Astronomie populaire (Arago)/III/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 78-82).

CHAPITRE IV

de la réfraction


Examinons maintenant comment un rayon de lumière se comporte en passant d’un milieu dans un second milieu plus dense que le premier.

Si le rayon lumineux rencontre perpendiculairement la surface de séparation des deux milieux, il continue sa route en ligne droite. Il en est tout autrement lorsque le rayon tombe sur cette surface de séparation dans une direction oblique ; alors le rayon se brise au point d’incidence et se meut dans le second milieu, suivant une direction qui ne forme pas le prolongement du rayon incident.

Soient (fig. 37) AB la surface de séparation en question, RI le rayon incident, PIP′ la perpendiculaire à la surface de séparation. Le rayon RI, au lieu de continuer à se mouvoir suivant la direction RIR′, prendra la direction IV, plus rapprochée de la perpendiculaire que le prolongement IR′. L’angle VIP′ est plus petit que l’angle RIP. L’angle RIP s’appelle angle d’incidence ; l’angle VIP′ se nomme l’angle de réfraction.

Fig. 37. — Réfraction de la lumière.

À toute rigueur, nous n’aurons besoin, dans ce qui nous reste à dire, d’autre chose que de ce résultat : l’angle de réfraction est plus petit que l’angle d’incidence, lorsque la lumière passe de l’air dans un milieu plus dense ; mais comme une figure très-simple nous permettra d’expliquer la loi suivant laquelle s’opère la réfraction sous toutes les incidences possibles, je vais la tracer.

AB (fig. 38) représente toujours la surface de séparation des deux milieux, RI le rayon incident, PIP′ la perpendiculaire à la surface AB au point d’incidence, IV le rayon réfracté. Du point I comme centre, et avec un rayon quelconque, décrivons la circonférence de cercle apbp′, l’arc np sera la mesure de l’angle d’incidence, l’arc vp′ mesurera l’angle de réfraction. Menons les perpendiculaires nm et vn′ à PP′. Pour deux milieux donnés et pour tous les angles d’incidence possibles, les droites nm et vn’ seront entre elles dans le même rapport. Or, comme en trigonométrie on appelle sinus d’un arc la perpendiculaire menée d’une des extrémités de cet arc sur le rayon passant par l’autre extrémité, que nm conséquemment est le sinus de l’angle d’incidence, et vn′ le sinus de l’angle de réfraction, on peut énoncer la loi en ces termes : La réfraction s’opère toujours entre deux milieux, de manière que le sinus de l’angle d’incidence est au sinus de l’angle de réfraction dans un rapport constant.

Fig. 38. — Loi des sinus.

Telle est la loi célèbre donnée par Descartes, et dont on a voulu, sans aucune raison plausible, lui enlever la découverte.

Quand les angles d’incidence et de réfraction sont petits, les sinus sont à peu près proportionnels aux angles. On peut donc dire alors qu’entre des limites d’inclinaison peu étendues, l’angle de réfraction est une certaine portion aliquote de l’angle d’incidence. Mais lorsque les angles sont un peu grands et qu’on veut déterminer avec précision l’angle de réfraction, il faut indispensablement recourir à la loi des sinus.

Dans le passage de la lumière de l’air dans l’eau, le rapport des sinus est celui de 4 à 3. Il résulte de là que, pour un angle d’incidence de 10°, l’angle de réfraction est de 7° 29′ ; que, lorsque l’incidence s’élève, à 45°, l’angle de réfraction est de 32° 1′ ; et, enfin, que, pour une incidence de 89°, on a 48° 34′ pour l’angle de réfraction. Mais la considération des sinus ne sera pas indispensable dans l’explication élémentaire que nous devrons donner de l’effet des lentilles.

Fig. 39. — Passage de la lumière d’un milieu plus dense dans un milieu moins dense.

Nous venons de tracer la route du rayon réfracté, lorsque ce rayon passe d’un milieu rare dans un milieu dense. Comment s’opère la réfraction quand, au contraire, un rayon de la lumière va du milieu dense dans le milieu rare ? La réfraction se fait alors en sens inverse, c’est-à-dire que le rayon en sortant du milieu dense s’éloigne de la perpendiculaire, mais en obéissant toujours à la loi des sinus ; de sorte que si VI (fig. 39) est le rayon incident, IR sera le rayon réfracté ; ce qui veut dire que le rayon lumineux, en revenant sur ses pas, suit exactement la route qu’il avait parcourue en passant du milieu rare dans le milieu dense.

Les anciens avaient connaissance de la réfraction que la lumière éprouve en passant de l’air dans l’eau ou dans le verre.

On voit une table de la valeur de ces réfractions dans le Traité d’optique de Vitellius. Une table toute pareille, qui servit peut-être à Descartes à découvrir la loi des sinus, existait déjà dans l’optique de Ptolémée, ainsi qu’on l’a constaté sur des manuscrits de l’auteur grec, retrouvés il y a quelques années seulement dans la collection de la grande bibliothèque de Paris.

On voit dans cette même Optique de Ptolémée, un passage fort clair relatif à la réfraction que les rayons lumineux des étoiles éprouvent dans l’atmosphère terrestre. L’auteur cite des observations qui rendent l’existence de cette réfraction manifeste ; il ne paraît pas toutefois qu’il en ait déterminé la valeur et qu’il s’en soit jamais servi pour corriger ses propres observations ou celles de ses prédécesseurs. Quant à la cause de la réfraction, voici comment il s’exprime : « Elle vient de la flexion du rayon visuel à son passage par la surface de séparation de l’éther et de l’air, laquelle doit être sphérique et avoir pour centre le centre de la terre. »