Au pôle Sud/03

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HALAGE DES CARCASSES DE PHOQUES VERS FRAMHEIM.


AU PÔLE SUD[1]

PAR ROALD AMUNDSEN


III. — CONSTRUCTION DE DÉPÔTS SUR LA ROUTE DU PÔLE


Reconnaissance sur le front de la Barrière. — Établissement d’un dépôt de vivres au 80° de latitude. — Précautions prises pour retrouver les dépôts. — Une étape de 100 kilomètres. — Perfectionnements apportés à l’équipement. — Seconde expédition pour installer une « cache ». — L’automne dans l’Antarctique. — 41° sous zéro. — Un pôle de froid sur la Barrière. — Monticules trompeurs. — Troisième expédition au 80° de latitude.


LINDSTRÖM EN OBSERVATION.


Le transport du matériel des bords de la baie à la station ne suffit plus à occuper huit hommes. Il est alors décidé que, pendant que quatre d’entre nous achèveront le charroi des approvisionnements, les autres iront reconnaître le terrain dans le Sud et établir un dépôt de vivres au 80e de latitude.

Le départ est fixé au 10 février. À notre retour, le Fram aura repris la mer. Donc, la veille, je fais mes adieux aux camarades. J’ai à cœur de remercier ces excellents collaborateurs de leur dévouement. Tous regrettent de nous quitter au moment le plus intéressant et de ne pas prendre part à l’expédition vers le Pôle. Pendant des mois ils vont obscurément lutter contre les glaces et les tempêtes, puis, dans un an, de nouveau ils entreprendront un long et pénible voyage pour revenir nous chercher. C’est pour eux une dure épreuve, mais nul ne songe à se plaindre. Ayant promis leur concours au succès de l’expédition, tous mettent leur point d’honneur dans l’accomplissement silencieux du devoir. Je laisse au capitaine Nilsen des instructions qui peuvent être résumées en une phrase : « Poursuivez, lui écrivais-je, l’exécution de notre programme de la manière que vous estimerez la meilleure. » L’habileté de mon second m’inspire une confiance absolue : commandé par cet officier expérimenté, le Fram est en bonnes mains.

Le lieutenant Presterud et moi nous allons examiner de l’autre côté de la baie les voies d’accès au front de la Barrière. Dans cette partie du mouillage, la banquise est encore intacte, traversée seulement de rares fentes. Plus loin, vers l’intérieur de la baie, s’élèvent des rangées de monticules engendrés par les pressions. Dans cette région complètement protégée, leur genèse ne saurait être attribuée aux agitations de la mer. Ici la baie est relativement étroite : 5 kilomètres seulement.

L’ascension du front du glacier ne présente aucune difficulté ; en quelques instants nous en atteignons le sommet. La hauteur de l’escarpement terminal ne dépasse pas 20 mètres. Grande est notre émotion en arrivant sur la Barrière. Jamais, jusque-là, nous n’avions eu une vue tendue de cette nappe de glace dans la direction du Sud. Le panorama ne nous cause aucune surprise. À perte de vue, une plaine de neige qui n’en finit pas. Notre itinéraire vers le Sud nous amènera à la lisière des hauteurs que nous avons signalées plus haut. La piste est excellente ; une mince couche de neige reposant sur une nappe solide, bref un terrain idéal pour le ski. D’autre part, le modèle de patin que nous possédons, long et effilé, paraît particulièrement bien approprié à ce genre de surface. Ainsi nous avons découvert le point où il est facile d’escalader la Barrière et constaté que la route s’ouvre vers le Sud, dépourvu d’obstacles. L’emplacement de ce site fut ultérieurement marqué d’un pavillon, et la localité reçut le nom de « Place du Départ ».

Au retour, comme à l’aller, nous croisons de nombreux troupeaux de phoques endormis sur la glace. À notre approche, ils lèvent légèrement la tête, nous regardent un instant, puis se retournent pour continuer leur sieste. Si sur la banquise ces animaux étaient exposés à l’attaque d’ennemis, ils seraient gardés par des sentinelles, comme leurs congénères dans l’Arctique.

Le 10 février 1911, à 9 h. 80 du matin, départ pour le Sud. La caravane comprend quatre hommes et trois traîneaux tirés chacun par six chiens. Chaque véhicule porte environ 250 kilog. d’approvisionnements destinés au dépôt, non compris les vivres et le matériel nécessaires pour le voyage. Ce chargement se compose de pemmican pour les chiens (150 kilog. par traîneau), de viande et de lard de phoque, de poisson sec, de chocolat, de margarine et de biscuits. Le matériel comprend deux tentes pour trois hommes, quatre sacs de couchage, les ustensiles de cuisine et dix longs bambous munis de pavillons noirs, destinés à jalonner la route. Ignorant alors l’état de la Barrière, nous n’avons aucune idée de la durée probable de cette expédition. Les chiens sont bien disposés, et au grand galop nous quittons Framheim. Sur la banquise qui recouvre la baie, nous traversons une série de toross[2]. Cela ne va pas sans incidents ; au passage de cette surface disloquée, les uns après les autres les traîneaux versent sans qu’heureusement il en résulte aucune avarie. Dès le début, le matériel se trouve ainsi soumis à une épreuve de résistance. Au delà, nous passons près de plusieurs troupes de phoques ; les chiens ne peuvent résister à cette tentation, et filent ventre à terre dans la direction du gibier. La lourdeur des charges a raison de leur ardeur, et bientôt ils s’arrêtent d’eux-mêmes.

