Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Géométrie descriptive, article 5

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GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.

Application de la méthode des projections à la résolution
de quelques problèmes de géométrie plane ;

Par M. Coste, officier au régiment de Valence
(Artillerie).
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M. Monge est le premier, je crois, qui ait eu l’idée ingénieuse d’appliquer les principes de la géométrie à trois dimensions à la résolution des problèmes et à la démonstration des théorèmes de la géométrie plane. Nous nous proposons ici d’ajouter encore quelques exemples nouveaux de cette application à ceux qui ont été donnés jusqu’ici par les nombreux élèves de cet illustre géomètre.

PROBLÈME I.

Déterminer les intersections d’une droite donnée avec une section conique dont on connaît seulement les élémens, sans construire cette dernière.

Solution

I.er Cas. La courbe est une Hyperbole. Nous supposerons l’hyperbole donnée par ses asymptotes et par son premier axe.

Soient et les deux asymptotes se coupant au centre de la courbe (fig. 1) ; et soit l’un de ses sommets ; de manière que soit la direction de son premier axe ou axe transverse. Soit de plus la droite donnée, dont il s’agit de déterminer les intersections avec la courbe, sans construire cette dernière.

Considérons le plan de cette hyperbole comme un plan vertical. Par l’un quelconque des points de la direction de son axe transverse, menons à cet axe une perpendiculaire indéfinie, coupant ses asymptotes en et et considérons cette perpendiculaire comme la ligne de terre, rencontrée en par la droite

Soit menée parallèle à et se terminant en à l’asymptote soit la projection de sur et soit portée de en sur le prolongement de Du centre et avec un rayon égal à ou soit décrit un cercle dont soit le diamètre parallèle à

Nous pouvons concevoir ce cercle comme la base d’un cône droit, égal à celui qu’engendreraient les asymptotes de la courbe en tournant autour de son axe ; et seront les protections verticale et horizontale du sommet de ce cône ; et, d’après les théories connues, l’intersection du cône avec le plan vertical sera l’hyperbole même dont il s’agit ; d’où il suit que notre problème se réduit à assigner les intersections de avec la surface de ce cône.

Par le sommet du cône et par la droite soit conçu un plan ; cette droite sera elle-même, la trace verticale de ce plan, et, par les procédés connus, on trouvera, pour sa trace horizontale, une autre droite, coupant la base du cône en deux points et

Les droites menées du sommet à ces deux derniers points, seront donc les deux génératrices suivant lesquelles le cône sera coupé par ce plan, et qui devront conséquemment couper la droite donnée aux deux points cherchés.

Mais, en projetant les points et en et sur la ligne de terre, les deux génératrices se projetteront elles-mêmes verticalement, suivant et  : les points et où ces dernières droites couperont seront donc les points cherchés.

II.e Cas. La courbe est une Ellipse.

Nous supposerons l’ellipse donnée par la grandeur et la situation de son grand axe, et par la grandeur de son petit axe.

Soit (fig. 2) la grandeur et la situation du grand axe ; soit portée la longueur du petit axe sur sette droite de en soit la droite donnée, dont il s’agit de déterminer les intersections avec l’ellipse, sans construire cette courbe ; et soit le point où cette droite coupe la perpendiculaire menée à par son extrémité

Soit pris le plan de cette courbe pour plan vertical, et soit prise pour ligne de terre une parallèle quelconque à sur laquelle se projètent les points en soit le point où cette ligne de terre est rencontrée par la droite donnée

Du point comme centre et avec pour rayon, soit décrit un arc terminé en à sa rencontre avec le prolongement de et soit menée nous pourrons considérer et comme les traces verticale et horizontale d’un certain plan vertical.

Concevons qu’on fasse tourner le plan de l’ellipse autour de jusqu’à ce qu’il coïncide avec celui-là, et supposons qu’il entraîne avec lui la droite Si du point comme centre nous décrivons, entre les côtés de l’angle l’arc le point sera la position du point dans la nouvelle situation du plan de l’ellipse ; de sorte qu’en projetant en sera la projection verticale de notre droite dans sa nouvelle situation.

Cela posé, ce plan ayant ainsi tourné, l’ellipse aura évidemment pour projection sur le plan vertical le cercle décrit sur comme diamètre, et coupé en et par la projection verticale de la droite donnée, toujours dans la nouvelle situation de cette droite.

et seront donc les projections verticales des intersections de notre droite avec l’ellipse, et on en aura les projections horizontales en projetant et en et et prolongeant et jusqu’à la rencontre de en et

Décrivant donc, du point comme centre, dans l’angle avec les rayons et les arcs et seront les projections horizontales des mêmes intersections, dans la situation primitive du plan de l’ellipse.

On obtiendra donc ces intersections elles-mêmes, en élevant sur aux points et les perpendiculaires et terminées en et à la droite

Mais il reviendra au même, et il sera plus court et plus commode de déterminer et par les intersections de avec les parallèles menées à par les points et

III.e Cas. La courbe est une Parabole.

Nous supposons la parabole donnée par son sommet, la direction de son axe et un quelconque de ses points.

Soient (fig. 3) le sommet de la parabole ; la direction de son axe ; un autre point quelconque de cette courbe ; et la droite donnée, dont il faut assigner les intersections avec elle, sans la construire.

