Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/50

La bibliothèque libre.
GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 742-758).

CHAPITRE L

mesure du temps par le mouvement du soleil — établissement des gnomons et des cadrans solaires — détermination de la position d’un lieu — usages des éphémérides — octant — sextant — cercle de réflexion — dépression de l’horizon — astronomie nautique


Beaucoup de personnes ne comprennent l’utilité de l’astronomie que par les services directs qu’on en tire en ce qui concerne la mesure du temps et la détermination des positions relatives des lieux à la surface de notre planète. Il ne saurait donc être indifférent d’insister ici sur les applications des notions et des méthodes astronomiques aux besoins de la vie sociale.

Nous avons vu que la mesure du temps est fondée sur le mouvement du Soleil et que l’on compte 24 heures entre deux passages successifs du Soleil au méridien du lieu ; on obtient ainsi le temps vrai en un jour déterminé et il y a une correction à faire pour avoir le temps moyen dont on est convenu de se servir dans la vie civile. Une horloge étant donnée, il suffit, pour la régler, de constater l’instant du passage du Soleil par le méridien et de corriger cet instant (liv. vii, chap. xiii) de la valeur de l’équation du temps qu’on trouve pour chaque jour dans la Connaissance des temps et dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes. Lorsqu’on a une lunette méridienne à sa disposition, on obtient facilement l’instant exact du passage du centre du Soleil par le méridien, en observant successivement les passages des deux bords extrêmes du Soleil à l’aide de cette lunette et en prenant la moyenne des deux observations.

Les anciens, qui ne connaissaient pas les lunettes, pouvaient obtenir exactement l’heure du midi vrai à l’aide d’instruments encore employés quelquefois : ce sont les armilles et les gnomons ; ils sont fondés sur l’observation des ombres produites par les rayons solaires dardant sur des objets placés dans des plans verticaux.

Fig. 356. — Armille.

L’armille, mot qui signifie anneau ou collier, se compose de deux cercles (fig. 356), dont l’un horizontal est porté par quatre supports et dont l’autre vertical est retenu par en bas dans une entaille faite au pied de l’instrument et par les côtés dans deux entailles faites sur l’horizon au nord et au midi. Si le cercle vertical est placé dans le méridien, on obtiendra le midi vrai en notant l’instant où l’ombre pure de la partie antérieure de ce cercle se projettera exactement sur le milieu de la partie postérieure.

Fig. 357. — Gnomon.

Le gnomon (fig. 357) est un style droit, un obélisque, une équerre que l’on place verticalement[1]. Le moment où l’ombre portée arrive à sa longueur minimum est le midi vrai. On peut avec un gnomon déterminer approximativement le plan du méridien en observant la projection de l’ombre sur l’horizon au moment du lever et au moment du coucher du Soleil, et en menant le plan bissecteur des deux positions obtenues. Si l’on prend le rapport de la longueur de l’ombre projetée et de la hauteur du gnomon, on a la tangente trigonométrique de la distance zénithale du Soleil. L’angle que fait avec la trace du méridien l’ombre portée par le gnomon indique en chaque instant l’azimut (liv. vi, chap. i) de l’astre radieux. En observant le gnomon avant midi et après midi dans deux azimuts égaux, on aura le midi vrai en prenant le milieu entre les deux instants marqués.

Pour que les observations faites avec le gnomon aient une certaine exactitude il faut que cet instrument ait de grandes dimensions. Or, d’un autre côté, à mesure que la longueur du style augmente, la pénombre qui provient de ce que le Soleil n’est pas réduit à un point, mais présente un disque de grande dimension, rend la détermination de l’ombre pure de plus en plus confuse. Afin de faire disparaître cet inconvénient on a eu l’idée de mettre à l’extrémité de la tige du gnomon une plaque percée d’un orifice exactement placé dans l’axe du style (fig. 358). La lumière solaire passant à travers cet orifice donne au milieu de l’ombre projetée par la plaque un espace éclairé que l’on voit très-nettement au lieu même où l’on n’eût observé que confusément l’extrémité du style placé à la même hauteur que l’ouverture de la plaque. On conçoit que si l’on met une lentille de verre à la place de la plaque percée on aura au foyer de cette lentille une concentration des rayons du Soleil et qu’on pourra obtenir ainsi une température assez élevée pour produire l’inflammation de la poudre et la détonation d’une arme à feu placée dans le méridien ; cette détonation annoncera ainsi le midi vrai.

