Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 10/Analise algébrique, article 2

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ANALISE ALGÉBRIQUE.

Du développement des fractions rationnelles composées
en fractions partielles ;

Par M. ***
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Cette matière a été traitée, avec beaucoup de soin et d’étendue, dans l’Introductio in analisin infinitorum d’Euler, et ensuite dans les Institutiones calculi différentialis du même auteur. Cependant, je ne crois pas que les méthodes consignées dans ces excellens ouvrages soient à la fois les plus faciles et les plus expéditives. Je vais en exposer une qui, à plusieurs égards, me paraît mériter la préférence.

Problème I.

2. Étant donné la fraction dans laquelle est le produit des deux facteurs inégaux on propose de la décomposer en cette suite de fractions partielles


 ?

Je fais

d’où

et par conséquent

en posant, pour abréger,

Donc la fraction proposée

Mais, en ordonnant la suite qui résulte de cette fraction par rapport à comme il conviendrait dans l’hypothèse de infiniment petit, il est clair que les premiers termes de la suite ainsi ordonnée seraient puisque le développement des autres parties ne peut donner aucune puissance négative de donc les termes

sont précisément les premiers termes que fournira le développement de l’expression

Mais on a

donc

jusqu’à ce qu’on ait de ces quantités.

En opérant semblablement sur l’autre facteur et faisant

la fraction se trouvera décomposée en ces deux suites

dont chacune doit avoir termes.

Puisque et les quantités peuvent s’exprimer par le moyen de et seulement ; ainsi on aura

3. Si l’on suppose que le développement de la fraction donne la suite récurrente

pour en avoir le terme général on fera, pour abréger,

et le terme général demandé sera

4. Si les facteurs de sont imaginaires, on les représentera par et et, comme on peut prendre sans que le calcuL en soit moins général, on aura

mais, alors donc

On aura semblablement en changeant le signe de donc, la suite qui vient du développement de la fraction a pour terme général

en continuant ainsi jusqu’à ce qu’on ait termes.

5. On peut simplifier cette formule, en réduisant des termes an même dénominateur, alors elle devient, après plusieurs réductions

Euler a démontré cette formule pour quelques cas particuliers ; dans son Introduction.

Problème. II.

6. Décomposer la fraction en cette suite de fractions simples

en supposant que sont les trois facteurs inégaux de

Soit d’où en posant pour abréger

la quantité deviendra Mais en regardant comme infiniment petit, les seuls termes infinis qui résultent de la fraction proposée sont

Ces mêmes termes se tireront de l’expression développée jusqu’au me terme, et par conséquent on aura

égalité vraie, en développant le premier membre jusqu’à la puissance de seulement.

7. On aura donc

D’ailleurs, le terme général des quantités est assignable ; car, au lieu de la suite soit pris, pour plus de simplicité, et on aura c’est-à-dire, le terme qu’on voudra, dans la suite exprimé de cette manière,

Si, relativement aux autres racines on fait les mêmes opérations, et que les quantités analogues à soient et , la fraction proposée se changera en ces trois suites de fractions simples

Au lieu de déduire les quantités et leurs analogues de la loi générale exposée ci-dessus, on pourra, si l’on veut, les tirer du développement de la fraction , qui doit donner jusqu’au me terme inclusivement ; de sorte que, dans ce développement, on pourra négliger et les puissances supérieures de

8. Si la quantité avait deux facteurs égaux la quantité serait zéro ; et en faisant toujours on aurait à développer ce qui donnerait

et il faudrait prendre termes de cette suite.

Quant au troisième facteur on pourrait opérer comme dans le cas général ; mais, comme alors ne peut manquer d’être un quarré, le résultat doit être fort simple.

Pour y parvenir directement, je considère la quantité ou, plus généralement, Je fais elle devient d’où résulte la suite

dont il faut prendre termes.

Supposons ensuite on aura une pareille suite pour l’autre facteur, et l’expression proposée se partagera en ces deux suites,


la première devant avoir termes et la seconde

Problème III.

9. En général, soit la fraction rationnelle dans laquelle le plus grand exposant de dans le dénominateur soit plus grand que dans le numérateur. Soit un facteur de on demande les fractions partielles qui en résultent ?