UN ASPECT DE LA GRANDE BARRIÈRE.

Autour du mouillage du Fram, la glace a complètement disparu ; par suite, le navire peut s’amarrer à la Barrière même. Nos quatre camarades, qui doivent rester à la station, nous font la conduite pour nous prêter main forte dans l’escalade du front du glacier. Au retour, ils chasseront. Sur la banquise les occasions d’un beau coup de fusil ne manquent pas ; dans toutes les directions, ils trouveront des phoques, une pièce qui en vaut la peine. J’ai nommé Wisting chef de la station. En notre absence, les habitants de Framheim devront camionner jusqu’à la maison le reste des approvisionnements débarqués et élever contre le mur ouest de la hutte un appentis pour que la porte de la cuisine ne s’ouvre pas directement sur le glacier. Cette construction servira d’atelier au charpentier. Nos amis devront en outre tuer le plus grand nombre possible de phoques. Il importe que la provision de viande fraîche soit suffisante pour assurer une alimentation copieuse aux chiens comme aux hommes. Le gibier ne manque pas. Si, pendant l’hivernage, nous venions à être privés de vivres frais, ce serait bien notre faute.

L’escalade de la Barrière est assez laborieuse. Après avoir renforcé les attelages, les traîneaux sont hissés toutefois sans trop de peine au sommet de l’escarpement terminal de la Barrière. Les gens du Fram suivent nos mouvements à la jumelle. Témoins de nos efforts dans l’ascension du glacier, ils doivent se demander ce que cela sera lorsqu’il nous faudra attaquer le plateau qui défend l’accès du Pôle.

Au moment de la séparation avec nos camarades de Framheim, aucune scène émouvante ; une simple poignée de mains, et au revoir !

LES TENTES DES CHIENS À FRAMHEIM.

Monté sur ses skis, Presterud avance en tête du convoi. Les chiens marchent toujours plus allègrement lorsqu’un homme les précède. Ensuite vient Helmer Hansen. Ce poste d’avant-garde, il le conserva ensuite dans toutes nos expéditions ultérieures. Nous avions accompli ensemble le passage du Nord-Ouest, et, au cours de cette exploration, j’avais apprécié son incomparable maîtrise comme conducteur de chiens. Son traîneau porte la boussole étalon, qui lui permet de rectifier la route suivie par Presterud. Après Hansen avancent Johansen, puis moi-même. Je préfère marcher en queue pour tout surveiller. Quelque précaution que l’on prenne pour arrimer les charges, fréquemment un objet tombe d’un traîneau. Si l’arrière-garde fait bonne veille, elle peut épargner à la caravane de gros ennuis. Au cours de nos expéditions, que d’ustensiles indispensables se détachèrent et que je recueillis ! La tâche la plus lourde incombe naturellement au conducteur de tête. Il doit ouvrir la route et faire avancer ses chiens, tandis que les autres n’ont qu’à suivre. Honneur donc à Helmer Hansen, qui a accompli cette besogne à la satisfaction générale. La fonction d’éclaireur n’est pas non plus très agréable. Si l’homme en pointe d’avant-garde n’a pas d’attelage à surveiller, il n’est pas précisément gai pour lui de marcher sans avoir jamais l’esprit occupé. Son unique distraction est d’obéir aux commandements de Hansen sur la direction à suivre : « Un peu à droite, un peu à gauche. »

Sur cette surface complètement dépourvue de points de repère, il est malaisé de tenir sa route. Imaginez une plaine immense, enveloppée d’un épais brouillard ; pas un bruit, et partout une neige uniforme sans la moindre ride. Très certainement un Eskimo réussirait à trouver son chemin à travers cette morne étendue toujours pareille, mais il n’en va pas de même d’un homme civilisé. Sans le secours de la boussole, il tournerait dans tous les sens et finirait par se perdre.

Les conducteurs, eux, n’ont pas le temps de s’ennuyer. Sans une minute de repos ils doivent surveiller leurs attelages et s’assurer que, parmi leurs bêtes, il n’y a pas de tire-au-flanc. Constamment ils ont à ouvrir l’œil pour éviter que leurs traîneaux ne chavirent au passage de quelque aspérité du sol. C’est que ce n’est pas drôle de relever un véhicule pesant dans les 400 kilog.

