Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie élémentaire, article 2

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GÉOMÉTRIE.

Démonstration élémentaire des principales propriétés
des hexagones inscrits et circonscrits au cercle,
suivie de la solution de divers problèmes de géométrie ;

Par M. J. B. Durrande, professeur de physique
au collége royal de Cahors.
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Dissertation préliminaire.

Dans un mémoire, publié au commencement du XI.e volume des Annales de mathématiques, j’ai avancé que la géométrie pure, improprement appelée géométrie synthétique, telle qu’elle a été cultivée par les anciens, pouvait s’élever à toute la généralité et à toute la simplicité des autres méthodes connues. Pour appuyer cette assertion par des faits, j’ai démontré, en l’endroit cité, les principales propriétés du contact des cercles, et j’ai traité le problème du cercle tangent à trois autres d’une manière très-générale et en même temps très-élémentaire. Je me propose aujourd’hui de corroborer encore mon opinion sur ce point, en prouvant, par de nouveaux exemples, tout ce qu’on peut retirer de cette géométrie qui, bien que restreinte dans ses moyens, n’en est pas, pour cela, moins féconde en résultats importans, et qui jouit en outre du grand avantage d’être à la portée des commençans comme de toutes les autres classes de géomètres ; avantage que n’ont pas au même degré les diverses méthodes dont les modernes ont enrichi la science de l’étendue. Je le répète encore, comme je le disais alors, je ne prétends pas ici mettre la géométrie élémentaire au-dessus de ces méthodes, dont je ne conteste ni l’utilité ni le mérite ; je veux seulement prouver qu’elle peut parvenir comme elles, et avec la même élégance, aux mêmes résultats ; et qu’elle ne mérite pas le reproche de stérilité qu’on lui a adressé tant de fois, et qu’on lui adresse encore tous les jours, avec bien peu de fondement, à ce qu’il me semble.

On me permettra sans doute de revenir de nouveau sur ce sujet, puisque les reproches dont il s’agit viennent eux-mêmes d’être renouvelés, avec une sorte d’autorité, dans un ouvrage très-remarquable, qui a paru il y a peu de temps, et qui place son auteur, M. Poncelet, au nombre des géomètres distingués qui honorent à la fois leur patrie et l’école célèbre qui les a formés. M. Poncelet avait déjà émis cette opinion dans un article des Annales de mathématiques (tom. VIII, pag. 141) ; et M. Gergonne, dans un autre article, où il combattait quelques assertions de ce géomètre (pag. 156), avait aussi partagé ses idées sur la géométrie d’Euclide ; et ces deux habiles géomètres, différant d’ailleurs sur tous les autres points, s’étaient accordés à regarder cette géométrie comme dépourvue de généralité et d’uniformité dans ses procédés, et comme étant, dans quelques cas, d’une rebutante complication.

Sans examiner ici s’il ne serait pas possible de rétorquer ces divers reproches, et de faire voir qu’ils seraient, dans certaines circonstances, tout aussi bien applicables aux diverses théories géométriques auxquelles on veut attribuer exclusivement les avantages que l’on refuse à celles des anciens, je me contenterai de faire voir de nouveau, par quelques exemples, combien ces reproches sont peu fondés. Je ferai remarquer, en outre, qu’on a peut-être tort de reprocher à la géométrie élémentaire l’obligation étroite où elle se trouve de ne jamais perdre de vue les différentes lignes de construction des figures que l’on est obligé de considérer, et de passer successivement en revue tous les cas particuliers qui peuvent se présenter, puisqu’on retire souvent de cet examen attentif la connaissance des modifications importantes des propriétés auxquelles on avait précipitamment accordé une généralité trop absolue. Je dis plus, c’est que le principe de la continuité introduit par M. Poncelet, bien loin de dispenser de cet examen, le réclame au contraire impérieusement.

Il est vrai que, pour rendre la géométrie proprement dite tout-à-fait irréprochable, il faudrait la traiter d’une manière un peu plus large qu’on ne l’a fait jusqu’ici ; et elle ne devrait pas être bornée, comme elle l’est encore, dans sa partie élémentaire, à quelques propositions isolées les unes des autres, et déduites de la comparaison des triangles ou de quelques autres figures, propositions qui semblent n’y être admises que comme moyen de parvenir à la mesure des aires et des volumes. Je n’adopte nullement la distinction que MM. Gergonne et Poncelet ont voulu établir entre ce qu’ils appellent la géométrie d’Euclide, de Viète, de Fermat, etc., et la géométrie de Monge : l’une et l’autre ne sont que des procédés divers de la géométrie pure, et elles lui appartiennent également ; aussi, bien loin de la dépouiller et de la morceler, comme ou l’a fait jusqu’ici, bien loin de vouloir faire de chacune de ses parties une science à part, sous le nom de méthode des projections, méthode des transversales, méthode de Monge, etc., ne serait-il pas plus profitable de réunir ces diverses méthodes en un seul corps de doctrine qui présentât enfin un traité complet de la science de l’étendue ? Sans entrer ici dans le détail de tout ce que devrait renfermer un pareil ouvrage, je dirai seulement qu’il serait à souhaiter qu’on y insistât beaucoup plus qu’on ne le fait communément dans les élémens sur les belles propriétés des triangles, quadrilatères et autres polygones ; notamment sur celles de ces propriétés qui établissent des relations entre les lignes les plus remarquables de ces figures ; comme aussi sur celles de ces lignes qui se coupent en un même point et sur ceux de ces points qui appartiennent à une même droite.

On devrait également y faire figurer les diverses propriétés des cercles, celles de leurs tangentes communes, de leurs contacts, des pôles et polaires, des centres et axes de similitude, des axes et centres radicaux, des polygones inscrits et circonscrits, et, en particulier, de ceux de ces polygones qui n’ont pas plus de six côtés.

Les problèmes les plus remarquables de la géométrie plane devraient aussi s’y trouver résolus. La détermination des triangles, des quadrilatères et des autres polygones, au moyen de certaines conditions, le problème du cercle tangent à trois autres, celui du triangle ou du polygone inscrit ou circonscrit dont les côtés passent par des points donnés ou dont les sommets sont sur des droites données, et tous les autres problèmes qui servent de cortège à ceux-là. J’en dirai autant des problèmes de maximums et de minimums, ainsi que de tant d’autres qui se trouvent épars dans les divers ouvrages publiés sur la géométrie, et en particulier dans les Annales, et qui devraient tous désormais faire partie des traités élémentaires de géométrie tels que je les conçois.

