Bélinde/21

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Bélinde (1801)
Traduction par Octave Gabriel de Ségur.
Maradan (Tome IIIp. 66-87).


CHAPITRE XXI.

HÉLÈNE.


Pendant le déjeûner, Mariette parlait de ses oiseaux, en remerciant encore Bélinde de les lui avoir procurés.

Lady Delacour regardait ces oiseaux : jamais, dit-elle, je n’oublierai l’aimable attention d’Hélène dans cette occasion. Pendant son séjour ici, elle a gagné ma tendresse ; mais vous savez les raisons qui m’ont forcée à l’éloigner de moi.

Je suis sûre qu’à présent, répondit Bélinde, loin de vous gêner, sa société vous charmerait ainsi que lord Delacour, qui l’aime beaucoup.

Ô ma chère ! s’écria lady Delacour, vous oubliez ma position : qui peut encore m’être agréable ? La cloche fatale a sonné pour moi, ma tombe est entr’ouverte ; chaque jour ma vie est un miracle qui ne peut se prolonger. Si vous saviez combien mes nuits sont cruelles ! Mais laissons ce triste sujet de conversation. Quel est ce manuscrit ?

C’est un petit journal de Charles Percival, qu’il envoie à Hélène.

Lady Delacour le prit : je voudrais, dit-elle, revoir ma fille ; mais je n’en ai pas le courage. Vous savez que mylord cherche une maison de campagne, alors il me sera impossible de l’emmener : c’est donc à présent peut-être la dernière occasion que j’aurai de l’embrasser. Je veux vous contenter ; allez la chercher, elle restera ici quelques jours ; lady Boucher vous conduira à la pension de mistriss Dumont dans Sloane-Street ; j’aimerais autant être au milieu d’une volière que parmi une bande de jeunes filles. Je ne suis réellement pas en état d’y aller, je vais me jeter sur ce canapé et lire ce journal ; je doute cependant qu’il puisse m’intéresser.

Bélinde profita avec joie de la permission que lui donnait son amie, et elle partit aussitôt avec lady Boucher pour Sloane-Street.

Lady Boucher était vive, impatiente et babillarde ; elle expliqua donc longuement à Bélinde qu’elle voulait aller à une vente ce matin même ; que tout ce qu’elle craignait était de la manquer, et elle la pria cent fois de presser beaucoup miss Delacour ; ensuite elle s’impatienta contre ses chevaux, son cocher et son laquais. Enfin arrivée chez mistriss Dumont, une petite charrette couverte, arrêtée devant la porte et qu’il fallut déranger, la fit s’écrier plusieurs fois :

Je manquerai ma vente ; en grace ! ne laissez pas à miss Delacour le temps même de s’habiller ; ramenez-la tout de suite, je vous en supplie !

Bélinde promit de n’être qu’une minute.

La porte de la pension était ouverte ; un domestique aidait un vieillard à retirer de la charrette quelques pots de fleurs. Dans la salle, tous les enfans s’empressaient autour du vieillard, et arrangeaient leurs pots de fleurs avec tant de bruit, que mistriss Portman eut d’abord de la peine à faire entendre son nom.

C’est la vôtre. — C’est la mienne. — Qu’elle est belle ! — Qu’elle sent bon ! — Le grand géranium rose pour miss Jefferson. — Le blanc de Provence pour miss Adderly. —

Non, en vérité.

Miss Pococke, répondit le vieillard, le blanc de Provence est pour miss Delacour.

Silence, silence, mesdemoiselles, s’écria une femme en français ; et la petite troupe se tut aussitôt en fixant la porte. Dès qu’Hélène eut apperçu miss Portman, elle courut à elle pour l’embrasser, et en se précipitant elle renversa son pot de fleurs.

Lady Boucher fait ses complimens à mistriss Dumont, dit un domestique ; elle la prie de l’excuser si elle ne descend pas de voiture ; mais elle a une affaire indispensable qui l’empêche de s’arrêter : elle demande d’envoyer miss Delacour sans toilette.

Hélène était loin de penser à s’habiller ; elle était si contente de voir miss Portman, et de savoir que sa mère la desirait, qu’à peine elle donna le temps à mistriss Dumont de lui nouer son chapeau de paille.