À partir du point où nous avons pris pied sur la Barrière, cette plaine s’élève en pente très douce, et, après un léger boursouflement, devient absolument plane. Sur ce renflement, nous faisons halte. Nos camarades ont disparu ; dans le lointain on voit encore le Fram, encadré de glaces éblouissantes. Reverrons-nous jamais nos camarades ? Et si nous les retrouvons, quelle sera alors la situation ? Dans l’intervalle, le navire doit traverser l’Océan, et nous, escalader des régions glacées inconnues ; pendant ce temps que d’événements peuvent survenir !… Tout là-bas le pavillon national flotte glorieusement au haut du mât. La vision lointaine de ce morceau d’étoffe est comme le dernier salut de la patrie.

Maintenant nous sommes en route vers le Sud. Le premier contact avec la Barrière est singulièrement intéressant. Cette partie du glacier est vierge de pas humains, et notre équipement n’a pas encore été mis à l’épreuve. Quel terrain allons-nous rencontrer ? Sera-ce toujours cette plaine sans fin et sans obstacle ? Ou bien verrons-nous se dresser devant nous d’insurmontables difficultés ? Avons-nous eu raison de mettre toute notre confiance dans les chiens ou n’aurions-nous pas mieux fait d’emmener des rennes, des poneys, des automobiles, des aéroplanes ? Heureusement la piste est excellente ; les chiens trouvant un très bon point d’appui sur une mince couche de neige molle, filent par suite très rapidement.

Les circonstances atmosphériques laissent par contre à désirer pour une expédition sur une terre inconnue. Si la température est douce et l’air calme, en revanche la lumière est mauvaise. Une légère buée enveloppe le paysage et une lumière diffuse confond ciel et glacier dans une même grisaille uniforme. Cette buée, sœur cadette de la brume, rend la marche fort désagréable. Il ne se produit aucune ombre ; par suite, impossible de distinguer les mouvements du terrain. Aussi à chaque instant l’éclaireur de la colonne tombe ou fait des efforts désespérés pour garder son équilibre. Les conducteurs sont plus favorisés ; en cas de besoin, ils peuvent se retenir à leur traîneau. Eux aussi doivent observer les inégalités de la piste pour empêcher leurs véhicules de chavirer. Cette lumière est très pénible pour les yeux ; après une étape par un temps pareil, les cas d’ophtalmie des neiges sont fréquents. Ces affections sont dues non seulement aux efforts continuels que l’on fait pour voir, mais encore à la négligence. Trop souvent, afin de mieux distinguer le terrain, on enlève ses conserves pendant quelques instants, et cela suffit. Au cours de nos longues randonnées nous n’éprouvâmes que quelques atteintes légères de cette affection douloureuse.

L’ophtalmie des neiges présente un point commun avec le mal de mer. Demandez à un homme s’il a le mal de mer, neuf fois sur dix il vous répondra : « Non, pas du tout ; je souffre simplement de crampes d’estomac. » De même après l’étape un homme a-t-il les yeux injectés de sang interrogez-le à ce sujet, il s’écriera d’un air offensé : « Moi ? mais je ne suis pas atteint d’ophtalmie ; j’y vois très bien ! J’éprouve seulement une légère gêne dans un œil. »

Sans le moindre effort, nous couvrons 28 kilomètres.

Nous avons deux tentes, une pour deux hommes. Construites pour trois, elles se trouvent trop petites pour quatre. Afin d’économiser le combustible, la cuisine n’est faite que dans une seule. La température n’est pas assez froide pour qu’il soit utile de chauffer nos abris.

LE CAP MANHUE (FRONT DE LA GRANDE BARRIÈRE DEVANT LA BAIE DES BALEINES).

Pendant cette première expédition, comme pendant celles qui furent entreprises par la suite pour installer d’autres dépôts, les préparatifs de départ le matin furent beaucoup trop longs. Bien que levés dès quatre heures, nous ne nous ébranlions qu’à huit. Je pressais mon monde sans résultat. Actuellement, cela n’offre aucun inconvénient, mais dans la marche vers le Pôle, il faudra être plus expéditif.

Partis le 10 février, c’est le 14 que nous arrivâmes, après avoir parcouru 141 kilomètres, au 80° de latitude, où nous commençons la construction du dépôt. Il est bâti très solidement et on lui donne une hauteur de 4 mètres. Tous les 15 kilomètres nous avons planté un bambou surmonté d’un pavillon pour jalonner la route. Une fois le dépôt terminé, nous prenons place sur les traîneaux et en route pour Framheim. Un voyage singulièrement agréable, une vraie partie de plaisir que de se faire ainsi voiturer. Maintenant, notre seule occupation est de jalonner la piste avec nos morues. Tous les 500 mètres, un poisson est enfoncé dans la neige. Ce mode de bornage inédit donna d’excellents résultats, les poissons enfouis se distinguant nettement sur la nappe blanche ; en plusieurs circonstances, il nous remit dans le droit chemin, et au retour de la seconde expédition il fut particulièrement apprécié par nos chiens affamés.

