Astronomie populaire (Arago)/XI/20

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 525-528).

CHAPITRE XX

nébuleuses planétaires — est-il vrai que pour expliquer l’éclat uniforme de leurs disques, il faille indispensablement supposer que la matière diffuse est opaque dès qu’elle est arrivée à un certain degré de concentration


William Herschel appelait nébuleuses planétaires celles qui, par leur forme, ressemblent aux planètes de notre système. Elles sont circulaires ou légèrement elliptiques ; quelques-unes ont des contours nettement définis, d’autres semblent entourées d’une légère nébulosité ; leur lumière est également vive sur toute l’étendue du disque. Parmi les nébuleuses planétaires découvertes par Herschel, j’en trouve de 10, de 15, de 30, et même de 60 secondes de diamètre.

Herschel regardait la constitution physique des nébuleuses planétaires comme fort problématique. Sa riche imagination ne lui avait rien fourni à ce sujet de bien plausible, d’entièrement satisfaisant. On ne pouvait assimiler ces corps aux nébuleuses globulaires composées d’étoiles, sans expliquer pourquoi leur lumière ne présentait vers le centre aucune augmentation d’intensité. Transformer les nébuleuses planétaires en étoiles proprement dites, c’était se jeter en dehors de toutes les analogies ; c’était créer des étoiles avec des diamètres réels 13 mille fois plus grands que le diamètre du soleil (des diamètres de 4 600 millions de lieues) ; c’était attribuer à cette nature d’astres un genre de lumière terne qu’aucune étoile n’a offert jusqu’ici.

Après bien des hésitations, Herschel se décida à considérer les nébuleuses planétaires comme des agglomérations déjà très-condensées de la matière diffuse. Cette assimilation, il ne faut pas se le dissimuler, entraîne, exige une hypothèse qui peut sembler peu naturelle. Pour expliquer comment l’éclat des disques planétaires nébuleux n’est guère plus fort au centre que vers les bords, il faut admettre que la lumière ne provient pas de toute la profondeur de la nébuleuse (sans cela son intensité augmenterait avec le nombre des particules matérielles et rayonnantes contenues dans la direction de chaque rayon visuel) ; il faut réduire le rayonnement à être purement superficiel ; il faut accorder, en d’autres termes, qu’arrive à une certaine densité, la matière diffuse, laiteuse, comme on voudra l’appeler, cesse d’être diaphane.

Je ne sais, mais il me semble que toutes ces suppositions pourraient être évitées en admettant que les nébuleuses planétaires sont des étoiles nébuleuses, assez éloignées de la terre pour que l’étoile centrale ne prédomine plus par son éclat sur la lueur diffuse dont elle est entourée. Je renverrai sur ce point le lecteur au chapitre suivant, où je parle des étoiles nébuleuses.

J’ajoute un seul mot sur le danger qu’il y aurait à tirer des conséquences trop absolues des évolutions de la matière diffuse, des formes diverses qu’elle peut affecter en s’agglomérant. N’a-t-on pas prétendu naguère que dans la nébuleuse d’Orion, la substance lactée n’est pas en contact immédiat avec les étoiles du célèbre trapèze α γ β ϰ si bien connu de tous les astronomes ? N’a-t-on pas dit que ces étoiles sont comme isolées au milieu de la nébulosité ; qu’un espace noir les entoure ? Les astronomes, avouons-le, n’ont point encore démontré qu’on doive voir dans le phénomène dont je viens de parler, autre chose qu’un simple effet de contraste ; rien ne prouve que ce n’est pas là seulement une très-faible lumière s’effaçant au contact d’une lumière très-vive. Pour lever tous les doutes, il faudra jeter, à l’aide de la réflexion d’un miroir diaphane plan et à faces parallèles, placé devant l’objectif d’une lunette ou devant l’ouverture d’un télescope, l’image d’une étoile quelconque sur l’image de la nébuleuse, et rechercher si l’image stellaire ainsi réfléchie semblera de même entourée d’un espace noir. En attendant, tout nous autorise à supposer que les molécules laiteuses sont soumises, dans les vastes régions de l’espace, à des forces dont nous n’avons aucune idée. Les observateurs qui ont suivi les changements prodigieux, et souvent presque instantanés, de la comète de Halley dans sa dernière apparition, ne me démentiront pas ; la réserve que je recommande leur semblera, j’espère, toute naturelle.

La plus remarquable des nébuleuses planétaires est celle (fig. 119) découverte par Méchain ; elle est située au sud du parallèle de β de la Grande Ourse, et ayant 12′ de plus en ascension droite que cette étoile. Son diamètre apparent, suivant sir John Herschel, est de 2′ 40″. En la supposant éloignée de la Terre autant que la soixante et unième du Cygne, son diamètre serait sept fois plus grand que le diamètre de l’orbite de la planète de Neptune. La lumière de ce globe, dit le même astronome, est parfaitement la même dans toute son étendue, excepté sur les bords, où l’on remarque un très-léger affaiblissement. Cette apparence diffère de ce qu’on observerait dans un globe résultant d’une agglomération uniforme d’étoiles, ou dans un pareil globe formé d’une matière lumineuse. Il est évident que dans ces deux cas l’éclat irait en augmentant en allant du bord jusqu’au centre.

Le célèbre astronome anglais déduit de ces apparences la conclusion que la nébuleuse en question est un globe creux ou un disque plat circulaire, perpendiculaire au rayon visuel partant de la Terre.