On a vu que le Soleil atteint des hauteurs zénithales différentes selon les saisons ; on comprend donc que les gnomons peuvent servir pour mesurer le retour des saisons, d’après la longueur des ombres projetées.

Fig. 358. — Gnomon à plaque percée.

Les gnomons ont été fort en usage chez tous les anciens peuples. Plusieurs sont célèbres par leurs hauteurs considérables. Sous le règne d’Auguste, l’obélisque de Sésostris placé à Rome dans le champ de Mars et qui avait 34 mètres de hauteur, servait, selon le récit de Pline, à reconnaître les longueurs des jours et des nuits. En 1278, l’astronome Cacheou-king fit élever à Pékin un gnomon de 12m,5 de haut. Paul Toscanelli, vers 1467, fit exécuter dans la coupole de la cathédrale de Florence, un gnomon qui est le plus grand qui existe ; il a 92 mètres de hauteur. Dominique Cassini construisit à Bologne, en 1653, dans l’église de Sainte-Pétrone, un gnomon dont la plaque était fixée à environ 27 mètres au-dessus du sol, à la naissance de la voûte de l’édifice. Picard, en 1669, commença une méridienne dans la grande salle de l’Observatoire de Paris, qui a 31m,6 de longueur ; le gnomon a 9m,93 de hauteur au-dessus du sol de la salle. La méridienne fut ornée par Cassini II, en 1750, de divisions et de signes indiquant les longueurs de l’ombre portée correspondantes à l’entrée du Soleil dans les douze signes du zodiaque (Mémoires de l’Académie des sciences pour 1732, p. 452). Le gnomon de l’église Saint-Sulpice, qui a 16 mètres de hauteur, a été établi par Lemonnier en 1742 ; la plaque percée est adaptée à la partie supérieure du portail latéral du sud, et la trace du plan méridien mené par le trou de la plaque est figurée sur le pavé de l’église par une ligne de cuivre qui traverse l’édifice dans sa plus grande largeur.

Le mouvement apparent du Soleil s’effectue chaque jour d’une manière uniforme selon un cercle de la sphère céleste perpendiculaire à l’axe du monde. Il résulte de là que si en un point quelconque de la Terre on mène une ligne droite parallèle à l’axe du monde, cette ligne droite et l’astre radieux forment un plan qui décrit 360 degrés en 24 heures. Le Soleil étant à midi dans le plan méridien, il sera à 1 heure dans un plan faisant 15° avec le méridien ; à 2 heures, il sera dans un autre plan faisant 30°, et ainsi de suite ; tous ces plans passant par l’axe du monde viendront rencontrer, suivant des lignes différentes, une surface quelconque plane ou courbe, verticale, horizontale ou diversement inclinée. Ces lignes d’intersection correspondront évidemment aux différentes heures de la journée. Si la ligne supposée parallèle à l’axe du monde est un style délié, les rencontres des plans passant par le Soleil avec une surface quelconque seront les ombres du style. On aura donc un cadran solaire en installant d’une manière invariable un style parallèle à l’axe du monde, sur une surface exposée au rayonnement du Soleil et en traçant sur cette surface par des méthodes géométriques les rencontres de plans faisant de part et d’autre du méridien des angles variant de 15 en 15 degrés. On conçoit du reste facilement qu’on pourra fractionner les heures en intercalant entre les premiers plans d’autres plans partageant l’angle de 15 degrés de la même manière qu’on veut subdiviser chaque heure. Telle est la théorie succincte des cadrans solaires dont l’histoire a été donnée au commencement de ce traité (liv. ii, chap. v). On voit que les cadrans solaires (fig. 15) ne sont que des gnomons dont le style est dirigé suivant l’axe du monde, et l’on doit se rappeler que la direction de cet axe est en chaque lieu celle d’une droite située dans le méridien avec une inclinaison égale à la latitude.

L’invention des lunettes, en permettant de faire les observations avec une excessive précision, a ôté aux instruments précédents la plus grande partie de leur intérêt. Il suffit de faire avec un théodolite l’observation de deux hauteurs correspondantes (liv. vi, chap. iii) du Soleil avant et après son passage au méridien, pour pouvoir régler une horloge. Quand on connaît la latitude du lieu de l’observation, il suffit même de la mesure d’une seule hauteur du Soleil au-dessus de l’horizon à un instant quelconque de la journée, pour obtenir l’heure exacte par le calcul, en prenant dans la Connaissance des temps la déclinaison solaire pour l’époque considérée.

