Béhanzigue/05

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LA MAIN DU BARON


I

« Ce n’est pas tant d’acquérir les biens de ce monde qui est malaisé que de les ménager avec prudence. » Ainsi s’exprimait la sagesse par l’organe de M. Dophin (Gustave-AlpHonse) placier en cartes postales et communément connu dans les faubourgs de Paname sous le nom de « Finfonce ». À mesure qu’Eulalie, épouse Dophin, enrichissait leur foyer par une sage pratique de l’entaulage et de la brocante, Finfonce en modérait la dépense, et son cousin, clerc d’huissier à Saint— Denis, veillait aux placements. Du reste Eulalie ne s’abandonnait point à un dangereux orgueil. Contente de se voir assurés le vivre et le couvert, contente aussi de son homme qui l’aimait beaucoup, et ne la battait guère que lorsqu’elle tombait dans la fainéantise (ou parfois, le dimanche soir, au retour du Zanzi des Cœurs, quand ils avaient perdu tous deux au poker à dix ronds de relance chez le Père Manoche) elle n’inclinait point au luxe, encore qu’en ses vêtements elle fit vo ir plus d’élégance que jadis. On lui voyait même, dans l’intérieur, quelques combinaisons achetés en solde par M. Dophin : satin vert poison, amarante, ou safre ; péquinées rubis ou bleu ciel, et qui lui donnaient l’air d’un scarabée qui aurait mis des bottines. Elle ne courait pas non plus un très aristocratique gibier. Quand elle se risquait chez de riches collectionneurs c’est que le bourgeois avait une de ces têtes qui convertiraient Jeanne Hachette à l’escroquerie — ou bien pour préparer à des amis quelqu’une de ces subtiles manœuvres que les policiers, pesamment, nomment cambriole. (Quelle langue ! ) Non c’est surtout parmi les provinciaux, les étrangers, les employés en retraite, qu’Eulalie exerçait sa difficile et passionnante industrie. Cela lui rapportait beaucoup.

Parfois au retour d’une « visite d’affaire » et déjà à demi-dévêtue pour ne pas fatiguer sa toilette :

— Tiens, disait-elle à M. Dophin en lui tendant quelques coupures : s’il me retrouve celui-là, je veux bien que la crique me croque… Tout ça c’est des types genre Wilson : ça ne sait pas seulement dire pain en français.

— Fais bien attention, disait Finfonce avec sollicitude, sans demander à quoi.

…………………….

La boutique qui était au n° 13, rue Lemarle-Thibaut, laissait lire, en élégante anglaise jaune d’œuf, ces mots : « Eulalie, antiquaire ».

Mais Mme Dophin avait d’autres cordes à son arc, un arc qui était celui de l’amour. Depuis son mariage, elle était devenue presque jolie, et, peu à peu, perdait ces rides qui la faisaient jadis ressembler à une pomme où il a gelé ; ses joues devenaient pleines, et tout son corps d’une chair si tendue et rebondissante, que Finfonce maintenant prenait plaisir à la corriger, et c’est à peine si elle conservait, du temps jadis, cet air d’avoir eu faim dont rien ne dépouille les visages éloquents qu’a baisés la misère.

Et après un instant de silence :

— Dès qu’on aura cent mille francs de côté, disait-il, et une petite maison, on se retirera, pas, mon chéri ? Et il ajouta d’une voix mouillée :

— C’est que je t’aime, vois-tu… passe-moi mon tabac…

Ah, précieuses qualités bourgeoises, amour de l’ordre et du droit chemin, sainte poésie du pot-au-feu qui bout plus doucement qu’un enfant ne dort : quel poète au cœur sain saura tirer de vous la divine chanson, digne d’être chantée aux fêtes de famille !

Gustave-Alphonse n’en eut pas été du tout indigne, Bachelier ès-lettres en première partie (série inverse K. S. V. 2, des patois oraux) — ancien maître répétiteur avec cela, il eut pu, tout comme un autre, faire des vers dignes de ce nom, respectueux à la fois du passé et de l’avenir, des vers où une raisonnable soif de l’infini et du nouveau, n’eut pas étouffé le bon sens. Il y apportait, au contraire, une recherche de sentiments et de rythmes qui contrastait à la simplicité de sa vie. Mais quoi, tous les artistes n’en sont-ils pas un peu logés là ?