Mais, pour pouvoir remplir ce but, il faudrait étendre convenablement les moyens de la géométrie ordinaire, en employant tour à tour, suivant l’occasion, les divers procédés qui lui sont propres, tant ceux qui nous ont été transmis par les anciens que ceux que nous avons vu, pour ainsi dire, éclore sous nos yeux. Ainsi, bien loin de vouloir bannir de son domaine, comme le voudrait M. Gergonne, l’usage des proportions, instrument précieux par sa simplicité, et qu’il faudrait remplacer par tout autre équivalent, dans les questions où l’on se propose d’établir des relations métriques entre les diverses parties des figures, il faudrait, au contraire, y introduire la théorie des projections, celle des transversales et surtout celle des lignes appelées trigonométriques, envisagées uniquement comme établissant des rapports entre les lignes et les angles, et indépendamment de leur application à la résolution des triangles.

Il n’a été nullement question, dans ce qui précède, de la géométrie à trois dimensions, et c’est pourtant celle qui réclame le plus de développemens ; car ce que l’on en a donné jusqu’ici, dans les traités élémentaires, se borne presque uniquement à la mesure des volumes. Ainsi, la méthode des projections dans l’espace devrait être soigneusement développée dans les élémens, et, avec son secours, on résoudrait facilement les principaux problèmes de la géométrie à trois dimensions, en partant des propriétés des figures planes, et en s’élevant à celles des corps qui leur correspondent, par une méthode fort simple et fort souvent pratiquée par les anciens géomètres ; comme aussi des propriétés de l’étendue à trois dimensions on pourrait redescendre à celles des figures planes, par cette méthode de l’école de Monge, préconisée avec tant de raison par MM. Gergonne et Poncelet, dans les articles déjà cités ; et quelle riche moisson de théorèmes et de problèmes ne déduirait-on pas de la combinaison et de l’emploi simultané de ces divers moyens d’investigation ?

Voilà pour ce qui concerne la partie proprement élémentaire de la géométrie : vient ensuite la théorie des courbes planes et des surfaces courbes, et en particulier celle des lignes et surfaces du second ordre qui, en même temps qu’elle s’offre la première dans l’ordre de simplicité, est susceptible de tant d’utiles applications et si féconde en beaux résultats. La théorie purement géométrique des lignes du second ordre n’est plus à désirer ; elle existe depuis longtemps, quoiqu’on l’ait singulièrement négligée depuis que la géométrie analitique a été introduite dans l’enseignement élémentaire., Les traités de sections coniques des anciens, et quelques ouvrages du même genre dus aux modernes, contiennent à peu de choses près tout ce qu’on peut dire d’utile sur ce sujet. Il ne s’agit donc plus que de réunir et de coordonner entre eux les matériaux dont on est actuellement en possession, et les ouvrages de MM. Poncelet et Brianchon, en particulier, ne pourront qu’aider puissamment à l’exécution d’une telle entreprise. Quant aux surfaces du second ordre, en n’en possède pas encore une théorie purement géométrique ; et, à l’exception de quelques propositions dues, à M. Chasle, Hachette, Brianchon et Poncelet, ç’a toujours été l’analise qui a présidé exclusivement à la recherche de leurs propriétés. Dans la vue de remplir cette lacune, je me propose de développer, dans une suite d’articles des Annales, l’essai d’une théorie complète et purement élémentaire des surfaces du second ordre, à laquelle je suis parvenu déjà depuis long-temps, et qui ne suppose que la connaissance des propriétés des lignes du même ordre, et les principes contenus dans les élémens ordinaires de géométrie.

On pourrait enfin compléter ces élémens de géométrie pure par l’exposition des propriétés des courbes dites transcendantes, et de quelques autres qui ont été étudiées par les anciens, et par la théorie générale des contacts, des développées, des osculatrices, des rayons de courbure, etc. On y ajouterait la théorie générale des surfaces, d’après les beaux travaux de Monge, Meusnier, Lancret, Dupin, Hachette, etc.

Si l’on considère présentement de combien de volumes un ouvrage tel que celui dont je viens d’esquisser le plan pourrait tenir lieu, on ne pourra que désirer, dans l’intérêt de ceux qui se livrent à l’étude des mathématiques, que quelque habile géomètre veuille bien s’en occuper. Il est impossible, en effet, qu’au milieu de tant d’acquisitions dont la géométrie s’est enrichie de nos jours, les élémens d’Euclide, cet antique monument de la méthode des anciens, et leurs sections coniques puissent suffire aux besoins actuels de la science ; et il est nécessaire d’agrandir enfin le champ des traités destinés à l’enseignement élémentaire de la géométrie. Cette nécessité, qui se fait déjà sentir depuis long-temps, aurait dû produire quelques améliorations dans les traités que l’on met entre les mains de la jeunesse studieuse de nos écoles ; et cependant, tant est puissant l’empire d’une longue habitude, de tous les auteurs, en très-grand nombre, qui, dans ces derniers temps, ont écrit des élémens de géométrie, il n’en est pas un seul qui ait osé sortir du cadre étroit tracé par le géomètre grec. Aussi, pour s’instruire des découvertes modernes, faut-il recourir à un grand nombre d’ouvrages, très-volumineux, et conséquemment très-chers pour la plupart ; et ce n’est pas là, pour le dire en passant, un des moindres inconvénient attachées à l’étude des mathématiques.

On prétend que Lagrange, considérant les immenses progrès des sciences mathématiques, pensait « qu’on ne pouvait guère, à l’avenir, attendre de grands et véritables succès dans cette branche de nos connaissances que de la part de ceux à qui le défaut de fortune et de l’existence qu’elle procure dans le monde servirait comme d’un aiguillon constant qui leur ferait surmonter tous les obstacles. Il ne pensait pas que, sans un motif aussi pressant, on pût apporter aux travaux préalables, devenus si longs et si pénibles, toute la suite et toute la ténacité qu’ils exigent, quand on veut aller beaucoup plus loin. »

Si tel est, en effet, comme on n’en saurait d’ailleurs douter, l’avenir réservé aux sciences mathématiques ; et si, d’après l’opinion du grand et profond géomètre que je viens de citer, elles ne peuvent désormais attendre de nouveaux progrès que de ceux-là seuls que la fortune n’a pas favorisés de ces dons, ne doit-on pas craindre de les voir bientôt tout-à-fait stationnaires, car, comment concilier le défaut de fortune avec la dépense que nécessite l’acquisition des nombreux et volumineux ouvrages que ceux qui cultivent ces sciences sont contraints d’avoir sans cesse sous la main ? et, pour ne pas sortir du sujet qui nous occupe, combien de mémoires, de recueils et d’ouvrages particuliers ne doit-il pas consulter, pour se mettre bien au courant de tout ce qui a été découvert dans la seule géométrie pure ? et encore l’intelligence de ces ouvrages exigera-t-elle souvent des connaissances préliminaires qu’il faudra puiser dans d’autres. Nouvelle source d’embarras, nouveaux obstacles qui ont peut-être arrêté plus d’une fois et détourné pour jamais de l’étude de la géométrie des jeunes-gens nés d’ailleurs avec les dispositions les plus propres à en reculer les limites.

