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Astronomie populaire (Arago)/XI/03

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 500-502).

CHAPITRE III

nature des nébuleuses


Le nombre considérable de nébuleuses qui, vues avec des instruments ordinaires, semblaient des nuages lumineux, et dont Herschel avait opéré la décomposition en étoiles à l’aide de ses télescopes de 3, de 6, de 12 mètres, conduisit ce grand astronome à une généralisation hasardée. Pendant plusieurs années il soutint que toutes les nébuleuses sont des amas d’étoiles ; qu’il n’y a d’autre différence essentielle entre les nébuleuses les plus dissemblables en apparence, qu’un plus ou moins grand éloignement, ou une plus ou moins grande condensation des étoiles composantes. Il se mettait ainsi en opposition manifeste avec Lacaille qui, à son retour du cap de Bonne-Espérance, disait dans les Mémoires de l’Académie des sciences pour 1755 : « Il n’est pas certain que la blancheur de ces parties (les nuées de Magellan et les blancheurs de la voie lactée) soit causée, comme on le croit communément, par des amas de petites étoiles plus serrées que dans les autres parties du ciel ; car avec quelque attention que j’aie considéré les extrémités les mieux terminées, soit de la voie lactée, soit des nuées de Magellan, je n’y ai rien aperçu avec la lunette de 14 pieds (4m, 75) qu’une blancheur dans le fond du ciel, sans y voir plus d’étoiles qu’ailleurs où le fond était obscur. » Des observations minutieuses, très-délicates, faites avec une entière bonne foi, finirent par modifier les premières opinions d’Herschel. Dans un Mémoire de 1771, on lisait déjà ces paroles : « Il y a des nébulosités (des blancheurs), qui ne sont pas de nature stellaire (of a starry nature). ». Une fois arrivé à l’opinion qu’il existe dans les espaces célestes de nombreux amas de matière diffuse et lumineuse, Herschel vit s’ouvrir devant lui un champ de recherches presque entièrement nouveau, qu’il a exploré, dans toutes ses parties, avec une infatigable ardeur. Le dénombrement des nébuleuses franchit alors les limites restreintes qu’on lui avait ordinairement assignées ; il n’eut plus seulement pour but d’épargner des incertitudes, des méprises aux astronomes observateurs ; d’empêcher que la comète vagabonde, même dès sa première apparition, pût jamais être confondue avec la nébuleuse immobile, malgré la ressemblance apparente de leur constitution physique, malgré la grande similitude de leurs formes. Il fut bien entendu, dès cette époque, que les étoiles, les planètes, les satellites, les comètes, n’étaient pas les seuls objets sur lesquels les investigations des astronomes dussent se porter. La matière céleste non condensée, la matière céleste plus voisine, si l’expression m’est permise, de l’état élémentaire, ne parut pas moins digne d’attention et s’offrit aux esprits empreints de quelque philosophie, comme une source féconde de découvertes.