Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Analise transcendante, article 5
ANALISE TRANSCENDANTE.
Dissertation sur la théorie des logarithmes ;
de l’école polytechnique.
Euler a démontré que, dans chaque système logarithmique, un même nombre a une infinité de logarithmes différens, dont un seul est réel et tous les autres imaginaires. La Réciproque de cette proposition, qui ne paraît avoir encore été jusqu’ici démontrée par personne, est également vraie, c’est-à-dire que, pour une base donnée quelconque, un même logarithme appartient à une infinité de nombres différens.
Démontrons d’abord la proposition directe. On sait que
pourvu que, dans cette expression, on fasse [1]. Ainsi ayant une infinité de valeurs, on peut déjà, au premier coup-d’œil, conclure de suite que a également une infinité de valeurs. Mais il est aisé, en outre, d’en donner l’expression. Soit d’abord positif ; on peut écrire
où représentera alors uniquement la racine .me réelle de ; or, on sait que
où est un nombre entier pair quelconque ; et à cause de on peut écrire simplement
donc
si donc on représente simplement par le logarithme réel de on aura
et comme, à cause de on a on pourra écrire simplement
Par un raisonnement analogue, on prouvera que
où désigne un nombre entier impair quelconque.
La réciproque se tire de la même équation (1} qui, étant résolue par rapport à donne
d’où, à cause de infini, on peut conclure
et, comme cette formule a lieu quel que soit il est permis de le supposer entier et positif. Si donc nous représentons par le nombre réel correspondant au logarithme réel donné, à cause de infini, d’où résulte nous aurons
formule qui, comme la formule (1), est susceptible d’une infinité de valeurs différentes. On peut d’ailleurs vérifier immédiatement cette dernière formule, en prenant les logarithmes des deux membres ; on a ainsi
et cela quel que soit
Ces considérations nous semblent de nature à terminer, une fois pour toutes, le différend qui s’est élevé autrefois entre Euler et d’Alembert, sur la nature des logarithmes des quantités négatives, en montrant que la vérité était du côté du dernier de ces deux illustres géomètres. En effet, puisque, dans l’expression générale se trouvent compris, comme cas particuliers, les nombres et nous devons en conclure avec lui que les logarithmes des quantités négatives sont les mêmes que ceux de ces mêmes quantités prises positivement. Au surplus, voici une autre démonstration de cette dernière proposition qui est tout aussi concluante.
Soit
et par suite
or,
d’où
donc, en retranchant et remettant ensuite pour sa valeur en
Cette série nouvelle est remarquable en ce qu’elle converge toujours, quelque valeur entière ou fractionnaire, positive ou négative, grande ou petite qu’on y mette pour et en ce qu’elle reste aussi la même en y mettant à la place de de sorte que sa convergence, peu rapide à la vérité, demeure la même dans les deux cas, bien que la somme de ses termes puisse différer singulièrement de l’un à l’autre. Mais ce qui la rend principalement digne de remarque, et ce qui nous détermine à la faire connaître, c’est que, ne contenant que des puissances paires, elle est tout-à-fait indifférente au signe de et prouve ainsi sans réplique que
Au surplus, malgré le peu de convergence de cette formule, on pourrait en tirer parti pour le calcul des tables, en y faisant, comme dans la formule ordinaire, et en prenant ensuite pour et deux nombres très-grands et très-peu différens.
- ↑ On sait en effet que, d’une part,
on sait d’ailleurs que
Or, dans le cas où est infini, les seconds membres de ces deux équations deviennent égaux ; donc on a sous la même condition
équation qui devient celle du texte, en y changeant en
J. D. G.