Frappé des nombreux inconvéniens qui résultent de l’excessive disproportion qui existe actuellement entre les connaissances acquises et celles qui font la matière des élémens, je me suis proposé d’appeler sur ce point l’attention de ceux qui écrivent pour les commençans, et généralement de tous ceux qui s’intéressent à la propagation de la science ; et je me suis également proposé de faire rentrer, autant qu’il serait en moi, dans le domaine de l’enseignement le plus élémentaire, les connaissances réservées ordinairement pour l’enseignement supérieur, ou même qu’il faut acquérir sans le secours d’aucun guide, après la sortie des écoles, du moins lorsque ces connaissances peuvent servir de base à d’importantes théories.

C’est dans cette vue que j’ai publié, il y a quelque temps, un mémoire sur les contacts (Annales, tom. XI, pag. 1) ; et c’est dans la même vue que je publie le présent mémoire. J’espère pouvoir encore montrer dans la suite, par beaucoup d’autres exemples, toute la fécondité et toutes les ressources de la géométrie pure, et rendre ainsi tout-à-fait élémentaires des théories qui jusqu’ici ont passé pour assez élevées, ou qui même n’ont été traitées que par l’analise. Telle est, en particulier, la théorie des surfaces du second ordre que j’ai mentionnée plus haut et que je me propose d’amener au plus haut degré de simplicité ; heureux si je puis parvenir à mettre ainsi à la portée de toutes les classes de géomètres d’importantes théories qui jusqu’ici n’ont été accessibles qu’au plus petit nombre d’entre eux ; plus heureux encore si ce que j’ai dit ci-dessus peut enfin déterminer quelque habile géomètre à exécuter le traité de géométrie dont j’ai essayé de tracer le plan ; ouvrage qui épargnerait une foule de recherches et de dépenses inutiles à ceux qui se trouvent, par les circonstances dans lesquelles ils sont placés, ainsi que je l’ai toujours été moi-même, réduits à étudier uniquement dans les livres, et privés du puissant secours des leçons et des conseils d’un professeur. Le nombre des géomètres dans cette position a toujours été assez grand ; l’histoire de la science nous en offre des exemples très-remarquables, et l’opinion de Lagrange, qui est ici d’un si grand poids, nous explique suffisamment pourquoi ce nombre devient de jour eu jour plus considérable.

Le sujet que je me propose de traiter ici, par la géométrie élémentaire et par les principes exposés dans mon Essai sur les contacts déjà cité, a été l’objet des recherches de plusieurs célèbres géomètres. On sait en effet que Pascal avait découvert, sous le nom d’hexagramme mystique, la belle propriété de l’hexagone inscrit à une ligne du second ordre, et avait même fait de cette propriété la base d’un traité de sections coniques qui ne nous est point parvenu. M. Brianchon, après avoir découvert la propriété correspondante de l’hexagone circonscrit, a démontré l’une et l’autre propriétés dans les Journaux de l’école polytechnique, et en a déduit des conséquences nombreuses et importantes. Il a depuis considérablement étendu cette matière dans des traités particuliers. D’autres géomètres ont démontré postérieurement ces mêmes propriétés de diverses manières. Je citerai, comme les plus remarquables par leur simplicité et leur élégance, la démonstration de M. Carnot, déduite de la théorie des transversales, et celle de M. Gergonne (Annales ; tom. IV, pag. 78), tirée de la considération des projections centrales. Je me propose d’en donner une démonstration nouvelle qui me paraît ne le céder en rien à celles que je viens de citer, et qui conduit aux diverses conséquences découvertes par MM. Carnot et Brianchon. J’en déduirai aussi la solution d’un problème qui a occupé les géomètres, depuis Pappus d’Alexandrie jusqu’à nous, et qui, aujourd’hui même, passe encore pour difficile. Je veux parler de l’inscription à un cercle d’un triangle dont les côtés passent par des points donnés, et de la circonscription au même cercle d’un triangle dont les sommets soient sur des droites données. L’histoire de ce problème est trop généralement connue pour qu’il soit nécessaire de mentionner ici les géomètres qui en ont fait le sujet de leurs recherches. Je ne parlerai que de la construction ingénieuse que M. Gergonne a déduite de la géométrie analitique (Annales, tom. VII, pag. 325), et que l’on verra, dans ce qui va suivre, déduite, d’une manière toute simple, de la géométrie la plus élémentaire.

Enfin j’ajouterai de nouveaux développemens aux propriétés de l’hexagramme mystique de Pascal ; et je parviendrai ainsi à quelques propositions déjà connues, pour la plupart, et dues à M. Brianchon. J’en déduirai ensuite la solution de trois problèmes proposés dans les Annales de mathématiques. Le premier de ces problèmes, présenté sous la forme de deux porismes (tom. I, pag. 64) conduit à ce beau théorème de géométrie élémentaire, énoncé dans le même volume (pag. 149), savoir que la distance entre les centres des cercles inscrit et circonscrit à un même triangle rectiligne est moyenne proportionnelle entre le rayon du circonscrit et l’excès de ce rayon sur le diamètre de l’inscrit. Ce théorème, qui paraît du à M. Maisonneuve, ingénieur des mines, a été l’objet des recherches de MM. Kramp, Lhuilier et Garnier. M. Gergonne m’en a communiqué dans le temps une démonstration analitique très-élégante ; et je regrette beaucoup qu’il ne l’ait pas publiée dans son recueil. Il y avait lieu de croire que des théorèmes analogues devaient avoir lieu, tant pour la distance entre les centres des sphères inscrite et circonscrite à un même tétraèdre que pour l’arc de grand cercle qui joint les pôles de deux petits cercles, inscrit et circonscrit à un même triangle sphérique. C’est pourquoi M. Gergonne, ayant proposé dans les Annales (tom. VI, pag. 30), de trouver cette distance et cet arc, proposa aussi, à la suite des solutions qui furent données dans le même volume (pag. 221 et 225), de découvrir si ces distance et arc ne pourraient pas être exprimés par de simples fonctions des rayons et distances polaires. Aucun des collaborateurs des Annales n’avait encore répondu à cet appel lorsque j’ai été assez heureux pour déduire des divers théorèmes que je me propose de démontrer ici la solution de ces deux questions, comme je le ferai voir dans ce qui va suivre.