Aujourd’hui, étape de 70 kilomètres ! Nous ne nous couchons pas avant une heure du matin ; le lendemain, dès quatre heures, nous sommes debout, et, à sept heures et demie, en route. Quatorze heures plus tard, nous étions de retour à Framheim, après une trotte de 100 kilomètres ! En marchant à cette vitesse, nous ne nous proposions nullement d’établir un record sur la Barrière, nous désirions simplement rentrer avant le départ du Fram, afin de serrer une fois de plus la main à nos chers camarades. Notre diligence fut inutile : le navire était parti quelques heures avant notre retour. Maintenant, combien la rade vide nous semble triste ! Devant ce paysage silencieux, soudain un voile de mélancolie nous enveloppe.

LINDSTRÖM SUR SES SKIS.

Après cette reconnaissance, il nous est permis d’envisager l’avenir avec confiance. Nous connaissons le terrain de nos futures opérations, et avons expérimenté le moyen de locomotion que nous avons adopté. L’un et l’autre répondent à nos désirs. J’ai toujours pensé que les chiens sont d’incomparables animaux de trait ; après ces dernières étapes, mon admiration pour eux devient de l’enthousiasme.

En notre absence, nos camarades demeurés à Framheim ont accompli des prodiges. La maison a pris un tout autre aspect, avec sa véranda. Cette construction occupe toute la façade ouest, soit 3 m. 90, et mesure environ 3 mètres de large. Éclairée par deux fenêtres, elle est très agréable. Tout autour de la baraque, nos amis ont creusé un passage, large de 1 m. 50, qu’ils ont couvert, en prolongeant le toit jusqu’à la neige. Il servira de magasin pour les boîtes de conserves et la viande fraîche. En même temps un ingénieux agencement de planches permet d’y recevoir la neige provenant du toit. Cent vingt chiens vagabondent autour de la station ; il est donc nécessaire de s’assurer les moyens d’avoir de la neige propre pour la cuisine et les usages domestiques.

Avant l’arrivée des grands froids, nous avons à nous occuper de l’installation des quartiers d’hiver de la meute, Pour cela, nous creusons la Barrière jusqu’à une profondeur de 1 m. 50, travail pénible qui nécessite l’emploi de la hache à glace, et sur cette excavation nous dressons ensuite une tente. L’abri a une hauteur de 6 mètres et un diamètre de 4 m. 50 à la base. Au milieu, douze piquets également espacés sont enfoncés dans la glace pour attacher les habitants du logis. Les chiens parurent goûter leur installation ils y étaient du reste fort bien. Pas une seule fois pendant leur séjour sous la tente je n’ai vu leurs poils couverts de givre. Ces gîtes spacieux, bien aérés et bien éclairés, réunissaient toutes les conditions hygiéniques désirables. Pour le préserver de la dent des habitants, le piquet central de la tente fut entouré d’une colonne de neige jusqu’à hauteur d’homme.

Dans certaines circonstances une embarcation pouvant nous être utile, le Fram nous avait laissé une de ses baleinières. Elle fut hissée sur la Barrière, à quelques centaines de mètres des bords de la baie, et son emplacement indiqué par un mât de pavillon.

Pendant que nous sommes allés installer le dépôt, nos camarades se sont livrés à une hécatombe de phoques. Il est par suite urgent de dresser la tente qui doit abriter toute cette provision. Si on la laisse sans protection sur la colline, elle ne durera pas longtemps. Aussi, pour la mettre à l’abri des entreprises des chiens en attendant l’édification du magasin, l’entourons-nous d’un mur de neige de 2 mètres de haut.

Le 22 février, nous nous remettrons en route pour aller établir un second dépôt. D’ici là, le travail ne manque pas. Nous avons d’abord à préparer les vivres que nous emporterons. Il faut ouvrir les caisses de pemmican, puis les boîtes soudées qu’elles renferment, et qui contiennent chacune quatre rations, ensuite remettre ces rations dans leur caisse, sans la boîte de fer-blanc. Nous allégerons ainsi les charges et éviterons en même temps l’ennui de faire plus tard le travail, sur la Barrière, lorsque nous prendrons ces approvisionnements aux dépôts pour l’expédition du Pôle. Pour le soustraire à la chaleur pendant la traversée de la zone tropicale, le pemmican avait été enfermé dans des caisses soudées. Ces deux opérations, ouvrir les boîtes et en remballer le contenu, demandèrent beaucoup de temps, mais nous en vînmes à bout. Le travail fut exécuté dans l’appentis-véranda.

L’ENTRÉE DE LA CABANE SOUS LA NEIGE.