Hélène courut à la voiture ; mais, en rencontrant le vieillard, elle s’arrêta.

Mon ami, je ne vous ai pas oublié, lui dit-elle.

En vérité, nous n’avons pas le temps de penser à ce vieillard, cria lady Boucher en la tirant dans la voiture.

Chère miss Portman, de grace, parlez pour moi, demanda Hélène d’un ton suppliant ; car il faut que je le paie et que je lui parle.

Bélinde dit au vieillard de venir chez lady Delacour ; et l’on se remit en route à la satisfaction de tous.

Arrivées dans Berkeley-Square, Mariette vint dire que mylady venait de se coucher. Bélinde donna à Hélène le manuscrit de Charles Percival.

Treize pages ! s’écria-t-elle ; comme il est bon d’avoir tant écrit pour moi ! Elle se mit à les lire, et les avait presque finies quand sa mère se réveilla.

Lady Delacour se recula en voyant Hélène courir au-devant d’elle, en se ressouvenant du mal qu’elle lui avait fait un jour en l’embrassant.

Hélène en parut plus affectée que surprise ; elle baisa la main de sa mère et se remit à lire.

Ce manuscrit vous amuse donc bien, lui demanda lady Delacour, puisqu’il vous empêche de me voir et de me parler ?

Maman, j’essayais de lire, vous croyant en colère contre moi.

Qui peut vous donner cette idée ? dit lady Delacour en souriant.

Ah ! vous souriez, dit Hélène ; je vois que vous n’êtes pas fâchée, chère maman ; je n’ai jamais été si heureuse de ma vie ! Vous ne m’avez jamais regardée avec autant de bonté et de tendresse.

Mon enfant, il ne faut pas toujours juger sur l’apparence : il est possible de sentir plus qu’on n’exprime par ses regards. Mais je vous prie, Hélène, vous qui êtes si bonne physionomiste, dites-moi si vous avez vu dans mes yeux que j’étais mourante ?

Hélène se mit à rire, et répéta :

Mourante ! Oh non ! maman.

Est-ce parce que j’ai beaucoup de couleur ?

Ce n’est pas pour cela, maman.

Vous voyez que j’ai du rouge ; vous appercevez quelque différence entre le teint de miss Portman et le mien. En honneur, vous observez bien, et il est quelquefois dangereux d’avoir près de soi des personnes aussi fines.

J’espère, maman, dit Hélène, que vous ne pensez pas que je veuille jamais savoir ce que vous voulez que j’ignore.

Je ne vous comprends pas, ma chère, s’écria lady Delacour, en se levant vivement et en fixant sa fille.

Hélène rougit ; mais elle répéta, avec une fermeté qui surprit même Bélinde, mot-à-mot ce qu’elle venait de dire.

L’entendez-vous, miss Portman, dit lady Delacour ?

Il me semble qu’elle exprime, dit Bélinde, un très-bon sentiment.

Sans doute, dit lady Delacour, et c’est au-dessus d’un enfant de son âge. Avez-vous lu les Mille et une Nuits, Hélène ? Vous rappelez-vous l’histoire de Zobéide, et de l’extrême discrétion qu’on exigea d’elle ?

Oui, maman.

Eh bien, c’est aux mêmes conditions que je vous permets de rester avec moi quelques jours.

Je ferai tout ce que vous voudrez, maman, dit Hélène avec joie.

Le vieux jardinier, à qui miss Portman avait donné rendez-vous, vint parler à Hélène. Lady Delacour demanda ce qu’il voulait ; Hélène aussitôt, qui ignorait la part que sa mère et la tante de Bélinde avaient dans l’histoire de cet homme, la raconta avec feu, disant qu’il avait été trompé et chassé par de belles dames ; que lady Anne Percival, et sa tante Mangaretta étaient venues au secours de ce pauvre homme, et l’avaient placé jardinier à Twickenham ; qu’il venait vendre des fleurs aux pensionnaires de mistriss Dumont, et qu’elle s’était chargée de le payer, lorsque l’arrivée de miss Portman l’en avait empêchée.