Pour abréger, nous convenons de désigner simplement, par la lettre placée à son centre, le cercle auquel seront inscrites et circonscrites les diverses droites que nous aurons à considérer. Nous désignerons également par la seule lettre de leur centre les cercles dont les rayons seront des tangentes au cercle

Il est presque superflu de prévenir qu’en vertu de ce que M. Poncelet a appelé propriétés projectiles des figures, tout ce qui va être démontré du cercle le sera, par là même, d’une section conique quelconque.

§. I.
Propriétés des hexagones inscrits et circonscrits au cercle.

THÉORÈME I. Dans tout hexagone inscrit au cercle, les points de concours des directions des côtés opposés appartiennent tous trois à une même ligne droite.

Démonstration. Soit (fig. 2) un hexagone quelconque inscrit au cercle Soient respectivement, les côtés de l’hexagone circonscrit au même cercle dont les points de contact sont aux sommets de l’inscrit. Soient respectivement les points de concours des directions des côtés opposés et et et de l’hexagone inscrit ; il s’agit de démontrer que ces trois points appartiennent à une même ligne droite.

Soient pour cela respectivement les points de concours des directions des côtés opposés et et et de l’hexagone circonscrit.

Le cercle touche extérieurement en le cercle et intérieurement en le cercle d’où il suit que passe par le centre de similitude interne des cercles et Pareillement, le cercle touche extérieurement en le cercle et intérieurement en le cercle d’où il suit que passe aussi par le centre de similitude interne des deux cercles et lequel conséquentment ne saurait être que le point de concours des directions de et

Par un raisonnement tout-à-fait semblable, appliqué tour à tour aux deux cercles et on prouvera que et passent toutes deux par le centre de similitude interne des deux cercles et lequel conséquemment ne saurait être autre que le point de concours des directions de et

Enfin, le cercle touche intérieurement les cercles et en et et le cercle touche extérieurement les deux mêmes cercles en et d’où il suit que les droites et contiennent l’une et l’autre le centre de similitude externe des deux cercles et lequel conséquemment ne saurait être autre que le point de concours des directions de ces deux droites.

Ainsi, les trois points sont, savoir ; les deux premiers les centres de similitude internes, et le dernier le centre de similitude externe du système des trois cercles donc ces trois points appartiennent à l’un des trois axes de similitude internes de ces trois cercles, et conséquemment à une même ligne droite.

Un raisonnement analogue s’appliquera à tous les cas et à toutes les sortes d’hexagones qui pourront être inscrits à un cercle même à ceux dont des côtés se couperaient entre leurs extrémités, ainsi qu’il arrive pour les polygones étoiles. Il pourra seulement arriver, dans certains cas, que les points de concours soient tous trois des centres de similitude externes, auquel cas ils appartiendront à l’axe de similitude externe des trois cercles.

Si l’on forme tous les hexagones inscrits qu’il est possible de construire avec les mêmes sommets donnés ; chacun d’eux jouissant de la propriété qui vient d’être démontrée, on en verra éclore soixante systèmes de trois points appartenant à une même ligne droite.

THÉORÈME II. Dans tout hexagone circonscrit au cercle, les diagonales qui joignent les sommets opposés concourent toutes trois en un même point.

Démonstration. Au moyen de la théorie des pôles et polaires, ce théorème devient une conséquence fort simple du précédent.

Soit en effet un hexagone circonscrit au cercle et duquel il faut démontrer que les diagonales qui joignent les sommets opposés concourent en un même point.

Soient respectivement les points de contact des côtés et soient respectivement, les points de concours des directions de et et et

Parce que et sont les pôles respectifs de et doit être la polaire du point pour de semblables raisons, et doivent être les polaires respectives des points et puis donc que, par le précédent théorème, ces trois points appartiennent à une même ligne droite, il s’ensuit que leurs trois polaires doivent concourir en un même point, pôle de cette droite.

Ce théorème a évidemment la même généralité que le précédent, et s’applique indistinctement à toutes les sortes d’hexagones circonscrits au cercle, même à ceux qui n’enfermeraient point la circonférence entre leurs côtés.

Si l’on forme tous les hexagones circonscrits qu’il est possible de construire par les intersections des six mêmes tangentes données, considérées comme droites indéfinies ; chacun d’eux jouissant de la propriété qui vient d’être démontrée, on en verra éclore soixante systèmes de trois droites, concourant en un même point.

On se convaincra facilement que, dans tous les cas, si l’hexagone inscrit a ses sommets aux points de contact du circonscrit, le point de concours des diagonales joignant les sommets opposés de ce dernier sera constamment le pôle de la droite contenant les points de concours des directions des côtés opposés du premier.

Remarquons encore que de même que nous avons déduit le second théorème du premier, à l’aide de la théorie des pôles et polaires, on parviendrait également, à l’aide de la même théorie, à déduire le premier du second, si ce dernier était démontré directement.

§. II.
Propriétés des pentagones inscrits et circonscrits au cercle.

Tout pentagone inscrit au cercle peut être considéré comme un hexagone inscrit dans lequel un des côtés, d’une longueur nulle, est dirigé suivant la tangente à l’un quelconque des sommets du pentagone.

Pareillement, tout pentagone circonscrit au cercle peut être considéré comme un hexagone circonscrit dans lequel un des angles, égal à deux angles droits, a son sommet au point de contact de l’un des côtés du pentagone.

En modifiant donc les énoncés des Théorèmes I et II, conformément à cette circonstance particulière, on obtiendra les deux théorèmes suivans, dont un, au surplus, pourrait être directement démontré par un raisonnement analogue à celui que nous avons appliqué au Théorème I, et dont chacun peut être facilement déduit de l’autre à l’aide de la théorie des pôles et polaires.

THÉORÈME III. Dans tout pentagone inscrit au cercle, les points de concours des directions de deux paires de côtés non consécutifs quelconques, et le point de concours de la direction du cinquième côté avec la tangente au sommet opposé, appartiennent tous trois à une même droite.

THÉORÈME IV. Dans tout pentagone circonscrit au cercle, les diagonales qui joignent deux paires de sommets non consécutifs quelconques, et la droite qui joint le cinquième sommet au point de contact du côté opposé, concourent tous trois en un même point.

