Autres balades (Christine de Pisan)/XVII

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Autres balades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 226-227).


XVII


Jadis Circes l’enchanteresse
Fist chevaliers devenir porcs ;
Mais Ulixes par sa sagece[1]
De ce meschief les gitta hors.[2]
Mais je ne sçay se c’est droit sors
D’aucunes gens, dont j’ay grant yre,
Qui sont plus que pors vilz et ors,
N’on n’en pourroit assez mesdire.

Grans vanteurs sont et sanz proece,
Mais trés bien parez par dehors.[3]
Orgueilleux pour leur gentillece,
Et tiennent bien aise leurs corps ;
Mais en eulx a maint mal remors,
Et combien qu’on ne l’ose dire
A bien fane n’ont pas amors,
N’on n’en pourroit assez mesdire.

Il n’est nulle si grant maistrcce,[4]
Ne femme autre, soit droit ou tors,[5]
Que leur fausse lengue ne blece
Leur bon renom ; aise sont lors
Quant ilz en font mauvais rapors,
Qui s’i vouldra mirer s’y mire,
Mais mieulx que vifs vaulsissent mors,
N’on n’en pourroit assez mesdire.

Je ne mesdi de nullui, fors
D’aucuns qui sont de Judas pire
Et sont de tous mauvais accors,[6]
N’on n’en pourroit assez mesdire.

  1. XVII. — 3 B p. sa prouesse
  2. — 4 B se gecta h.
  3. — 10 B M. b p. sont p. d.
  4. XVII. — 17 A2 B N’il
  5. — 18 A2 s. d. soit t.
  6. — 27 B Qui s.