Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 13/Géométrie élémentaire, article 1

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GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Démonstration de la propriété de minimum
dont jouissent la circonférence du cercle, entre les périmètres
des figures planes de même surface, et la surface de la sphère
entre les surfaces des corps de même volume ;

Par un Abonné.
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On a vu à la page 61 du présent volume, que, même en employant les puissans moyens que fournit la méthode des variations, il n’est pas du tout aisé d’établir la propriété dont jouit la sphère d’être le corps de moindre surface entre tous ceux de même volume, ou le corps de plus grand volume entre tous ceux de même surface. C’est pourtant là une propriété tellement saillante qu’on ne saurait trop s’efforcer d’en rendre la démonstration assez simple pour pouvoir l’introduire dans les élémens de géométrie, et tel est le but que nous nous proposons ici ; Mais, comme la propriété dont jouit le cercle d’être la figure plane de moindre périmètre entre toute celle de même surface, ou la figure plane de plus grande surface entra celles de même périmètre, a une très-grande analogie avec celle-là, nous nous en occuperons également. Ce sujet a déjà été traité à la page 338 du IV.e volume du présent recueil ; et si nous y revenons de nouveau ici, c’est uniquement dans la vue de le présenter d’une manière plus simple.

LEMME I. De tous les triangles de même base et qui ont leur sommet sur une même droite indéfinie, celui dans lequel la somme des deux autres côtés est la moindre possible, est celui dans lequel ces deux côtés font des angles égaux avec la droite indéfinie.

Démonstration. Soient (fig. 11) la base commune à tous ces triangles, et la droite indéfinie sur laquelle leurs sommets doivent être situés ; de l’une quelconque des extrémités de cette base soit abaissée sur une perpendiculaire prolongée au-delà de cette droite d’une quantité En quelque point de que l’on veuille placer le sommet de l’un des triangles dont il s’agit, on aura toujours donc sera la moindre possible ; quand sera la moindre possible ; c’est-à-dire, lorsque le point sera en ligne droite avec les points et mais alors les angles et seront égaux, comme opposés par le sommet ; puis donc que, par suite de la construction, les angles et sont aussi égaux ; il s’ensuit que les angles et doivent aussi être égaux, comme nous l’avons annoncé.

LEMME II. De tous les trapèzes qui ont bases égales et même hauteur, le trapèze isocèle, c’est-à-dire, celui dans lequel les deux côtés non parallèles sont égaux, est aussi celui dans lequel la somme des longueurs de ces deux côtés est la moindre possible.

Démonstration. Soit (fig. 12) la base commune à tous ces trapèzes, et soit la droite indéfinie sur laquelle doit se trouver l’autre base ; en portant la longueur de cette dernière sur en vers de quelque manière que l’on pose cette base sur on aura toujours d’où il suit que, pour que soit la moindre possible, il sera nécessaire et il suffira que soit elle-même la plus petite possible ; donc (Lemme I.) les angles et devront être égaux ; il en sera donc de même de leurs alternes internes et on devra donc avoir et par conséquent Le trapèze devra donc être isocèle ; ainsi qu’il avait été annoncé.

LEMME III. De toutes les pyramides triangulaires qui ont pour base commune un même trapèze et dans lesquelles le sommet se trouve situé sur une même parallèle aux côtés parallèles de cette base ; celle dans laquelle la somme des aires des faces latérales qui ont pour base les deux côtés non parallèles de ce trapèze est la moindre possible, est celle dans laquelle les plans de ces deux faces sont également inclinés sur le plan du trapèze.

Démonstration. Soient et (fig. 13) les deux côtés parallèles d’un trapèze, base commune d’une suite de pyramides quadrangulaires de même hauteur, ayant toutes leurs sommets sur une même parallèle à ces deux droites, parallèle dont nous supposerons que la projection sur le plan de la base de la pyramide soit coupant en et respectivement les deux côtés non parallèles et de cette base.

Des deux extrémités et de l’un des côtés parallèles du trapèze soient abaissées les perpendiculaires et sur la direction du côté opposé Soient prolongés les côtés et au-delà de et en et de telle sorte que et soient égales à la hauteur commune de toutes nos pyramides. Des points et élevons des perpendiculaires sur et terminées en et à leur rencontre avec les perpendiculaires élevées à en et enfin menons la droite

Considérons présentement une de nos pyramides, dont le sommet se projette au point de menons, par ce point la droite perpendiculaire commune aux deux côtés parallèles du trapèze, et conséquemment égale à et Menons les droites et et abaissons sur les directions de et les perpendiculaires et