Dès qu’on peut en un lieu donné déterminer l’heure sans difficulté, il est évident, d’après les détails que nous avons exposés dans le livre consacré à la Terre (liv. xx, chap. xix et xx), que sur la terre ferme l’astronome muni de ses instruments et de la Connaissance des temps pourra toujours connaître exactement la position qu’il occupe. En effet, il saura trouver sa latitude et l’heure à un moment donné ; l’observation d’un signal tel que la distance d’une étoile au Soleil ou à la Lune lui fournira le moyen de trouver par les tables de la Connaissance des temps l’heure de Paris au même moment ; la comparaison des deux heures donne la longitude du lieu. Ayant la latitude et la longitude, c’est-à-dire les deux coordonnées géographiques du lieu, on trouve immédiatement ce lieu sur la carte.

Les mêmes méthodes pourraient servir sans aucun changement aux navigateurs pour obtenir la position de leur vaisseau chaque jour et à chaque instant, s’il était possible d’établir sur un navire le théodolite, le cercle répétiteur, la pendule sidérale, les quarts de cercle ou les autres grands instruments des observatoires. L’agitation continuelle d’un bâtiment placé sur mer s’opposant à l’emploi du fil à plomb et du niveau, sans lesquels les instruments astronomiques ordinaires ne peuvent servir, on a dû recourir à de nouveaux instruments appropriés à un observatoire constamment mobile. On a déjà vu que les pendules ont été remplacées par des montres marines, des chronomètres, des garde-temps, auxquels des horlogers célèbres en France et en Angleterre, les Berthoud, les Breguet, les Emery, les Mudge, etc., ont donné une précision extrême et remarquablement uniforme. Pour mesurer la hauteur d’un astre ou la distance de deux astres, on imagina, à partir du xve siècle, l’arbalestrille et le quartier anglais. L’arbalestrille était une espèce de croix dont le croisillon appelé marteau glissait le long de la pièce la plus longue appelée la flèche ; on mettait l’œil au bout de la flèche et l’on disposait l’instrument de telle sorte que l’un des bouts du croisillon fût dirigé vers la mer et l’autre bout vers le bord du Soleil jusqu’à ce que les deux rayons visuels sous-tendissent exactement l’angle entre l’horizon et le Soleil ; les divisions marquées sur la flèche indiquaient la hauteur du Soleil. Le quartier anglais se composait de deux arcs de cercle concentriques, mais de rayons inégaux, placés dans un même plan. Au centre était une pinnule à travers laquelle on visait à l’horizon de la mer. Une pinnule mobile placée sur le petit arc était haussée ou abaissée jusqu’à ce que l’image qu’elle transmettait à la pinnule centrale fût réfléchie à une troisième pinnule placée sur le grand arc et à laquelle l’œil était appliqué ; la somme des deux arcs interceptés était la hauteur du Soleil et celle des deux arcs restants la distance au zénith.

L’arbalestrille et le quartier anglais étaient peu exacts et d’un emploi difficile, quoiqu’on les eût modifiés de manière à observer des ombres portées au lieu de la lumière directe du Soleil ; on les a remplacés avec avantage par les instruments à réflexion, dont la première idée est due à Newton. Ces nouveaux instruments sont l’octant, le sextant et le cercle de réflexion. Leur usage s’est répandu dans toutes les marines, depuis le Mémoire publié à ce sujet par Halley en 1731. Voyons d’abord quel est le principe des instruments à réflexion.

Fig. 359. — Principe des instruments à réflexion.

