Astronomie populaire (Arago)/III/05
CHAPITRE V
marche de la lumière à travers les prismes
Examinons d’abord la route que suit un rayon lumineux en traversant une lame de verre à faces parallèles.
Soient AB et CD (fig. 40) les deux faces d’une semblable lame, RI le rayon incident se mouvant dans l’air ; ce rayon, au lieu de suivre dans le verre la direction IR′ que nous avons ponctuée, prendra la route IV, plus rapprochée de la perpendiculaire PIP′ ; mais en sortant du verre, au point V, le rayon, devant s’écarter de la perpendiculaire VT, ne suivra pas la direction ponctuée VV′, il prendra la route VS, laquelle sera parallèle au rayon incident primitif RIR′.

Le rayon RI s’appelle le rayon incident, le rayon VS le rayon émergent.
Le rayon incident et le rayon émergent sont parallèles lorsque les deux faces par lesquelles le rayon entre dans le verre et en sort sont exactement parallèles. Le rayon incident et le rayon émergent seraient sensiblement sur le prolongement l’un de l’autre dans le cas où la lame traversée aurait une épaisseur très-petite. Cela résulte de l’inspection de la figure et n’exige pas de plus amples explications.
Faisons maintenant tomber le rayon lumineux sur une masse de verre ayant des faces non parallèles et que l’on appelle un prisme (fig. 41).


Faisons par un plan une section dans le prisme, perpendiculairement à l’arête supérieure, et soient (fig. 42) BA la première de ses faces, AC la seconde, admettons que le verre soit terminé en BC : A est l’angle, BC la base du prisme. Supposons qu’un rayon de lumière RI rencontre perpendiculairement la face AB du prisme, il pénétrera dans la masse de verre sans se réfracter. Les circonstances ne seront pas les mêmes à la sortie du prisme ; alors le rayon ML rencontrant obliquement la face AC au point L, en sortira pour rentrer dans l’air en se déviant. Dans quel sens se fera cette déviation ? Menons au point L une perpendiculaire PP′ à AC, le rayon de lumière, au lieu de se mouvoir sur le prolongement ponctué LV de RIL, s’écartera de la perpendiculaire PP′.

Il résulte de l’expérience, du calcul, ou même d’une construction graphique, que le rayon émergent, à la sortie d’un prisme, s’est d’autant plus dévié, a marché d’autant plus vers la base, que l’angle A du prisme est plus considérable.

Après avoir déterminé la route que suit le rayon incident RI, lequel, avant son émergence de la masse prismatique, se mouvait dans la direction IL, considérons LS comme le rayon incident (fig. 42, 43 et 44), et disons dans quelle direction ce nouveau rayon incident émergera. Eh bien, le rayon LS deviendra le rayon IR, c’est une conséquence de toutes les observations ; en sorte qu’on peut dire, en termes généraux, qu’en revenant sur ses pas, le rayon de lumière suit exactement la même route qu’il avait parcourue dans son premier trajet.
On supprimerait du prisme BAC toutes les parties matérielles comprises entre le point I et l’angle A, entre le point I et la base BC (fig. 45), on réduirait ce prisme aux facettes de verre pour ainsi dire infiniment petites qui entourent le point d’incidence I et le point d’émergence L, que la réfraction éprouvée par le rayon RI resterait absolument la même, les parties vitreuses un peu éloignées des points I et L soit à droite, soit à gauche, ne pouvant nullement contribuer à la déviation que le rayon subit.

Concevons un faisceau de rayons parallèles également éloignés, à gauche et à droite, d’un rayon central RI (fig. 46). Si nous mettons un prisme sur le trajet du rayon PQ, mais de manière que sa base soit placée vers le rayon central RI, le rayon PQ sera dévié et viendra rencontrer quelque part, au point F, l’axe du faisceau RI. On pourra amener un second rayon ST à se réunir au rayon central au même point F, en établissant sur le trajet de ce rayon un deuxième prisme situé comme le premier, mais d’un angle un peu plus ouvert, puisque pour amener ST au point F, la déviation doit être plus forte que pour y conduire le rayon PQ.

On pourrait faire la même opération de l’autre côté du rayon RI avec des prismes Q′, T′, etc., dont les bases seraient aussi tournées vers la ligne centrale. En multipliant suffisamment les prismes, on concentrerait au point F, par voie de réfraction, une multitude de rayons qui, sans cela, se seraient propagés dans l’espace en restant parallèles et séparés.
Je dis qu’un très-grand nombre de prismes, disposés à gauche et à droite du rayon central RI, produiraient l’effet désiré, attendu que les dimensions de chacun d’entre eux pourraient être réduites aux très-petites facettes vitreuses entourant le point d’incidence et le point d’émergence ; il serait seulement nécessaire que ces petites facettes formassent entre elles les mêmes angles que lorsqu’elles faisaient partie d’un prisme étendu.
Si on faisait rebrousser chemin, par un moyen quelconque, aux rayons qui se sont réunis en F, ces rayons, après avoir traversé les divers prismes qui d’abord les avaient amenés en F, sortiraient parallèlement entre eux.