Anthologie féminine/Avant-propos de la IIe période
ne cinquantaine d’années s’est écoulée. La
Renaissance a fait son œuvre. Malherbe a
épuré le vieux langage. Le français est arrivé
à son apogée. Nul ne peut se flatter de dépasser
comme clarté et comme syntaxe Corneille, La
Bruyère, Voltaire et Diderot. Avec Mlle de Scudéry commence
cette célèbre pléiade, unique au monde, de femmes
françaises écrivains. Dans le XVIIe siècle nous trouvons
de fertiles romancières, de plus rares poètes, quelques
moralistes et savantes. Le XVIIIe siècle est celui des
Correspondances et Mémoires. Toute femme spirituelle,
mondaine, enjouée, est facilement maîtresse dans le style
épistolaire, qui doit rester familier et antipédantesque.
Nous avons hésité à considérer les correspondantes comme
auteurs. Aux Mémoires, infiniment utiles au point de vue
de l’histoire et des mœurs, il ne faut demander non plus
des conceptions de haut vol ni le souffle littéraire indispensable
aux œuvres d’imagination. Il est difficile de
déployer une grande science de rhétorique pour répéter
dix fois dans la même feuille : « Je suis entrée chez la
reine, etc. » Aussi avons-nous choisi comme citations,
quand nous l’avons pu, des réflexions et commentaires
appartenant en propre à l’auteur ou à un de ses ouvrages
littéraires, plutôt que des fragments de mémoires ou de
lettres.
La Révolution ayant mis un point d’arrêt dans la vie sociale, et étant en même temps un point de départ d’autres mœurs et d’autres idées, nous avons arrêté cette seconde période à Mme d’Antremont, qui a correspondu avec Voltaire âgé et nous conduit jusqu’à 1789.