Astronomie populaire (Arago)/X/13

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 471-473).

CHAPITRE XIII

conséquences qui résultent de la nature des mouvements observés dans les étoiles doubles, relativement à l’universalité de l’attraction newtonienne


Les formules algébriques à l’aide desquelles on est parvenu à débrouiller toutes les circonstances des curieux mouvements elliptiques des étoiles doubles, reposent entièrement sur l’hypothèse que ces étoiles se meuvent et obéissent aux lois des mouvements elliptiques de Kepler ou, ce qui revient au même, sur la supposition que la grande et la petite étoile s’attirent en raison inverse du carré de leurs distances. La détermination de l’orbite de chaque étoile exige seulement quatre, cinq ou au plus six mesures d’angles de position et de distances apparentes. Quant aux observations non employées dans ces premiers calculs, qu’elles soient antérieures, postérieures ou intermédiaires, elles deviennent autant de moyens de soumettre à une épreuve délicate et décisive l’hypothèse dont on était parti : il suffit de voir si elles s’accordent avec une orbite qui ne saurait être la véritable, dans le cas où l’on aurait déduit sa forme d’une supposition erronée. Or, beaucoup de comparaisons ont été faites entre les suppositions des étoiles satellites réellement observées, et les positions conclues des ellipses calculées. Les discordances n’ont pas dépassé les petites incertitudes inhérentes à ce genre difficile de mesures.

Ainsi, en admettant que, jusqu’aux derniers confins du monde visible, il existe une force attractive qui s’exerce en raison inverse du carré des distances, les calculateurs des orbites des étoiles doubles s’étaient placés dans le vrai ; ainsi, les étoiles sont régies par la même force qui, dans notre système solaire, préside à tous les mouvements des planètes et des satellites ; ainsi, cette célèbre attraction newtonienne, dont l’universalité n’était jusqu’ici établie que jusqu’aux limites de l’espace embrassé par la planète la plus éloignée du soleil, c’est-à-dire par Neptune, devient universelle dans toute l’acception grammaticale de ce terme.

Il ne faut pas croire qu’on pouvait, sans aucun scrupule, donner cette extension indéfinie à la découverte de Newton. L’existence de l’attraction, dans toutes les parties du système composé du Soleil et des planètes qui l’entourent, était un fait capital dont on avait découvert les lois et suivi les conséquences avec un succès merveilleux ; mais il n’en résultait pas que la vertu attractive fût inhérente à la matière, que de grands corps ne pussent pas exister dans d’autres régions, dans d’autres systèmes, sans s’attirer mutuellement. À plus forte raison n’aurait-on pas eu le droit de se prononcer sur la généralité de la loi du carré des distances. Maintenant, je le répète, grâce aux observations des étoiles doubles, ces doutes sont entièrement dissipés. Il n’en faudrait pas davantage pour justifier le vif intérêt que les déplacements relatifs des étoiles ont excité parmi les astronomes. On verra, au reste, dans les chapitres suivants, tout ce que cette nouvelle branche de la science renferme encore d’avenir.