Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Algèbre élémentaire, article 2

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ANALISE ALGÉBRIQUE.

Sur le calcul des fractions continues périodiques.

Par M. ***

Dans un précèdent article nous avons fait voir que les racines des équations du second degré pouvaient toujours être exprimées par des fractions continues de la forme très-simple

où les périodes, d’un seul terme, se présentent immédiatement. Cette remarque donnant aux fractions continues de cette forme un nouveau degré d’intérêt, on peut se proposer de les combiner avec des quantités rationnelles de toutes les manières qui naissent de la diversité des opérations du calcul, et d’obtenir le résultat en fraction continue de même forme qu’elles ; et tel est le sujet qui va nous occuper,

Soit

une fraction continue donnée, équivalente conséquemment à une des racines de l’équation

et soit un nombre rationnel donné. Si d’abord on veut avoir leur somme, en représentant cette somme par on aura

d’où

au moyen de quoi l’équation du second degré deviendra

ou, en développant et ordonnant

ce qui donne

de sorte qu’on aura

(I)

En changeant le signe de dans cette formule, elle devient

(II)

tel est donc le reste qu’on obtient en retranchant de notre fraction continue un nombre rationnel donné.

On peut encore écrire

équation qui devient, en changeant les signes

(III)

tel est donc le résultat qu’on obtient, en retranchant notre fraction continue d’un nombre rationnel donné.

Si, dans cette dernière formule, on fait elle deviendra

ce qui nous montre qu’on ne change rien à une fraction continue de la nature de celles que nous considérons ici en la retranchant du dénominateur commun de ses fractions intégrantes, pris en signe contraire.

On sait que, dans l’équation

la somme des racines est d’où il suit qu’en retranchant l’une d’elles de on doit avoir l’autre pour reste ; puis donc qu’en retranchant de une des racines, mise sous forme de fraction continue, on trouve cette même fraction continue pour reste ; il s’ensuit que, comme nous l’avons déjà fait observer dans le précédent article, une fraction continue périodique exprime implicitement les deux racines d’une équation du second degré ; de sorte que, bien que rationnelle, ce n’en est pas moins une fonction biforme, susceptible, comme l’expression finie des racines de ces sortes d’équations, de passer du réel à l’imaginaire. C’est ce qui arrive, en effet, lorsque le numérateur commun des fractions intégrantes est négatif et plus grand que le quart du quarré de leur dénominateur commun. Aussi arrive-t-il alors que les réduites consécutives cessent d’être convergentes.

Cette remarque donne l’explication d’une sorte de paradoxe que semble offrir l’équation

elle donne, en transposant,

mais il faudrait bien se garder d’en conclure, comme on semblerait fondé à le faire,

attendu que, dans le premier membre de l’équation qui précède immédiatement cette dernière, les deux fractions continues, bien que de même forme, doivent être réputées exprimer des racines différentes. On voit par là, pour le dire en passant, avec quelle circonspection on doit raisonner sur ces sortes de développemens.

Soit toujours

une fraction continue donnée, et désignons par le produit de sa multiplication par un nombre rationnel nous aurons ainsi

d’où

mettant cette valeur dans l’équation

elle deviendra

d’où

de sorte qu’on aura

(IV)

c’est-à-dire qu’on multiplie une fraction continue périodique de la nature de celles que nous considérons ici par un multiplicateur rationnel quelconque, en multipliant simplement les numérateurs de ses fractions intégrantes par le quarré et leurs dénominateurs par la première puissance de ce multiplicateur.

On conclut de là ou bien du changement de en

(V)

Si l’on divise l’unité par les deux membres de cette dernière équation, il vient, toutes réductions faites

(VI)

Si, dans cette dernière formule, on fait k=s-p, il viendra

c’est-à-dire qu’en divisant par une fraction continue de la nature de celles que nous considérons ici le numérateur commun de ses fractions intégrantes pris en moins, on obtient pour quotient cette même fraction continue.

On sait que dans l’équation

le produit des racines est d’où il suit qu’en divisant par l’une d’elles, on doit obtenir l’autre pour quotient ; puis donc qu’en divisant par l’une d’elles, mise sous forme de fraction continue périodique, on obtient pour quotient cette fraction continue périodique, il s’ensuit de nouveau, comme nous l’avons déjà remarqué ci-dessus, que, sans sa forme unique, cette fraction exprime pourtant les deux racines de l’équation du second degré de laquelle elle est dérivée.

Ainsi s’explique l’espèce de paradoxe auquel semblerait donner lieu le dernier résultat que nous avons obtenu ci-dessus, lequel donne, en chassant le dénominateur,

sans que toutefois on en puisse conclure, comme on semblerait autorisé à le faire,

La première de ces deux équations ne saurait subsister, en effet, qu’autant que les deux fractions continues, dont le produit compose son premier membre, expriment des racines différentes. Voilà donc encore une nouvelle preuve de la réserve qu’on doit apporter dans l’emploi des expressions de cette forme.

Cherchons présentement les puissances successives de la fraction continue

En représentant son quarré par et éliminant entre les deux équations,

il viendra

ce qui donne

d’où

S’il s’agit du cube de la même fraction continue, en le représentant par on aura à éliminer entre les deux équations

cela donnera

d’où

de sorte qu’on aura

En procédant d’une manière analogue pour les puissances supérieures, on trouvera successivement



et, en général,

Le signe supérieur ou le signe inférieur devant être pris, suivant que est pair ou impair.

Quant aux racines des fractions continues périodiques, on sent qu’elles ne sauraient être développables en fractions continues périodiques rationnelles que dans des cas très-particuliers ; et en conséquence, nous ne nous en occuperons pas.

Pour les mêmes raisons, nous ne nous occuperons pas non plus de la recherche de la somme, de la différence, du produit ou du quotient de la division de deux fractions continues périodiques ; car ces résultats, étant évidemment susceptibles de quatre valeurs différentes, ne sauraient, généralement parlant, être développés en fractions continues périodiques rationnelles.

Dans les recherches qui viennent de nous occuper, nous avons souvent rencontré des fractions continues périodiques de la forme

et on peut désirer de leur substituer d’autres fractions continues dans lesquelles toutes les fractions intégrantes soient positives. C’est là une chose très-facile, au moyen d’une extension donnée à une remarque de Lagrange, sur les fractions continues dans lesquelles les numérateurs sont égaux à l’unité. Nous pouvons d’abord écrire

or, on a l’équation identique

en substituant donc, il viendra

et par conséquent

en posant, pour abréger,

Mais, par une transformation analogue, on trouve

donc, en substituant et mettant pour sa valeur,

Mais, pour que cette transformation conduise au but, encore faut-il que soit plus grand que et l’on n’obtient finalement qu’une fraction continue peu convergente, qui n’est plus immédiatement périodique et dont les périodes ont deux termes. Au surplus, il résulte, de ce qui a été dit dans l’article auquel celui-ci fait suite, que, quelle que soit une fraction continue périodique, on peut toujours, à moins qu’elle n’exprime des imaginaires, la ramener, et même d’une infinité de manières différentes, à la forme

ou sont des nombres entiers positifs.