Augustin d’Hippone/De la doctrine chrétienne/Livre II
LIVRE DEUXIÈME.
CHAPITRE PREMIER.
1. Au commencement du livre précédent, où j’ai traité des choses, j’ai fait observer qu’on ne devait considérer que ce qu’elles sont en elles-mêmes, sans s’arrêter à ce qu’elles pouvaient signifier d’ailleurs. Ayant à parler des signes, je préviens au contraire qu’il ne faut pas s’attacher à ce qu’ils sont en eux-mêmes, mais à leur propriété significative, ou à l’objet qu’ils désignent. On entend par signe ce qui, outre l’objet qu’il offre à nos sens, fait naître dans notre esprit l’idée d’une autre chose. Ainsi la vue des traces d’un animal nous découvre son passage ; la fumée nous révèle l’existence du feu caché à nos regards ; le cri poussé par quelqu’un manifeste le sentiment qui l’agite ; le son de la trompette apprend aux soldats quand, dans le combat, ils doivent avancer, rétrograder ou exécuter tout autre mouvement.
2. Les signes sont naturels ou artificiels. Les signes naturels sont ceux qui, en dehors de toute détermination particulière, font connaître par eux-mêmes un autre objet : telle est la fumée qui révèle le feu. Il n’y a ici aucune convention arbitraire, puisqu’on sait par expérience que nécessairement il y a du feu là où l’on voit s’élever la fumée. Comme signes du même genre, nous citerons encore les traces qu’imprime sur la terre un animal dans son passage ; l’aspect du visage où se peint la colère ou la tristesse de l’homme agité par ses passions : sans nul dessein prémédité de notre part ; nos traits sont comme un miroir où viennent se refléter les divers mouvements de notre âme. Il n’entre pas dans notre plan de traiter de cette sorte de signes. Cependant comme ils se sont rencontrés dans notre division, nous n’avons pu les passer entièrement sous silence ; nous nous bornerons à ce qui vient d’en être dit.
CHAPITRE II.
3. Les signes artificiels sont ceux que les êtres animés se donnent mutuellement pour manifester, autant qu’il est possible, leurs pensées, leurs sentiments, et les différents mouvements de leur âme. L’unique fin que l’on se propose en adressant un signe à quelqu’un, c’est d’exprimer et de faire passer dans son esprit ce que l’on conçoit dans le sien. Nous consacrerons notre travail à étudier les signes de ce genre, selon qu’ils sont en usage parmi les hommes ; puisque les signes[1] d’institution divine que renferment les saintes Écritures nous ont été marqués par les hommes qui les y ont insérés. Les animaux ont aussi entre eux certains signes par lesquels ils communiquent leurs sensations. Quant le coq rencontre quelque nourriture, d’un signe de sa voix il fait accourir la poule ; les colombes s’appellent mutuellement par leur cri plaintif ; et combien d’autres faits semblables il est facile de remarquer ! Quant à décider si les signes expriment les mouvements de l’âme indépendamment de la volonté, comme l’aspect du visage et le cri de la douleur ; ou si, en réalité, ils ne les expriment qu’en vertu d’une convention arbitraire, c’est une question étrangère à notre sujet, et que nous laissons de côté comme inutile.
CHAPITRE III.
4. Parmi les signes dont se servent les hommes pour se communiquer leurs pensées, quelques-uns ont rapport au sens de la vue, le plus grand nombre au sens de l’ouïe, très peu aux autres sens. Un mouvement de tête est un signe qui ne s’adresse qu’aux yeux de celui à qui l’on veut faire connaître sa volonté. Certains hommes savent traduire la plupart de leurs sentiments par les gestes des mains ; les histrions font des mouvements de tous leurs membres des signes intelligibles pour les spectateurs, et parlent, pour ainsi dire, à leurs yeux ; la vue de l’étendard et du drapeau transmet aux soldats les ordres de leurs chefs. Tous ces signes sont comme une sorte de langage visible. Mais la plupart, comme nous l’avons observé, se rapportent au sens de l’ouïe, et consistent principalement dans les paroles. Ainsi la trompette, la flûte et la harpe font entendre le plus souvent un son, non-seulement suave et harmonieux, mais encore significatif. En comparaison des paroles, les signes de cette espèce sont très peu nombreux. La parole en effet est le signe de premier ordre dont se servent les hommes pour exprimer leurs pensées, quand ils veulent les manifester au-dehors. Le Seigneur fit voir un signe, dans l’odeur du parfum qui fut répandu sur ses pieds[2] ; un autre, dans la réception du sacrement de son corps et de son sang[3] ; et un autre encore, dans la guérison qu’obtint cette femme en touchant le bord de son vêtement[4]. Mais le nombre incalculable des signes qui servent aux hommes à communiquer leurs pensées, consiste dans les paroles. Car, par la parole, j’ai pu exprimer tous ces signes dont je n’ai fait qu’énoncer les différents genres ; tandis qu’il me serait impossible d’exprimer la parole elle-même à l’aide de ces signes.
CHAPITRE IV.
5. Mais comme les paroles passent aussitôt qu’elles ont frappé l’air, et disparaissent avec le son qu’elles produisent, on a imaginé les lettres comme signes destinés à les fixer. Elles deviennent ainsi perceptibles à nos yeux, non par elles-mêmes, mais par les signes qui les représentent. Or, ces signes ne pouvaient être communs à tous les peuples, par suite de cette dissension funeste qui s’établit au sein du genre humain, chacun voulant s’arroger la suprême domination ; et cet orgueil se révéla dans cette tour que les hommes tentèrent d’élever jusqu’au ciel ; folle entreprise où leur impiété mérita de voir la discorde s’introduire, non-seulement dans leurs esprits, mais encore dans leur langage[5].
CHAPITRE V.
6. L’Écriture sainte, ce souverain remède aux maladies qui rongent le cœur humain, ne fut écrite d’abord, il est vrai, que dans une seule langue, au moyen de laquelle elle put facilement se répandre dans l’univers ; mais traduite dans les diverses langues du monde, elle vint à la connaissance de tous les peuples, pour leur Salut. Ce qu’on se propose en la lisant, c’est d’y découvrir les pensées et les volontés de ceux qui l’ont écrite, et, par là même, les volontés de Dieu, dont les auteurs sacrés ne sont à nos yeux que les fidèles interprètes.
CHAPITRE VI.
7. Cependant ceux qui lisent les saints Livres avec une confiance téméraire, s’égarent bientôt dans une foule de passages difficiles et obscurs, et prennent un sens pour un autre ; parfois même certains textes sont enveloppés d’un voile si épais, qu’ils ne peuvent en donner une interprétation quelconque. Je ne doute nullement que ce ne soit une disposition particulière de la sagesse divine, qui a voulu dompter l’orgueil de l’homme par le travail, et prémunir contre le dégoût son esprit qui trop souvent méprise ce qu’il découvre facilement. Qu’on dise, par exemple, que les hommes saints et parfaits sont ceux dont l’Église du Christ propose la vie et les mœurs comme exemples aux infidèles qui viennent à elle, pour les arracher à leurs vaines superstitions, et se les incorporer en les faisant marcher sur les traces de ces justes ; qu’on représente ces zélés et fidèles serviteurs du vrai Dieu, déposant le fardeau du siècle, se plongeant dans les eaux saintes du baptême, et au sortir de là produisant, sous l’action féconde de l’Esprit-Saint, le fruit du double amour de Dieu et du prochain : comment se fait-il qu’ainsi exprimée cette vérité frappe moins agréablement l’auditeur, que si on la lui découvre figurée dans ce passage du Cantique des cantiques, où on adresse à l’Église cette louange comme à une femme ravissante de beauté : « Tes dents sont comme un troupeau de brebis tondues qui montent du lavoir, et qui portent un double fruit sans qu’il y en ait de stérile parlai elles[6] ? » Y découvrons-nous une vérité différente de celle qui nous était présentée en termes clairs et sans figure ? Et cependant je ne sais pourquoi je contemple avec plus de charme les saints quand je les considère comme les dents de l’Église, arrachant les hommes au joug de Ferreur, brisant la pureté de leurs cœurs, les broyant et tes triturant en quelque sorte pour les lui incorporer. Comme je me plais à les considérer sous la délicieuse image de ces brebis tondues qui, après avoir déposé les fardeaux du siècle comme des toisons, et remontant du lavoir, c’est-à-dire du bain baptismal, portent toutes un double fruit, les deux préceptes de l’amour, sans qu’il y en ait une seule de stérile et qui ne produise ces fruits de sainteté !
8. Mais pourquoi cette même vérité s’offre-t-elle ainsi à moi avec plus de charmes, que si l’Écriture ne la représentait pas sous de semblables figures ? Il serait difficile de l’expliquer, et c’est d’ailleurs une question étrangère à notre sujet. Toujours est-il certain qu’on découvre plus volontiers la vérité sous les figures qui la voilent, et qu’on trouve avec une satisfaction plus vive ce qu’on a cherché avec quelque peine. Ceux qui ne découvrent pas aussitôt l’objet de leurs recherches, se sentent excités comme par l’aiguillon de la faim ; tandis que la découverte trop facile de la vérité engendre souvent la tiédeur avec le dégoût : dans les deux cas, néanmoins, il faut se prémunir contre le découragement. C’est dans ce dessein que l’Esprit-Saint a composé les divines Écritures de la manière la plus admirable et la plus salutaire. Il a disposé des passages clairs et évidents, comme aliment au besoin pressant de connaître, et d’autres plus obscurs, comme remède contre le dégoût et l’ennui. Il n’est presque rien d’ailleurs de ce qui est caché sous ces obscurités, qu’on ne trouve exprimé clairement en d’autres endroits.
CHAPITRE VII.
9. Il faut donc avant tout que la crainte de Dieu nous dispose à connaître sa volonté, et ce qu’il nous commande de rechercher ou de fuir. Il est nécessaire que cette crainte frappe vivement notre âme de la pensée de notre mortalité et du trépas qui nous attend, et que, perçant les désirs de la chair, elle attache à la croix toutes les révoltes de l’orgueil. Vient ensuite la piété qui doit nous rendre dociles, et nous apprendre à ne jamais contredire la divine Écriture, soit que nous en saisissions le sens, et que nous remarquions qu’elle attaque quelqu’un de nos vices, soit qu’elle reste fermée à notre intelligence, et nous expose à penser que nous pouvons concevoir de nous-mêmes des pensées et donner des prescriptions plus sages. Nous devons croire avec une entière conviction que, même dans ces obscurités, elle renferme plus de vérité et de sagesse que nous ne pouvons en produire de nous-mêmes.
10. Après ces deux degrés de la crainte et de la piété on arrive au troisième, qui est celui de la science, objet spécial de ce traité. C’est dans ce degré que s’exerce quiconque s’applique à l’étude des divines Écritures. Tout ce qu’il y découvrira se résumera dans cette vérité : qu’il faut aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit et le prochain comme soi-même, en sorte que l’amour du prochain et de soi-même se rapporte à Dieu. Nous avons parlé de ce double précepte dans le livre précédent, où nous avons traité des choses. Aussi, à peine l’homme ouvrant l’Écriture, s’est-il reconnu épris de l’amour du siècle et des choses passagères, qu’il se sent très éloigné de ce parfait amour de Dieu et du prochain qu’elle lui prescrit. Alors la crainte qui le frappe de la pensée du jugement de Dieu, et la piété qui le soumet avec une pleine conviction à l’autorité des saints Livres, le forcent à verser des larmes sur sa misère. Car cette science, en ouvrant son cœur à l’espérance, lui apprend, non à présumer, mais à gémir, et ces larmes jointes à de ferventes prières, lui obtiennent le secours céleste qui l’éloigne de l’abîme du désespoir. Il entre alors dans le quatrième degré, qui est la force, où il sent naître en lui la faim et la soif de la justice. C’est par la force qu’il s’arrache aux joies mortelles qu’il goûtait dans les choses passagères et qu’il les repousse, pour ne plus aimer que les biens éternels, c’est-à-dire la Trinité toujours une et immuable.
