Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie élémentaire, article 1

La bibliothèque libre.

QUESTIONS RÉSOLUES.

Démonstration d’un théorème de géométrie,
énoncé à la page
 248 du précédent volume ;

Par M. Sturm[1].
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

THÉORÈME. Le point d’un plan indéfini dont la somme des distances à trois autres points est un minimum est tel que si, par ce point, on mène une perpendiculaire au plan dont il s’agit et des droites aux trois points donnés, le plan que l’on conduira par cette perpendiculaire et par l’une quelconque de ces droites divisera en deux parties égales l’angle formé par les deux autres.

Démonstration. La démonstration de ce théorème peut être facilement déduite d’un théorème de statique dont voici l’énoncé :

Si un point libre ou situé sur une surface ou ligne donnée, est sollicité par des forces, en nombre quelconque, dont les directions passent par des points fixes, et dont les intensités soient telles que la somme des produits respectifs des distances de ces points au point par les forces qui passent par ces mêmes points, soit un maximum ou un minimum, le point sera en équilibre.

Mais la réciproque de cette proposition n’est pas généralement vraie.

Ce théorème, qui n’est qu’un cas particulier de celui qui se trouve déduit du principe des vitesses virtuelles dans la Mécanique analitique (2.e édition, tom. I, pag. 67), pourrait être facilement démontré dans les traités élémentaires de statique.

Ce théorème admis, soient (fig. 4) trois points donnés hors d’un plan et le point de ce plan dont la somme des distances aux points soit un minimum. Si l’on conçoit le point poussé contre le plan par trois forces égales quelconques, représentées en intensité et en direction par en vertu du théorème énoncé, ce point devra demeurer en équilibre ; il faudra donc que la direction de la résultante des trois forces soit perpendiculaire au plan et cette résultante devra aussi être la même que celle de et de la résultante de et et, comme la résultante de deux forces est dans leur plan, il faudra que la perpendiculaire soit dans le plan de et mais cette dernière droite divise l’angle en deux parties égales ; donc, en effet, le plan qui passe par l’une quelconque de nos trois droites et par la perpendiculaire divise en deux parties égales l’angle formé par les deux autres.

Le théorème qui vient d’être démontré donne trois conditions pour déterminer le point du plan lorsque les trois points sont donnés ; or, comme deux d’entre elles suffisent pour déterminer ce point, il s’ensuit que chacune d’elles doit être comportée par les deux autres ; c’est-à-dire que les plans conduits par chacune des droites et par la droite qui divise l’angle des deux autres en deux parties égales, se coupent tous trois suivant une même droite, et c’est ce qu’il est facile d’ailleurs de démontrer directement pour les trois arêtes d’un angle trièdre quelconque.

Soit, en effet, (fig. 5) un angle trièdre quelconque, et soient menées les droites qui divisent ses angles en deux parties égales. Soient ensuite prises sur ses arêtes, à partir de son sommet, des parties égales quelconques et soient menées < coupées respectivement en par les points seront les milieux respectifs de d’où il suit que si l’on mène ces trois droites se couperont en un même point centre de gravité de l’aire du triangle or si, par et on mène une droite il est clair que cette droite sera à la fois dans les plans de et et et ces trois plans se coupent donc suivant la droite unique

Ainsi, dans tout angle trièdre, les plans conduits par les arêtes et par les droites qui divisent les angles plans opposés en deux parties égales, se coupent tous trois suivant une même droite ; et, d’après cela, notre théorème revient à dire que le point d’un plan dont la somme des distances à trois points donnés hors de ce plan est un minimum, doit être tel que, si l’on en fait le sommet d’un angle trièdre dont les arêtes passent par les trois points donnés, cet angle trièdre devra être tel que la commune section des plans conduits par ses arêtes et par les droites qui divisent les angles plans opposés en deux parties égales, soit perpendiculaire au plan dont il s’agit.

Au surplus, ce théorème n’est qu’un cas particulier d’un théorème plus général qu’on peut énoncer comme il suit :

THÉORÈME. Si un point est tellement situé, sur une surface quelconque, par rapport à trois autres points hors de cette surface, que la somme des produits de ses distances à ces trois points par des coefficiens soit un minimum ; le plan conduit par la normale à la surface au point et par l’une quelconque des trois droites divisera l’angle des deux autres en deux parties dont les sinus seront en raison inverse des coefficiens qui répondent à ces deux dernières droites.

Démonstration. En effet, tout étant d’ailleurs supposé comme ci-dessus (fig. 4) avec cette seule différence que les forces au lieu d’être égales, soient proportionnelles aux coefficiens et que le plan soit le plan tangent en à la surface dont il s’agit, il faudra encore ici, comme alors, que le plan conduit par la direction de l’une quelconque des forces et par la normale contienne la résultante des deux autres et divise conséquemment l’angle de celle-ci en deux autres et dont les sinus soient en raison inverse de et et conséquemment en raison inverse des coefficiens et

Le même principe de statique donnera toujours les conditions que doit remplir un point libre dans l’espace ou situé sur une surface ou une ligne donnée, pour que la somme, soit de ses distances à des points donnés, soit des produits respectifs de ces distances par des multiplicateurs donnés, soit un minimum.

On en déduit encore cet autre théorème :

THÉORÈME. Soient quatre points donnés hors d’une surface et un point tellement situé sur cette surface que la somme des produits soit un minimum. Si l’on mène un plan qui divise les angles en deux parties dont les sinus soient, pour le premier, en raison inverse de et et pour le second, en raison inverse de et ce plan contiendra la normale à la surface au point de sorte que, si l’on mène un second plan qui divise les angles en deux parties, dont les sinus soient, pour le premier, en raison inverse de et et pour le second, en raison inverse de et puis un troisième plan qui divise les angles en deux parties, dont les sinus soient, pour le premier, en raison inverse de et et pour le second, en raison inverse de et ces trois plans se couperont suivant cette même normale[2].

Genève, le 15 d’avril 1823.
  1. M. Sturm a adressé au rédacteur des Annales deux démonstrations de ce théorème ; mais, comme l’une d’elles est en tout semblable à celle qu’a donné M. Querret, à la page 329 du précédent volume, il serait superflu de la reproduire ici.
    J. D. G.
  2. Nous rappellerons encore ici que, quelque jour que puisse jeter ce qu’on vient de lire sur la question proposée à la page 380 du XII.e volume du présent recueil, cette question n’en reste pas moins à résoudre.
    J. D. G.