On conçoit que ces deux théorèmes ont la même généralité que les Théorèmes I et II, et sont comme eux applicables à toutes les sortes de pentagones qu’on peut inscrire ou circonscrire à un cercle, même aux pentagones inscrits dont les côtés se coupent entre leurs extrémités et aux pentagones circonscrits qui n’embrassent pas la circonférence.

Si l’on forme tous les pentagones inscrits et circonscrits qu’il est possible de construire soit avec les cinq mêmes sommets, soit avec les cinq mêmes tangentes donnés, chacun d’eux jouissant de la propriété énoncée par le Théorème III ou par le Théorème IV on en verra éclore douze systèmes de trois points appartenant à une même ligne droite ou douze systèmes de trois droites concourant en un même point.

Il est en outre facile de se convaincre que si le pentagone inscrit a ses sommets aux points de contact du circonscrit, chacun des points de concours de trois droites sera le pôle de chacune des droites qui contiendront les trois mêmes points.

§. III.
Propriétés des quadrilatères inscrits et circonscrits au cercle.

Tout quadrilatère inscrit au cercle peut être considéré comme un hexagone inscrit dans lequel deux côtés opposés quelconques, d’une longueur nulle, sont dirigés suivant les tangentes à deux sommets opposés du quadrilatère.

Pareillement, tout quadrilatère circonscrit au cercle peut être considéré comme un hexagone circonscrit dans lequel deux angles opposés quelconques, égaux à deux angles droits, ont leurs sommets aux points de contact de deux côtés opposés du quadrilatère.

En modifiant donc les énoncés des Théorèmes I et II conformément à cette circonstance particulière, on obtiendra les deux théorèmes suivans, dont un, au surplus, pourrait être directement démontré par un raisonnement analogue à celui que nous avons appliqué au Théorème I, et dont chacun peut être facilement déduit de l’autre, à l’aide de la théorie des pôles et polaires.

THÉORÈME V. Dans tout quadrilatère inscrit au cercle, les points de concours des directions des côtés opposés et les points de concours des tangentes aux sommets opposés appartiennent tous quatre à une même ligne droite.

THÉORÈME VI. Dans tout quadrilatère circonscrit au cercle, les droites qui joignent les sommets opposés et les droites qui joignent les points de contact des côtés opposés concourent toutes quatre en un même point.

Il est aisé de voir que ces théorèmes s’étendent à toutes les sortes de quadrilatères qui peuvent être inscrits et circonscrits au cercle ; même aux quadrilatères inscrits dont deux côtés opposés se couperaient entre leurs extrémités et aux quadrilatères circonscrits qui n’envelopperaient pas la circonférence.

Si l’on forme tous les quadrilatères inscrits et circonscrits qu’il est possible de construire soit avec les quatre mêmes sommets, soit avec les quatre mêmes tangentes donnés ; chacun d’eux jouissant de la propriété énoncée par le Théorème V ou par le Théorème VI on en verra éclore trois systèmes de quatre points appartenant à une même ligne droite ou de quatre droites concourant en un même point.

Il est en outre facile de se convaincre que, si le quadrilatère inscrit a ses sommets aux points de contact du circonscrit, les points de concours des systèmes de quatre droites seront respectivement les pôles des droites contenant les systèmes de quatre points.

§. IV.
Propriétés des triangles inscrits et circonscrits au cercle.

Tout triangle inscrit au cercle peut être considéré comme un hexagone inscrit dont les côtés, de deux en deux, d’une longueur nulle, sont dirigés suivant les tangentes aux trois sommets du triangle.

Pareillement, tout triangle circonscrit au cercle peut être considéré comme un hexagone circonscrit dont les angles, de deux en deux, égaux à deux angles droits, ont leurs sommets aux points de contact des côtés du triangle.

En modifiant donc les énoncés des Théorèmes I et II, conformément à cette circonstance particulière, on obtiendra les deux théorèmes suivans, dont un, au surplus, pourrait être directement démontré, par un raisonnement analogue à celui que nous avons appliqué au Théorème I, et dont chacun peut être facilement déduit de l’autre, à l’aide de la théorie des pôles et polaires.

THÉORÈME VII. Dans tout triangle inscrit au cercle, les points de concours des directions des côtés avec les tangentes aux sommets opposés appartiennent tous trois à une même ligne droite.

THÉORÈME VIII. Dans tout triangle circonscrit au cercle, les droites qui joignent les sommets aux points de contact des côtés opposés concourent toutes trois en un même point.

Ces deux théorèmes peuvent, au surplus, être renfermés dans l’énoncé unique que voici :

THÉORÈME IX. Si deux triangles sont l’un inscrit et l’autre circonscrit à un même cercle ; de telle sorte que les sommets de l’inscrit soient les points de contact du circonscrit, 1.o les points de concours des directions des côtés opposés des deux triangles appartiendront à une même ligne droite ; 2.o les droites qui joindront leurs sommets opposés concourront toutes trois en un même point ; 3.o enfin ce point sera le pôle de la droite dont il vient d’être question.

On doit remarquer que, lorsque le triangle inscrit est obtus angle, le triangle circonscrit n’enveloppe pas le cercle.

§. V.
Inscription ou circonscription au cercle d’un triangle dont les côtés passent par des points donnés, ou dont les sommets soient sur des droites données.

PROBLÈME I. À un cercle donné, inscrire un triangle dont les côtés passent par trois points donnés ?

Solution On voit d’abord évidemment que le problème doit avoir en général deux solutions, du moins lorsqu’il est possible ; car, en inscrivant arbitrairement deux triangles à un même cercle, leurs côtés de mêmes rangs se couperont en trois points que l’on pourra ensuite, en renversant le problème, considérer comme les trois points donnés.