En représentant ces fractions par

je ferai, à l’ordinaire ; et la fraction deviendra de cette forme

je développerai en série la fraction

qui me donnera

en sorte que je n’aurai besoin que des premiers termes de cette suite, et que je pourrai négliger, dans mon calcul, les à mesure qu’ils se présenteront.

Je ferai un calcul semblable sur les autres facteurs du dénominateur et ma fraction sera décomposée avec le moins de travail possible.

10. Exemple I. Soit proposé de décomposer la fraction

1.o Relativement au facteur il n’est pas nécessaire de faire on peut développer jusqu’aux inclusivement ; en rejetant les son dénominateur se réduit à et l’on a

en se bornant à trois termes ; donc les fractions partielles qui résultent du facteur sont

2.o Soit ou la fraction étant calculée en rejetant les donnera

donc les fractions partielles qui résultent du facteur sont

3.o Si l’on fait enfin d’où la fraction deviendra, en rejetant les

donc le facteur donnera les fractions partielles

Rassemblant donc ces trois résultats, on aura


Exemple 2. Soit proposé de décomposer en fractions partielles la fraction

 ?

(Voyez cet exemple à la fin du Calcul différentiel d’Euler.)

Si l’on appelle l’arc de et qu’on prenne

étant un entier ; un facteur quelconque du dénominateur sera Soit donc

ou

comme il n’y a point de facteurs égaux, il suffira d’avoir, dans le numérateur, le terme constant, et dans le dénominateur celui qui est affecté de au premier degré. On aura donc

Mais, à cause de et cette expression devient

C’est la fraction partielle demandée. Elle ne peut manquer d’être accompagnée de la fraction

la somme des deux donnera la fraction réelle

quant au signe ambigu ; il est relatif à celui de dans la valeur

Si l’on donne à les valeurs successives jusqu’à ce qu’on ait de ces fractions, leur somme sera égale à la fraction proposée.

Problème. IV.

12. Soit un facteur du dénominateur de la fraction rationnelle on propose de trouver directement les fractions partielles

sans être obligé de se servir des facteurs réels ou imaginaires de  ?

Je ferai ou Éliminant, au moyen de cette équation, toutes les puissances de supérieures à la première, j’aurai

dans laquelle ne contiendront point d’ On éliminera absolument du dénominateur, en multipliant les deux termes de la fraction par et prenant

on aura ainsi

Faisant ensuite


on aura les coefficiens cherchés

13. Exemple I. Il s’agit de décomposer la fraction

 ?

1.o Soit la fraction devient

Pour chasser tout-à-fait les du dénominateur de je multiplie les deux termes par et j’ai

ou simplement,

parce que est inutile. Or, en rejetant toujours les

donc le facteur donne les fractions partielles

2.o Soit ou la fraction proposée deviendra ou simplement Maintenant donc la fraction partielle qui résulte du facteur est et par conséquent

14. Exemple II. Décomposer l’expression en fractions partielles ?

Les facteurs de sont et Soit on aura Maintenant si, dans la quantité on rejette les et qu’on élimine les puissances de supérieures à la première, on aura

Pour chasser les du dénominateur, je trouve qu’il faut multiplier les deux termes par alors cette fraction devient

donc le facteur donne les fractions partielles

L’autre facteur donnera pareillement, en changeant le signe de

et ces six fractions équivaudront à la fraction proposée

Remarque. Si, après avoir décomposé la fraction dont le numérateur est on proposait une fraction semblable dont le numérateur fût à volonté ; on pourrait, sans recommencer le calcul, multiplier les parties trouvées par la valeur du numérateur. Ainsi, on trouverait pour l’expression

par laquelle multipliant ce que nous avons déjà trouvé

le produit serait

donc la fraction proposée , équivaut à la somme de celles-ci


.[1]

  1. On trouve, à la page 279 du III.e volume de ce recueil, un mémoire sur le même sujet, par M. de Stainville qui l’a reproduit, avec quelques modifications, à la page 556 de ses Mélanges d’analise et de géométrie. (In-8°, Paris, veuve Courcier, 1815.)
    J. D. G.