Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Géométrie transcendante, article 2

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Solution du problème proposé à la page 99 de ce
volume ;

Par M. Tédenat, correspondant de l’institut, recteur de
l’académie de Nismes.
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Problème. Couper un cube en deux parties, de telle manière que la section vienne se terminer aux diagonales inverses de deux faces opposées, et que l’aire de cette section, terminée à la surface du cube, soit un minimum ?

Donner, en outre, l’équation de la courbe suivant laquelle la surface coupante coupe chacune des autres faces de ce cube ?

Solution, Soient les quatre sommets de la base inférieure, et leurs correspondans dans la base supérieure. Soient, en outre, les centres respectifs de ces deux bases. En supposant, pour fixer les idées, le cube tellement disposé que l’axe soit vertical, ses deux bases seront horizontales.

Concevons que, par on conduise un plan vertical, parallèle à son intersection avec le cube sera un quarré dont les bases seront horizontales, et conséquemment les autres côtés verticaux.

Concevons la surface de ce quarré comme formée de fibres élastiques verticales et horizontales se croisant à angles droits, et se terminant à ses côtés opposés. Si l’on fait éprouver à ce quarré, autour de un double mouvement de torsion et d’extension, de manière que ses deux bases parcourent, en sens inverse, un demi-angle droit, en prenant la grandeur et la direction des diagonales inverses des deux bases du cube, sans que les points et cessent d’en être les milieux ; le plan de ce quarré deviendra ainsi une surface courbe ; et, comme cette surface sera évidemment celle que formerait une toile parfaitement flexible et élastique, assujettie aux diagonales inverses des deux bases du cube ; ce sera évidemment la surface minimum ; c’est-à-dire, la surface demandée. Cherchons donc l’équation de cette surface.

Dans le mouvement de torsion du quarré, on peut concevoir que les deux bases tournent, d’un mouvement égal et contraire, autour des points jusqu’à ce qu’elles soient devenues perpendiculaires l’une à l’autre ; les fibres horizontales n’étant sollicitées, que par des forces qui sont elles-mêmes horizontales, conservent cette direction, et ne font que tourner simplement, autour du point où elles coupent l’axe dans un plan parallèle à ceux des bases du cube, en demeurant toujours rectilignes[1].

On voit aisément que la fibre horizontale, également distante des deux bases, se trouvant ainsi également sollicitée, dans deux diversions contraires, à tourner horizontalement sur le point ou elle occupe ne prendra réellement aucun mouvement ; de sorte qu’après la torsion terminée, elle formera des angles égaux et demi-droits avec les diagonales inverses des deux bases du cube auxquelles doit aboutir la surface dont il s’agit.

On peut dire, plus généralement, que, si l’on considère trois fibres horizontales, également distantes entre elles dans leur situation primitive ; après la torsion exécutée, la fibre intermédiaire devra former des angles égaux avec les deux fibres extrêmes.

Il résulte évidemment de là qu’en général l’angle de deux fibres horizontales quelconques sera, après la torsion, proportionnel à la distance qui les sépare, ou, ce qui revient au même, à la portion de l’axe interceptée entre elles[2], et c’est conséquemment en exprimant analitiquement cette propriété que nous parviendrons à l’équation de la surface cherchée.

Soient donc pris l’axe pour axe des son milieu pour origine, et les positifs du côté de la base supérieure du cube. Soient pris les axes des et des respectivement parallèles aux côtés des deux bases de ce cube ; de telle sorte que des deux diagonales inverses, auxquelles doit aboutir la surface cherchée, celle qui appartient à la base supérieure tombe dans les angles des et de mêmes signes, tandis que l’autre sera située dans les angles des et de signes contraires. Supposons encore que le mouvement de torsion s’exécute des positifs, vers les positifs, de manière que la fibre horizontale immobile soit dirigée suivant l’axe des Nommons enfin l’arête du cube.

La diagonale supérieure, distante du plan des de la quantité fait avec l’axe des ou la fibre immobile un angle  ; mais toute autre fibre horizontale, distante de la quantité du même plan, fait avec cette même fibre fixe un angle dont la tangente tabulaire est  ; ainsi, on doit avoir

c’est-à-dire,

ou encore

Toute valeur constante donnée à dans cette équation la réduira à celle d’une ligne droite, ainsi que cela doit être, puisque les fibres horizontales sont rectilignes : mais on voit qu’il n’en sera pas de même des valeurs constantes données à ou qui conserveront à l’équation sa forme transcendante. On trouvera, en particulier, pour les intersections de la surface dont il s’agit avec les deux faces du cube parallèles aux plans des la double équation

Il faudrait bien se garder de confondre cette surface avec la surface gauche du second ordre qu’engendre, par son mouvement, une droite qui, passant constamment par les diagonales inverses des deux bases de notre cube, ne cesse point, dans son mouvement, d’être parallèle au plan des L’équation de cette surface est évidemment

et ses intersections avec la surface du cube sont quatre diagonales formant un quadrilatère gauche ; elle coupe d’ailleurs la surface à laquelle nous venons de parvenir suivant les axes des et des

Si l’on demandait généralement de déterminer la surface minimum, entre des limites données ; en posant, suivant l’usage,

on remarquerait que l’élément de cette surface étant l’équation du problème doit être

En traitant cette équation par les procédés connus de la méthode des variations, on parvient, comme l’on sait, à l’équation du second ordre

(A)

commune à toutes les surfaces qui ont, en chacun de leurs points, leurs deux courbures égales et de signes contraires.