Soient donc (fig. 2) ces trois points donnés, et soient les deux triangles résolvant le problème ; et se coupant en et en et et en Soient construits les triangles circonscrits dont les points de contact soient les sommets des deux inscrits, et passant respectivement par et et par et et par et et soient menées les trois droites les deux dernières se coupant en la première et la dernière en et les deux premières en et qui se coupent en étant les polaires respectives de et la droite sera la polaire du point Pour de semblables raisons, et seront les polaires respectives des points et

Soient menées ensuite les deux dernières se coupant en la première et la dernière se coupant en et les deux premières en Nous allons prouver que les points sont respectivement sur les droites

Pour cela, soient menées les droites en considérant tour-à-tour les quadrilatères inscrits et en leur appliquant le Théorème V on verra en effet que est sur et conséquemment sur que est sur et conséquemment sur et qu’enfin est sur et conséquemment sur

Or, comme par leurs intersections avec le cercle, déterminent les sommets des deux triangles cherchés, il s’ensuit que tout se réduit à construire ces droites, ou simplement les sommets du triangle qu’elles forment par leurs rencontres. Puis donc que ces sommets sont déjà respectivement sur et il ne s’agit plus que de trouver d’autres droites sur lesquelles ils se trouvent également. Or, il est aisé de prouver que le sommet est sur le sommet sur etle sommet sur

En effet, soient respectivement les intersections de et de et et de et soient en outre les intersections respectives de et de et de et Les points ayant pour polaires respectives et qui concourent en il s’ensuit que ces trois points appartiennent à une même ligne droite dont le point est le pôle. Pour de semblables raisons, la droite passe par et a pour pôle le point et la droite passe par et a pour pôle le point soient enfin menés et

Cela posé, si l’on considère en premier lien, l’hexagone inscrit non convexe dont les côtés consécutifs sont on verra (Théorème I) que la droite doit passer par le point de concours de et Considérant ensuite le quadrilatère convexe inscrit dont les côtés consécutifs sont on verra (Théorème V) que ces mêmes droites doivent concourir en un point de d’où on conclura que et doivent concourir en un même point de et que conséquemment leurs pôles respectifs sont en ligne droite. Enfin, en considérant le quadrilatère inscrit non convexe dont les côtés consécutifs sont on voit (Théorème V), que les points sont aussi en ligne droite ; donc finalement et sont en ligne droite ; et, par des raisonnemens semblables on prouvera que les points ainsi que les points sont aussi en ligne droite.

La solution du problème proposé se réduit donc à cette construction fort simple, qui n’exige que le seul emploi de la règle : formez un triangle dont les côtés soient respectivement les polaires des points donnés menez ensuite coupant les côtés de ce triangle en formez enfin un triangle dont ces trois derniers points soient les sommets ; les points d’intersection de ses côtés avec le cercle donné seront les sommets des deux triangles cherchés. C’est, en effet, la construction que M. Gergonne a déduite de l’analise en l’endroit cité.

PROBLÈME II. À un cercle donné, circonscrire un triangle dont les sommets soient sur trois droites données ?

Solution. On pourrait aisément parvenir, d’une manière directe, à la solution de ce dernier problème, comme nous sommes parvenus à celle du premier. Mais il est incomparablement plus simple de la déduire de celle-là, par la théorie des pôles et polaires. On voit en effet que, si les droites données forment le triangle et que les deux triangles circonscrits qui résolvent le problème soient en construisant les triangles inscrits dont les sommets soient les points de contact des circonscrits, les côtés de ces triangles passeront par les trois points pôles respectifs de opérant donc sur ces trois points et sur ces trois droites comme dans le problème précédent, on obtiendra les sommets des triangles inscrits et conséquemment les points de contact des triangles circonscrits. C’est aussi là la construction indiquée par M. Gergonne.

On conçoit qu’à l’inverse, ayant obtenu d’abord une solution directe de ce dernier problème, on en conclurait facilement celle du premier.

Remarque. Il est aisé de voir que les droites doivent concourir toutes trois en un même point, et que conséquemment les points de concours des directions de et et et qui sont les centres de similitude externes des trois cercles pris deux à deux, doivent appartenir à une même ligne droite polaire de ce point.

§. VI.
Propriétés des cercles inscrits ci circonscrits aux triangles rectilignes et sphériques, et des sphères inscrites et circonscrites aux tétraèdres.

Nous avons démontré (§. I.) que, six points étant pris sur la circonférence d’un cercle, les points de concours des directions des côtés opposés des hexagones qui ont leurs sommets en ces six points appartiennent tous trois à une même ligne droite.

On peut conclure de là que, réciproquement, lorsque cinq sommets d’un hexagone sont sur une circonférence, et que d’ailleurs les points de concours des directions des côtés opposés appartiennent tous trois à une même ligne droite, le sixième sommet est aussi sur cette circonférence.

En effet, dans le cas contraire, on pourrait, en conservant cinq des sommets, construire un hexagone inscrit dont le sixième sommet serait au point où l’un des côtés du sommet dont il s’agit ou son prolongement coupe la circonférence, et dans celui-ci, comme dans l’autre, les points de concours des directions des côtés opposés devraient appartenir à une même ligne droite ; mais deux de ces points étant communs aux deux hexagones, il faudrait que deux points d’une droite fussent à la fois en ligne droite avec deux points d’une autre droite qui ne se confond pas avec elle, ce qui est absurde.

Nous avons également démontré, en l’endroit cité, que six tangentes étant menées à un même cercle, les diagonales qui joignent les sommets opposés des hexagones dont ces tangentes sont les côtés concourent toutes trois en un même point.

On peut conclure de là que, réciproquement, lorsque cinq côtés d’un hexagone sont tangens à un même cercle, et que les diagonales qui joignent ses sommets opposés concourent en un même point, son sixième côté est aussi tangent au cercle.

En effet, dans le cas contraire, en menant, par l’un des sommets que ce sixième côté détermine, une tangente au cercle, cette tangente, avec les cinq autres, formerait un hexagone circonscrit dans lequel les diagonales joignant les sommets opposés concourraient en un même point ; mais, deux des diagonales étant communes aux deux hexagones et les troisièmes partant d’un même sommet, il faudrait que deux droites partant d’un même point passassent l’une et l’autre par l’intersection de deux autres droites, ce qui est absurde.

On ne doit pas perdre de vue que ces propositions s’appliquent aux hexagones rapportés à une section conique quelconque différente du cercle.

THÉORÈME X. Deux triangles étant circonscrits à un même cercle ; si cinq de leurs sommets sont sur une même circonférence, le sixième sera aussi sur cette circonférence.

Démonstration. Soient (fig. 3) deux triangles circonscrits à un même cercle et le touchant aux points leurs sommets sont aussi ceux d’un hexagone dans lequel il est facile de prouver que les points de concours respectifs des directions des côtés opposés et et et appartiennent à une même ligne droite ; en effet, dans l’hexagone inscrit les trois points de concours des directions des côtés opposés et et et doivent appartenir à une même ligne droite ; or, le premier de ces trois points est évidemment le pôle de le second le pôle de et le troitième le pôle de donc les trois droites et doivent se couper au même point, ce qui revient à dire que le point d’intersection de et est en ligne droite avec les points et les sommets des deux triangles sont donc aussi les sommets d’un hexagone dans lequel les points de concours des directions des côtés opposés appartiennent tous trois à une même ligne droite ; donc, par la première des deux propositions ci-dessus, si cinq de ces sommets sont sur une même circonférence, le sixième y sera également.

