Astronomie populaire (Arago)/V/02

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 186-188).

CHAPITRE II

un des effets des lunettes sur la visibilité
des étoiles


L’œil n’est doué que d’une sensibilité bornée. Quand la lumière qui frappe la rétine n’a pas assez d’intensité pour l’ébranler, il ne sent rien. C’est par un manque d’intensité que beaucoup d’étoiles, même dans les nuits les plus profondes, échappent à nos observations faites à l’œil nu.

Les lunettes ont pour effet, quant aux étoiles, d’augmenter l’intensité de l’image.

En effet, le faisceau cylindrique de rayons parallèles venant d’une étoile qui s’appuie sur la surface de la lentille objective, qui a cette surface circulaire pour base, se trouve considérablement resserré à la sortie de la lentille oculaire. Le diamètre du premier cylindre est au diamètre du second comme la distance focale de l’objectif est à la distance focale de l’oculaire ; ou bien, comme le diamètre de l’objectif est au diamètre de la portion de l’oculaire qu’occupe le faisceau émergent.

Puisque tous les pinceaux embrassés par la surface de l’objectif sont contenus dans le cylindre émergent de l’oculaire, l’intensité de la lumière dans ce dernier cylindre sera à l’intensité de la lumière dans le premier comme la base de l’un est à la base de l’autre.

Le faisceau émergent, quand la lunette grossit, étant plus étroit que le faisceau cylindrique qui tombe sur l’objectif, il est évident que la pupille, quelle que soit son ouverture, recueillera plus de rayons par l’intermédiaire de la lunette que sans elle ; la lunette augmentera donc toujours l’intensité de la lumière des étoiles.

Le cas le plus favorable, quant à l’effet des lunettes, est évidemment celui où l’œil reçoit la totalité du faisceau émergent, le cas où ce faisceau a moins de diamètre que la pupille. Alors, toute la lumière que l’objectif embrasse concourt, par l’entremise de la lunette, à la formation de l’image. À l’œil nu, au contraire, une portion seule de cette même lumière serait mise à profit : c’est la petite portion que la surface de la pupille découperait dans le faisceau incident naturel.

L’intensité de l’image télescopique d’une étoile est donc à l’intensité de l’image à l’œil nu comme la surface de l’objectif est à celle de la pupille.

Ce qui précède est relatif à la visibilité d’un seul point, d’une seule étoile. Venons à l’observation d’un petit objet ayant des dimensions angulaires sensibles, à l’observation d’une planète si l’on veut.

Supposons que l’on parte d’un grossissement particulier suffisant pour que les rayons émanant de chaque point de l’objet, et tombant sur la totalité de l’objectif, soient compris à leur émergence de l’oculaire, dans l’ouverture de la pupille. Cette même condition se trouvera évidemment remplie pour tous les grossissements supérieurs à celui-là. À compter de ce moment, les images dans l’œil seront invariablement formées pour chaque point, et conséquemment pour leur ensemble, par la même quantité de rayons dont la mesure est donnée par la surface de l’objectif. Mais ces rayons seront répartis sur la rétine, sur des espaces de plus en plus grands à mesure que le grossissement augmentera ; l’intensité de l’image d’une planète, à partir du grossissement pour lequel la totalité des rayons tombant sur l’objectif parviennent à la rétine, sera donc d’autant plus faible que le grossissement aura plus de force.

Dans quel rapport cet affaiblissement s’opère-t-il en passant d’un grossissement à un autre ?

Nous avons vu plus haut (livre iii, chap. xiv) que les grossissements superficiels s’obtiennent en divisant la surface de l’objectif par les surfaces des sections faites perpendiculairement au cylindre émergent que fournissent les rayons parallèles qui, partant d’un point donné, sont tombés sur l’objectif.

Les intensités étant en raison inverse des étendues superficielles, seront, pour deux lentilles oculaires données, inversement comme les surfaces des sections circulaires faites dans les cylindres émergents. Au reste, pour la suite de nos explications, tout ce qu’il importe de se rappeler, c’est que l’intensité d’une image va considérablement en diminuant à mesure que le grossissement augmente.

L’atmosphère peut être considérée comme une planète à dimensions indéfinies, puisque chacune de ses molécules envoie vers l’œil des rayons comme le font tous les points d’une planète.

La portion d’atmosphère qu’on verra dans une lunette subira donc aussi la loi d’affaiblissement que nous venons d’indiquer : le champ tout entier sera d’autant plus obscur qu’on se servira d’un plus fort grossissement.