Si l’on joint le sommet de la pyramide au point par une droite, cette droite sera évidemment la hauteur de la face latérale dont est la base ; cette hauteur sera donc l’hypothénuse d’un triangle rectangle ayant pour l’un des côtés de l’angle droit et pour l’autre la hauteur de la pyramide, c’est-à-dire, une longueur égale à de sorte que la hauteur de cette face triangulaire aura pour expression

or, les trois triangles rectangles semblables et donnent

donc

au moyen de quoi la hauteur de la face latérale dont la base est se trouvera simplement exprimée par

et par conséquent l’aire de cette face aura pour expression

Or, comme les circonstances sont absolument les mêmes de part et d’autre de la droite il s’ensuit que l’aire de la face latérale dont la base est devra avoir pour expression

la somme des aires des deux faces latérales ayant pour bases et aura donc pour expression

ou

à cause du facteur constant il sera nécessaire et il suffira, pour que cette somme soit la moindre possible, que la somme le soit elle-même, ce qui exigera (Lemme I ) que le point soit tellement situé sur que les angles et soient égaux entre eux.

Les deux triangles rectangles et devront donc être semblables ; de sorte qu’on devra avoir

mais les triangles rectangles semblables déjà employés donnent

multipliant donc ces proportions terme à terme, il viendra, eu réduisant

or, par construction, les deux derniers termes de cette proportion sont égaux ; donc, on doit avoir ce qui montre que le point doit être l’intersection de avec la droite qui divise en deux parties égales l’angle formé par les directions des côtés non parallèles et du trapèze, base de la pyramide.

On voit de plus que les triangles rectangles formés par la hauteur de la pyramide, les perpendiculaires égales et et les hauteurs des deux faces latérales ayant pour bases et seront égaux ; d’où il suit que les plans de ces faces seront également incliné sur celui de la base de la pyramide, ainsi qu’on l’avait annoncé.

LEMME IV. De tous les troncs de prismes triangulaires qui ont les trois mêmes arêtes latérales et la même section perpendiculaire à leur direction commune, celui dans lequel la somme des aires des deux bases est la moindre possible est le tronc de prisme triangulaire isocèle, c’est-à-dire, celui dans lequel le plan qui passe par les milieux des trois arêtes latérales est perpendiculaire à leur direction commune.

Démonstration. Soit (fig. 14) la section perpendiculaire aux arêtes d’un tronc de prisme triangulaire. Par l’un des sommets de l’une des bases soit conduit un plan parallèle au plan de l’autre base ce plan détachera du tronc une pyramide quadrangulaire, ayant pour base le trapèze et devant avoir son sommet en quelque point de la parallèle menée par le point aux deux bases de trapèze. En outre, les deux triangles et seront égaux ; de sorte que, la face latérale étant donnée, pour que la somme des aires des deux bases soit la moindre possible, il sera nécessaire et il suffira que la somme des aires des faces latérales de la pyramide, ayant pour bases les côtés non parallèles et du trapèze, soit la moindre possible, ce qui exigera (Lemme III) que l’arête soit tellement située que les plans de ces deux faces soient également inclinés sur la base de ce trapèze ; d’où il résultera que les deux bases et seront aussi également inclinées sur la face latérale

Ainsi, les situations de deux des arêtes latérales de tronc étant données, la situation de la troisième qui rend minimum la somme des aires des deux bases est celle qui rend ces bases également inclinées sur le plan des deux autres arêtes ; d’où il suit que, pour que la somme des aires de ces bases soit un minimum absolu, il faut que leurs plans soient également inclinés sur celui de chacune des trois faces latérales ; or, c’est ce à quoi on parvient évidemment en plaçant les milieux des trois arêtes sur le plan de la section perpendiculaire a leur direction commune ou, en d’autres termes, en rendant le tronc isocèle.


THÉORÈME I. Entre toutes les figures planes de même surface, le cercle est celle qui a le moindre périmètre.

Démonstration. Si l’on nie cette proposition, il faudra admettre que, parmi les figures planes d’une même étendue donnée, celle de moindre périmètre est autre que le cercle ; et que c’est par conséquent une figure dans laquelle on pourra trouver deux cordes parallèles, infiniment voisines, qui n’auront pas leurs milieux sur une même perpendiculaire à leur direction commune.

Soit (fig. 15) une de ces cordes, et soit la perpendiculaire indéfinie menée à sa direction par son milieu soit la corde consécutive à ayant son milieu hors de si l’on fait glisser cette corde jusqu’à ce que son milieu se trouve sur cette droite, en faisant suivre le mouvement à toute la partie intérieure de la figure ; sa surface totale n’en aura éprouvé aucun changement, mais la somme et conséquemment le périmètre (Lemme II) sera devenu moindre ; d’où l’on conclura que la surface proposée n’est pas celle de moindre périmètre, entre toutes celles qui lui sont équivalentes.