On peut déduire de là le théorème suivant, dû à M. Brianchon :

THÉORÈME XI. Deux triangles circonscrits à une même conique sont aussi inscrits à une même conique.

THÉORÈME XII. Deux triangles étant inscrits à un même cercle ; si cinq de leurs côtés sont tangens à une même circonfèrence, le sixième sera aussi tangent à cette circonférence.

Démonstration. Soient deux triangles inscrits au cercle et considérons l’hexagone formé avec les côtés de ces triangles ; il est aisé de s’assurer que, dans cet hexagone, les diagonales qui joignent les sommets opposés, concourent en un même point . En effet, dans l’hexagone inscrit au cercle les points de concours des directions des côtés opposés et et et doivent appartenir à une même droite ; donc la droite doit passer par le point de concours de et ce qui revient à dire que ces trois droites doivent se couper au même point donc les côtés de deux triangles inscrits à un même cercle sont en même temps côtés d’un hexagone dans lequel les diagonales qui joignent les sommets opposés concourent en un même point ; donc, par la dernière des deux propositions ci-dessus, si cinq de ces côtés sont tangens à une même circonférence, le sixième sera aussi tangent à cette circonférence.

De là résulte le théorème suivant, dû à M. Brianchon :

THÉORÈME XIII. Deux triangles inscrits à une même conique sont aussi circonscrits à une même conique.

THÉORÈME XIV. Lorsqu’un triangle est, à la fois, circonscrit à un cercle et inscrit à un autre cercle, une infinité d’autres triangles peuvent être, à la fois, circonscrits au premier de ces cercles et inscrits au second.

Démonstration. Soit, en effet, le triangle circonscrit au cercle et inscrit au cercle Inscrivons au second une corde quelconque tangente au premier ; et, par les sommets et menons au cercle les tangentes et il s’agit de prouver que le point où ces deux tangentes se couperont sera aussi sur la circonférence du cercle de sorte que le triangle déjà circonscrit au cercle sera en même temps inscrit au cercle Pour cela, remarquons que les deux triangles sont déjà circonscrits au cercle or, cinq de leurs sommets sont, par construction, à la circonférence de cercle donc (Théorème X) le sixième sera aussi sur cette circonférence ; donc enfin le triangle circonscrit au cercle est en même temps inscrit au cercle comme le triangle

Ce théorème avait déjà été remarqué par M. Lhuilier (Annales de math., tom. I, pag. 155).

On peut déduire de ce qui précède le théorème plus général que voici, dû à M. Poncelet, qui l’a même étendu à un polygone quelconque.

THÉORÈME XV. Si un seul triangle est circonscrit à une conique et inscrit à une autre, une infinité d’autres triangles pourront être, à la fois, circonscrits à la première et inscrits à la seconde.

THÉORÈME XVI. Si un tétraèdre est, à la fois, circonscrit à une sphère et inscrit à une autre, une infinité d’autres tétraèdres pourront aussi, à la fois, être circonscrits à la première et inscrits à la seconde.

Démonstration. Prenons un des sommets de notre tétraèdre pour sommet d’un cône circonscrit à la première sphère ; ce cône sera inscrit au tétraèdre, et sera coupé suivant un cercle par le plan de la face opposée à son sommet ; ce plan coupera d’ailleurs la seconde sphère suivant un cercle, et la face du tétraèdre que nous considérons ici sera à la fois circonscrite au premier cercle dont il vient d’être question et inscrite à ce dernier ; on pourra donc (Théorème XIV) construire une infinité de triangles qui, comme celui-là, seront circonscrits à l’un de ces cercles et inscrits à l’autre ; et il est clair que, si l’on fait de ces triangles les bases d’autant de tétraèdres, ayant tous même sommet que le premier, ces tétraèdres seront tous, comme le premier, circonscrits à l’une des sphères et inscrits à l’autre.

Ainsi, en conservant un quelconque des sommets du tétraèdre, on peut varier d’une infinité de manières différentes la construction de la face opposée. Or, il est clair que pareillement, dans chacun des tétraèdres résultans, on pourra prendre à son tour pour sommet fixe l’un quelconque des sommets du triangle que nous avions d’abord considéré comme base, et varier alors, d’une infinité de manières différentes la construction de la face opposée.

Il y aura donc ainsi une infinité de tétraèdres de toutes sortes de formes et directions, circonscrits à l’une des sphères et inscrits à l’autre ; et il ne serait pas même difficile de prouver qu’on en pourra toujours trouver un qui ait pour une de ses arêtes une corde arbitraire de la sphère extérieure.

Ce théorème n’avait point encore été remarqué. La première partie de sa démonstration peut évidemment servir à établir le théorème que voici :

THÉORÈME XVII. Si un seul angle trièdre est, à la fois, circonscrit à une surface conique du second ordre et inscrit à une autre, toutes deux de même sommet que lui, une infinité d’autres angles trièdres pourront aussi être, à la fois, circonscrits à la première surface et inscrits à la seconde.

De ce dernier théorème résulte encore le suivant :

THÉORÈME XIX. Si un même triangle sphérique est, à la fois, circonscrit à un cercle de la sphère et inscrit à un autre, une infinité d’autres triangles sphériques pourront aussi être, à la fois, circonscrits au premier de ces cercles et inscrits au dernier.

THÉORÈME XX. La distance entre les centres de deux cercles, l’un inscrit et l’autre circonscrit à un même triangle quelconque est moyenne proportionnelle entre le rayon du circonscrit et l’excès de ce rayon sur le diamètre de l’inscrit.

Démonstration. Nous venons de voir (Théorème IV) que, lorsqu’un même triangle est à la fois circonscrit à un cercle et inscrit à un autre cercle, une infinité d’autres triangles peuvent aussi, à la fois, être circonscrits au premier de ces cercles et inscrits au second ; la distance entre les centres des cercles inscrits et circonscrits à chacun d’eux est donc la même pour tous ; elle doit donc être indépendante de la nature du triangle que l’on considère en particulier, et ne doit dépendre que des élémens qui leur sont communs à tous, c’est-à-dire, des rayons des deux cercles.