Imaginons que l’on place en MV (fig. 359) un miroir fixe à faces parallèles, étamé dans la moitié de sa longueur, et qui laisse par conséquent arriver à une lunette ou à une pinnule L les rayons transmis HIO et les rayons réfléchis KIO. Supposons en outre qu’un miroir AN entièrement étamé et mobile autour du point K soit originairement placé parallèlement à MV. Un rayon lumineux SK tombant sur AN parallèlement à HI se réfléchira évidemment suivant une ligne KI, et ensuite suivant une ligne IO, de telle sorte qu’après cette double réflexion il se confondra avec le rayon direct HIO. Cela résulte manifestement de la théorie des lignes parallèles (liv. i, chap. ix), et de la propriété qu’ont les angles des rayons lumineux incidents et des rayons réfléchis avec la surface incidente d’être égaux entre eux (liv. iii, chap. ii). Il est bien évident d’ailleurs qu’il faut que les plans des deux miroirs soient perpendiculaires au plan des rayons incidents HI et SK. Maintenant supposons qu’un autre rayon lumineux EK vienne tomber sur le miroir AN, et faisons tourner ce miroir jusqu’à l’amener dans une position A′N′, telle qu’après deux réflexions ce rayon lumineux, ayant suivi le chemin EKIO, vienne encore se confondre avec HIO. Nous aurons évidemment EKS = EKN′ + N′KNSKN. Mais, à cause de la propriété des rayons lumineux et réfléchis que nous venons de rappeler, on a SKN = IKA, EKN′ = IKA′ ; par conséquent on a aussi EKS = IKA′ + N′KNIKA ; mais IKA′IKA = AKA′ et en outre AKA′ = N′KN ; on a donc EKS = 2 N′KN. Ainsi, l’angle des deux rayons lumineux EK et SK est le double de l’angle dont on a dû faire marcher le miroir mobile entièrement étamé pour amener les images de E et de H à coïncider. Le miroir mobile est appelé le grand miroir ; l’autre miroir fixe, partiellement étamé seulement, est appelé le petit miroir.

Dans les instruments à réflexion, le miroir mobile en traîne une alidade munie d’un vernier, et qui se meut le long d’un arc de cercle divisé. Afin de ne pas avoir de multiplication d’angle à faire, on marque directement sur ce cercle des nombres doubles des divisions angulaires réellement parcourues.

Fig. 360. — Octant.

Si l’arc que peut décrire l’alidade du miroir mobile est de 45° (le huitième de la circonférence) on a un octant (fig. 360), et l’on peut mesurer des angles compris entre 0 et 90°. L’instrument devient un sextant (fig. 361) lorsque l’arc est de 60°, le sixième de la circonférence, et l’on peut mesurer des angles de 120°. Les sextants construits en France par Gambey ont une merveilleuse exactitude qui les a justement rendus célèbres.

L’observateur tient ces instruments de la main droite à l’aide d’une poignée P, tandis que de la main gauche il fait avancer l’alidade X. Lorsqu’on vise des astres, tels que le Soleil et quelquefois la Lune, dont la lumière est trop intense, on diminue l’éclat de cette lumière à l’aide de plaques B et C mobiles à charnière, et faites de verre coloré.

Fig. 361. — Sextant.

Les observations exécutées à l’aide de l’octant et du sextant exigent que les plans des deux miroirs soient parfaitement perpendiculaires au plan du limbe gradué, et qu’en outre l’alidade se trouve exactement au zéro de la division quand les deux miroirs sont parallèles. Les rectifications se font assez facilement à l’aide de vis dont sont armés les deux miroirs. On regarde dans la direction du grand miroir et un peu de côté, de manière à voir à la fois directement l’arc de cercle et par réflexion son image : les deux arcs doivent être exactement dans le prolongement l’un de l’autre. Cela obtenu, on amène l’alidade au zéro de la graduation, et l’on vise une tige telle que celle d’un paratonnerre avec l’instrument placé dans un plan perpendiculaire à cette tige ; on arrange alors le petit miroir de telle sorte que les images données par les deux miroirs coïncident parfaitement.