Corollaire. Il suit de là qu’entre toutes les surfaces planes de même périmètre, le cercle est celle de plus grande étendue. Supposons en effet que l’on prétende que la surface de moindre étendue, sous un périmètre donné soit une surface différente d’un cercle. Soit fait un cercle équivalent à son périmètre par ce qui précède, sera donc, si l’on fait un cercle dont le périmètre soit ce cercle aura une surface plus grande que et conséquemment plus grande que d’où il résultera que ne sera pas la plus grande surface contenue sous le périmètre comme on l’avait d’abord supposé.

THÉORÈME II. De toutes les courbes planes qui, ayant une corde commune, enferment le même espace entre elles et cette corde, l’arc de cercle est celle de moindre longueur.

Démonstration. Admettons qu’il n’en soit pas ainsi. Soit l’arc de cercle et un arc d’une autre courbe, d’une longueur enfermant le même espace et soit achevée la circonférence. Supposons que la longueur du surplus soit et qu’elle enferme un espace nous aurions ainsi un même espsce renfermé d’une part par une circonférence dont la longueur serait et d’une autre par une courbe non circulaire dont le périmètre serait ce qui est impossible (Théorème I).

Corollaire. Par un raisonnement tout semblable à celui dont nous avons fait usage dans le précédent corollaire, on démontrera qu’à l’inverse entre tous les arcs de courbes de même longueur, qui ont une corde commune, l’arc de cercle est celui qui renferme le plus grand espace entre lui et sa corde.

THÉORÈME III. Entre tous les corps de même volume, la sphère est celui qui à la moindre surface.

Démonstration. Si l’on nie cette proposition, il faudra admettre que, parmi tous les corps d’un même volume donné, celui de moindre surface est autre que la sphère, et que c’est par conséquent un corps dans lequel on pourra trouver trois cordes parallèles infiniment voisines, au moins, non situées dans un même plan, dont les milieux ne soient pas dans un même plan perpendiculaire à leur direction commune.

Soit (fig. 16) le milieu d’une corde, et soit le plan de la figure un plan conduit par ce milieu, perpendiculairement à sa direction ; soient les points où ce plan est percé par deux autres cordes parallèles à celle-là qui en soient infiniment voisines et qui ne soient pas situées dans le même plan avec elle ; et supposons que ces deux nouvelles cordes n’aient point leurs milieux en et Concevons le plan de la figure partagé en un réseau de triangles infiniment petits, par les sommets desquels soient menées des cordes parallèles aux trois premières ; ces cordes seront les arêtes latérales d’une suite de troncs de prismes triangulaires dont nos triangles seront des sections perpendiculaires aux arêtes.

Cela posé, on pourra faire glisser les cordes ou arêtes qui passent par et jusqu’à ce qu’elles aient leurs milieux en ces points. En opérant ainsi de proche en proche sur toutes celles des autres cordes qui n’auront pas leur milieu sur notre plan, jusqu’à ce qu’on les ait amenées à les y avoir toutes, on n’aura point changé le volume au corps dont il s’agit, tandis qu’on en aura (Lemme IV) diminué la surface ; d’où l’on conclura que cette surface n’était pas la moindre de toutes celles qui pouvaient contenir le volume donné.

Corollaire, Il suit de là qu’entre tous les corps de même surface, la sphère est celui du plus grand volume. Supposons, en effet, que l’on prétende que le volume de moindre étendue, sous une surface donnée soit un volume différent de la sphère. Soit faite une sphère équivalente à sa surface sera, par ce qui précède donc, si l’on fait une sphère dont la surface soit égale à cette sphère aura un volume plus grand que et conséquemment d’où il résulterait que ne serait pas le plus grand volume contenu sous la surface ainsi qu’on l’avait supposé.

THÉORÈME IV. De toutes les surfaces courbes qui, se terminant à une même circonférence de cercle, renferment le même volume entre elles et le plan de ce cercle, la calotte sphérique est celle de moindre étendue.

Démonstration. Supposons qu’il n’en soit pas ainsi. Soit la calotte sphérique et une autre surface enfermant le même volume et soit achevée la sphère. Supposons que la surface du surplus soit enfermant un volume nous aurions donc ainsi un même volume enfermé d’une part par une surface sphérique et d’une autre par une surface moindre ce qui est impossible (Théorème III)[1].

Corollaire. Par un raisonnement tout semblable à celui dont nous ayons fait usage, dans le précédent corollaire, on démontrera qu’à l’inverse de toutes les surfaces courbes de même étendue, terminées à une même circonférence de cercle, la calotte sphérique est celle qui enferme le plus grand volume entre elle et ce cercle.

  1. Ceci explique, en particulier, pourquoi les bulles de savon sont sensiblement sphériques ; elles le seraient rigoureusement si elles étaient partout d’une épaisseur uniforme, et si la pesanteur n’existait pas.
    J. D. G.