Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Prince Albert

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Poire Prince Albert.

(Bivort.)

(Spécimens récoltés sur pyramide.)

La nouvelle et excellente poire dont nous venons donner ici la description et l’historique, nous paraît devoir être classée au premier rang parmi les fruits dont la science et les travaux d’infatigables semeurs viennent chaque jour enrichir nos jardins. Sa grosseur n’est que moyenne ; mais sa maturité tardive, en février et mars, et surtout l’exquise qualité de sa chair, dont l’arôme rappelle les Colmars, font de cette poire l’un des fruits les plus estimés.

À un fruit d’un mérite aussi transcendant, il fallait un nom patronymique distingué ; il y a été pourvu en lui donnant, sur la présentation de M. Thomas Rivers, pomologue à Sawbridgeworth (Angleterre) et membre correspondant de notre Commission de pomologie, celui de S. A. R. le prince Albert.

C’est parmi les semis retardataires de la huitième génération de Van Mons que nous avons découvert la variété qui nous occupe ; elle se trouvait inscrite sur son catalogue, sous le n° 2190 ; dégustée, lors de sa première production en mars 1848, par divers pomologues distingués et entre autres par M. Royer, notre président, elle fut notée comme ayant d’excellentes qualités ; et le désir d’acquérir une complète certitude quant à sa tardiveté nous a engagé à ne la faire connaître au public horticole qu’en 1852.

Ce n’est donc qu’après plusieurs dégustations successives qui ont eu lieu en février et en mars que nous l’avons classée comme fruit de cette saison en Belgique.

L’arbre est vigoureux ; son facies se rapproche de celui des Colmars ; il affecte naturellement la forme pyramidale et se comporte également bien sur franc et sur coignassier ; il est même rare de voir une nouvelle variété réussir aussi bien sur ce dernier sujet. Son bois s’élance droit et vigoureux vers sa cime, s’écarte, avec l’âge, vers sa base, et forme avec le tronc un angle plus ou moins ouvert. Ses branches à fruits sont longues, grêles ; les supports sont moyens, gris, ridés à leur base, légèrement renflés, lisses et gris verdâtre à leur sommet.

Le bouton à fleur est petit, conique, pointu, brun clair ombre de brun marron et de noir.

Les jeunes rameaux sont assez gros, longs, fortement coudés ou flexueux ; une strie longitudinale peu apparente part au-dessous de chaque gemme et se prolonge jusqu’au suivant. L’épiderme lisse, luisant, jaune verdâtre est ponctué de quelques lenticelles rondes, blanc sale, peu apparentes sur les rameaux de l’arbre mère.

Les rameaux des jeunes arbres greffés depuis trois ans sur coignassier ont l’épiderme couleur noisette ; les lenticelles sont rondes, rousses et peu visibles.

Le gemme est gros, ovale pointu, brun clair ombré de brun foncé, totalement écarté du bois et porté sur un soubassement notable ou sur des rudiments de lambourde.

Les Mérithalles sont longs et assez égaux.

Les feuilles grandes, oblongues, lancéolées ou ovales-lancéolées, pointues, d’un beau vert clair, sont un peu arquées, planes ou à bords légèrement relevés en gouttière et finement serretées ; leur longueur varie entre 6 à 10 centimètres et leur largeur entre 3 ½ à 5.

Le pétiole est grêle, vert clair, légèrement canaliculé, long de 25 à 40 millimètres.

Les stipules sont linéaires.

Le fruit du Prince Albert est parfois ovale turbiné, mais ordinairement pyriforme-allongé ; sa hauteur moyenne est dans ces deux cas de 8 à 10 centimètres et sa largeur de 7. L’épiderme, assez épais, grenu, est lisse, vert clair, peu ou point coloré du côté exposé aux rayons solaires, lavé de roux autour du pédoncule, fortement maculé et pointillé de même couleur sur toute sa surface et en outre ponctué de quelques points noirs. À l’époque de la maturité, le fruit jaunit très-légèrement. Le pédoncule est moyen, ligneux, un peu arqué, brun verdâtre, renflé à son sommet comme à sa base et aminci vers le centre ; il est long de 20 à 35 millimètres et placé droit à fleur du fruit sans solution de continuité, ou obliquement au sommet d’une petite éminence charnue. Le calice, petit, étoilé, ouvert, se trouve dans une cavité peu profonde, arrondie et évasée ; ses divisions brun-noir sont ordinairement caduques. La chair est blanc jaunâtre, fine, fondante, beurrée ; son eau est assez abondante, sucrée, et d’un parfum des plus agréables, rappelant celui du passe-Colmar. Quelques concrétions pierreuses très-fines entourent le trognon, qui est petit, clos et contient 3 à 4 pepins ovales, allongés, pointus, brun-marron.

M. Royer qui, dès 1848, avait reçu sous le no 2190 des scions du Prince Albert, les plaça sur les branches latérales d’une forte pyramide greffée sur coignassier, dans son jardin de Namur. L’arbre s’étant mis en rapport cette année (1852), il nous en envoya deux fruits : l’un, exactement semblable aux produits de l’arbre mère, se trouve dans notre tableau sous le no 1, et l’autre dont la forme est ovale turbiné, sous le no 2. L’épiderme de ce dernier est passé au jaune d’or en mûrissant ; ce qui est contraire à ce que nous avions observé jusqu’à ce jour sur les fruits provenant de l’arbre de semis.

Cette anomalie ne proviendrait-elle pas de la greffe sur coignassier ? Quant à la qualité du fruit et à son époque de maturité, elles étaient conformes à celle de la première production.

A. Bivort.