Annales de pomologie belge et étrangère/Fraise Hautbois prolifique

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HAUTBOIS PROLIFIQUE.

Fraise Hautbois prolifique.

Synonymies : Fertilised Hautboy ; Strawberry prolific or Conical. ; Double bearing Strawb. ; Hudson’s Bay Strawb. ; Musk Strawb. ; Dwarf Strawb. ; Lucombe’s Strawb. ; Sir Joseph Banks’s Strawb. ; Spring grove Strawb. ; Hautboy prolifique (Noisette, Manuel complet du jardinier) ; Capron royal ; Capron hermaphrodite.

À voir ce nombreux cortège de noms, on peut déjà préjuger qu’il ne s’agit pas ici d’un de ces fraisiers vulgaires que leur médiocrité condamne à végéter modestement dans l’obscurité. Les fruits médiocres marchent rarement ainsi escortés, et, grâce à cette absence de prétentions et d’apparat, épargnent bien des tortures aux pomologues consciencieux. Ceci nous remet en mémoire ces hidalgos castillans et portugais, portant fièrement une suite de prénoms qui ne finit pas, car la liste est toujours proportionnée aux prétentions nobiliaires.

Quelques-uns de ces noms semblent attester une origine américaine ; nous sommes portés à croire cette fraise originaire des États-Unis ; mais les preuves nous manquent, il faut en convenir ; ce que nous pouvons affirmer avec certitude, c’est que M. Noisette, il y a plus d’un quart de siècle, l’a rapportée d’Angleterre, et mentionnée très-honorablement dans son Manuel complet du jardinier. Elle appartient à la tribu peu nombreuse, mais très-distinguée des Caprons, vulgairement nommés fraises musquées (fraise Vesca moschata, Hautbois des Anglais ; Moschus-Erdbeere des Allemands).

Il fut un temps où les fraises musquées communes étaient en grande faveur dans tous nos jardins, et certes leur délicate et aromatique saveur — en parfaite maturité — les en rendait bien dignes. Depuis assez longtemps déjà, sujettes à avorter, frappées de stérilité, a-t-on dit, elles sont tombées presque partout en pleine disgrâce. Mais d’où provenait cet avortement ? De l’ignorance de nos jardiniers. S’il avaient su que cette variété est dioïque et ne produit conséquemment que par le rapprochement des pieds mâles et des pieds femelles, ils n’auraient pas laissé envahir tout le terrain par les stolons — plus vigoureux — des pieds mâles ; ils se seraient bien gardés de rejeter, comme ils s’évertuaient à le faire, les plantes à fleurs mâles comme inutiles, vouant ainsi les autres à une inévitable stérilité. À la différence de l’ancienne variété, celle-ci, — produit d’une fécondation hybride, — porte des fleurs, non plus unisexuelles, mais hermaphrodites. Chaque plante, se suffisant à elle-même, est devenue fertile, productive ; de là ses noms le plus généralement usités fertilised or prolific).

Au mérite que nous venons de signaler, elle allie d’autres qualités précieuses ; et d’abord, elle peut, sans dégénérescence bien sensible, rester nombre d’années dans le même terrain ; de plus, elle remonte franchement. Après avoir donné ses plus beaux et meilleurs fruits à la fin de juin ou au commencement de juillet, elle se met bientôt à refleurir, et fournit à la fin de septembre et en octobre une seconde récolte qui n’est pas à dédaigner, surtout si notre ciel brumeux nous gratifie d’un été de la Saint-Denis, comme disent nos voisins du Midi.

Qu’on le sache bien du reste, ce fruit n’est vraiment délectable que lorsqu’il est venu dans toutes les conditions propices de sol, d’exposition chaude, aérée, de parfaite maturité ; sinon, il nous semble assez peu recommandable.

La plante est forte ; son feuillage est assez touffu et élevé. Ses folioles, vert-clair, sont assez grandes et duveteuses, un peu oblongues, fortement dentées. Les pétioles sont longs, cotonneux. Les hampes, divisées en plusieurs pédoncules, sont velues, assez fortes et assez élevées pour soutenir les fleurs au-dessus du feuillage, — avantage précieux pour la propreté et la conservation du fruit. — Les fleurs sont moyennes, parfois légèrement rosées vers le bord des pétales ; les divisions calicinales sont petites, redressées vers le pédicelle ; les graines superficiellement implantées. La couleur du fruit varie beaucoup selon le degré de maturité et d’insolation. On conçoit sans peine que les fruits d’automne revêtent rarement leurs vives nuances. Le coloris est pourpre brun-foncé du côté frappé directement par les rayons solaires, et arrive par dégradation du côté de l’ombre au rougeâtre terne, enfin au blanc-gris jaunâtre. La chair, assez dense et pourtant moelleuse et saturée d’une eau délicieusement parfumée, est d’un blanc nuancé de vert. Son arôme vineux et sa molle consistance sont des caractères qui la distinguent de toutes ses congénères.

C.-Aug. Hennau.