Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Géométrie transcendante, article 3

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Réflexions nouvelles sur la question traitée à la page 143
de ce volume ;

Par M. Tédenat, correspondant de l’institut, recteur de
l’académie de Nismes.
Au Rédacteur des Annales.
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Monsieur,

En lisant le 5.e numéro du VII.e volume des Annales, j’ai pensé qu’on pourrait ajouter encore quelques observations à celles que vous avez eu la bonté d’y insérer, sur le problème proposé dans le n.o 3. Je les écris sans ordre, et comme elles se sont offertes à moi, dans quelques momens de loisir ou d’insomnie.

Il me semble d’abord que l’équation trouvée résout généralement le problème proposé dans le n.o 3 ; car, par la nature du calcul des variations, la fonction trouvée doit être un maximum ou un minimum, entre les deux limites et Mais, si représente, comme nous l’avons supposé, la moitié de l’arète du cube ; l’expression trouvée sera celle d’une surface terminée aux deux faces latérales du cube, et passant par les deux diagonales inverses des bases opposées.

Il est aisé de s’assurer que cette surface sera un minimum car il faut pour cela que

soit essentiellement positive pour le minimum, et négative pour le maximum (Voyez la Théorie des fonctions analitiques, deuxième édition, page 291). Or, dans le cas que nous examinons présentement, cette expression se réduit à

qui sera toujours positive, soit que l’on prenne les accroissemens et en plus, soit qu’on prenne ces mêmes accroissemens en moins[1].

Reprenons les équations

elles donnent, pour les surfaces gauches qu’elles représentent, des lignes droites pour les fibres horizontales ; mais tandis que la dernière donne aussi des lignes droites, pour ses fibres verticales, l’autre donne, pour ces mêmes fibres, des courbes transcendantes.

Cette observation facilite le moyen de concevoir pourquoi la surface (1) est moindre que la surface (2), en les bornant du moins à l’intérieur du cube ; car elles sont composées l’une et l’autre, dans les mêmes limites, d’un égal nombre de fibres rectilignes, partant deux à deux d’un même point de l’axe vertical pour aboutir au même plan, qui est une face latérale du cube. Or, la somme des fibres moins obliques, comprises entre deux plans parallèles, doit être moindre que celle des fibres plus obliques, comprises entre les mêmes plans.

Si l’on veut assujettir les surfaces passer par les quatre côtés du parallélogramme gauche formé à la surface du cube par les diagonales inverses de deux couples de faces opposées ; il me paraît évident que, s’il en existait une remplissant toutes les conditions du minimum, ce serait celle qui est donnée par l’équation (2). Mais, comme elle ne satisfait pas à l’équation différentielle générale de la moindre surface, il en faut conclure qu’elle n’est point une surface minimum, telle qu’on doit l’entendre.

S’il en existait une autre, les expressions de devraient être telles qu’on les voit à la page 154, et l’on déterminerait la forme particulière des fonctions, par la condition que la surface minimum doit passer par les quatre diagonales ; or, il ne paraît pas qu’il soit possible de trouver une fonction régulière et continue qui puisse satisfaire à cette condition, et qui soit comprise dans les valeurs générale de Quant aux fonctions irrégulières et discontinues, la question serait trop difficile à examiner dans cette circonstance[2].

Agréez, etc.

Nismes, le 26 de mai 1817.

Séparateur

  1. Il est ici essentiellement nécessaire de bien s’entendre. Puisque l’équation trouvée par M. Tédenat, satisfait à l’équation différentielle

    il est hors de doute que la surface qu’elle exprime jouit de la propriété du minimum, en ce sens qu’elle est telle que si l’on trace sur elle un polygone fermé quelconque, continu ou discontinu, la portion de surface comprise dans ce polygone sera d’une moindre étendue que toute autre surface terminée au même contour ; mais cela ne nous semble prouver aucunement que cette surface soit celle qui résout le problème proposé. De quoi s’agit-il en effet ? De trouver une surface qui, passant par les diagonales inverses de deux faces opposées d’un cube, ait sa partie interceptée entre les faces de ce cube, de la moindre étendue possible. Or, il paraît que ce problème est susceptible d’une infinité de solution : tout porte à croire qu’il doit être résolu par une équation différentielle partielle du premier ordre, dont l’équation de M. Tédenat ne serait alors qu’une intégrale particulière. Il y aurait donc lieu, dans ce cas, à chercher un minimum minimorum ; et lui seul alors pourrait fournir la véritable solution du problème.

    Concevons, en effet, que, sur deux faces opposées du cube, autres que celles qui contiennent nos diagonales inverses, on trace deux courbes quelconques, se terminant à ces diagonales, et formant avec elles un quadrilatère gauche mixtiligne. Entre toutes les surfaces passant par les côtés de ce quadrilatère, il s’en trouvera une dont l’étendue, terminée à son périmètre, sera la moindre possible ; mais, comme deux des côtés du quadrilatère sont arbitraires, on pourra, en les variant à volonté, obtenir une infinité de surfaces, jouissant toutes de la propriété du minimum ; c’est-à-dire, ayant toutes, en chacun de leurs points, leurs rayons de courbure égaux et de signes contraires ; d’où il suit évidemment qu’entre toutes ces surfaces, il s’en trouvera une moindre que toutes les autres. C’est précisément celle-là qui résoudra la question proposée ; et rien ne prouve que ce doive être celle de M. Tédenat.

    Il resterait pourtant ici une ressource : ce serait celle de nier l’existence d’une surface continue, la moindre possible entre toutes celles qui peuvent se terminer au périmètre d’un même polygone gauche, rectiligne, mixtiligne ou curviligne. Mais cela reviendrait à nier la possibilité de tendre sur ce polygone une toile parfaitement élastique ; ce qui ne paraît guère admissible.

    J. D. G.

  2. En fait, on peut toujours concevoir une toile parfaitement et indéfiniment élastique, tendue sur le quadrilatère gauche formé par l’ensemble de nos quatre diagonales. Cette toile formera ainsi une certaine surface, laquelle paraît devoir être assujettie à la loi de continuité, et, comme telle, exprimable par une équation unique. Il résulte de plus des considérations que nous avons développées (pag. 143), qu’en tous ces points cette surface devra avoir ses deux rayons de courbure égaux et de signes contraires ; elle devra donc satisfaire à l’équation différentielle

    elle devra donc être différente de celle qu’exprime l’équation (2) qui n’y satisfait pas. Quelle sera donc cette surface ? et sa recherche serait-elle au-dessus des forces actuelles de l’analise ? Que sert donc d’être parvenu à intégrer généralement l’équation différentielle ci-dessus, si, dans les cas particuliers, on ne peut tirer aucun parti de son intégrale pour résoudre les problèmes qu’on se sera proposés, En un mot, à combien de conditions distinctes peut-on assujettir une surface minimum ; et comment, à l’aide de ces conditions, peut-on parvenir à particulariser cette surface ? C’est toujours là la question qu’il s’agirait de résoudre ; et ce qui précède nous paraît laisser encore cette question entière.

    J. D. G.