Leur génie, comme l’a dit avec éloquence Victor Hugo (ou un autre, leur génie est enfant de Bohême, et n’a jamais — jamais — connu de loi ! Ils le croient, du moins. Mais Finfonce, non plus que les autres poètes, ne se connaissait pas fort avant.

Où il réussissait le mieux — en dehors bien entendu de la mayonnaise — c’était à de petites pièces délicates, encore qu’un peu précieuses, dont son ami Béhanzigue disait qu’elles avaient l’air d’être cueillies dans l’Anthologie.

— Celle que je préfère, moi, affirmait Eulalie, c’est celle des pommes. Tu sais… celle des pommes ? Dis-nous la, Monsieur Dophin…

Il posait, sans trop se faire prier, sa cigarette, dans l’âtre refroidi où il crachait et, non sans âme, déclamait :

Tout ainsi que ces pomme De pourpre et d’or, Qui fleurissent aux bords Où fut Sodome ;

Comme ces fruits encore Que Tantalus, Dans les sombres palus, Crache et dévore ;

Mon cœur si doux à prendre Entre tes mains : Ouvre-le, ce n’est rien Qu’un peu de cendre.

— Délicieux ! Un Allemand dirait « gemutlich », ponctuait Béhanzigue, qui jadis sous un nom plus authentique avait été professeur de littérature dans un lycée de jeunes filles. Le fâcheux est qu’il avait prêté à de méchants propos, ou à quelque fiche… en sorte qu’aujourd’hui il vivait Dieu sait de quoi, sur les confins de Montmartre, et peut-être du Code.

Finfonce, dont la respectabilité croissante lui avait fait écarter d’anciens copains, l’aimait pour sa conversation, et lui offrait souvent l’absinthe, dont il avait maintenant à la maison. En peignoir rose, ses pâles cheveux au vent, Eulalie les écoutait, sans bien comprendre, une buée dans ses yeux doux, couleur ciel d’hiver. Et les bruits éteints de la rue entraient dans la chambre, à travers le store de toile écrue.

— Tout de même, observa M. Dophin, il ne faudra pas quitter tout à fait Paris. Ce n’est encore que là où les femmes ont de la toilette, et les hommes de l’esprit… Monsieur Béhanzigue, une seconde absinthe, n’est-ce pas ? Voici la glace.

— Merci, cher Monsieur.

Lui-même s’occupait aussi de littérature, et faisait des petits vers où, beaucoup mieux que son ami, il pensait dégotter Méléagre.

Le plus trivial incident lui en inspirait, tels que ceux-ci « adressés à une dame piquée d’une abeille » :

Aux appas qui troublent mon âme De roses et de lys comptant faire régal, Une abeille piqua Chloris d’un trait de flamme : « Hélas, lui dis-je alors, tel est l’amour, Madame. Il n’en est pas qui ne commence en madrigal Pour s’achever en épigramme. »

— C’est joli ! disait Eulalie ; on dirait une fable…, comme les Sœurs vous en apprennent quand on est petite.

— Ah ! le vieux Florian… disait Béhanzigue, ému de sa naïveté et faisant danser, au bout de son pied, une pantoufle de tapisserie, qui, dans des temps plus heureux, avait uni en sautoir les étendards de France et de Russie.

— Madame Dophin, tu sais, disait Gustave-Alphonse — ces bottines jaunes à boutons noirs, qui sont un peu étroites pour moi, si elles allaient à M. Béhanzigue ?

— Merci mille fois, répondait le baron, en s’inclinant. Ça m’évitera au moins de marcher sur ma chrétienté.

Sur quoi Eulalie s’empressait, en disant :

— J’vas chercher les godasses ; et disparaissait avec un sourire. Car elle ne détestait ni Béhanzigue, ni de prêter son home à ces joutes intellectuelles.

