Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 13/Géométrie élémentaire, article 2

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Démonstration du théorème de géométrie énoncé
à la page
 321 du XII.e volume des Annales ;

Par MM. Pagani Michel, ingénieur à Genève,
Par MM. Querret, chef d’institution à St-Malo,
Par MM. Et Durrande, professeur de physique au collége
royal de Cahors.
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THÉORÈME. La circonférence qui passe par les centres de trois quelconques des quatre cercles qui touchent à la fois les trois côtés d’un triangle quelconque est double de celle qui passe par les trois sommets de ce triangle.

Démonstration. Soient (fig. 17) les trois sommets du triangle dont il s’agit. Concevons que l’on en ait divisé les trois angles en deux parties égales par des droites ; il est connu que ces droites concourront toutes en un même point centre du cercle inscrit. Par les sommets d’où parlent ces droites, menons-leur respectivement des perpendiculaires, formant, par leur rencontre deux à deux, un nouveau triangle circonscrit au premier. Soient les sommets qui, dans ce dernier, sont respectivement opposés aux sommets du premier ; ces points seront, comme l’on sait, les centres des trois cercles ex-inscrits au triangle c’est-à-dire, les centres de trois cercles dont chacun touche, à la fois, un côté du triangle et les prolongemens des deux autres.

Les points et étant ainsi les centres de deux cercles inscrits à un même angle devront se trouver en ligne droite avec le sommet de cet angle ; et, pour de semblables raisons, les points ainsi que les points seront également en ligne droite ; de sorte que le point intersection des droites qui divisent en deux parties égales les trois angles du triangle pourra aussi être considéré comme celui où se croisent les perpendiculaires abaissées de chaque sommet sur la direction du côté opposé, dans le triangle et que le triangle aura ses sommets aux pieds de ces perpendiculaires.

Remarquons présentement que, lorsque deux triangles ont un côté égal, et que l’angle opposé dans l’un est supplément de l’angle opposé dans l’autre, ces deux triangles sont nécessairement inscriptibles à un même cercle ou à des cercles égaux ; puisqu’en les opposant base à base, on formera un quadrilatère ayant deux angles opposés supplément l’un de l’autre ; et conséquemment inscriptible au cercle ; et que le cercle qui lui sera circonscrit le sera en même temps aux deux triangles dont il s’agit.

Or, à cause des angles droits opposés en et le quadrilatère est inscriptible au cercle ; donc l’angle et conséquemment son opposé au sommet est supplément de l’angle d’où il suit, par ce qui vient d’être dit ci dessus, que les deux triangles et sont inscriptibles à des cercles égaux ; et, comme on prouverait évidemment la même chose de chacun des deux triangles comparés au même triangle il s’ensuit que les circonférences qui passent par les centres de trois quelconques des quatre cercles qui touchent à la fois les trois côtés d’un même triangle sont toutes égales entre elles, et ont conséquemment même rayon. Il reste donc à établir que le rayon de l’une d’elles, de celle qui est circonscrite au triangle par exemple, est double du rayon de celle qui est circonscrite au triangle .

Pour y parvenir, remarquons d’abord que le rayon du cercle circonscrit à un triangle étant égal au produit de ses trois côtés divisé par l’aire du triangle, et l’aire d’un triangle étant la moitié du produit de deux quelconques de ses côtés par le sinus de l’angle compris, il s’ensuit que le rayon du cercle circonscrit à un triangle est égal à un de ses côtés divisé par le double du sinus de l’angle opposé ; ce que l’on peut d’ailleurs démontrer directement d’une manière fort simple.

Cela posé, si l’on désigne par et respectivement les rayons des cercles circonscrits aux triangles et on aura

Mais, si l’on circonscrit au triangle un cercle, dont le rayon sera ce cercle se trouvera aussi circonscrit au triangle de sorte que son rayon pourra également être exprimé par AB d’où il suit que

mettant donc dans cette dernière équation pour et les valeurs trouvées ci-dessus, elle deviendra

Or, parce que le quadrilatère est inscriptible au cercle, l’angle ou doit être égal à ou ou moitié de l’angle au moyen de quoi la dernière équation ci-dessus devient

ce qui donne, en réduisant,

Présentement, de même qu’on a on doit avoir pareillement

d’où, en ajoutant,

donc

donc finalement

ce qui complète la démonstration du théorème.

Telle est, en substance, la démonstration donnée par MM. Pagani et Querret. M. Durrande, en partant des mêmes préliminaires, emploie, pour parvenir au but, un très-élégant théorème de géométrie élémentaire, démontré par M. Poncelet, à la page 215 du XI.e volume du présent recueil ; lequel consiste en ce que les pieds des perpendiculaires abaissées des sommets d’un triangle (fig. 18) sur les directions des côtés opposés, les milieux de ces mêmes côtés, et les milieux des distances des sommets au point où se croisent les trois perpendiculaires, sont neuf points appartenant à une même circonférence.

Il en résulte d’abord immédiatement que le cercle circonscrit au triangle l’est également au triangle semblable à et ayant ses côtés moitié des siens ; d’où il suit que le rayon du cercle circonscrit à ce dernier doit être double de celui du cercle circonscrit au triangle

En outre, le même cercle circonscrit à l’est aussi à semblable à et ayant ses côtés moitié des siens ; d’où il résulte que le rayon du cercle circonscrit à ce dernier doit aussi être double de celui du cercle circonscrit à et conséquemment égal à celui du cercle circonscrit à ce qui démontre complètement le théorème.

En renversant le théorème proposé, on obtient le suivant :

THÉORÈME. La circonférence du cercle circonscrit à un triangle est égale à celle de chacun des cercles qui passent par deux de ses sommets et par le point de concours des perpendiculaires abaissées de ces mêmes sommets sur les directions des côtés opposés ; chacune d’elles est double de celle qui passe par les pieds des trois perpendiculaires.

Bien que ce dernier théorème se trouve suffisamment établi par ce qui précède, M. Durrande le démontre aussi directement, par les fonctions circulaires.