11. Aussitôt qu’il aperçoit cette divine lumière projetant au loin ses rayons, et qu’il sent que la faiblesse de son regard ne peut en supporter l’éclat, il monte au cinquième degré, qui est le conseil. Là, il s’applique à purifier dans les œuvres de miséricorde, son âme agitée et irritée contre elle-même, de toutes les souillures contractées dans les jouissances terrestres. Là, avec une sainte ardeur, il s’exerce et se, perfectionne dans l’amour du prochain ; et, lorsque rempli de force et d’espérance, il est parvenu jusqu’à aimer ses ennemis, il s’élance au sixième degré, où il purifie cet œil qui seul peut contempler la divinité, autant qu’il est donné à ceux qui meurent au siècle présent. Car plus on meurt à ce monde, plus on voit Dieu ; et plus on vit pour la créature, plus Dieu se cache. Et alors même que cette lumière infinie commence à paraître moins accablante, plus certaine et plus ravissante, nous ne l’apercevons encore qu’en énigme et dans un miroir[7], parce que dans le pèlerinage de cette vie, nous marchons plus par la foi que par la claire vue[8], quoique notre conversation soit déjà dans les cieux[9]. Celui qui est parvenu à ce degré, purifie tellement l’œil de son cœur, qu’il ne peut plus préférer ou comparer à la vérité souveraine, ni le prochain, ni, par conséquent, lui-même. Et telle sera dans ce juste la simplicité et la pureté du cœur, que jamais ni l’envie de plaire aux hommes, ni la crainte des épreuves et des adversités de cette vie, ne seront capables de le détacher de l’amour de la vérité. C’est ainsi que cet enfant de Dieu s’élève jusqu’à la sagesse, qui est le septième degré et il en jouit au sein de la paix la plus profonde. Le commencement de la sagesse est la crainte de Dieu[10], et c’est de cette crainte qu’en passant par les autres degrés on tend à la sagesse et qu’on y arrive.
CHAPITRE VIII.
12. Revenons maintenant au troisième degré, dont nous nous sommes proposé de traiter spécialement, suivant les lumières qu’il plaira à Dieu de nous accorder. La règle la plus sage à suivre pour pénétrer dans les profondeurs des divines Écritures, est de commencer par les lire tout entières afin d’en acquérir au moins la connaissance que peut en donner cette lecture, si l’on n’arrive pas encore à les comprendre. On se bornera d’abord à celles qui sont réputées canoniques. Il y aura moins de danger à lire les autres, lorsqu’on sera instruit des vérités de la foi ; il serait à craindre que, s’emparant d’un esprit encore faible, et le prévenant de leurs fables et de leurs dangereuses erreurs, elles ne lui inspirassent des préjugés contraires à une saine interprétation.
Pour les Écritures canoniques, on suivra l’autorité du plus grand nombre des Églises catholiques, au premier rang desquelles on devra mettre celles qui ont eu le privilège d’être le siège des apôtres et d’en recevoir des lettres. On aura pour principe et pour règle en cette matière, de préférer celles que reçoivent toutes les Églises catholiques à celles qui sont rejetées de quelques-unes ; et parmi celles que toutes les Églises n’admettent pas, on préférera celles que reçoivent des Églises plus nombreuses et plus considérables, à celles qui n’ont l’assentiment que de quelques Églises de moindre autorité. Si l’on rencontre certains livres admis par un plus grand nombre d’Églises, et d’autres par des Églises plus considérables, circonstance d’ailleurs difficile à se produire, je pense qu’on doit leur reconnaître le même degré d’autorité.
13. Le canon entier des Écritures, auquel se rapportent les considérations que nous venons d’exposer, se compose des livres suivants : les cinq livres de Moïse : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome ; le livre de Josué, le livre des Juges, le petit livre de Ruth, qui semble plutôt faire partie du commencement de l’histoire des Rois, et les deux livres des Paralipomènes, qui sont, non une suite des précédents, mais comme des suppléments qui en suivent l’ordre et la marche. Tels sont les Livres historiques, où les époques s’enchaînent les unes aux autres, et où se déroule la suite naturelle des évènements. Il en est d’autres dont les faits n’ont aucun lien qui les rattache à cet ordre naturel ni entre eux. Ce sont les livres de Job, de Tobie, d’Esther, de Judith, les deux livres des Macchabées, et les deux livres d’Esdras, qui semblent plutôt continuer l’histoire suivie des livres des Rois ou des Paralipomènes. Viennent ensuite parmi les prophètes, le livre des psaumes de David, les trois livres de Salomon : les Proverbes, le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiaste. Une certaine ressemblance de forme et de style a fait attribuer à Salomon les deux livres de la Sagesse et de l’Ecclésiastique, mais une tradition constante leur donne pour auteur Jésus Sirach[11] ; toutefois l’autorité qu’on leur a reconnue dans l’Église doit les faire ranger au nombre des livres prophétiques. Les autres livres sont ceux des prophètes proprement dits ; les livres des douze prophètes qu’on n’a jamais séparés ne forment ensemble qu’un seul livre. Ces prophètes sont Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie,
Malachie. Ensuite les quatre livres des quatre grands prophètes, Isaïe, Jérémie, Daniel et Ézéchiel. Tels sont les quarante-quatre livres qui font autorité dans l’Ancien Testament[12]. Le Nouveau comprend les quatre livres de l’Évangile selon Mathieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean ; les quatorze épîtres de l’apôtre Paul une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux Éphésiens, une aux Philippiens, deux aux Thessaloniciens, une aux Colossiens, deux à Timothée, une à Tite, une à Philémon et une aux Hébreux ; deux épîtres de saint Pierre, trois de saint Jean, une de saint Jacques, le livre des Actes des apôtres, le livre de l’Apocalypse de saint Jean.
CHAPITRE IX.
14. C’est dans tous ces livres canoniques que les âmes touchées de la crainte de Dieu et rendues dociles par la piété, cherchent à connaître sa volonté. On doit débuter dans cette étude et ce travail, ainsi que nous l’avons observé, par une certaine connaissance de ces ouvrages ; commencer, sinon encore par en pénétrer le sens, du moins par les lire pour en confier le contenu à sa mémoire, ou ne pas les ignorer complètement. Ensuite rechercher avec attention et discernement les vérités qui y sont clairement exposées, comme les préceptes des mœurs et les règles de la foi : on les y découvre d’autant plus que l’intelligence a plus de vivacité et de pénétration. Il est remarquable en effet que les passages les plus clairs de l’Écriture renferment tout ce qui concerne la foi et les mœurs, je veux dire l’espérance et l’amour, dont nous avons parlé dans le livre précédent. Après s’être ainsi en quelque sorte familiarisé avec le langage des saints livres, ou entreprend de pénétrer dans les obscurités qu’ils renferment, et d’en faire jaillir la lumière ; les passages les plus clairs servent à interpréter ceux dont le sens serait voilé, et les vérités incontestables, à établir avec certitude celles dont on pourrait douter encore. Ici la mémoire est d’un grand secours ; mais si on en manque, les préceptes que nous traçons ne peuvent la donner.
CHAPITRE X.
15. L’intelligence de quelques passages de l’Écriture peut échapper pour deux raisons le sens inconnu, ou la signification équivoque des signes sous lesquels est enveloppée la pensée de l’auteur sacré. Or, les signes sont propres ou figurés. Les signes propres sont ceux qu’on emploie pour désigner les objets pour lesquels ils ont été directement institués. C’est ainsi que par le mot bœuf, nous entendons cet animal auquel donnent ce nom tous ceux qui parlent avec nous la même langue. Les signes sont figurés, quand les choses désignées par les termes qui leur sont propres, servent à déterminer elles-mêmes quelque objet différent. Ainsi le mot bœuf nous rappelle, à la vérité, l’animal ordinairement appelé de ce nom ; mais, sous l’emblème de cet animal, nous entendons aussi quelquefois le prédicateur de l’Évangile dont l’Écriture a voulu parler, selon l’interprétation de l’Apôtre, quand elle a dit : « Tu ne tiendras point la bouche liée au bœuf qui foule le grain[13]. »
CHAPITRE XI.
16. La connaissance des signes propres dépend principalement de celle des langues. Nous proposant ici d’éclairer ceux qui parlent la langue latine, nous leur dirons que, pour l’intelligence des Écritures, ils doivent posséder deux autres langues, qui sont le grec et l’hébreu, afin de pouvoir recourir aux textes originaux, toutes les fois que la diversité infinie des interprètes latins n’engendrera que le doute et l’incertitude. D’ailleurs il se rencontre, dans nos Livres saints, certaines expressions hébraïques qui n’ont jamais été traduites, comme Amen, Alleluia, Racha, Hosanna et d’autres. On eût pu en traduire quelques-unes, telles que amen, alleluia; mais on a voulu les conserver dans leur forme antique, pour en rendre l’autorité plus respectable ; pour d’autres, telles que Racha et Hosanna, on prétend qu’il était impossible de les faire passer dans une autre langue. Il est en effet des expressions tellement propres à certaines langues, qu’aucune traduction ne peut en reproduise la signification dans une langue étrangère. Ainsi en est-il principalement des interjections, qui servent plutôt à exprimer des mouvements subits de l’âme, qu’une conception raisonnée de l’esprit. À ce genre appartiennent les deux termes cités plus haut. Racha, dit-on, est un signe d’indignation, et Hosanna un cri de joie. Mais ce qui rend nécessaire la connaissance du grec et de l’hébreu, ce ne sont pas les termes de cette nature, qui d’ailleurs sont peu nombreux, et qu’il est facile de remarquer et de comprendre, mais, comme nous l’avons observé, la diversité des interprètes. On peut compter ceux qui ont traduit l’Écriture d’hébreu en grec, tandis que le nombre des interprètes latins est infini.
Car, dans les premiers temps du christianisme, dès qu’un exemplaire grec tombait entre les mains de quelqu’un qui croyait avoir certaine connaissance de l’une et de l’autre langue, il se hasardait à le traduire.
CHAPITRE XII.
