur que cette supposition aura occasionée. Mais il ne faut pas oublier qu’il est question ici de sinus et de cosinus hyperboliques, pour lesquels on a

En employant les sinus et les cosinus des tables qui nous ont conduit (118) aux deux équations finales

on aurait beau faire pour toutes les suppositions imaginables, aucune valeur réelle ne pourrait y satisfaire, attendu que, dans l’hyperbole, la valeur de cet angle est réellement imaginaire.

  1. Voyez les pages 161 et 237 du IV.me volume et la page 1.re de celui-ci. L’auteur prie ses lecteurs de vouloir bien excuser la distraction qui lui a fait employer, aux pages 18, 19, 20, 21 du 3.me mémoire, pour désigner la demi-somme des anomalies excentriques, au lieu de la lettre qu’il avait destinée à cet usage, dans les mémoires précédens, la lettre qu’il a constamment consacrée à désigner l’anomalie vraie.