Du reste elle recevait peu. L’une des plus fidèles et des meilleures pratiques de l’antiquaire, et qui la venait voir assez souvent, était un certain baron Polonya, russe malgré son nom, à ce qu’il disait, et fort amateur d’œuvres d’art et de curiosités.

Finfonce, qui se méfiait de lui, le soupçonnait, comme tous les étrangers, d’espionnage. Il ne le connaissait d’ailleurs pas, Mme Dophin ayant la précaution de l’écarter quand l’amateur venait à la maison pour parler d’affaires, et de s’enfermer avec lui dans l’arrière-boutique, qui servait aussi de chambre à coucher. Du reste, elle se faisait passer pour veuve auprès du Russe, ayant observé qu’avec les clients « ça faisait mieux ».

— Parce que, observait-elle, c’est toujours bath, le conjungo, mais à condition que le dab soit crampsi.

Le malheur voulut qu’un jour (c’était un 13 — et le 13 juillet), ce Slave étant venu voir l’antiquaire, celle-ci oublia de verrouiller sa porte : et que Finfonce, par hasard revenu à la maison, entra sans frapper. Polonya, qui était debout, crut à une attaque, et porta instinctivement la main au gousset de son revolver. À ce seul geste, et de son côté aussi, se croyant en danger, M. Dophin, que la Capoue bourgeoise n’avait pas encore tout à fait amolli, lui était « entré dedans » serrant sa gorge d’un pouce et d’un index inexorables. Peut-être qu’il serra très fort, ou peut-être que l’autre avait une disposition à se laisser aisément émouvoir : le fait est que le Russe tomba sans respiration, inerte, la langue pendante… et d’un violet qui peu à peu tournait au livide… Avec horreur, Finfonce venait de s’apercevoir que le baron Polonya n’était plus qu’un cadavre.

Finis Polonyae, eut dit sans doute Béhanzigue, s’il avait été présent. Mais M. Dophin n’était pas latiniste.

II

Lorsque Eulalie et son mari s’aperçurent que malgré les soins les plus énergiques le baron ne revenait pas à la vie, il n’y a pas à dire : cela leur jeta un froid. Muets l’un et l’autre, ils écoutaient battre leur cœur. Tout se taisait, aux alentours, sous le soleil de Juillet déjà bas : la rue, les maisons, les gens. Seul, tout à coup, dans le silence de l’été, le perroquet d’une voisine, exaspéré par la chaleur, se mit à crier, comme un héros, jadis :

« Nom de Dlà ! Via les Belges — f…ons le camp ! » Et avec tout le cœur d’une Cassandre en retard, il s’évertuait à faire retentir au loin cette ennuyeuse nouvelle : « Vlà les Belges, vlà les Belges ! Nom de dlà-a-a-a !  !  ! F…ons le camp !  !  ! »

Peu à peu la chaleur était tombée et le perroquet redevenu silencieux. On entendait des gens aller et venir dans la rue, tandis que leur passage jetait sur la toile du store une espèce d’ombre chinoise, gênante comme un témoin. Un flacon de Lubin qui, dans l’esclandre, avait coulé par terre, remplissait la chambre de son épais parfum.

— Il faut avertir papa, songea la jeune femme.

— Pourquoi faire, demanda M. Dophin, qui depuis le meurtre, vivait dans un brouillard. Tout d’un coup, comme une lame de canif, le souvenir de ce qu’il avait fait lui rentra dans la mémoire.

— Et qu’est-ce qu’il en fichera ? Il le mettra pas en daube.

— Je ne sais pas. Peut-être l’emporter par la fenêtre.

Car Pacôme Filéma, père d’Eulalie, était cocher de fiacre, et fort dévoué au jeune couple.

— Des fois, concéda Finfonce… C’est vrai que nous sommes au rez-de-chaussée. Et dans la nuit… Mais il faut d’abord refaire un peu la chambre. Sans compter qu’il y a lui.

— Eh ben quoi ? N’y a qu’à le coucher en attendant.