17. Cette grande variété de traductions sert plus encore à l’intelligence des Écritures, qu’elle n’y met obstacle, quand on s’attache à les lire avec une véritable application. C’est en consultant plusieurs traducteurs que souvent on est arrivé à saisir le sens de quelques passages très-obscurs. Dans le prophète Isaïe, par exemple, là où un interprète a dit : « Ne méprise pas ceux de la maison et de ta race[14]; » un autre a traduit : « Ne méprise pas ta chair. » Tous deux s’appuient mutuellement, et l’un sert à éclaircir l’autre. En effet on pourrait prendre le mot chair dans un sens naturel, il serait alors prescrit à chacun de ne pas mépriser son corps ; et « ceux de la maison et de la race » s’entendraient, dans le sens figuré, des chrétiens qui sont nés spirituellement avec nous de la même semence, de la parole divine. Mais en mettant en regard le sens des deux traducteurs, on découvre, comme plus vraisemblable, qu’il nous est ordonné en cet endroit, de ne pas mépriser ceux qui nous sont unis par les liens du sang. Car en rapprochant de « chair, » ceux qui sont de « la même race, » on voit paraître tout d’abord ceux qu’unissent entre eux les liens du sang. C’est de là que viennent, à mon avis, ces paroles de l’Apôtre : « Je tâche d’exciter une sainte jalousie dans ma chair, afin d’en sauver quelques-uns[15]. » Il voulait que l’exemple de ceux qui croyaient déjà, les amenât à leur tour à la foi, en leur inspirant une salutaire émulation. Il appelle donc les Juifs sa chair, par suite de leur commune origine avec lui. Dans un autre passage du même prophète, un traducteur a dit : « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez point[16] ; » un autre a rendu : « Si vous ne croyez, vous ne demeurerez point. » Comment savoir quel est celui qui a exprimé le vrai sens, à moins de recourir à la langue originale ? Cependant une lecture approfondie fait ressortir une grande vérité de ces deux interprétations. Il est difficile que les interprètes s’écartent tellement les uns des autres, qu’ils ne conservent entre eux quelque point de contact. Voici l’explication. La vue de l’essence divine par l’intelligence est permanente et éternelle ; tandis que la foi ne nourrit, pour ainsi dire, que de lait les hommes encore enveloppés comme des enfants dans les langes des choses passagères de cette vie. C’est par la foi que nous marchons ici-bas et non encore par une vue claire et parfaite[17]. Or, il est nécessaire que nous marchions à la lumière de la foi pour parvenir à cette vue claire et permanente, dont nous jouirons éternellement par le moyen de notre intelligence purifiée, qui nous tiendra unis à la vérité. C’est pourquoi l’un des traducteurs a dit : « Si vous ne croyez, vous ne demeurerez point, » et l’autre : « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez point. »
18. L’ambiguïté des termes de la langue originale contribue encore souvent à jeter un interprète dans l’erreur, quand il ne saisit pas parfaitement la pensée de l’auteur, et cette ambiguïté lui fait donner une explication absolument étrangère au sens véritable. Quelques traducteurs ont ainsi rendu ce passage des Psaumes. « Leurs pieds sont aigus pour répandre le sang[18]. » Or, ὅξὑς, en grec, signifie aigu et léger. Le vrai sens n’a dons ; été saisi que par celui quia traduit : « Leurs pieds sont prompts et légers pour répandre le sang : » les autres, trompés par un terme équivoque, sont tombés dans une fausse interprétation. D’autres traductions sont non-seulement obscures, mais entièrement fausses ; il faut alors s’appliquer à les corriger plus qu’à les éclaircir, et à les comprendre. Tel est l’exemple suivant : Parce que μόσκος en grec, signifie « un veau, » certains interprètes ont traduit le terme μόσκεὺματα par « troupeaux de veaux, » ne voyant pas que la véritable signification était celle de plantes. Et cette erreur s’est glissée dans un si grand nombre d’exemplaires, qu’à peine on en rencontre un seul où on lise différemment. Cependant rien de plus facile à déterminer que le vrai sens de ce mot, qui ressort si clairement de ceux qui suivent. N’est-il pas plus naturel de dire : « Les plantes adultérines ne jetteront point de profondes racines, » que de dire : « Les troupes de veaux, etc., » animaux qui marchent sur la terre et n’y sont point fixés par des racines ? D’ailleurs l’ordre et la suite du discours autorisent pleinement cette interprétation.
CHAPITRE XIII.
49. Mais il est souvent difficile de découvrir la véritable pensée de l’écrivain sacré, au milieu des différentes traductions que les interprètes ont cherché à en donner, dans la mesure de leur pénétration et de leur intelligence, à moins de consulter la langue qu’ils ont traduite en latin, ou de consulter les traductions de ceux qui se sont trop attachés aux mots. Ces traductions ne suffisent pas sans doute, mais elles servent à découvrir la vérité ou l’erreur dans celles ou l’on a préféré suivre la pensée plutôt que la signification rigoureuse des expressions. Car on donne souvent des traductions de mots et même de locutions que la langue latine se refuse d’admettre, quand on veut conserver les principes des premiers maîtres en cette langue. Ces sortes de traductions ne nuisent pas ordinairement à l’intelligence des choses ; mais elles peuvent choquer les esprits que la pensée frappe plus agréablement, quand elle, est rendue dans son intégrité sous les termes qui lui sont propres. Le solécisme, par exemple, n’est qu’une alliance de mots contraire aux règles tracées avant nous par les maîtres du langage. Or, qu’importe à celui qui ne cherche que la vérité, de savoir s’il faut dire en latin : Inter homines ou inter hominibus. Un barbarisme n’est qu’un mot écrit ou prononcé autrement qu’il ne l’a toujours été avant nous. Qu’importe à celui qui demande à Dieu qu’il daigne lui pardonner ses péchés, de savoir s’il doit faire longue ou brève la troisième syllabe de ignoscere, pardonner, et de quelle manière il faut le prononcer ? La pureté du langage est-elle donc autre chose que la conformité aux règles observées autour de nous et autorisées par la pratique des temps antérieurs ?
20. Mais plus les hommes sont faibles, plus ils sont susceptibles, et ils sont d’autant plus faibles qu’ils veulent paraître plus instruits. Je dis plus instruits, non dans la connaissance de la vérité, dont le propre est d’édifier, mais dans la science du langage, dont il est facile de tirer vanité, puisque la science de la vérité même n’engendre que trop souvent l’orgueil, si l’esprit ne s’abaisse sous le joug du Seigneur. La construction de la phrase suivante est-elle un obstacle au lecteur : Quae est terra in qua isti insidunt super eam, etc : « Considérez quel est le pays et les peuples qui l’habitent, s’il est bon ou mauvais et quelles sont les villes et ceux qui y résident[19] ? Plutôt que d’y chercher un sens profond et mystérieux, je n’y vois qu’une forme d’expression empruntée à une langue étrangère. De même le terme floriet, en usage parmi les peuples dans le chant de ce verset des psaumes : Super ipsum autem floriet sanctificatio mea : « Ma sainteté fleurira sur sa tête[20], » n’enlève rien à l’intégrité de la pensée. Et cependant une oreille plus délicate et plus exercée préférerait entendre florebit au lieu de floriet. L’emploi habituel de ce terme dans le chant s’oppose seul à ce qu’on fasse cette simple correction. Le lecteur qui ne s’arrête pas à ce qui ne peut altérer le sens véritable, n’attache aucune importance sérieuse à ces irrégularités de langage. Il en serait autrement dans ce passage de saint Paul : Quod stultum est Dei, sapientius est hominibus, et quod infirmum est Dei, fortius est hominibus : « Ce qui paraît en Dieu une folie est plus sage que la sagesse des hommes, et ce qui paraît en Dieu une faiblesse est plus fort que la force des hommes[21]. » Si. on eût voulu reproduire la construction grecque et dire : Sapientius est homiuum, fortius est hominum, un lecteur attentif en aurait sans doute saisi le sens vrai, mais un esprit moins pénétrant ou n’aurait pas compris, ou serait tombé dans une fausse interprétation. Car cette locution, en latin, est non-seulement défectueuse, mais présente aussi une équivoque, et semble insinuer que la folie et la faiblesse des hommes ont plus de sagesse et de force que la force et la sagesse de Dieu. Sapientius est hominibus, n’est pas d’ailleurs sans ambiguïté, quoiqu’il n’y ait pas de solécisme ; c’est l’évidence de la pensée qui seule fait reconnaître si hominibus est au datif ou à l’ablatif. La traduction la plus irréprochable, eût donc été celle-ci Sapientius est quam homines, fortius est quam homines.
CHAPITRE XIV.
21. Nous parlerons dans la suite des signes équivoques ; occupons-nous d’abord des signes inconnus. Or il y a deux sortes de paroles inconnues, car le lecteur peut être arrêté par une expression, ou par une locution inconnue. Si elles proviennent de langues étrangères, qu’on en demande la signification à ceux qui parlent ces langues, ou qu’on les apprenne soi-même si l’on se reconnaît assez d’intelligence et de loisir pour cette étude, ou enfin qu’on compare entre eux les différents interprètes. Si, dans notre propre langue, on rencontre des termes ou des locutions dont on ignore le sens, on le découvre facilement par l’habitude de les lire et de les entendre. Il est d’une extrême importance de confier à sa mémoire ces sortes d’expressions et de locutions inconnues, afin de les avoir présentes à l’esprit, quand il se rencontrera quelqu’un plus éclairé, qu’on pourra consulter à cet égard, ou quand on lira quelque passage dont le contexte en fera saisir la propriété ou la signification. Constatons cependant ici que tel est l’empire de l’habitude, même quand il s’agit de s’instruire, que ceux qui ont été en quelque sorte nourris et élevés dans l’étude des saintes Écritures, trouvent ces locutions plus étranges et moins con formes au génie de la langue latine, que celles qu’ils ont apprises dans l’Écriture, et qu’on ne rencontre pas dans les meilleurs auteurs latins. Ajoutons qu’il est d’une grande utilité en cette matière, de comparer entr’elles les traductions, et d’en faire une étude attentive et un examen intelligent. Mais avant tout qu’on fasse disparaître toute erreur du texte ; car ceux qui désirent connaître l’Écriture, doivent s’appliquer d’abord à en corriger les exemplaires. Ceux qui auront subi cette épreuve, devront jouir d’une autorité supérieure à celle des traductions qui ne sont le fruit que des lumières d’un seul interprète.
CHAPITRE XV.
22. La version latine qu’on doit préférer à toutes les autres, est la version italique : elle joint à la clarté de la pensée la fidélité des termes. Pour corriger les versions latines, quelles qu’elles soient, il faut recourir aux exemplaires grecs, et spécialement à la version des Septante, qui jouit de la plus grande autorité pour l’Ancien Testament[22]. Au témoignage des Églises les plus célèbres, une assistance miraculeuse de l’Esprit-Saint ne forma en quelque sorte de tous ces interprètes qu’une seule et même bouche. S’il faut en croire la tradition et plusieurs personnages dignes de foi[23], ces interprètes travaillèrent, chacun dans une cellule séparée, à traduire l’Écriture, et leurs traductions particulières se trouvèrent entièrement conformes les unes aux autres, jusques dans la nature et l’arrangement des termes Quelle autorité comparer, et encore moins préférer à cette imposante autorité ? Et quand même ils auraient mis en commun leurs travaux et leurs lumières pour arriver à cette unanimité de pensées et d’expressions, serait-il encore nécessaire, serait-il même convenable qu’un seul interprète, si profonde que fût sa science, tentât de réformer le sentiment de tant de vénérables savants ? Y eût-il certaines divergences entre le texte hébreu et leur traduction ; il faut considérer ici avant tout les vues de la Providence, dont ils furent les instruments. Cette Providence divine voulait que par la puissance du roi Ptolémée, ces livres que la nation juive refusait, par religion ou par envie, de livrer aux autres peuples, fussent remis, dès cette époque reculée, entre les mains des nations qui devaient un jour croire en Jésus-Christ. Ils ont donc pu faire leur traduction de manière qu’elle fût en rapport avec les besoins de ces peuples, selon que le jugeait l’Esprit-Saint qui les dirigeait et qui mettait sur leurs lèvres le même langage. Cependant, comme je l’ai remarqué, il n’est pas inutile, pour mieux saisir une pensée, de mettre en regard les interprètes qui se sont le plus attachés aux expressions. Ainsi, comme je l’ai déjà insinué, les traductions latines de l’ancien Testament doivent être corrigées, s’il est nécessaire, sur les exemplaires grecs, et principalement sur ceux des Septante, qui ont interprété l’Écriture avec une si étonnante conformité de pensées et d’expressions. À l’égard des livres du nouveau Testament, si la divergence des versions latines fait surgir quelque incertitude, il est incontestable qu’il faut s’en rapporter aux textes grecs, surtout à ceux qui passent dans toutes les Églises pour les plus célèbres par leur fidélité et leur exactitude.
CHAPITRE XVI.
23. Le lecteur qui rencontre des signes figurés dont il ignore la signification, doit la chercher, soit dans la connaissance des langues, soit dans celle des choses mêmes. Ainsi le nom de Siloë, cette piscine où le Seigneur envoya pour s’y laver, celui dont il avait oint les yeux avec de la terre détrempée de sa salive, renferme un symbole frappant et révèle un profond mystère. Si l’évangéliste n’eût expliqué ce terme d’une langue inconnue, nous en eussions ignoré la signification profonde. Il y a dans les Livres saints beaucoup d’autres noms hébreux dont les auteurs n’ont pas donné l’interprétation ; et il est certain que cette interprétation une fois connue, sert beaucoup à résoudre les difficultés de l’Écriture. Aussi plusieurs savants, très-versés dans la connaissance de cette langue, ont rendu un service considérable à la postérité, en s’appliquant à recueillir ces termes et à en donner l’explication ; nous apprenant ce que signifie Adam, Ève, Abraham, Moïse, et ces noms de lieux : Jérusalem, Sion, Jéricho, Sina, Liban, Jourdain et tant d’autres noms hébreux qui nous sont inconnus. Il y a là une source de lumières pour l’intelligence des locutions figurées répandues dans les Livres saints.