La révision de notre équipement est également très longue. Le chapitre chaussures doit être étudié à fond. La majorité se prononce pour un modèle de bottes rigides auquel quelques modifications seront apportées ; les autres préfèrent des formes souples. Pour le moment, tout cela n’offre pas grande importance, car, lors de la marche vers le Pôle, tous nous devrons prendre de gros brodequins afin de pouvoir nous tenir sur la glace. Par conséquent, libre aux partisans des chaussures molles de porter le modèle qui leur convient jusqu’au moment où les circonstances les obligeront à en choisir d’autres. Personnellement, j’opte pour des bottes à fortes semelles dures et à dessus souples, assez larges pour que je puisse mettre plusieurs paires de bas. Si notre fournisseur nous avait vus découper sans scrupule le travail dont il était si fier, il en eût fait une maladie. Inexpérimenté dans l’art de la cordonnerie, j’accepte avec reconnaissance l’offre de Wisting de mettre au point mes chaussures. Quand il me les rend, elles sont méconnaissables ; mais peu importe l’aspect : elles sont chaudes et larges à souhait, c’est là l’essentiel. À la place de la tige en toile à voile, Wisting en a monté une en étoffe tout à la fois légère et impénétrable au vent. De plus, aux extrémités, il a placé de gros coins, pour que je puisse mettre plusieurs paires de bas, et enlevé une semelle afin d’augmenter l’espace utile. Après cette transformation, mes chaussures réunissent toutes les qualités désirables : leurs semelles dures permettent l’emploi des attaches de ski Huitfeldt-Höyer-Ellefsen, et elles sont assez souples pour ne pas gêner le pied. L’expérience me suggéra encore d’autres changements, et, avant le départ pour le Pôle, mes bottes passèrent de nouveau entre les mains de Wisting ; après une seconde refonte elles furent parfaites. C’est ainsi que chaque jour des perfectionnements sont apportés à notre équipement. Les diverses parties de notre garde-robe subirent également des modifications. L’un mettait des œillères à sa casquette, l’autre n’en voulait pas ; un troisième se couvrait le nez d’un passe-montagne, tandis qu’un quatrième dédaignait cet appendice, et chacun apportait un entêtement extrême à la défense de ses idées. Au point de vue pratique, tout cela ne présente guère d’intérêt ; ces discussions offrent toutefois l’avantage d’entretenir la gaîté dans notre petite colonie. Le chapitre des bretelles excita également de très vives polémiques. J’en inventai un modèle et fus très fier de le voir adopté par un camarade. C’était là un fait exceptionnel. Rarement l’un de nous acceptait une idée suggérée par un autre ; chacun voulait suivre ses propres inspirations et faire preuve d’originalité. En principe, tout ce qui ressemblait à quelque chose déjà en usage ne valait rien.

Le 21 février au soir, nous sommes parés pour le départ. La manière brillante dont les chiens se sont comportés dans la précédente expédition nous a fait présumer de leurs forces, et cette fois nous chargeons trop les traîneaux. Le 22 février, à huit heures et demie du matin, la caravane se met en route laissant Framheim à la garde de Lindström ; elle est composée de huit hommes et de sept véhicules tirés par quarante-deux chiens. Cette expédition a été la plus pénible de toutes.

EN ROUTE POUR ALLER ÉTABLIR DES DÉPÔTS DE VIVRES DANS LE SUD.

Elle dura du 22 février au 21 mars. Le 27 février, nous arrivâmes au dépôt établi précédemment au 80°. Les cairns étant construits sur la ligne même de l’itinéraire : en cas de brume, on peut les marquer s’ils ne sont pas très rapprochés, et s’écarte-t-on de la route, on est exposé à ne plus les apercevoir. Donc, pour signaler le dépôt du 80°, nous plantons de chaque côté sur une ligne est-ouest dix bambous munis d’un pavillon noir à des intervalles de 900 mètres. Le glacier se trouve ainsi barré par une ligne de jalons sur une distance de 9 kilomètres à l’est comme à l’ouest du dépôt. Chaque bambou porte un numéro d’ordre par suite, à sa vue on sait de quel côté et à quelle distance on se trouve de la cache. Ce système de repérage nous donna toute satisfaction.

Le 28 février, nous poursuivons notre route vers le Sud. À mesure que nous avançons dans l’intérieur, la température baisse, nous avons −43° et même −45°. Les chiens sont fatigués. Ils ont les jambes raides et les pelotes des pattes tailladées de coupures ; aussi, le matin, les départs deviennent laborieux.

L’INTÉRIEUR D’UNE TENTE DE CHIENS.

Ces blessures sont causées par la neige qui forme verglas ; trop mince pour supporter le poids des attelages, elle se rompt à leur passage, et ses débris coupent la plante des pieds de nos compagnons. En outre, des boules de neige durcie s’insèrent entre les palmes de leurs pattes et les écorchent. Autrement graves sont les blessures auxquelles les chiens sont exposés sur les banquises au printemps et en été. La glace de mer, beaucoup plus tranchante, coupe profondément leurs pelotes et, de plus, le sel pénètre dans les cicatrices. Aussi, pour remédier à cet inconvénient, enveloppe-t-on de chaussettes les pattes des attelages. Cette précaution fut inutile pendant nos expéditions. À la suite de leur long séjour à bord, le cuir des pattes de nos bêtes était devenu très tendre ; pendant l’hiver, il se raffermit probablement ; en tout cas, au printemps, quoique la piste fût plus rugueuse qu’en automne, notre cavalerie ne souffrit pas de cet inconvénient.