Profitant de cette remarque, cherchons, parmi ces divers triangles, celui qui paraît devoir le mieux se prêter à la détermination qui nous occupe ; ce doit être, sans contredit, un des deux qui ont un de leurs sommets à l’une ou l’autre des extrémités de celui des diamètres du cercle circonscrit qui passe par le centre de l’inscrit, et dont conséquemment le côté opposé est perpendiculaire à ce diamètre ; car ces deux triangles sont isocèles et symétriquement situés par rapport aux deux cercles.

Soit donc (fig. 4) le diamètre du circonscrit qui contient les centres des deux cercles, étant le centre du circonscrit et celui de l’inscrit ; et ce dernier étant coupé en par Soit le triangle isocèle dont il s’agit, divisé en deux parties égales par Menons et

La droite divisant l’angle du triangle en deux parties égales ; par une proposition connue de géométrie, on aura, en quarrant,

mais, en nommant le rayon du cercle circonscrit, celui de l’inscrit et la distance de leurs centres, on a

substituant donc et remarquant qu’alors le facteur pourra être supprimé dans les deux termes du premier rapport, il viendra

ou encore, parce que la différence des deux premiers termes est au second, comme la différence des deux derniers est au quatrième :

ou en divisant les deux antécédans par

ou enfin, en égalant le produit des extrêmes au produit des moyens

d’où

ce qui donne

comme nous l’avions annoncé.

Si le cercle tangent aux trois côtés du triangle, au lieu d’être inscrit, était exinscrit, en raisonnant d’une manière analogue, on trouverait la proportion

c’est là le théorème de M. Maisonneuve annoncé ci-dessus.

THÉORÈME XXI. La distance entre les centres de deux sphères, l’une inscrite et l’autre circonscrite à un même tétraèdre, est moyenne proportionnelle entre la somme des rayons de ces deux sphères et l’excès du rayon de la sphère circonscrite sur le triple du rayon de ls sphère inscrite.

Démonstration. Nous savons déjà (Théorème XVI) que, lorsqu’un même tétraèdre est, à la fois, circonscrit à une sphère et inscrit à une autre sphère, une infinité d’autres tétraèdres peuvent aussi, à la fois, être circonscrits à la première de ces sphères et inscrits à la seconde ; la distance, entre les centres des sphères inscrite et circonscrite à chacun d’eux, est donc la même pour tous ; elle doit donc être indépendante de la nature du tétraèdre que l’on considère en particulier, et ne doit dépendre que des élémens qui leur sont communs à tous, c’est-à-dire, des deux sphères.

Profitant de cette remarque, cherchons, parmi ces divers tétraèdres, celui qui paraît devoir le mieux se prêter à la recherche qui nous occupe : ce doit être sans contredit, un des deux qui ont un de leurs sommets à l’une ou l’autre des extrémités de celui des diamètres de la sphère circonscrite qui passe par le centre de l’inscrite, et dont conséquemment la face opposée est perpendiculaire à ce diamètre ; il est aisé de voir, en effet, que la base de ce tétraèdre est un triangle équilatéral, que ses autres faces sont des triangles isocèles égaux entre eux, et que la droite qui joint son sommet au centre de sa base en est en même temps la hauteur.

Soit donc (fig. 5) un tel tétraèdre ; soit le centre de sa base, qui sera aussi le point de contact de cette base avec la sphère inscrite ; soit menée la hauteur contenant en le centre de la sphère circonscrite, et en celui de la sphère inscrite. Soit menée coupant perpendiculairement en son milieu soient enfin menées et sera le double de

Parce que et sont deux tangentes à la sphère inscrite, doit diviser l’angle en deux parties égales. Le triangle donnera donc, en quarrant,

or, en employant les mêmes notations que dans le théorème précédent, on a

substituant donc, en observant que le facteur peut être supprimé, dans les deux termes du premier rapport, il viendra

ou parce que, dans toute proportion, la différence des deux premiers termes est au second, comme la différence des deux derniers est au quatrième

ou en divisant les deux antécédans par et multipliant les deux premiers termes par 4,

d’où, en égalant le produit des extrêmes au produit des moyens,

ou

ce qui donne

comme nous l’avions annoncé.

Si la sphère tangente aux quatre faces de tétraèdre, au lieu d’être inscrite était exinscrite, en raisonnant d’une manière analogues, on serait conduit à la proportion

Le résultat auquel nous venons de parvenir, et qui n’était point connu jusqu’ici, avait été demandé dans les Annales de mathématiques (tom. VI, pag. 228).

THÉORÈME XXII. Le sinus de l’arc de grand cercle qui joint les pôles de deux cercles, l’un inscrit et l’autre circonscrit à un même triangle sphérique, est moyen proportionnel entre la demi-somme des sinus de la somme et de la différence des rayons sphériques de ces deux cercles et la moitié de l’excès du triple du sinus de la différence de ces deux rayons sur le sinus de leur somme[1].

Démonstration. Il est d’abord très-facile de s’assurer que l’arc de grand cercle qui divise l’un quelconque des angles d’un triangle sphérique en deux parties égales partage le côté opposé en deux segmens dont les sinus sout proportionnels aux sinus des côtés correspondais.

Cette proposition admise, supposons que tout soit (fig. 4) comme dans la démonstration du Théorème XX, si ce n’est que nous supposerons ici la figure tracée sur la surface d’une sphère ; de manière que tout ce qui était alors lignes droites devienne arcs de grands cercles ; nous aurons ici, en quarrant,

Or,


substituant ces valeurs, en supprimant le dénominateur alors commun aux deux termes du premier rapport, il viendra

ou, en comparant la différence des deux premiers termes et la différence des deux derniers au second et au quatrième,

ou bien

ou encore

or,


mettant donc ces valeors et supprimant le facteur facteur commun d’abord aux deux termes du premier rapport ; puis aux deux autecédans, il viendra

d’où, en égalant le produit des extrêmes à celui des moyens,

c’est-à-dire,

ou

mais

donc, finalement,

c’est-à-dire,

comme nous l’avions annoncé.

Si le cercle tangent aux trois côtés du triangle, au lieu d’être inscrit, était exinscrit, la proportion serait

Le résultat auquel nous venons de parvenir, et qui n’était point encore connu, avait été demandé dans les Annales de mathématiques (tom. VI, pag. 224). Il se lie d’ailleurs parfaitement avec celui du Théorème XX, dans lequel il se change immédiatement, lorsqu’on suppose le rayon de la sphère infini.


Séparateur

  1. Nous entendons ici par rayon sphérique d’un cercle de la sphère l’arc de grand cercle qui joint son pôle à un point quelconque de sa circonférence.