24. Ce qui contribue aussi à rendre obscures les expressions métaphoriques, c’est l’ignorance de la nature des choses, comme des animaux, des pierres, des plantes, etc,…, que l’Écriture emploie souvent comme termes de comparaison. Nous savons, par exemple, que le serpent expose au péril son corps tout entier pour préserver sa tête. Cette connaissance ne nous fait-elle pas mieux saisir la pensée du Seigneur, quand il nous ordonne d’imiter la prudence du serpent[24] ? Ne nous fait-elle pas entendre que nous devons livrer tous nos membres à nos persécuteurs, pour conserver Jésus-Christ qui est notre chef, et ne pas laisser mourir et s’éteindre en nous la foi chrétienne en reniant notre Dieu, pour épargner notre corps ? Le serpent, après s’être enfermé dans une étroite, caverne, y dépose son ancienne enveloppe et y reprend de nouvelles forces. N’est-ce pas là nous dire que, à l’imitation de sa prudence, il nous faut dépouiller le vieil homme, comme s’exprime l’Apôtre[25], nous revêtir du nouveau, et faire ce dépouillement en passant par la voie étroite, selon cette parole du Seigneur : « Entrez par la porte étroite[26] ? » Si donc la connaissance de la nature du serpent facilite l’intelligence des comparaisons que l’Écriture emprunte au caractère de cet animal, l’ignorance au contraire des habitudes des autres animaux ne peut que rendre incompréhensibles les nombreuses figures dont ils sont l’objet. J’en dirai autant à l’égard des pierres, des plantes et de tout ce qui tient à la terre par des racines. La connaissance de l’escarboucle qui brille dans les ténèbres, répand une vive lumière sur les obscurités des Livres saints, la où elle sert de comparaison. L’ignorance des propriétés du béril et du diamant, est souvent un voile sur les yeux du lecteur. Comment voyons-nous si facilement, dans ce rameau d’olivier que la colombe rapporta à son retour dans l’arche[27], le signe d’une paix perpétuelle, sinon parce que nous savons que le doux contact de l’huile résiste à l’action des liquides étrangers, et que l’olivier est toujours couvert de son feuillage ? Si plusieurs eussent connu l’hysope, et la propriété qu’a cette plante, si petite et si faible, de purifier les poumons et de faire pénétrer, dit-on, ses racines dans les rochers, ils auraient compris la raison de cette parole de l’Écriture « Vous m’arroserez avec l’hysope, et je serai purifié[28]. »
25. L’ignorance des nombres est encore un obstacle à l’intelligence de plusieurs passages métaphoriques et mystérieux de l’Écriture. Un esprit peu éclairé se demandera toujours avec étonnement pourquoi la durée du jeûne de Moïse, d’Élie et du Seigneur a été de quarante jours. La difficulté que présente cette figure disparaît avec la connaissance de la signification du nombre quarante. Il contient quatre fois dix, et comprend sous ce rapport la connaissance de toutes les choses soumises à la règle du temps. Le nombre quatre sert, en effet, à diviser le cours des jours et des années ; le jour se compose des heures du matin, du midi, du soir et de la nuit ; et les mois, qui forment l’année, se distinguent en quatre saisons, le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. Or, pendant que nous vivons dans le temps, il nous faut jeûner et nous abstenir des joies du temps, nous qui aspirons à vivre dans l’éternité. D’ailleurs, la rapidité du temps nous apprend assez par elle-même à mépriser les biens passagers et à désirer ceux qui sont permanents et éternels. D’un autre côté le nombre dix implique la science du Créateur et de la créature. Trois de ses parties représentent la Trinité divine, et les sept autres l’homme dans son corps et dans son principe vital. Ce principe de vie se manifeste par trois facultés différentes, qui ont donné lieu au précepte d’aimer Dieu de tout son « cœur », de toute son« âme » et de tout son « esprit » Dans le corps se distinguent les quatre éléments qui le composent. Le nombre dix multiplié par le nombre quatre, qui marque la révolution des temps, nous rappelle donc l’obligation où nous sommes de vivre dans la chasteté et la continence, et de renoncer aux joies frivoles du siècle présent. Tel est l’enseignement qui ressort de ce jeûne de quarante jours ; enseignement exprimé par la Loi personnifiée dans Moïse, par les prophéties personnifiées dans Élie, et par le Seigneur lui-même, qui parut sur la montagne dans l’éclat de sa gloire aux yeux de ses trois disciples effrayés, ayant à ses côtés ces deux grands hommes, pour marquer que la Loi et les Prophètes lui rendaient témoignage[29].
C’est ainsi qu’on peut examiner encore comment du nombre quarante se forme le nombre cinquante, qui, dans la religion chrétienne, a reçu un caractère si sacré du mystère clé la Pentecôte ; constater que, répété trois fois, à raison des trois époques de la vie de l’humanité, avant la loi, sous la loi, et sous la grâce, ou à raison des noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et augmenté du nombre auguste de la Trinité même, il s’applique au mystère de l’Église sanctifiée, et forme le nombre des cent cinquante-trois poissons que prirent les apôtres après la résurrection du Seigneur, en jetant leurs filets du côté droit[30]. D’autres mystères sont aussi voilés sous ces diverses figures des nombres répandus dans les saints Livres, et passent inaperçus aux yeux du lecteur peu versé dans cette connaissance.
26. Bien des vérités échappent aussi par suite de l’ignorance de ce qui tient à l’art de la musique. En traitant de la différence du psaltérion et de la harpe, un certain auteur a donné de plusieurs symboles une excellente explication. C’est une question qui a son intérêt, entre les hommes de l’art, de savoir s’il est quelque loi musicale qui oblige à donner au psaltérion le nombre de dix cordes[31]. S’il n’existe aucune loi de ce genre, il faut reconnaître dans ce nombre une signification plus mystérieuse encore, tirée, soit des dix préceptes du Décalogue qui se rapportent au Créateur et à la créature, soit des considérations exposées plus haut sur le nombre dix. Ce nombre de quarante-six ans que dura la construction du temple, au rapport de l’Évangile[32], fait entendre je ne sais quelle harmonie ; car, appliqué à la formation du corps du — Seigneur, dont lui-même voulait parler sous la figure du temple, il contraint certains hérétiques à reconnaître que le Fils de Dieu a revêtu, non un corps fantastique, mais un véritable corps humain. C’est ainsi que çà et là dans l’Écriture se montrent d’augustes de nobles allégories empruntées aux nombres et à la musique.
CHAPITRE XVII.
27. On doit en effet rejeter l’erreur des païens qui, dans leurs vaines superstitions, ont représenté les neuf Muses tommes filles de Jupiter et de la Mémoire. Varron, celui qui fut parmi eux le plus éclairé peut-être et le plus versé dans ces sortes de matières, s’est attaché à réfuter cette fable. Il rapporte qu’une ville, dont le nom m’échappe, chargea trois ouvriers de sculpter chacun trois statues des Muses, dont elle voulait orner le temple d’Apollon ; elle devait acheter celles qu’elle jugerait le plus parfaitement exécutées. Les trois artistes réussirent également dans leur œuvre, et la ville fut si ravie de la beauté des neuf statues, qu’elle en fit l’acquisition et les dédia à Apollon dans son temple. Ce fut le poète Hésiode qui dans la suite leur imposa des noms. Les neuf Muses ne sont donc pas filles de Jupiter, mais l’œuvre égale de ces trois artistes ; et cette ville avait commandé trois statues, non parce qu’elle en avait vu trois en songe, ou que ce même nombre était apparu à chacun de ses habitants ; mais par suite de la nature même des sons musicaux. Tout son, en tant qu’il forme un chant, peut se produire de trois manières différentes : ou par la voix, comme dans celui qui chante sans le secours d’aucun instrument ; ou par le souffle, comme dans la flûte et la trompette ; ou par la percussion, comme sur la harpe, le tambour, et tout autre instrument qui résonne de la même sorte.
CHAPITRE XVIII.
28. Que ce récit de Varron soit vrai ou faux, les superstitions profanes ne sont pas un motif de repousser la musique, quand elle sert à nous faciliter l’intelligence des saintes Écritures ; pas plus que nous ne devons assister à leurs spectacles frivoles, parce que nous tirons de leurs instruments de musique des considérations qui nous font mieux saisir les choses spirituelles. Laisserons-nous de côté l’étude des lettres, parce qu’ils prétendent que Mercure en a été l’inventeur ? Fuirons-nous la justice et la vertu, parce qu’ils leur ont consacré des temples et qu’ils ont mieux aimé les adorer sous des images de pierres que de les porter dans leurs cœurs ? Loin de là : que tout chrétien fidèle et sincère sache que partout où il rencontre la vérité, elle appartient à son Dieu et Seigneur, et que, faisant profession de ne suivre que sa divine lumière, il déteste, jusques dans les Livres saints, les fables superstitieuses ; qu’il s’éloigne avec une douloureuse compassion de ces hommes, « qui, connaissant Dieu, ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces de ses bienfaits ; mais, s’étant égarés dans leurs vaines pensées, leur cœur, privé d’intelligence, a été rempli de ténèbres. Car, en voulant passer pour sages, ils sont devenus de véritables insensés, et ils ont transféré l’honneur qui n’était dû qu’au Dieu incorruptible, à l’image d’un homme corruptible, et à des figures d’oiseaux, de bêtes à quatre pieds et de reptiles[33]. »
CHAPITRE XIX.
29. Pour donner à cette matière d’une si grande importance, de plus amples développements, nous ferons remarquer qu’il y a deux sortes de sciences en usage parmi les païens, et qui se traduisent dans leurs mœurs. L’une a pour objet les choses d’humaine institution, l’autre celles que l’homme a trouvées préalablement établies ou instituées de Dieu même. À l’égard des institutions humaines, une partie est entachée de superstitions, le reste en est exempt.
CHAPITRE XX.
30. Il faut regarder comme superstitieuses les institutions humaines relatives à l’érection et au culte des idoles ; soit qu’elles enseignent à honorer une créature quelconque comme la divinité, ou à consulter les démons, et à se lier avec ses esprits de ténèbres par des pactes et des conventions, telles que les opérations de la magie que l’on retrouve ordinairement dans les écrits des poètes, plutôt à titre de souvenirs que de doctrines. À cette catégorie appartiennent les livres des aruspices et des augures, remplis des plus vaines puérilités ; ces ligatures et ces remèdes réprouvés par la science de la médecine, et qui consistent soit dans des enchantements et dans je ne sais quelles marques appelées caractères, soit dans des choses qui se suspendent, se lient ou s’ajustent de certaine manière, non pour le soulagement du corps, mais pour en former des symboles secrets ou apparents. Pour en voiler le caractère superstitieux et lui prêter une efficacité naturelle, ils donnent à ces choses le nom imposant de physiques. Tels sont ces anneaux d’or suspendus aux oreilles, ces autres, faits d’os d’autruche, qui se mettent aux doigts, et la coutume, quand on a le hoquet, de se presser avec la main droite le pouce de la main gauche.
31. A ces extravagances viennent s’ajouter mille observations aussi vaines, quand un membre tressaille, quand une pierre ; un chien ou un enfant se rencontrent entre deux amis qui se promènent ensemble. Encore vaut-il mieux les voir fouler aux pieds la pierre qu’ils regardent comme cause de la rupture de leur amitié, que frapper un enfant qui vient à passer au milieu d’eux. Mais ici les enfants trouvent quelquefois leurs vengeurs dans les chiens ; s’il est des hommes assez superstitieux pour oser frapper un chien qui passe entre eux, ce n’est pas impunément, car souvent cet animal envoie à un véritable médecin celui qui cherchait un vain remède en le frappant. Et ces autres chimères : Ne point passer devant sa maison sans mettre le pied sur le seuil ; retourner à son lit, si on éternue en se chaussant ; rentrer chez soi, si l’on fait un faux pas en marchant ; si un vêtement est rongé par les souris, regretter moins le dommage que trembler dans l’appréhension du malheur qui doit arriver. À cette occasion Caton répondit fort plaisamment. Un homme le consultait sur ce que des souris avaient rongé ses souliers : ce n’est pas là, lui dit-il, une merveille ; il y en aurait une si les souliers avaient rongé les souris.