Lady Delacour avait entendu cette histoire avec embarras et impatience ; elle demanda à Hélène le nom des belles dames qui avaient trompé ce jardinier.

Je l’ignore, maman.

Dites-moi la vérité : l’avez-vous jamais demandé à lady Anne, ou à votre tante Mangaretta ? Regardez-moi : ne vous en ont-elles jamais parlé ?

J’en ai fait la question à lady Anne ; elle m’a répondu qu’il m’était inutile de le savoir.

Je dois beaucoup de remerciemens à lady Anne, s’écria lady Delacour ; je vois qu’elle n’a point essayé de me nuire auprès de ma fille. Je suis la belle dame, Hélène, qui a causé le malheur de cet homme. Je rivalisais avec mistriss Luttridge ; je suis honteuse de ma folie ; la restitution est la meilleure preuve de repentir. Allez, chère Hélène, payez cet homme, et dites-lui de revenir demain ; je verrai ce que je pourrai faire pour lui.

Lord Delacour envoya à sa femme une belle bague de diamans, qu’il avait autrefois achetée pour miss Luttridge. Le soir, lorsqu’il demanda à mylady si elle en était contente, elle lui dit qu’elle la trouvait belle ; mais qu’elle espérait qu’elle n’avait point été achetée pour elle.

Il lui répondit que non, mais qu’il lui demandait de la porter.

Lady Delacour l’assura qu’elle ferait ce qu’il souhaitait, mais que son goût pour la parure était passé ; que, s’il voulait, il pourrait lui faire un plus grand plaisir.

Lord Delacour assura qu’il serait heureux toute sa vie de voler au-devant de ses desirs.

Elle lui demanda alors de faire une pension à un vieillard qu’elle avait traité injustement. Elle raconta son histoire avec mistriss Luttridge, et lord Delacour fit aussitôt le billet pour le jardinier.

En parlant à ce vieillard, Lady Delacour pensa que la maison qu’il habitait à Twickenham pourrait lui convenir. Lord Delacour enchanté la loua aussitôt, et, comme on le pense bien, garda le vieux jardinier.

Le sort de lady Delacour allait bientôt être décidé ; son courage augmentait en même temps que sa frayeur de voir découvrir son secret.

Si je conserve la vie, dit-elle, ma ferme intention est de changer absolument de conduite ; je fuirai la dissipation, je romprai avec les connaissances qui sont indignes de moi ; je vivrai avec ma Bélinde et la famille Percival, et le rétablissement de ma santé morale pourra s’attribuer à mon séjour à Oakly-Parck : mais je serais inconsolable que le monde pût croire que je le quitte par force. Une retraite volontaire est honorable, une solitude forcée est humiliante. Il me serait impossible d’entendre dire : Lady Delacour est prude, parce qu’elle ne peut plus être coquette. Devenir le sujet des épigrammes et des caricatures, serait donner une vengeance trop aisée à mistriss Luttridge.

Quoique Bélinde ne partageât pas ces ridicules craintes de lady Delacour, elle essaya de la rassurer.

Je n’ai point oublié, répondit mylady, ma chère, les preuves que lord Delacour m’a données de son cœur. Mais je crains son peu d’adresse à cacher ce qu’il veut taire, et le sujet de ma frayeur. Mariette m’a appris ce matin que mistriss Luttridge était venue d’Harrow-Gate à Rantipole, et que, n’y trouvant pas lord Delacour, elle était revenue à la ville. Vous sentez bien que le motif de son retour ne peut être que sa haine contre moi ; et j’ai tout à craindre de sa curiosité, de sa perfide adresse et de sa jalousie. Mariette est au-dessus de toute séduction. Quant à ce charlatan, la crainte de n’être point payé lui a sans doute fait garder le silence ; je n’ai point d’argent à lui donner : j’ai remis à mistriss Franks le peu que j’avais ; à trois heures je dois le voir pour la dernière fois dans le boudoir mystérieux.