Le dépôt que nous installons au 81° de latitude renferme 560 kilogrammes de pemmican pour les chiens. Faute de bambous, son emplacement est indiqué par des planches provenant des caisses d’emballage et que nous plantons dans la glace sur une distance de 9 kilomètres, à l’ouest comme à l’est. Ces fiches ont une hauteur de 0 m. 60 ; dans cette région, les précipitations étant extraordinairement faibles, nul danger qu’elles soient recouvertes par la neige. Pour nous permettre de nous orienter dans le cas de brouillard, les piquets placés à l’est portent une encoche faite à la hache. Ces petits morceaux de bois épars sur la vaste plaine de neige ont l’air de bien petites choses, pourtant grand est leur rôle ; c’est d’eux, pour ainsi dire, que dépend le succès de notre entreprise.

Le 5 mars, la colonne se divise. Bjaaland, Hassel et Stubberud reviennent en arrière, tandis qu’avec quatre compagnons je poursuis vers Le Sud pour aller installer un troisième dépôt encore plus loin. Je renvoie un de mes chiens qui a été blessé par ses harnais et je continue avec cinq bêtes seulement. Mon attelage est devenu très maigre et paraît épuisé ; quoi qu’il en soit, il est nécessaire de pousser jusqu’au 82°. J’avais eu l’espoir d’atteindre le 83°. Nous ne le pouvons à cause de nos chiens.

NOTRE CUISINE À FRAMHEIM.

Les souffrances de ces excellents animaux sont le seul souvenir triste de mon exploration antarctique. Je leur ai demandé plus qu’ils ne peuvent donner. À ma décharge, je dois ajouter que je ne me ménage guère non plus. Avec des bêtes épuisées, mettre en marche un traîneau, pesant presque une demi-tonne, n’est pas un petit travail ; parfois il faut pousser soi-même la lourde machine pour déterminer les chiens à avancer. Depuis longtemps, le fouet est devenu inefficace. Quand je l’emploie, les animaux se pelotonnent simplement les uns contre les autres, en essayant d’abriter leurs têtes. Très souvent, après m’être dépensé en efforts pour faire avancer mon attelage, je n’ai d’autre ressource que de faire appel au concours de camarades. Deux poussent alors le traîneau, pendant qu’un troisième manœuvre le fouet en hurlant de toutes ses forces. Dans de pareilles circonstances, l’homme devient méchant et perd toute sensibilité. Comme notre nature peut changer ! J’aime tous les animaux et évite de leur faire du mal. Je ne possède aucun goût pour la chasse ; sauf en cas de danger de mort, jamais il ne me viendrait à l’idée de tuer une bête, excepté les rats et les mouches. Dans les conditions de vie ordinaires, j’aime mes chiens, mais les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons sont exceptionnelles, — ou bien peut-être est-ce moi qui ne suis pas dans mon état normal. La seconde hypothèse est probablement la vraie. Le dur labeur quotidien et l’énergie farouche avec laquelle je poursuis la réalisation de mon programme me rendent brutal. Malgré ses hurlements plaintifs, sans pitié je fouaille Thor, un bon gros chien très doux, afin de le faire avancer. Ses lamentations me laissent indifférent ou plus exactement, je me refuse à vouloir en comprendre le sens, et la pauvre bête doit continuer, jusqu’à ce qu’elle tombe. Son autopsie révéla qu’elle avait succombé à un énorme abcès dans la poitrine.

À midi, le 8 mars, nous sommes par 81° 54′ 30″ de latitude. Nous parcourons encore 10 kilomètres vers le Sud et, à trois heures et demie, nous dressons le camp sous le 82° parallèle. Et le lendemain nous procédons à la construction du dépôt et à la mise en place des repères qui permettront de le retrouver. Je laisse en arrière mon traîneau, que mes chiens, épuisés, sont incapables de tirer ; plus tard, ce véhicule pourra nous être utile ici. Le cairn, haut de 4 mètres, est surmonté d’un bambou auquel est attaché un pavillon.

C’est le 10 mars que nous commençons le retour, retour pénible, car la fatigue des attelages met obstacle à ce que cette fois nous nous fassions voiturer comme au retour de la précédente expédition. Le froid est intense et il ira grandissant les jours suivants, allant de −32° à −43°.

Le 15 mars, le meilleur chien de Wisting tombe pour ne plus se relever. Au moment de distribuer son cadavre entre ses camarades, nous changeons d’avis, craignant que l’abcès dont il est mort n’ait infecté tout le corps et que cette viande ne soit malsaine. En conséquence, sa dépouille est placée dans une caisse vide et enterrée. Pendant la nuit, un bruit effroyable nous réveille. La meute a réussi à déterrer le cadavre et s’en dispute les morceaux.