CHAPITRE XXI.
32. Mettons encore au nombre des sectateurs de ces dangereuses superstitions les faiseurs d’horoscopes, qui observent les jours de la naissance et sont aujourd’hui vulgairement connus sous le nom de mathématiciens. Ils peuvent sans doute étudier la véritable situation des astres à la naissance de quelqu’un, et parfois la découvrir ; mais c’est une étrange aberration d’appuyer sur cette découverte la prédiction des actions et des évènements de la vie ; ils vendent chèrement à la crédulité ignorante un avilissante servitude. Un homme entre chez l’un de ces mathématiciens avec la conscience de sa liberté, et il donne son argent pour savoir au sortir de là qu’il est sous l’esclavage de Mars, de Vénus ou plutôt de tous les astres, auxquels ceux qui tombèrent les premiers dans cette erreur et qui la transmirent à la postérité, imposèrent, tantôt des noms de bêtes, par suite d’une certaine ressemblance, tantôt des noms d’hommes, en l’honneur de quelques hommes. Rien là d’étonnant, puisqu’à une époque encore toute récente, les Romains ont voulu dédier l’étoile que nous appelons Lucifer, à la gloire et au nom de César[34]. Son nom fût peut-être resté à cet astre jusqu’aux âges les plus reculés, si Vénus, son aïeule, n’eût joui avant lui de ce titre ; héritage qu’elle n’avait aucun droit de transmettre à ses descendants, puisque, pendant sa vie, elle n’en avait pas eu la possession, ni réclamé la jouissance. Quand on découvrait au ciel un astre non encore consacré à la mémoire de quelque ancien héros, on s’empressait, comme c’est la coutume, d’y attacher un nom illustre. C’est ainsi que le cinquième et le sixième mois ont été appelés juillet et août, en l’honneur de Jules César et d’Auguste. Qui ne sait que longtemps auparavant, ces astres accomplissaient leur course dans les cieux ? Ce n’est qu’après la mort de ces héros, dont la puissance des rois ou la vanité des hommes voulait célébrer la mémoire, qu’on a donné leurs noms aux astres, comme pour les élever jusqu’au ciel. Mais quels que soient les noms que les hommes donnent à ces astres, ils ne sont néanmoins que l’œuvre de Dieu, qui les a placés dans l’ordre qu’il lui a plu ; leurs mouvements sont soumis à une règle fixe, et servent à marquer la distinction et la variété des saisons. Il est facile d’observer ces divers mouvements à la naissance de quel qu’un, à l’aide des règles découvertes et tracées par ces hommes que l’Écriture condamne dans ces paroles : « S’ils ont pu avoir assez de lumière pour connaître l’ordre du monde, comment n’ont-ils pas connu plus facilement celui qui en est le Seigneur et le Maître[35] ? ».
CHAPITRE XXII.
33. Mais prétendre s’appuyer sur ces observations pour prédire, à la naissance des hommes, leurs mœurs, leurs actions et les évènements de leur vie, c’est une grande erreur et une insigne folie. C’est une superstition qui trouve sa réfutation la plus parfaite dans l’enseignement même de ceux qui se sont appliqués à l’étude de ces dangereuses puérilités. Car, que sont leurs constellations, sinon l’aspect et la situation où se trouvent les astres à la naissance de celui sur le sort duquel ces misérables sont consultés par de plus misérables encore ? Ne peut-il pas arriver que deux jumeaux se suivent de si près, au sortir du sein maternel, qu’entre la naissance de l’un et celle de l’autre, il n’y ait nul intervalle de temps saisissable, et qui puisse être marqué par différents mouvements des constellations ? Nécessairement donc il y aura des jumeaux qui naîtront sous la même constellation, sans que rien se ressemble dans les évènements qu’ils auront à accomplir ou à subir ; souvent même il y aura entr’eux cette immense distance, que l’un sera au comble du bonheur pendant que l’autre gémira sous le poids de l’infortune. Tels furent Ésaü et Jacob, dont la naissance fut tellement simultanée, que Jacob, qui venait le dernier, tenait de sa main le pied de son frère, qui le précédait[36]. Assurément l’observation du jour et de l’heure de leur naissance ne pouvait constater pour les deux qu’une seule et même constellation.
Et cependant, quelle différence entre leurs mœurs, leurs actions, leurs travaux et leurs destinées ? Nous en avons pour garant le témoignage de l’Écriture, aujourd’hui répandue parmi tous les peuples.
34. Dira-t-on que le plus court intervalle de temps qui sépare la naissance de deux jumeaux, est d’une grande importance dans la nature et eu égard à la vitesse prodigieuse des corps célestes ? Quand même je reconnaîtrais cette importance, un mathématicien peut-il saisir un instant si rapide dans les constellations, à l’aspect desquelles il se vante de prédire les destinées ? Si donc il ne découvre aucune différence dans les constellations, s’il les voit nécessairement les mêmes et pour Jacob et pour Ésaü, que lui sert que dans les corps célestes, il y ait cet intervalle qu’il soutient avec une assurance téméraire, s’il n’existe point sur ces tablettes qu’il consulte en vain avec tant d’application ? Aussi doit-on mettre au nombre des conventions faites avec les démons, ces doctrines qui enseignent à chercher la connaissance des évènements dans des signes établis par la vanité présomptueuse des hommes.
CHAPITRE XXIII.
35. Il arrive en effet que, par un secret jugement de Dieu, les hommes au cœur perverti sont livrés aux illusions et aux erreurs que mérite la dépravation de leurs désirs ; qu’ils sont séduits et trompés par les anges prévaricateurs à qui la providence de Dieu a soumis cette partie inférieure du monde, pour la plus grande beauté de l’univers. Sous l’empire de leurs artifices et de leurs prestiges, ces hommes à l’aide de leurs sciences divinatoires, aussi funestes que superstitieuses, révèlent des événements passés ou à venir, qui arrivent souvent comme ils ont été prédits, et d’une manière conforme à leurs observations ; et leur curiosité, de plus en plus stimulée, les jette et les enlace dans les nœuds inextricables de la plus pernicieuse erreur. L’Écriture, signalant le danger, a stigmatisé cet égarement de l’esprit humain ; non-seulement elle nous avertit de fuir avec horreur ces extravagances comme provenant de la bouche des professeurs de mensonges, elle va jusqu’à dire : « Quant même ce qu’ils vous auront dit arriverait, ne les croyez point[37]. » Parce que l’ombre de Samuel, après sa mort, ne prophétisa rien que de vrai au roi Saül[38], les sacrilèges qui furent commis, en évoquant ce fantôme, n’en sont pas moins détestables.
Et bien que cette femme ventriloque, dont il est parlé dans les Actes, rendit un témoignage véritable aux Apôtres du Seigneur, saint Paul n’épargna pas pour ce motif l’esprit qui était en elle, mais il la délivra en menaçant et en chassant le démon qui l’obsédait[39].
36. Tout chrétien doit donc fuir et rejeter ces superstitions puériles ou dangereuses, qui entretiennent un commerce contagieux entre les hommes et les démons, et ne sont que la convention d’une fausse et perfide amitié. « Ce n’est pas, dit saint Paul, qu’une idole soit quelque chose, mais je dis que ce que les païens immolent, ils l’immolent aux démons et non pas à Dieu. Or je ne veux pas que « vous ayez aucune société avec les démons[40]. »
Ce que l’Apôtre dit des idoles et des victimes immolées, en leur honneur, il le faut dire de toutes ces vaines institutions qui portent à honorer les idoles ou une créature quelconque, comme on honore Dieu ; lui enseignent à recourir à ces remèdes et à ces observances qui n’ont point été divinement et publiquement établis pour développer l’amour de Dieu et du prochain, et ne font que livrer le cœur de quelques misérables aux désirs déréglés des choses temporelles. Dans ces sortes de sciences on ne saurait trop craindre ni trop éviter toute société avec les démons, car de concert avec leur chef, ils ne cherchent qu’à nous fermer la voie du retour à la patrie.
Mais ce n’est pas seulement aux astres, que Dieu a créés et placés chacun à son rang, que les hommes ont emprunté tant de fausses conjectures : ils en ont tiré des différentes productions de la nature, de tous les évènements déterminés par l’action de la Providence divine, et les ont consignées dans leurs écrits, comme des règles infaillibles, dès qu’ils étaient témoins d’un phénomène extraordinaire, comme quand une mule était devenue féconde, bu qu’un corps quelconque avait été frappé de la foudre.
CHAPITRE XXIV.
37. Toutes ces superstitions n’ont d’efficacité qu’autant que l’homme y met sa confiance, et que par ce langage muet il s’associe avec les démons. Et pourtant que renferment-elles, sinon des curiosités qui empoisonnent, des inquiétudes qui tourmentent, et une servitude qui conduit à la mort ? Ce n’est point leur vertu qui leur a attiré l’attention des hommes, ce sont les observations mêmes dont elle sont été l’objet, qui leur ont prêté quelque valeur. Aussi produisent-elles des effets différents selon la diversité des pensées et des espérances de leurs sectateurs. Car les esprits de mensonge font arriver à chacun, des évènements conformes aux désirs et aux craintes dont ils le voient agité, La lettre 10, par exemple, qui sert à marquer le nombre dix, a chez les Grecs une signification autre que chez les Latins ; signification qu’elle tient, non de sa nature, mais d’une convention arbitraire ; et celui qui, connaissant ces deux langues, écrirait à un grec, n’emploierait pas, pour exprimer sa pensée, cette lettre dans le même sens que s’il écrivait à un latin. « Beta, » sous la même prononciation, est le nom d’une lettre chez les Grecs ; et chez les Latins, celui d’une sorte de betterave. Ces deux syllabes : « lege, » ont un sens bien différent dans les deux langues. Toutes ces expressions frappent donc diversement les esprits, selon la diversité des conventions adoptées dans la société à laquelle ils appartiennent : ce n’est pas parce qu’elles avaient telle signification par elles-mêmes qu’on les a adoptées ; elles n’ont de sens que celui qui leur a été donné d’un commun accord. Ainsi en est-il de ces signes dont on se sert pour lier un commerce funeste avec les démons : ils n’ont de valeur que celle que leur attribuent ceux qui les observent. La manière dont agissent les augures en est une preuve manifeste ; car avant l’observation comme après la découverte de leurs signes, ils ne s’arrêtent nullement à considérer le vol des oiseaux ni à écouter leurs cris : quelle signification en effet peut-on y trouver, sinon celle qu’il plaît à l’observateur d’y attacher ?
CHAPITRE XXV.
38. Après avoir détruit et déraciné de telles extravagances dans l’esprit du chrétien, nous avons à examiner désormais les institutions humaines exemptes de superstition, et que les hommes ont établies entre eux, et non avec les démons.
On doit regarder comme institutions humaines, toutes celles qui n’ont parmi les hommes d’autre valeur que celles qu’ils sont convenus de leur attribuer. Les unes sont superflues et excessives, les autres utiles et nécessaires. Pour parler des signes que font les histrions dans leurs danses, si la signification de leurs gestes était naturelle, et non de pure convention, un héraut n’aurait pas été chargé autrefois d’expliquer aux citoyens de Carthage ce que le pantomime voulait exprimer par sa danse. Bien des vieillards se souviennent de cet usage, et nous en parlent souvent. Ce qui confirme leur témoignage, c’est que, aujourd’hui encore, lorsqu’on entre au théâtre où se jouent ces représentations puériles, sans y être initié, c’est en vain qu’on y prête toute son attention, si quelqu’un n’explique ce que signifient les gestes des acteurs. Tous cependant cherchent à produire des signes qui ressemblent autant que possible à la chose signifiée. Mais comme il peut exister entre les choses divers points de ressemblance, la véritable signification des signes ne se détermine que par une mutuelle convention entre les hommes.