Et elle ajouta, candidement, oubliant peut-être que c’est à son époux légitime quelle parlait :

— Qu’est-ce qu’y voulait, cet homme ? Se pagnoter, pas ?

Elle le prit par les pieds ; l’autre — sans rien dire, mais avec reluctance — par la tête ; — et doucement, ils l’étendirent sur le lit.

— On dirait qu’il dort, murmura Finfonce, avec une pointe de sentiment.

— Même, ajouta Eulalie, que celui qui lui a vendu ça comme pionce, y l’a pas estampé.

— Tais-toi, fit M. Dophin, qui là-dessus s’en fut trouver son beau-père. Sur les dix heures le fiacre de Pacôme les arrêtait tous deux dans la rue Lemarle-Thibaut. Le malheur c’est que l’approche du 14 juillet en rendait les abords fort populeux ; et, quant au baron, ce ne fut pas avant onze heures qu’on se décida à lui faire « sauter le mur », comme s’exprimait la jeune femme irrévérencieusement.

Cependant, le cadavre étant, sans bruit ni témoins, installé dans un coin du fiacre :

— D’ici un terrain vague où le déposer, dit M. Filéma, faudrait quelqu’un pour le… pour le caler, quoi. Est-ce que tu y montes, le Dophin ?

Finfonce secoua la tête.

— Tu as donc peur des morts, demanda Eulalie. J’croyais que tu te gênais pas pour en faire.

— Les morts, s’écria sourdement Finfonce : je m’en moque.

Et il ajouta, avec un air de plaisanter :

— Mais il y en a qui ne me reviennent pas.

— Parle donc pas de revenir, à propos des morts, interrompit le cocher de fiacre. C’est pas des choses à se bidonner avec ; et t’as pas encore tout pigé, va, entre ciel et terre ; ni toi, ni tes marchands de philosophie. Mais, c’est pas tout ça. Est-ce qu’on va rester ici à poireauter, jusqu’à la Saint-Glin-Glin ? — Eh ben, je vas monter, moi, fit la jeune femme, puisque Finfonce a le taf de se refroidir.

— Peuh, riposta Filéma ; il est encore chaud, le macchabée. C’est vrai que de ce temps-ci…

Enfin le fiacre roula ; le cocher avec son gendre sur le siège. Eulalie à l’intérieur, tout près de son étrange compagnon de voyage. On s’arrêta au bout d’un peu de temps, dans une rue étroite et noire, où seule, à quelque distance, clignait la devanture d’un bistro. Puis M. Filéma heurta au vasistas, et M. Dophin vint ouvrir la portière. Mais il se trompa de côté, et, reconnaissant une présence immobile, fit le tour en poussant un juron.

— Voilà, expliqua-t-il : ton père tombe d’inanition, alois, il voudrait pitancher quelque chose. Toi, tu pourrais rester.

— Flûte ! répondit la jeune femme. Du flan pour le baron ! Y n’a pas seulement toussé depuis la maison. C’est pas qu’il fut déjà très drôle avant. Et maintenant, tu penses : on ne peut plus rien lui tirer. D’ailleurs pour ce qui lui reste.

Finfonce ne demanda pas le sens de ces mystérieuses paroles, et Pacôme, cependant, ayant accroché la musette à la bouche du cheval, on alla boire, tous les trois. Ce ne fut que sur le pouce ; mais un peu plus loin, Finfonce ragaillardi voulut à son tour offrir une tournée. La voiture fut de nouveau laissée à l’écart, dans un creux de la rue, auprès d’une maison en construction.

On demeura, cette fois-ci, plus longtemps à boire ; et ce fut plusieurs verres. Le débit était d’ailleurs plus brillant que celui de tout à l’heure. À quelque distance, sur une placette, un orchestre faisait tourner, de ses aigres flonflons, quelques couples aux hanches balancées, sous un décor sanglant de platanes illuminés et de lanternes vénitiennes. Eulalie, qui parmi celle aventure, n’avait point dîné, sentait tourner aussi sous l’alcool, sa tête creuse. Et pour l’instant, elle tâchait tristement d’accommoder à l’air de la matchiche, qu’on venait d’entonner sur l’estrade, les vers de son ami.

