Augusta Holmès et la femme compositeur/08

La bibliothèque libre.
Librairie Fischbacher (p. 36-38).


VIII

Les débuts d’Augusta Holmès


Les compositions d’Augusta Holmès dépassent de beaucoup, en nombre et en importance, les habituelles productions musicales féminines[1] : Elles comprennent quatre opéras, trois grandes symphonies dramatiques, sept poèmes ou odes symphoniques, une dizaine de scènes pour chant et orchestre, diverses pièces pour orchestre et cent trente mélodies. Ces œuvres furent conçues et présentées au public durant une période de trente ans environ.

Le critique Arthur Pougin raconte, dans le Ménestrel, que vers 1875 une société s’était formée pour la reconstitution d’un théâtre lyrique au Châtelet ; quantité de compositeurs s’y présentaient, fort alléchés, la partition sous le bras.

« Un jour, écrit Arthur Pougin[2], nous voyons arriver une jeune femme d’une beauté rayonnante, à l’opulente chevelure blonde, au regard clair, perçant et assuré, à l’allure fière et décidée ; c’était Mlle  Augusta Holmès — (Holmès avait alors vingt-huit ans) — qui venait demander l’audition d’un drame lyrique, Héro et Léandre, dont elle avait, comme Wagner, écrit les paroles et la musique. Je dois constater, continue plus loin le critique du Ménestrel, que les théories Wagnériennes ne s’étaient guère fait jour dans la musique que nous faisait entendre Mlle Holmès avec son beau talent de pianiste et sa voix chaude et que sa partition me parut tout simplement fort intéressante en me donnant la meilleure impression de son talent. Et je n’étais pas seul à penser ainsi.

Le malheur voulut que l’existence de l’Opéra Populaire fut courte et que les ouvrages reçus n’curent pas le temps de voir le jour. »

Après Héro et Léandre (dont l’exécution n’est relatée nulle part), Holmès écrivit deux autres opéras, Astarté et Lancelot du Lac. Je n’ai pu en découvrir la trace ; ils ne furent certainement pas édités et n’obtinrent pas plus que le premier les honneurs d’une représentation. Mais leur auteur n’était point femme à renoncer à la renommée. Le théâtre ne l’accueillant pas, elle s’adressa au concert.

En 1877 elle débute avec un « Andante pastoral » aux Concerts Populaires fondés par Pasdeloup, et attire l’attention. Un peu plus tard, ayant publié un grand nombre de mélodies, elle présente au grand concours de la Ville de Paris une symphonie dramatique en trois parties, Lutèce, qui est couronnée.

De Ludus pro Patria, ode symphonique en quatre parties, on donne en 1888 deux exécutions aux Concerts du Conservatoire ; l’Ode triomphale est exécutée l’année suivante au Palais de l’Industrie (Exposition de Paris 1889), l’Hymne à la Paix, aux fêtes dantesques de Florence en 1890. Avec les Argonautes, symphonie dramatique, elle concourut une seconde fois pour le prix de la Ville de Paris, mais sans obtenir le succès complet de son premier envoi ; il s’en fallut de peu pourtant, assurent quelques sommaires notices biographiques. À défaut de cette récompense officielle, l’œuvre fut chaleureusement accueillie par le public des grands concerts où elle parut plusieurs fois. Le nombre des mélodies allait toujours croissant et aussi leur succès. Le Noël fut célèbre, il paraît encore agréable, c’est une des très rares inspirations vraiment simples d’Holmès. En revanche, les Griffes d’or et maintes autres romances, acclamées à l’époque de leurs premières auditions, nous semblent maintenant exagérées et sans profondeur d’accent.



  1. La liste des œuvres complètes d’Augusta Holmès se trouve à la fin de l’ouvrage.
  2. Le Ménestrel du 10 février 1896 ; Heugel éditeur.