39. Quant aux peintures, aux statues et autres œuvres de ce genre, personne ne s’y méprend, surtout quand elles émanent de la main d’artistes distingués ; il est facile de reconnaître ce qu’elles représentent. Ce sont là des institutions humaines superflues, à moins qu’elles ne tirent quelque importance de la fin, du motif, du lieu, du temps et de l’autorité qui les fait produire. Reconnaissons encore la même origine à ces compositions et à ces fables sans nombre dont les fictions mensongères ont tant de charmés pour les hommes. Et qu’y a-t-il, dans ce qui émane de l’homme, qui soit plus véritablement son œuvre que ce qui est erreur et mensonge ?
Il est d’autres, institutions humaines qui sont utiles et nécessaires : tels sont les vêtements divers et les ornements extérieurs qui servent à distinguer les sexes et les dignités ; ces autres signes innombrables qui rendent possibles, ou du moins facilitent les rapports de la vie sociale : tes poids, les mesures, l’effigie et la valeur des monnaies propres à chaque pays et à chaque peuple, etc. Si ces choses n’étaient pas d’institution humaine, elles ne seraient pas si différentes parmi les peuples, et ne changeraient pas dans une même nation au gré de ses princes.
CHAPITRE XXVI.
40. Toutes les institutions humaines qui ont pour objet l’usage des choses nécessaires à la vie, sont loin d’être indignes de l’attention du chrétien. Il doit même y consacrer une étude suffisante et les fixer dans sa mémoire. Car il en est quelques-unes qui ont un sens figuratif, et ressemblent assez aux signes naturels. Mais je le répète ; il faut repousser avec horreur toutes celles qui servent à nouer quelqu’alliance avec les démons. Quant à celles qui ont pour objet les rapports des hommes entre eux, on peut en user dans ce qu’elles n’ont pas de superflu et d’excessif, comme les figures des lettres sans lesquelles on ne pourrait lire ; la science des diverses langues dans la mesure de son utilité, ainsi que nous l’avons déjà observé. On peut y rapporter aussi les notes, qui ont fait donner le nom de notaires à ceux qui en font une étude particulière. Ce sont là des institutions utiles et dont il est permis de s’instruire : elles n’entraînent dans aucune superstition et n’amollissent point par le luxe, pourvu que le soin que l’on y consacre ne soit pas un obstacle aux fins plus importantes auxquelles elles doivent concourir.
CHAPITRE XXVII.
41. J’arrive à ces connaissances qui comprennent les faits accomplis dans la suite des temps, ou ce que la sagesse divine a établies, et que les hommes n’ont enseignées que comme fruits de leurs observations et de leurs recherchés. Quelle que soit la source où on les puise, on ne peut les regarder comme des institutions humaines. Les unes sont du domaine des sens, les autres de celui de l’esprit. À l’égard des choses qui s’apprennent par l’entremise des sens, ou l’histoire nous en instruit, ou la démonstration nous les fait saisir, ou l’expérience nous les fait conjecturer.
CHAPITRE XXVIII.
42. Tout ce que l’histoire nous apprend des faits qui se sont produits dans la suite des siècles antérieurs, nous facilite singulièrement l’intelligence de livres saints, alors même qu’on n’y chercherait, dans les écoles profanes, qu’une vaine érudition. Que de faits n’avons-nous pas à déterminer souvent par le moyen des Olympiades et les noms des consuls ? C’est pour avoir ignoré sous quel consulat le Seigneur est né, et sous lequel il est mort, que plusieurs ont cru faussement qu’il avait souffert à l’âge de quarante-six ans ; parce que les Juifs avaient dit un jour que l’édification du temple, qui était la figure du corps du Seigneur, avait duré ce même nombre d’années[41]. Le récit évangélique nous apprend qu’il avait près de trente ans à l’époque de son baptême ; quant au nombre d’années qu’il passa ensuite sur la terra, on peut le déterminer, il est vrai, par la suite de ses actions ; mais pour dissiper jusqu’à l’ombre du doute, et établir sur ce point plus de lumière et de certitude, il suffit de confronter l’histoire profane avec l’Évangile. On verra alors que ce n’est pas en vain qu’il a été dit qu’on avait consacré quarante-six ans à la construction du temple. Car, ne pouvant appliquer ce nombre à l’âge du Seigneur, on sera contraint de le rapporter à un mystère caché de ce corps humain, dont n’a pas dédaigné de se revêtir pour nous le Fils unique de Dieu, par qui toutes choses ont été faites.
43. Comme preuve de l’utilité de l’histoire, sans parler ici des Grecs, avec quelle force notre illustre Ambroise ne réfute-t-il pas cette indigne calomnie des admirateurs de Platon, que toutes les maximes de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qu’ils sont contraints d’admirer et de publier, ont été tirées des livres de ce philosophe, lequel vivait sans aucun doute longtemps avant l’avènement du Sauveur ? Ce saint prélat ayant découvert dans l’histoire profane que Platon s’était rendu en Égypte, à l’époque même où Jérémie s’y trouvait, a démontré, comme plus vraisemblable, qu’il avait eu connaissance de nos livres saints par l’entremise de ce prophète, et que c’est là qu’il a puisé ces doctrines et ces écrits qu’on admire à juste titre. Les livres du peuple hébreu, qui pratiqua par excellence le culte d’un seul Dieu, et dont descend Jésus-Christ selon la chair, existaient bien avant que parut Pythagore même, dont les disciples, assure-t-on, enseignèrent la théologie à Platon. Ainsi en rapprochant les diverses époques, il paraît plus raisonnable de croire que ces philosophes ont tiré de nos livres saints tout ce qu’ils ont de bon et de vrai, plutôt que d’admettre cette insigne folie que Jésus-Christ ait emprunté à Platon.
44. Quoique les choses établies autrefois par les hommes puissent être l’objet d’un récit historique, on ne doit cependant pas mettre l’histoire au rang des institutions humaines, parce que les évènements passés, qui ne peuvent plus n’avoir pas existé, appartiennent à l’ordre des temps dont Dieu est le Créateur et le modérateur suprême. Autre chose est de raconter ce qui est fait, et autre chose d’enseigner ce qui est à faire. L’histoire raconte fidèlement et utilement les faits ; tandis que les livres des devins et tous les écrits de cette sorte prétendent enseigner, avec plus de présomption que de certitude, ce qu’il faut faire et observer.
CHAPITRE XXIX.
45. Il y a aussi une sorte de narration, semblable à la démonstration, qui fait connaître non les choses passées, mais les choses présentes à ceux qui les ignorent. Tels sont les écrits qui traitent de la situation des lieux, de la nature des animaux, des propriétés des plantes, des arbres, des pierres et des autres corps. Nous en avons parlé plus haut, et nous avons fait ressortir l’utilité de ces connaissances pour résoudre les difficultés de l’Écriture. Qu’on n’y cherche point de ces signes qu’on emploie comme remèdes ou comme instruments de quelque superstition. Nous avons déjà condamné cet usage impie, bien différent de l’usage permis et légitime dont il est : ici question. Dire par exemple : Si vous prenez cette herbe broyée, vous ne souffrirez plus aux entrailles ; et dire : Votre douleur cessera, si vous suspendez cette herbe à votre cou ; est chose bien différente. D’un côté on voit une propriété salutaire, et de l’autre une superstition condamnable. Et alors même qu’il n’y a ni enchantement, ni invocations, ni caractères, il est très-souvent douteux si ce que l’on attache ou ce qu’on applique au corps pour le guérir, agit par une efficacité naturelle, à laquelle on est libre de recourir, ou s’il ne tire sa vertu que de la manière significative et mystérieuse dont on l’emploie. Sous ce rapport, plus l’efficacité du remède paraîtra étonnante, plus il sera de la prudence chrétienne de le rejeter. Quand on ne peut découvrir d’où provient la vertu d’une chose, il importe de considérer l’intention qui en dirige l’usage, si c’est uniquement pour la guérison ou le soulagement du corps, si c’est suivant les principes de la médecine et de l’agriculture.
46. C’est par la démonstration, et non par la narration historique, que s’acquiert la connaissance des astres. L’Écriture en dit fort peu de choses. Si l’on connaît généralement le cours de la lune, qui sert à déterminer chaque année le jour où doit se célébrer la solennité de la passion du Seigneur, il n’y a, pour les autres astres, qu’un petit nombre de savants qui aient une science certaine de leur lever, de leur coucher, et de leurs divers mouvements. Cette science n’implique sans doute par elle-même aucune superstition ; mais son utilité est fort restreinte, et pour ainsi dire nulle, relativement à l’étude des divines Écritures ; elle y met plutôt obstacle par le but futile qu’on s’y propose. Ajoutons qu’à raison des rapports qu’elle a avec les dangereuses erreurs de ces prophètes insensés des destinées humaines, il est plus avantageux et plus convenable de la mépriser. Outre la démonstration de ce qui existe présentement, la science des astres renferme encore une sorte d’histoire du passé, en ce sens que leur situation et leur : mouvements actuels conduisent régulièrement à connaître leur ancien cours. Elle enseigne de plus à former sur l’avenir des conjectures qui ne sont ni douteuses, ni de mauvais présage, mais certaines et constantes ; conjectures qui doivent servir, non à faire sur les actions et les évènements de notre vie des prédictions semblables aux extravagances des astrologues, mais à prévoir ce qui a rapport aux astres mêmes. Ainsi celui qui observe les phases de la lune, peut, en constatant le point où elle en est aujourd’hui de son cours, reconnaître où elle en était il y a plusieurs années auparavant, et où elle en sera plusieurs années dans la suite, à un jour déterminé. Un observateur expérimenté établit des calculs aussi infaillibles sur chacun des autres astres. J’ai déjà déclaré ce que je pense de toute cette science, relativement à l’usage qu’on peut en faire.
CHAPITRE XXX.
47. Parmi les arts, il en est dont l’objet est de façonner quelqu’ouvrage ; et le travail de l’ouvrier laisse après lui des œuvres permanentes, comme une maison, un banc, un vase et autres choses semblables ; d’autres qui servent en quelque sorte d’instruments à l’action divine, comme la médecine, l’agriculture et le gouvernement ; d’autres enfin dont tout l’effet n’est que dans l’action même, tel que l’exercice de la danse, de la course et de la lutte. Or, dans tous ces arts, l’expérience du passé sert aussi à conjecturer l’avenir : car nul de ceux qui les professent ne travaille sans rattacher au souvenir des effets passés l’espérance des mêmes résultats pour l’avenir. Il est bon, dans le cours de cette vie, de s’appliquer quelque peu et comme en passant, à la connaissance de ces arts, non pour les exercer, à moins qu’une profession particulière n’y oblige, ce dont il n’est pas ici question ; mais simplement pour pouvoir en juger, et pour ne pas ignorer ce que l’Écriture veut faire entendre, quand elle emploie des locutions figurées tirées de cette source.
CHAPITRE XXXI.
48. Il nous reste à parler des connaissances qui sont, non plus du domaine des sens extérieurs, mais du ressort de l’esprit, et qui consistent principalement dans la science du raisonnement et des nombres. La science du raisonnement est de la plus grande utilité pour approfondir et résoudre toutes les difficultés qui se rencontrent dans l’Écriture. Seulement on doit se mettre en garde contre la passion de la dispute et contre la satisfaction puérile de tromper son adversaire. Il y a en effet une foule de ces raisonnements appelés sophismes, dont les fausses conclusions présentent ordinairement un tel caractère de vérité, qu’elles surprennent, non-seulement les esprits moins pénétrants, mais même les intelligences éclairées, pour peu qu’elles n’y prennent garde. Dans une conversation, quelqu’un s’adressant à son interlocuteur lui dit : Vous n’êtes pas ce que je suis. Ce dernier en convint ; et c’était vrai, ne fût-ce qu’en ce sens que l’un était insidieux et l’autre simple et droit. Il ajouta alors : Or je suis un homme. Ce qui lui ayant été accordé, il tira cette conclusion : Donc vous n’êtes pas un homme. L’Écriture, je crois, a sévèrement condamné ces sortes de conclusions captieuses, quand elle a dit : « Celui qui parle par sophismes est digne de haine[42]. » Cependant on regarde aussi comme sophistique tout discours qui, sans être insidieux, sacrifie la gravité à une recherche affectée des ornements du style.