Il est facile de s’assurer que l’équation

(B)

est comprise, comme cas particulier dans cette équation générale ; on en tire en effet

valeurs qui, substituées dans l’équation (A), réduit son premier membre à zéro[3].

L’équation (A) a été intégrée par M. Legendre dans les Mémoires de l’académie des sciences de Paris, pour 1787. Ce géomètre a trouvé que et étant les deux racines de l’équation

(C)

en posant

l’intégrale de cette équation (A) était le résultat de l’élimination de et entre les trois équations.

désignant des dérivées des deux premiers ordres.

Pour en déduire la forme des fonctions et qui convient à la surface dont il s’agit, nous remarquerons que la première revient à

mais nous avons trouvé, d’un autre côté,


d’où l’on voit que, lorsque on doit avoir  ; donc

ce qui nous apprend que les deux fonctions et sont ici de la même forme ; de sorte que nous pouvons poser

les deux racines de l’équation (C) sont donc égales, et conséquemment on doit avoir

d’oùet

donc

Mais, en éliminant et entre l’équation

et ses deux différentielles du premier ordre, on obtient

on a donc d’un côté

et de l’autre

donc

d’où

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  1. On pourrait raisonnablement demander si cette direction rectiligne des fibres horizontales n’éprouvera pas quelque altération, par l’effet de la résistance des fibres verticales à la courbure qu’elles seront peut-être contraintes de prendre pour obéir au mouvement des premières.
    J. D. G.
  2. Cela revient évidemment à dire que cette surface est celle qu’engendre une droite horizontale, tournant autour de l’un de ses points, d’un mouvement uniforme, tandis que ce point se meut, aussi uniformément dans une direction verticale : c’est la courbe rampante circulaire de M. Monge.
    J. D. G.
  3. Cette vérification dissipe complètement les doutes qu’aurait pu laisser dans l’esprit le raisonnement qui a servi à parvenir à l’équation (B) ; et il est certain que cette équation est celle d’une surface qui, passant par nos diagonales inverses, jouit en outre de cette propriété ; que la portion qu’on en pourra comprendre dans une figure fermée quelconque, aura moins d’étendue que la portion correspondante de toute autre surface courbe se terminant au même contour. Mais, de toutes les surfaces passant par nos diagonales inverses, est-elle la seule qui résolve le problème ? Ne pourrait-on pas, par exemple, demander la moindre surface entre toutes celles qui passent par le quadrilatère gauche que détermine sur la surface du cube la surface gauche du second degré dont il a été question tout-à-l’heure ? et cette surface minimum, qui doit être différente de notre surface du second ordre, et dont l’existence ne parait guère pouvoir être contestée, ne sera-t-elle pas moindre que la surface minimum dont il est question dans la présente solution ? En un mot, par combien de courbes données peut-on se proposer de faire passer une surface minimum, pour que cette surface soit possible et unique, C’est là un point sur lequel aucun des traités d’analise, même les plus complets, ne s’exprime nettement.

    Quoi qu’il en soit ; toujours est-il vrai de dire que rien ne prouve que la surface minimum trouvée ici soit celle qui résout la question, telle qu’elle a été proposée. Il ne s’agissait pas simplement, en effet, de trouver la surface de moindre étendue, entre toutes celles qui passent par les diagonales inverses des deux bases du cube ; mais de trouver, entre toutes les surfaces qui passent par ces diagonales, celle dont la partie interceptée dans le cube a la moindre étendue possible ; et il se pourrait fort bien que la surface gauche du second ordre, qui pourtant n’est pas la moindre de toutes celles qui remplissent cette condition, fût néanmoins, entre ces limites, d’une moindre étendue que celle qu’on donne ici. Ce serait, au surplus, une chose facile à vérifier.

    Le problème général, dont celui-ci est un cas particulier, serait le suivant : Deux portions de courbes, isolées l’une de l’autre, se terminant de part et d’autre à deux surfaces courbes, aussi isolées l’une de l’autre étant données ; faite passer par ces deux courbes une surface dont l’étendue, comprise entre elles et les deux surfaces données, soit la moindre possible ?

    J. D. G.