Enfin, le 21, à sept heures du soir, nous arrivons à Framheim. Notre seconde expédition nous coûte en tout huit chiens. Suivant toute probabilité, le froid a été la principale cause de cette mortalité ; par une température raisonnable, nos animaux auraient sans doute supporté les fatigues de cette longue randonnée.

Nous commençons les préparatifs d’une troisième campagne. Avant l’arrivée de l’hiver, je me propose de transporter au 80° de latitude 1 200 kilog. de viande de phoque. Pour assurer le succès de notre entreprise vers le Pôle, il est de la plus haute importance que les chiens puissent manger à discrétion, une fois la caravane arrivée à ce dépôt.

Avant le départ, nous apportons à notre équipement encore diverses modifications que l’expérience nous a suggérées. Presterud et Johansen affirment qu’un sac de couchage pour deux est préférable à des sacs simples. La discussion, à ce sujet, fut longue, mais n’aboutit à aucune conclusion. Si le modèle proposé par mes camarades présente de grands avantages, l’autre en offre également ; en cela, comme en beaucoup d’autres choses, c’est affaire de goût. Prestrud et Johansen ne voulurent pas démordre de leur idée et employèrent le sac à deux places. De leur côté, Hansen et Wisting travaillent à modifier les tentes. Le modèle qu’ils réalisent se rapproche, autant que possible, par la forme, des huttes de neige des Eskimos ; au lieu d’être rond, il est allongé et ne présente pas de surface plane sur laquelle le vent ait prise.

La partie interne de la Baie des Baleines — depuis le cap Manhue jusqu’au cap Ouest — est maintenant recouverte de glace ; au large, la mer demeure libre. La maisonnette est complètement sous la neige ; c’est l’œuvre de Lindström beaucoup plus que celle de l’atmosphère. Très judicieusement, notre camarade a pensé que cette couverture contribuerait à conserver la chaleur dans la maison.

Nos 107 chiens, même ceux qui ont été récemment éprouvés sur la Barrière, sont maintenant gros et gras, telles les bêtes que l’on engraisse pour la Noël. Ces animaux ont le privilège de grossir avec une rapidité extraordinaire.

De retour à la station, les chiens de notre caravane ne manifestèrent aucun étonnement ; ils semblaient n’avoir pas quitté leur gîte ; ils étaient seulement un peu plus affamés que leurs camarades restés au logis. L’entrevue de Lassesen et de Fix, deux amis inséparables, fut très drôle ; le premier commandait toujours au second qui lui obéissait aveuglément. Four le dernier voyage, Fix me semblant trop faible, je ne l’avais pas emmené ; en notre absence, il avait beaucoup engraissé. Aussi bien, je me demandai si Fix ne profiterait pas de sa force pour prendre le commandement sur son ami affaibli par les privations de la route. Dès qu’il aperçut Lassesen, il courut droit à lui et le lécha affectueusement, manifestant ainsi sa joie de le revoir. L’autre recevait ces marques d’amitié d’un air de supériorité très amusant, puis, sans plus de cérémonie, il se précipita sur son vassal et le roula dans la neige, évidemment pour lui prouver que, malgré sa maigreur, il demeurait son maître absolu. Le pauvre Fix se releva tout honteux ; mais il eut bientôt sa revanche. S’apercevant de la débilité de son suzerain, il ne se gêna plus pour lui sauter à son tour sur l’échine et le secouer vigoureusement.

L’ENTRÉE DES ATELIERS.

Tandis que se poursuivent les préparatifs de notre troisième expédition préliminaire, mes compagnons chassent beaucoup les phoques. Bjaaland, Hassel et Stubberud en ont tué soixante-deux en quatorze jours. Actuellement, la provision de viande fraîche est suffisante pour nous et nos chiens pendant tout l’hiver. De jour en jour nous aimons davantage le rosbif de phoque ; volontiers, nous en mangerions à chaque repas.

Le déjeuner, servi à huit heures, comprend du café, du pain, du beurre et du fromage, et des tartes aux confitures. Lindström est passé maître dans l’art de préparer ces friandises. Au dîner, le menu comporte un rôti, presque toujours du phoque, et un entremets, des fruits cuits ou des puddings conservés. Au souper, on sert encore du phoque avec de la confiture d’airelle rouge, du fromage, du pain, du beurre et du café. Tous les samedis, le soir, je régale mon monde d’un grog et d’un cigare. Jamais, pour ma part, je n’ai eu un aussi bon ordinaire. Rien de plus curieux, le soir, que d’apercevoir cette petite maisonnette éclairée, installée sur cette énorme chose froide et redoutable qu’est la Barrière.

Toute la journée, les jeunes chiens tournent autour de la cabane ; lorsque le jour décline, ils viennent se pelotonner près de la porte. Jamais ils ne cherchent d’abri pour la nuit ; quelle endurance doivent avoir ces bêtes ! Quelques-uns sont si gras qu’ils peuvent à peine marcher et se dandinent comme des oies.