49. Il y a en outre de ces raisonnements où certaines conséquences se tirent logiquement de principes faux et erronés posés par un adversaire. Un homme droit et instruit oppose à son interlocuteur ces conclusions qu’il réprouve, pour le contraindre à abandonner l’erreur dont elles découlent ; car en y persistant, il est forcé d’admettre des conséquences qu’il repousse. Ainsi l’Apôtre ne tirait pas une conclusion vraie en elle-même, quand il disait : « Jésus-Christ n’est donc pas ressuscité ; notre prédication est donc vaine ; votre foi est donc inutile[43]. » Ce qui est très-faux, puisque Jésus-Christ est réellement ressuscité, puisque la prédication de ce mystère n’était pas vaine, ni la foi des fidèles inutile. Mais ces fausses assertions découlaient logiquement des principes de ceux qui niaient la résurrection des morts. Or, en rejetant ces fausses conclusions, qu’il faudrait admettre si les morts ne ressuscitent, pas la conséquence nécessaire est qu’ils ressuscitent. Comme on tire des conséquences logiques aussi bien de l’erreur que de la vérité, il est facile d’en apprendre les règles mêmes dans les écales profanes. Quant à la vérité des principes, c’est dans les livres ecclésiastiques qu’il faut la chercher.
CHAPITRE XXXII.
50. La vérité logique des conséquences n’est pas l’œuvre de l’esprit humain, qui ne fait que la découvrir et la constater pour son instruction et celle des autres ; elle a son origine dans la raison divine et éternelle des choses. L’historien qui raconte les faits arrivés dans l’ordre des temps, ne rapporte pas ce qu’il a fait lui-même ; le naturaliste qui dépeint la situation des lieux, les propriétés des animaux, des plantes et des pierres ; l’astronome qui découvre les astres et leurs mouvements divers, n’enseignent rien qui soit l’œuvre des pommes. De même celui qui dit : quand le conséquent est faux, l’antécédent l’est nécessairement aussi, affirme une vérité évidente ; il ne dépend pas de lui qu’il, en soit ainsi, il ne fait que le démontrer. C’est sur cet axiome que repose le raisonnement de saint Paul dont nous avons parlé. La proposition antécédente était que les morts ne ressuscitent pas ; erreur que l’Apôtre voulait renverser. De cette proposition il suit nécessairement que le Christ' n’est pas ressuscité. Mais cette conséquence étant fausse, puisqu’il est certain que le Christ est ressuscité, on doit conclure que la proposition antécédente l’est aussi, et conséquemment qu’il y a une résurrection des morts. En deux mots : s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ n’est pas ressuscité ; or le Christ est ressuscité ; donc il y a une résurrection des morts. L’esprit de l’homme n’a pas établi, il a seulement constaté qu’en renversant une conséquence on détruit nécessairement son antécédent. Cette règle a rapport à la vérité logique des conclusions, et non à la vérité absolue des propositions.
CHAPITRE XXXIII.
51. Dans le raisonnement précédent, établi sur la résurrection, la conséquence est vraie logiquement et en elle-même. Voici maintenant comment de propositions fausses ou peut, tirer des conséquences très-logiques. Supposons que quelqu’un soit convenu de cette proposition : si le limaçon est animal, il a une voix. En lui prouvant que le limaçon n’a point de voix, on devra conclure qu’il n’est point un animal, puisqu’en détruisant la conséquence, on détruit par là même la proposition qui précède. Cette dernière conclusion est fausse en elle-même, mais elle est logiquement déduite d’une proposition fausse qu’on avait accordée. La vérité d’une proposition existe par elle-même, tandis que la vérité logique d’une conséquence dépend du principe posé ou concédé par l’adversaire. Or, on tire de ces conséquences fausses en elles-mêmes, mais logiquement vraies, pour redresser une erreur, ainsi que nous l’avons observé, et pour démontrer qu’on avait tort d’accorder un principe dont on voit qu’il faut rejeter les conséquences.
Il est facile dès lors de comprendre que de propositions vraies, on peut déduire des conclusions fausses ; de même que de propositions fausses on en déduit de vraies. Qu’on dise par exemple : Si cet homme est juste, il est bon ; or, il n’est pas juste ; ces deux propositions accordées, la conclusion sera : donc il n’est pas bon. Quoique toutes ces assertions puissent être vraies, Cependant la conclusion n’est pas logiquement déduite. Car ôter l’antécédent n’est pas détruire nécessairement la conséquence, comme ôter la conséquence c’est détruire l’antécédent. Ainsi il est vrai de dire : S’il est orateur, il est homme ; mais si vous niez l’antécédent : or, il n’est pas orateur, vous ne pouvez tirer comme conséquence : donc il n’est pas homme.
CHAPITRE XXXIV.
52. C’est donc chose bien différente de connaître les règles de la déduction des conséquences, et de connaître la vérité des propositions. Ces règles apprennent ce qui est conséquence, ce qui ne l’est pas et ce qui répugne. S’il est orateur, il est homme ; voilà qui est conséquent ; s’il est homme, il est orateur ; ceci ne l’est pas ; s’il est homme, il est quadrupède ; voilà qui répugne. Il ne s’agit ici que de la connexion des propositions entre elles ; mais pour juger de la vérité des propositions, il faut les considérer en elles-mêmes, et non dans leurs liaisons et leurs rapports. Quant à celles qui paraissent incertaines, si elles ont une connexion évidente avec d’autres qui sont variés et certaines, elles deviennent par là même incontestables. — Quelques esprits se prévalent de cette science des rapports des propositions, comme si c’était connaître la vérité même, tandis que d’autres, en possession des vrais principes, s’humilient trop d’ignorer les règles d’après lesquelles se tire une conséquence. Ne vaut-il pas mieux, par exemple, savoir que les morts ressuscitent, que de connaître que s’il n’y a point de résurrection des morts, la conséquence est que Jésus-Christ n’est pas ressuscité ?
CHAPITRE XXXV.
53. Quoique la science de la définition et de la division s’exerce souvent dans le domaine de l’erreur, on ne peut en inférer qu’elle soit fausse en elle-même. Elle a son principe, non dans le travail de l’esprit humain, mais dans la raison des choses. Quoiqu’elle ait servi aux poètes dans leurs fables, aux philosophes et aux hérétiques, je veux dire aux faux chrétiens, dans leurs opinions erronées, il n’en est pas moins vrai que toute définition, toute division ne doit rien renfermer d’étranger au sujet, ni rien omettre qui en soit de l’essence, même quand le faux est la matière à définir ou à diviser. Car le faux lui-même se définit, en disant qu’il consiste à présenter une chose autre qu’elle n’est : définition qui est vraie, quoique le faux ne puisse l’être. On peut en outre le diviser, et dire qu’il y en a deux sortes : l’une, des choses qui absolument ne peuvent pas être, et l’autre, des choses qui ne sont pas, bien qu’elles soient possibles. Prétendre, par exemple, que sept et trois font onze, c’est avancer une absurdité ; et dire qu’il a plu aux calendes de janvier, quand il n’en est rien, c’est soutenir un fait qui pouvait avoir lieu, bien qu’il n’ait pas existé. La définition et la division du faux peuvent donc être vraies, quoique le faux lui-même ne le soit jamais.
CHAPITRE XXXVI.
54. L’éloquence elle-même, aux formes plus développées et plus étendues, a ses règles qui sont vraies, quoiqu’elles puissent servir à la persuasion de l’erreur. Mais comme elles servent également à persuader la vérité, ce n’est pas l’éloquence elle-même, mais ceux qui en font un usage pervers, qu’il faut condamner. Car ce ne sont pas les hommes qui ont établi qu’une démonstration de bienveillance prévienne favorablement l’auditeur ; qu’une narration claire et précise insinue facilement son objet dans l’esprit ; qu’un récit varié soutienne l’attention et prévienne l’ennui. Ces règles et autres semblables sont toujours vraies, dans la cause de l’erreur comme dans celle de la vérité, en ce sens que leur effet est de porter la connaissance ou la persuasion dans les esprits, de leur inspirer pour une chose le désir ou la répulsion. Les hommes leur ont reconnu cette puissance, mais ils ne la leur ont pas communiquée.
CHAPITRE XXXVII.
55. L’art de l’éloquence doit servir plus à exprimer ce que l’on a compris qu’à le faire comprendre. La science des conclusions, des définitions et des divisions facilite beaucoup l’intelligence des choses ; seulement, que celui qui la possède ne se persuade pas facilement tenir la vérité même qui est le principe du bonheur. Il arrive souvent néanmoins qu’on parvient plus facilement à la fin qu’on se propose dans l’étude de cette science, qu’à en apprendre les préceptes si épineux et si ardus. Qu’un homme imagine de tracer des règles pour marcher ; qu’il enseigne qu’il ne faut lever le pied qui est en arrière qu’après avoir posé celui qui est en avant ; qu’il explique en détail les mouvements à imprimer aux diverses articulations des membres : tout ce qu’il dit est vrai, et il le faut observer pour marcher. Mais n’est-il pas plus facile de réduire ces règles en pratique en se mettant à marcher, que d’y prendre garde dans l’action même, ou de les comprendre quand on les explique ? Ont-elles le moindre intérêt pour celui qui ne peut en faire l’expérience, parce qu’il ne peut marcher ? Ainsi en est-il de la science dont nous parlons ; souvent un esprit perspicace verra plutôt qu’une conséquence est fausse qu’il n’en comprendra les règles ; une intelligence bornée ne pourra juger de la nature d’une conclusion, mais elle saisira encore moins les préceptes qui y ont rapport. Ces sortes de sciences offrent donc plus de satisfaction par la manière dont la vérité est présentée, que d’utilité réelle pour la discussion et le jugement. Peut-être cependant servent-elles à rendre les esprits plus exercés : et encore est-il à désirer qu’ils n’en deviennent pas plus pervers et plus orgueilleux, qu’ils ne se plaisent à tromper par des questions et des raisonnements spécieux, et qu’ils ne regardent ces connaissances qu’ils ont acquises, comme un rare privilège qui les élève bien au-dessus des hommes sages et vertueux.
CHAPITRE XXXVIII.
56. Quant à la science des nombres, il est évident pour l’esprit le moins éclairé, qu’elle n’est pas de l’institution des hommes, et qu’ils n’ont fait que la découvrir. Virgile a bien pu changer la mesure de la première syllabe du mot Italia, et de brève qu’elle était auparavant, la faire longue ; mais personne ne pourra établir que trois fois trois ne fassent pas neuf, qu’ils ne puissent former un carré, qu’ils ne soient le triple du nombre trois, ou une fois et demie le nombre six, ou qu’ils forment le double d’un nombre quelconque, puisque les nombres intelligibles n’ont pas de fraction. Soit donc qu’on considère ces nombres en eux-mêmes, soit qu’ils servent à établir les lois des figures, de l’harmonie et des mouvements, toujours ils sont soumis à des règles invariables que les hommes n’ont point inventées, mais que la perspicacité des savants a seulement découvertes.
57. Cependant, s’adonner à ces diverses connaissances pour s’en prévaloir aux yeux de l’ignorance ; ne pas découvrir le principe d’où découle la vérité des choses qu’on a simplement reconnues comme vraies, ni d’où procède non-seulement la vérité, mais encore l’immuabilité de celles qu’on sait être immuables ; ne pas savoir s’élever de la vue des choses sensibles à la considération de l’urne humaine, de manière à en constater, d’un côté, sa mutabilité dans la vissicitude de ses lumières et de ses ténèbres, et de l’autre, son rang sublime entre l’immuable vérité qui est au-dessus d’elle et les choses passagères qui sont au-dessous, pour rapporter tout à la louange et à l’amour du Dieu que l’on proclame auteur de toutes choses : ce peut être un titre à la réputation de savant, mais jamais à celle d’homme sage.
CHAPITRE XXXIX.
