Annales de pomologie belge et étrangère/Fruits de verger

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Fruits de verger.



L’impulsion que les efforts réunis des particuliers et du gouvernement ont imprimée depuis quelques années aux diverses cultures, commence à produire les plus heureux effets.

Cette influence favorable ne se manifeste pas seulement dans l’amélioration et l’accroissement des produits de première nécessité, elle se fait sentir jusque dans les produits secondaires. Tout participe à ce mouvement général, qui est une des nécessités de notre époque. En effet, lorsqu’il devient de jour en jour plus difficile d’assurer l’alimentation de tous, les efforts de l’homme doivent tendre à obtenir de la terre, le seul et inépuisable fonds de ses véritables richesses, tout ce que cette terre peut lui donner en récompense de son labeur.

Nous avons souvent été frappés du peu d’importance qu’on attache dans la plupart de nos provinces à la culture fruitière des vergers, lorsqu’on voit chez nos voisins les immenses résultats obtenus par ces cultures. Faut-il attribuer cette négligence à la différence de climat, de besoins ou de goût ?

Nous ne le croyons pas, puisque partout, en Belgique, les arbres fruitiers donnent les meilleurs résultats ; les fruits s’y vendent bien, et sont recherchés des consommateurs ; les produits sont aussi satisfaisants dans les provinces un peu montueuses, qu’ils le sont dans les vallées les mieux abritées de l’Allemagne. Quelle peut donc être la cause de cette infériorité relative ? Serait-ce le défaut de con naissances spéciales dans la conduite des vergers ? mais chacun sait qu’il en faut peu, lorsque les espèces et les variétés sont rustiques. Serait-ce la pénurie de bons fruits appropriés à cette destination ? mais on sait fort bien que, sous ce rapport, la Belgique n’a rien à envier à ses voisins et qu’elle leur est même supérieure.

Il nous a semblé que cette indifférence d’une partie de nos populations tient à deux causes principales : la première est la grande fertilité et le facile écoulement, à des prix avantageux, des mauvaises variétés fruitières cultivées dans nos vergers ; la seconde est l’incertitude où est le cultivateur de savoir s’il pourra remplacer ces variétés par d’autres d’une qualité supérieure et surtout aussi fertiles.

Cette incertitude n’a plus aucune raison d’être, depuis que tant d’amateurs patients ont reconstitué le genre Poire, par des semis raisonnes ou confiés au hasard. Aujourd’hui que les résultats les plus remarquables sont venus couronner leurs efforts, nous pouvons, sans préjuger ce que l’avenir nous réserve, dire avec certitude qu’une ère nouvelle s’est ouverte pour la pomologie. Les plantations rustiques deviennent, non-seulement possibles, mais faciles, par le choix infini de variétés robustes qui peuvent convenir à toutes les terres ; tel qui renonçait à la plantation d’un verger, par la difficulté de pouvoir le peupler d’espèces fruitières vigoureuses, ou afin de ne pas être obligé de borner son choix entre des variétés sans valeur, ne devra plus s’arrêter maintenant devant cette difficulté.

Les genres Pomme, Prune et Poire offrent d’innombrables ressources, et la seule difficulté consistera bientôt dans l’embarras du choix.

Nous savons fort bien que toutes les variétés nouvelles ne répondent pas également à toutes les exigences. En effet, la généralité des plus fines et des plus relevées laisse beaucoup à désirer pour la grande culture. Mais n’est-ce pas trop exiger que de vouloir trouver tous les avantages dans un arbre qu’on doit livrer à une culture rustique, à laquelle la plupart des variétés anciennement connues se refuseraient ?

Un bon fruit de table, produisant abondamment, tenant bien aux branches, mûrissant lentement et sans blettir, voilà ce qu’il faut aux plantations des vergers.

Les poires de garde sont les plus rares parmi celles qui réunissent ces conditions ; et ce ne sont pas ces variétés qui conviennent aux plantations champêtres ; nous leur préférons celles qui donnent leur production à partir du mois d’août jusqu’en novembre.

En effet, les fruits de cette saison n’ont pas seulement l’avantage d’être d’une grande fertilité, mais ils sont encore les seuls qui ne demandent d’autres soins que la cueillette et l’apport direct au marché. Les variétés plus tardives réclament pour leur conservation des soins constants et des locaux dont un petit nombre de personnes peuvent disposer.

Ce sont les fruits d’automne que l’on exporte principalement, que l’on fait sécher au four, et avec lesquels on confectionne le poiré ; quand ils seront abondants, l’ouvrier pourra les faire entrer dans son alimentation journalière et augmentera ainsi son bien-être.

Nous ne voulons parler ici que du genre Poire, le plus négligé de tous, et qui ne peut manquer de marcher de pair avec la Pomme, du moment qu’il offrira les mêmes avantages. En effet, le poirier réussit souvent dans des conditions où d’autres espèces ne donneraient que des résultats insignifiants, soit à cause de l’exposition, soit à cause de la nature du sol.

Ce sont toutes ces considérations qui ont engagé la Commission royale de Pomologie à faire paraître successivement, dans ses Annales, la description des Poires nouvelles, déjà cultivées dans les jardins et qui, sous tous les rapports, sont propres à la culture des vergers.

Les matériaux de ce travail vraiment patriotique se trouvent réunis dans le jardin de la Société Van Mons à Geest-Saint-Remy, à laquelle la Commission sert de conseil administratif.

Ce jardin, placé dans les conditions les plus défavorables, est expose à tous les vents ; son sol est froid, argileux, et les variétés peu robustes y dépérissent en peu d’années ; il offre donc la certitude, que celles qui y réussissent conviennent à tous les vergers.

Les deux variétés que nous allons décrire y sont plantées depuis environ dix ans ; elles forment des hauts-vents pyramidaux d’environ 12 mètres de hauteur, qui se chargent chaque année de fruits exquis, nombreux et d’une maturation lente, remplissant ainsi toutes les conditions voulues.

La distribution des rameaux à greffer, que la Société Van Mons fait chaque année gratuitement à ses membres, aura pour résultat la propagation rapide des meilleurs fruits les plus convenables à la grande culture, et comblera ainsi une lacune regrettable.