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Astronomie populaire (Arago)/Introduction 1846

La bibliothèque libre.
GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. xi-xii).

PAROLES D’INTRODUCTION

prononcées le 17 décembre 1846, à l’ouverture du dernier cours
d’astronomie professé à l’observatoire


Un des plus grands écrivains du siècle dernier, Montesquieu, disait en parlant des discours académiques, des discours de rentrée des corps constitués : « Ce sont des ouvrages d’ostentation. » Montesquieu aurait pu comprendre dans la même catégorie les discours d’ouverture des cours publics.

J’ai une antipathie invincible pour tout ce qui sent l’ostentation : je ne ferai donc pas de discours d’ouverture.

« J’ai la maladie de faire des livres, disait encore Montesquieu, et d’en être honteux quand je les ai faits. »

Ces paroles de l’illustre auteur de l’Esprit des Lois n’étaient qu’une boutade sans conséquence ; moi, je dirai très-sérieusement : « J’ai la manie de faire des leçons, et d’être toujours fort mécontent de celles que je viens de faire. »

Je vais donc, Messieurs, sans autre préambule, dire de qui je tiens ma mission et comment j’entends m’en acquitter.

Le Bureau des Longitudes a été créé par une loi du 7 messidor an iii (25 juin 1795).

L’article 6 de cette loi impose à un des quinze membres ou adjoints dont le Bureau se compose l’obligation de faire un cours public d’astronomie.

Depuis que l’article est en vigueur le choix de mes confrères a toujours porté sur moi.

J’aurais pu, j’aurais dû peut-être, cette année, décliner cet honneur : l’idée ne m’en est pas même venue, quoique à mon âge il soit naturel d’aspirer au repos, et j’appelle ainsi les travaux du cabinet. Mais vous me comprendrez si vous avez subi la domination tyrannique d’une idée ; si la croyant juste, utile, et la voyant combattue, vous avez résolu de la faire prévaloir.

Telle est précisément ma position relativement à la manière de professer l’astronomie. Des hommes d’un mérite éminent prétendent que cette science ne peut être enseignée à ceux qui n’ont pas déjà des connaissances mathématiques étendues. Ils veulent qu’on soit initié à la géométrie, à la trigonométrie rectiligne, à la trigonométrie sphérique ; ils exigent même le calcul différentiel dans certains points particuliers. Je prétends, moi, que l’esprit des méthodes peut être exposé complètement, fructueusement, devant un auditoire attentif qui n’a jamais jeté les yeux sur un livre de géométrie. Trois ou quatre propositions indispensables sont susceptibles de démonstrations très-simples. Rien n’empêche d’intercaler ces démonstrations dans les leçons. Il en est de même de quelques notions utiles de mécanique et d’optique. Au reste, le débat ne saurait arriver à son terme autrement que par des faits. C’est donc une grande, une solennelle expérience que nous allons continuer en commun. Je sais que je puis compter sur votre attention bienveillante : mon zèle ne vous fera pas défaut. Vous comprendrez maintenant comment, sans devenir paradoxal, je puis émettre le vœu que l’auditoire se compose en majorité, même en totalité, de personnes entièrement étrangères aux mathématiques.