— Tout ainsi que ces pommes, fredonnait-elle, que Tantalus…

À ce moment, quelques jeunes gens, en entrant, saluèrent M. Dophin. Celui-ci leur présenta son beau-père.

— M. Filéma, de l’Urbaine, dit-il. Mais il le flattait.

— Ah ! fit l’un des nouveaux venus, c’est donc vous qu’avez laissé votre bagnole dans le plâtras, là-bas. Ces ! drôle, il m’a semblé voir quelqu’un dedans.

M. Dophin se sentit pâlir et sa darne en oublia la matchiche.

— Quelqu’un ? répondit le cocher, qui bredouilla un peu. Oui… c’est un… pochard, qu’est avec nous. Pas moyen de le faire descendre ; il dort comme un sac de pommes de terre.

Là-dessus on trinqua, tous ensemble. Mais le cœur n’y était plus, et tous trois se levèrent bientôt pour repartir.

— Où donc que vous allez ?

— Faut bien mettre le poivrot chez lui, dit Filéma. C’est du côté de Saint-Denis…

— Tiens, je me rentrerais bien par là, moi aussi. Vous n’auriez pas une place ?

— Mon vieux, expliqua Finfonce, y a pas plan. Ce particulier, en se réveillant s’il voyait quelqu’un qu’il ne connaît pas, aïe donc, Et du couteau siou’plait.

Le dyonisien eut l’air un peu sceptique. Mais enfin on repartit.

— Et plus de tournée jusqu’au retour, murmura le cocher, en fouaillant sa bête. Hi, bleusaille !

On passa l’octroi, sans encombre. Puis parurent des terrains vagues, mais où l’on découvrait encore trop d’habitations.

Il luisait par là-dessus un beau clair de lune. Toutefois Eulalie n’en était pas rassérénée, et se sentait peu à peu envahie d’une espèce de terreur obscure. Etait-ce l’alerte de tout à l’heure, au cabaret, ou le voisinage prolongé du baron ?

Maintenant elle s’en tenait éloignée le plus possible, et regardait à travers le carreau, de toutes ses forces, les branlantes palissades, les murs blafards, hérisses de tessons qu’allumait la lune, et les tas d’ordures, et les cagibis. Un peu plus loin, il y avait un champ vaste et nu :

—— Pourquoi qu’ils arrêtent pas là, pensa-t-elle. Quelles gour…

À ce moment, elle sentit une main se poser sur son épaule.

Du coup, la jeune femme poussa une clameur à réveiller un cadavre. Mais c’était déjà fait : Polonya, revenu à lui après un long évanouissement, la contemplait d’un œil trouble et rond, sans dire mot. Eulalie aussi se taisait, incrustée dans son coin. Et tout à coup la voix sourde, un peu rauque du Russe affirma dans la nuit :

— Je ne suis pas mort…

On eut dit qu’il voulait se rassurer soi-même. Cependant la voiture était arrêtée, M. Dophin et Pacôme tous deux descendus en voyant s’agiter un couple dans la voiture. Mais Finfonce sans en demander davantage, courait à travers champs, tandis que le cocher, plus brave, ouvrait la portière et tâchait de calmer le ressuscité. À la hâte on s’expliqua, on rappela le fugitif, qui revint lentement et présenta de confuses excuses. Et une dernière fois, on s’en fut boire. Mais quand Polonya voulut payer, ce fut pour constater qu’il n’avait plus rien dans ses poches. Eulalie devint un peu rouge.

— Laissez, laissez, Monsieur le baron, fit le Dophin très homme du monde. C’est ma tournée.

Le baron n’insista pas, ni ne lui répondit non plus que c’était la seconde. Mais comme on s’offrait à le reconduire, il s’excusa de les déranger davantage.

— Je crois, dit Eulalie, qu’il aime mieux prendre un autre sapin.

— Qu’est-ce qu’il lui faut donc, demanda Filéma, de son plus grand air. Il me semble qu’on lui a pas pris cher.