58. C’est donc, à mon avis, une sage prescription à tracer aux jeunes gens studieux et capables, qui ont, avec la crainte de Dieu, le désir de la vie heureuse, de n’embrasser témérairement aucune des sciences qui s’enseignent en dehors de l’Église de Jésus-Christ, comme ; moyens infaillibles d’arriver au bonheur, mais d’en faire un discernement exact et judicieux. Toutes ces sciences humaines, dont les principes varient au gré de leurs auteurs qui n’offrent que les ténèbres de leurs erreurs et de leurs doutes, surtout si elles supposent un commerce avec les démons à l’aide de quelques signes de convention, qu’ils les répudient entièrement et qu’ils les détestent. Qu’ils laissent également de côté toutes les connaissances vaines et superflues. Quant aux institutions humaines qui ont pour but de faciliter les rapports de la vie sociale, qu’ils s’y appliquent autant que la nécessité l’exige. À part l’histoire des évènements des siècles passés ou de l’époque actuelle, les expériences et les conjectures que l’on tire des arts utiles, de la science du raisonnement et des nombres, je ne vois pas à quoi peuvent servir toutes les autres sciences profanes. Il faut s’en tenir à la maxime du poète : « Rien de trop[44] » ; surtout en ce qui a rapport aux choses sensibles et dépendantes des temps et des lieux.
59. Quelques auteurs ont travaillé à interpréter séparément tous les termes et tous les noms hébreux, syriaques, égyptiens et ceux de toute langue étrangère que l’Écriture avait employés sans les expliquer. Eusèbe a inséré dans son histoire tous les documents propres à résoudre les difficultés des Livres saints qui y sont relatives. C’était épargner au chrétien une foule de recherches pour quelques questions de peu, importance. De même un écrivain capable, animé du noble désir de se rendre utile à ses frères, pourrait, je crois, exposer à part la situation des lieux, la nature des animaux, des plantes, des arbres, des pierres, des métaux et de toutes les espèces d’êtres dont il est fait mention dans l’Écriture. Il est facile aussi d’expliquer la raison des nombres qu’elle emploie. Peut-être ces divers travaux sont-ils déjà réalisés en tout ou en partie, car il nous est arrivé de découvrir des écrits, émanés de chrétiens vertueux et éclairés, dont la composition nous était restée inconnue ; parce que la négligence des uns ou l’envie des autres nous en dérobait la connaissance. Quant à l’art du raisonnement, je ne crois pas qu’il puisse être l’objet d’un travail de ce genre, parce qu’il soutient toutes les parties du texte sacré, dont il est comme le nerf. Il sert plus à éclairer ou à résoudre les passages obscurs, dont nous traiterons dans la suite, qu’à expliquer les signes inconnus dont nous parlons maintenant.
CHAPITRE XL.
60. Si les philosophes et principalement les platoniciens ont parfois quelques vérités conformes à nos vérités religieuses, nous ne devons pas les rejeter, mais les leur ravir comme à d’injustes possesseurs et les faire passer à notre usage. Le peuple d’Israël rencontra chez les Égyptiens, non-seulement des idoles et des fardeaux accablants qu’il devait fuir et détester, mais encore des vases d’or et d’argent, des vêtements précieux, qu’il leur enleva secrètement en sortant de l’Égypte, pour les employer à de plus saints usages. Il ne le fit pas de sa propre autorité, mais par un commandement exprès de la part de Dieu : et les Égyptiens ignorant leur dessein leur confiaient ces richesses, dont ils faisaient eux-mêmes un criminel abus[45]. De même les sciences des infidèles ne renferment pas uniquement des fictions superstitieuses et des fables, des prescriptions onéreuses et vaines, que nous devons tous fuir et détester, en nous séparant de la société païenne sous la conduite du Christ. Elles contiennent aussi ce que les arts libéraux ont de plus propre à servir la vérité, d’excellents préceptes des mœurs, quelques vérités relatives au culte d’un Dieu unique. C’est là leur or et leur argent ; ils ne les ont pas créés, mais tirés des trésors de la divine Providence, répandus partout comme les métaux au sein de la terre, et ils en font un usage indigné en les sacrifiant aux démons. En brisant tous les lieus qui l’attachaient à leur société perverse, le chrétien doit enlever ces richesses pour les faire servir à la juste cause de la diffusion de l’Évangile ; il doit aussi leur ravir, autant que possible, leurs vêtements de prix, c’est-à-dire ces institutions humaines qui répondent aux nécessités de la vie sociale, à laquelle nous sommes astreints ici-bas, pour les convertir en des usages chrétiens.
61. N’est-ce pas là ce qu’ont fait nos plus illustres modèles ? Pour ne rien dire des vivants, ne voyons-nous pas de combien d’or, d’argent, de vêtements précieux, se sont chargés en sortant de l’Égypte, et Cyprien, cet éloquent docteur et cet heureux martyr, et Lactance, et Victorin, et Optat, et Hilaire et une foule d’autres parmi les Grecs ? Ne l’avait-il pas déjà fait auparavant, ce fidèle serviteur de Dieu, Moïse lui-même, dont il est dit qu’il avait été instruit dans toute la sagesse des Égyptiens[46] ? Certainement le paganisme, engoué de ses superstitions, n’eût jamais fait part à ces grands hommes des connaissances utiles dont il était en possession, surtout à une époque où il repoussait le joug du Christ et persécutait les chrétiens, s’il eût soupçonné qu’ils dussent s’en servir pour établir le culte d’un Dieu unique et renverser par là celui des idoles. Mais en confiant son or, son argent, ses vêtements précieux au peuple de Dieu sortant de l’Égypte, il ignorait que ce qu’il donnait allait être consacré à la gloire du Christ. Le fait consigné dans l’Exode, fut, sans aucun doute, la figure de celui dont je parle ; ce que je dis, sans préjudice pour toute autre interprétation semblable ou meilleure qu’on pourrait en donner.
CHAPITRE XLI.
62. Déjà éclairé par ce que nous avons dit, celui qui s’applique à l’étude des Écritures devra, en ouvrant les saints Livres, se rappeler sans cesse cette parole de l’Apôtre : « La science « enfle, et la charité édifie[47]. » Il comprendra que, tout en sortant de l’Égypte chargé de richesses, il ne peut être sauvé s’il ne célèbre la Pâque. Or Jésus-Christ est l’Agneau pascal qui a été immolé pour nous[48] ; et son immolation nous enseigne de la manière la plus saisissante, il nous crie comme s’il nous voyait gémir en Égypte sous le joug de Pharaon : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et accablés de pesants fardeaux, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est doux et mon fardeau est léger[49]. » À qui s’adressent ces paroles, sinon à ceux qui sont doux et humbles de cœur, que la science n’enfle point et que la charité édifie ? Qu’ils se souviennent donc qu’autrefois ceux qui célébraient la Pâque avec des cérémonies qui n’étaient que des ombres et des figures, avaient été marqués avec l’hysope avant de teindre leurs portes du sang de l’agneau[50]. L’hysope est une plante douce et humble ; mais rien de plus fort et de plus pénétrant que ses racines : « afin qu’enracinés et fondés dans la charité, nous puissions comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur[51] », c’est à-dire la croix du Seigneur. La largeur, c’est le bois transversal sur lequel sont étendues les mains ; la longueur, c’est la partie qui monte de la terre jusqu’à là traverse, et à laquelle est attaché le corps à partir des mains ; la hauteur va de la traverse au sommet où repose la tête ; et la profondeur est la partie fixée et cachée dans la terre. Dans ce signe de la croix, le chrétien peut lire la règle de ses actions ; faire le bien en Jésus-Christ, s’attacher indissolublement à lui, porter ses désirs vers les biens célestes, et ne pas exposer les divins mystères à la profanation. Purifiés par cette vie sainte, nous pourrons connaître l’amour de Jésus-Christ envers nous, cet amour qui surpasse toute connaissance et par lequel ce Verbe divin qui a fait toutes choses, est égal au Père, afin que nous soyons comblés (le toute la plénitude des dons de Dieu[52]. L’hysope, par sa vertu purgative, nous avertit encore de ne pas nous laisser enfler par cette science puisée dans les dépouilles de l’Égypte, et de ne pas livrer notre cœur aux folles inspirations de l’orgueil. « Vous m’arroserez, dit le prophète, avec l’hysope, et je serai purifié ; vous me laverez et je deviendrai plus blanc que la neige. Tout ce que vous me ferez entendre m’annoncera l’allégresse et la paix[53]. » Et pour montrer que l’hysope est le symbole de la mort de l’orgueil, il ajoute immédiatement : « Et mes os qui sont dans l’humiliation tressailleront de joie[54]. »
CHAPITRE XLII.
63. Autant les richesses dont le peuple d’Israël fut comblé dans la suite à Jérusalem, principalement sous le règne de Salomon[55], Surpassaient l’or, l’argent et les vêtements précieux qu’il enleva de l’Égypte, autant la science des saintes Écritures l’emporte sur toute la science, même utile, réunie dans les livres profanes. Car toute connaissance puisée ailleurs, y est condamnée si elle est nuisible ; si elle est utile elle y est renfermée. Et non-seulement elles offrent tout ce qu’il y a d’utile chez les païens ; mais encore, ce qu’on ne trouve nulle part, on le rencontre dans la simplicité admirable et la sublime profondeur de ces Livres divins. Le lecteur ainsi éclairé, n’ayant plus à craindre d’être arrêté par les signes inconnus, devenu doux et humble de cœur, volontiers courbé sans le joug du Christ, et chargé de son fardeau léger, fondé, enraciné, affermi dans la charité et prémuni contre l’enflure de la science, peut entreprendre d’examiner et d’approfondir les signes ambigus dont je vais parler dans le troisième livre, selon les lumières qu’il plaira à Dieu de m’accorder.
- ↑ Sir. 46, 23
- ↑ Jn. 12, 1, 7
- ↑ Luc. 12,19,20
- ↑ Mat. 9,21
- ↑ Gen. 11,1
- ↑ Can. 4,2
- ↑ 2Co. 13,12
- ↑ 2Co. 5,6,7
- ↑ Phi. 3,20
- ↑ Psa. 110, 10 ; Sir. 1, 16.
- ↑ 2 Rétr. 1, ch. 4, n.2.
- ↑ Id.
- ↑ 1Co. 9,19
- ↑ Isa. 58,7
- ↑ Rom. 11,14
- ↑ Isa. 7,9
- ↑ 2Co. 5,7
- ↑ Psa. 13,5
- ↑ Nom. 13,20
- ↑ Psa. 131,18
- ↑ 1Co. 1,25
- ↑ Voir Cité de Dieu, liv. 28, chap. 43.
- ↑ Saint Irénée, liv. 3, ch. 25 ; Clém. Alex. livre, Strom ; saint Cyrill. Jérus. Catéch, IV ; saint Justin, mart. Disc. cont. les Gentils Comparez saint Jérôme, préf. du Pentateuq.
- ↑ Mat. 10,16
- ↑ Eph. 4, 2 ; Col. 3,9,10.
- ↑ Mat. 6, 13
- ↑ Gen. 8, 11
- ↑ Psa. 50,9
- ↑ Mat. 17,2,3
- ↑ Jn. 21,11
- ↑ Psa. 32, 2 ; Psa. 91, 4.
- ↑ Jn. 2,20
- ↑ Mat. 17,2,3
- ↑ Voy. Virg. Eglogue IX.
- ↑ Sag. 13,9
- ↑ Gen. 25,25
- ↑ Deu. 13,1
- ↑ 1Sa. 28,14
- ↑ Act. 16,16
- ↑ 1Co. 10,19,20
- ↑ Jn. 2,20
- ↑ Sir. 37,23
- ↑ 1Co. 15,24
- ↑ Sir. 37,23
- ↑ Exo. 3, 22 ; 12, 35
- ↑ Act. 7,10
- ↑ 1Co. 8,1
- ↑ Id. 5,7
- ↑ Mat. 11,28
- ↑ Exo. 12,22
- ↑ Eph. 3,17
- ↑ Eph. 3,17
- ↑ Psa. 50,7
- ↑ Id.10.
- ↑ 1Ro. 10,14