En mer, on peut corriger l’erreur du zéro, dite erreur de collimation, en visant le Soleil et en amenant l’image réfléchie à être successivement tangente aux bords opposés du disque solaire. Borda a modifié les instruments à réflexion de manière à les rendre répétiteurs et de telle sorte que les observations soient indépendantes de l’erreur de collimation. Dans le cercle de réflexion (fig. 362), le système du petit miroir MV et de la lunette OL, au lieu d’être fixe, comme dans l’octant et dans le sextant, peut se mouvoir tout entier autour du limbe, et la lunette est accompagnée d’une alidade U. Le grand miroir AKN se meut en outre d’une manière indépendante sur un cercle entier. On commence par placer l’alidade du grand miroir sur le zéro de la graduation du limbe et on la fixe en ce point. On fait ensuite tourner le système de la lunette et du petit miroir jusqu’à ce qu’il y ait coïncidence entre l’image d’un objet vu directement et l’image d’un second objet vu par deux réflexions sur les miroirs. L’angle des deux miroirs est alors, selon le principe démontré plus haut, le double de la distance angulaire des deux objets. On fixe au limbe le système de la lunette et du petit miroir, puis on renverse l’instrument face pour face. On vise alors le premier objet avec la lunette ; le second n’est pas aperçu, puisque le grand miroir n’est pas tourné de son côté. Mais on détache l’alidade du grand miroir, et on le fait tourner jusqu’à ce que l’image du second objet ayant reparu soit venue coïncider avec l’image du premier ; il est évident que l’index du vernier aura parcouru sur le limbe le double de l’angle cherché. De cette façon, on diminue de la moitié, du quart, etc., l’erreur de lecture.

Fig. 362. — Cercle de réflexion.

Les instruments que nous venons de décrire servent à trouver soit la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon, soit la distance angulaire de deux astres en un moment donné. En joignant à ces observations les indications des éphémérides de la Connaissance des temps, on aura donc la latitude du navire, l’heure exacte rapportée au temps vrai ou au temps moyen, et enfin la longitude. Les distances de la Lune au Soleil, aux grandes planètes et aux principales étoiles, telles que Aldebaran, α de la Vierge, Pollux, Régulus, Antarès, α du Bélier, Fomalhaut, α de Pégase, α de l’Aigle, etc., contenues dans les tables de la Connaissance des temps, ainsi que les circonstances les plus remarquables des éclipses et des occultations, donnent des moyens faciles de résoudre partout par des observations faites avec le sextant et par des calculs très simples, le problème jadis si difficile des longitudes, une fois que l’heure d’un lieu et la latitude sont connues par des observations de hauteur.

Les observations de la hauteur d’un astre, telles que celles de la hauteur du Soleil au-dessus de l’horizon, se font en mer en prenant pour plan horizontal le plan tangent mené par l’œil de l’observateur à la surface arrondie de l’Océan. Il est évident que ce plan tangent est d’autant plus abaissé au-dessous de l’horizon vrai que l’observateur est placé plus haut au-dessus de la mer. On doit donc diminuer la hauteur observée d’une certaine quantité, qu’on appelle la dépression de l’horizon. Le calcul de cette dépression a donné les résultats suivants :

Hauteur de l’observateur
au-dessus de
la surface de la mer.
Dépression
de l’horizon.
mètres  
1   1′ 56″  
3 3  20 
10 6    6 
20 8  36 
30 10  34 
40 12  12 

Tels sont, en abrégé, les principes de l’astronomie nautique qui servent à renseigner exactement le navigateur sur l’heure et la position du lieu où il se trouve, et par conséquent sur le chemin qu’il doit suivre à travers les vastes plaines de l’Océan, loin de la terre et de tout objet terrestre pouvant lui servir de signal. Ces principes sont parfaitement applicables à des voyages entrepris sur la terre ferme. Seulement il faut alors remplacer l’horizon de la mer par un horizon artificiel fait de verre ou formé d’un liquide immobile, tel que du mercure ou de l’huile. Alors on doit observer l’astre directement et par réflexion, et mesurer l’angle compris entre le bord inférieur du disque de l’astre et l’image de ce bord produite par réflexion sur l’horizon artificiel ; on obtient ainsi le double de la hauteur du bord inférieur de l’astre observé au-dessus de l’horizon ; il n’y a plus qu’à lui ajouter la moitié du diamètre apparent pour avoir la hauteur du centre de l’astre.

Ce chapitre, dont les détails sont sans doute un peu arides, termine les notions que j’avais à donner sur le calendrier : je pense que le lecteur comprendra désormais comment il est possible de fixer dans le temps tous les événements qui se passent à la surface de notre planète. Je vais maintenant compléter les principes de l’astronomie populaire que j’ai cherché à rendre aussi clairs qu’il m’a été possible, en transportant le lecteur successivement dans les principaux corps du système solaire, et en lui montrant sous leurs aspects divers les phénomènes de la voûte céleste.

  1. Le mot grec γνώμων signifie indicateur.