En abaissant de sur la perpendiculaire et en la prolongeant au delà, d’une quantité le point sera un autre point de la courbe ; Par ces deux points et par le point soit fait passer un cercle dont le diamètre soit et le centre  ; ce cercle coupera la droite donnée en deux points et

Soit considéré le plan de ce cercle, qui est aussi celui de la courbe, comme plan de projection horizontal ; et soit prise pour ligne de terre une parallèle quelconque à sur laquelle soient projetés les points en

Sur et comme bases, soient décrits, dans le plan vertical, les deux triangles équilatéraux et Si nous considérons le cercle dont le diamètre est comme la base d’un cône droit, dont le sommet se projette en sur le plan vertical ; et seront les traces d’une section parabolique faite dans ce cône, de manière à obtenir une parabole égale à la parabole donnée ; de sorte que si l’on imagine qu’on fasse tourner le plan de cette dernière autour de jusqu’à ce que soit devenu les deux courbes coïncideront exactement.

Supposons que, dans ce mouvement, la droite soit entraînée ; sa projection vexticale deviendra et, par une construction facile, indiquée dans la figure, on obtiendra les projections horizontales des points dans leur nouvelle situation ; de manière que sera la projection horizontale de la même droite.

Ayant ainsi les deux projections de cette droite ; on pourra, par elle et par le sommet du cône faire passer un plan ; ce plan coupera le cône suivant deux génératrices, qui contiendront les deux points cherchés, lesquelles se trouveront aux intersections de ces génératrices avec la droite donnée ; ramenant donc ces deux points, par les moyens connus, dans le plan rabattu, on aura la solution du problème.

PROBLÈME II.
Décrire une parabole qui touche quatre droites données ?
Solution

Soient (fig. 4) les quatre droites données, auxquelles on veut que la parabole cherchée soit tangente. Menons une cinquième droite arbitraire de sorte cependant qu’elle coupe les deux droites extrêmes et de manière à former, avec nos quatre droites, le pentagone soit pris le plan de ce pentagone pour plan horizontal ; et soit prise pour ligne de terre une perpendiculaire quelconque à

Par l’un quelconque des points de concevons un plan vertical, perpendiculaire à cette droite ; concevons en outre que le polygone après avoir tourné autour de sa base de manière à devenir parallèle à ce plan, se meuve ensuite, parallèlement à lui-même, de manière à venir se confondre avec lui ; on trouvera facilement, au moyen des constructions indiquées dans la figure, que, dans cette nouvelle situation de polygone, ses sommets se projetteront horizontalement en et verticalement en

Concevons que le pentagone, toujours dans cette situation, soit une section faite dans une pyramide pentagonale dont le sommet se projette horizontalement en un point quelconque de et verticalement en un point quelconque du prolongement de cette droite dans le plan vertical. Par d’autres constructions, suffisamment indiquées dans la figure, on trouvera facilement que les sommets de la base horizontale de cette pyramide seront Nous pouvons remarquer, en outre que, le plan de la face latérale de cette pyramide qui répond à étant vertical, il s’ensuit que le plan de la section, également vertical et parallèle à cette face, ne rencontrera pas la pyramide opposée, et ne déterminera pas dans celle-là une section fermée.

Concevons présentement une section conique inscrite à la base pentagonale Si l’on fait de cette section conique la base d’un cône ayant même sommet que notre pyramide, ce cône lui sera inscrit, et sa section par le plan vertical, perpendiculaire en à sera une parabole tangente à nos quatre droites ramenées à ce plan ; de sorte qu’en faisant mouvoir le plan de cette parabole parallèlement à lui-même, jusqu’à ce que soit devenue et le faisant ensuite tourner autour de cette dernière droite, pour le rabattre sur la plan horizontal, le problème proposé serait complètement résolu.

Cela posé, avec nos cinq tangentes à la section conique qui forme la base du cône, nous pouvons aisément, à l’aide des méthodes connues[1], et même en n’employant que la règle, en trouver une sixième, et assigner en outre la droite qui lui correspond dans la figure Cette droite sera évidemment une cinquième tangente à la parabole demandée.

Ayant ainsi cinq tangentes à notre parabole, on pourra, à l’aide des méthodes connues, et même en ne faisant usage que de la règle, en trouver tant d’autres, et de plus assigner tant de points de la courbe qu’on voudra.

Le mode de solution dont nous venons de faire usage est très-général, et il n’est pas difficile de voir que puisqu’on sait, au moyen de points et de tangentes à une section conique, trouver tant d’autres points et de tangentes à cette courbe qu’on peut en désirer ; on pourra aussi, par des méthodes analogues à celle dont nous venons de faire usage, résoudre tous les cas de ce problème général : connaissant points et tangentes à une parabole, déterminer tant d’autres points et tant d’autres tangentes à cette courbe qu’on voudra ?

  1. On trouve ces méthodes exposées, avec beaucoup de développemens curieux, dans un petit ouvrage ayant pour titre, Mémoire sur les lignes du second ordre ; par C. J. Brianchon, capitaine d’artillerie, ancien élève de l’école polytechnique (Paris, Bachelier, 1817). L’auteur y résout tous les cas de ce problème général : Étant donnés points et tangentes à une section conique, trouver tant d’autres points et de tangentes à cette courbe qu’on voudra ?

    Cet intéressant petit ouvrage n’ayant point été imprimé sous les yeux de l’auteur, il s’y est glissé quelques fautes que nous croyons devoir indiquer ici.

    Pag. 61, ligne 4 — proportions ; lisez : propositions.

    Pag. 61, Ligne 13 — fond ; lisez : fonds.

    Pag. 63, ligne 6, en remontant — coniques ; ajoutez : semblables.

    Pag. 67, ligne 5 — 1725 ; lisez : 1735.

    J. D. G.