Le 28 mars au soir, pour la première fois, on observe l’aurore australe. Le météore, composé de rayons et de bandes colorés en vert et en rouge pâle, s’étend du zénith vers le sud-ouest et le nord-est. À la même époque, nous avons le spectacle de couchers de soleil d’une magnificence extraordinaire. Sous cet étincellement, le paysage semble une féerie en bleu et en blanc.

TROIS JOYEUX COMPAGNONS : BJAALAND, WISTING ET HELMER HANSEN.

Le départ pour la troisième expédition de ravitaillement des dépôts, est fixé au 31 mars. Quelques jours auparavant, les chasseurs ont tué six phoques destinés à la cache du 80° de latitude. Ces six animaux sont découpés et parés pour que la charge soit moins lourde ; leur poids, en viande utile, est d’environ 1 100 kilog.

Le 31 mars, à dix heures du matin, la colonne se met en route, composée de sept hommes et de six traîneaux, tirés par trente-six chiens. À cette expédition, je ne prends point part. Le temps s’annonce magnifique : un ciel clair et pas un souffle de vent. À sept heures du matin, le spectacle est d’une incomparable beauté. Les environs de la station, en avant de la crête située à l’est, sont plongés dans l’ombre, tandis que, au nord, le soleil embrase la Barrière d’un flamboiement d’or dans la claire lumière du matin. Et, au-dessus de cette rutilance invraisemblable, plane un grand silence, un silence tellement absolu qu’on l’entend. À l’agitation laborieuse qui précède les départs, succède un calme profond. Lindström et moi qui gardons la maison, ne demeurons pas inactifs. Nous commençons par organiser dans la cuisine la station météorologique. Elle comprend deux baromètres à mercure, quatre anéroïdes, un barographe, un thermographe et un thermomètre. Les instruments sont placés dans un coin abrité, le plus loin possible du rayonnement du fourneau. Lindström installe ensuite un abri contenant un second thermographe, des thermomètres et un hypsomètre.

FRAMHEIM, EN AVRIL 1911.

Dans la nuit du 10 au 11 avril, un objet placé dans la cuisine tombe. C’est l’annonce certaine, me dit Lindström, que les voyageurs seront de retour le lendemain. L’événement lui donne raison. L’expédition a accompli sa mission ; elle a été singulièrement périlleuse. À 75 kilomètres de la station nos camarades se sont fourvoyés dans une région extrêmement crevassée où ils ont perdu deux chiens. Quatre fois auparavant, nous avions traversé cette zone sans aucun accident, et voilà que, tout à coup, alors qu’ils se croyaient sur un sol aussi solide que le roc en place, la caravane faillit être engloutie dans des gouffres sans fond. Trompés par la brume, nos amis étaient venus trop dans l’ouest ; au lieu d’arriver sur le monticule, comme nous l’avions toujours fait auparavant, ils étaient, sans s’en douter, descendus dans la vallée située au pied, et avaient rencontré là un terrain si dangereux qu’une catastrophe fut sur le point de se produire. Dans cette région, comme dans celle que nous avions rencontrée au sud du 81°, la surface de la Barrière était accidentée d’innombrables petits mamelons qui recouvraient d’énormes crevasses. Trompée par l’apparence solide du terrain, la caravane s’engagea au milieu de ces monticules ; quel ne fut pas alors son effroi, de sentir le sol manquer sous ses pas et de découvrir de tous côtés d’effroyables abîmes ! De ce passage dangereux, on se tira en obliquant vers l’est. Désormais avertis, nous veillerons à ne plus repasser par là. Cette expédition mit en évidence les avantages des perfectionnements apportés à notre équipement. Le nouveau modèle de tente est unanimement approuvé.

Résumons brièvement l’œuvre accomplie du 14 janvier au 11 avril. C’est d’abord la construction et l’installation de la station d’hivernage ; ensuite la réunion d’un approvisionnement de viande de phoque pour neuf hommes et cent quinze chiens pendant six mois (le poids des phoques abattus s’élève à environ 60 tonnes métriques) ; enfin l’établissement de trois dépôts contenant 3 000 kilog. de vivres, aux 80°, 81° et 82° de latitude sud. Celui du 80° parallèle renferme de la viande de phoque, du pemmican pour les chiens, des biscuits, du beurre, du lait condensé, du chocolat, des allumettes et du pétrole, sans compter quantité d’effets d’équipement, soit environ 1 900 kilog. de provisions et de matériel. La cache installée sous le 81° parallèle contient 500 kilog. de pemmican pour les attelages et celle du 82°, 620 kilog. de pemmican pour les hommes et pour la meute, des biscuits, du lait condensé, du chocolat, du pétrole et des effets d’équipement.


(À suivre.) Traduit et adapté par M. Charles Rabot.


LES CHIENS À LA PROMENADE.
  1. Suite. Voyez pages 25 et 37.
  2. Amoncellements de glaces produits par les pressions auxquelles sont soumises les banquises (Note du traducteur).