Les craintes de lady Delacour sur la maligne curiosité de mistriss Luttridge n’étaient point entièrement sans fondement. Champfort travaillait pour elle et pour lui : la mémorable scène de la clef du boudoir était encore présente à son esprit. Il espérait, en découvrant le mystère, obtenir à la fois un nouveau pouvoir sur lord Delacour et des présens de mistriss Luttridge. Quoique sorti de la maison, il y avait conservé des agens. La stupide servante n’était point insensible, et Champfort avait cru de son intérêt de lui faire la cour. On sait que les grands événemens ont souvent de petites causes. Avec l’apparence de la bêtise, la digne maîtresse de l’intrigant valet-de-chambre cachait l’oreille la plus fine et l’œil perçant d’un espion. Longtemps elle écouta et regarda en vain, et tout ce qu’elle put rapporter fut que le boudoir était toujours fermé, et que Mariette seule y entrait. Le jour indiqué pour la dernière entrevue entre mylady et le chirurgien, Mariette, selon sa coutume, l’enferma dans le boudoir, et fut chercher sa maîtresse. L’heure à laquelle il était attendu étant passée, lady Delacour était dans sa chambre à coucher, et dormait si bien, que Mariette ne voulut point l’éveiller. En redescendant elle trouva la servante sur l’escalier.

Mylady dort, lui dit-elle ; ainsi prenez garde de faire du bruit.

La chambre de cette fille était précisément au-dessous du boudoir. En prêtant l’oreille avec attention, elle entendit marcher au-dessus d’elle. Elle prit une tasse de bouillon, et, sous ce prétexte, entra dans l’appartement de mylady. En la voyant endormie, elle fut très-étonnée de trouver que Mariette lui avait dit vrai.

Elle prêta l’oreille, entendit tousser dans le boudoir, et crut reconnaître la voix d’un homme ; elle se coucha par terre pour voir si, au travers de la porte, elle n’appercevrait rien. Comme elle était dans cette attitude mylady fit un mouvement, et le livre qui était sur son lit tomba par terre. Le bruit ne l’éveilla cependant pas ; elle dormait d’un sommeil profond, c’était l’effet du laudanum. Le bruit avait été trop fort pour être seulement causé par un livre ; la servante regarda, et apperçut une clef : s’imaginant que c’était celle du boudoir, elle se résolut, à tout hasard de l’essayer, et elle la mettait doucement dans la serrure, lorsqu’elle fut tout-à-coup arrêtée par une voix qui lui cria :

Qui vous a permis d’ouvrir cette porte ?

Elle se retourna, et vit Hélène.

Bon Dieu ! miss, prenez garde d’éveiller madame.

Maman vous a-t-elle envoyée dans ce cabinet ? répéta Hélène.

Non, je voulais seulement donner de l’air à la chambre ; je…

Hélène, sans lui répondre, et sans l’écouter davantage, prit la clef, et alla s’asseoir auprès du lit de sa mère, attendant son réveil pour lui raconter ce qui venait de se passer.

Malgré l’ingénuité de cette aimable enfant, la mère avait bien jugé sa pénétration. Hélène avait bien remarqué que Mariette seule entrait dans le boudoir ; mais, réprimant toute curiosité, elle gardait fidellement sa promesse d’imiter Zobéide, quoique la servante, en l’habillant, eût fait tout son possible pour exciter sa curiosité au sujet du boudoir.

Elle ne fit que déplaire à Hélène, et ce fut le soupçon de cette coupable curiosité qui la fit suivre par miss Delacour.

Lady Delacour ouvrit les yeux.

Hélène ! s’écria-t-elle, comment avez-vous cette clef ?

Oh ! ma mère, ne me soupçonnez pas. Elle raconta alors tout ce qui venait de se passer.

Ma chère enfant vous m’avez rendu un service essentiel ; vous n’en connaissez pas l’importance, au moins celle que j’y attache ; mais sur-tout ce qui cause ma satisfaction, c’est que vous êtes digne de mon estime et de ma tendresse.

Mariette entra alors, et parla bas à sa maîtresse.

Vous pouvez parler devant mon Hélène, dit lady Delacour en se levant ; elle mérite toute ma confiance.

Elle passa dans son boudoir, paya le chirurgien, et revint trouver sa fille.

Je vois que vous n’avez aucune curiosité, vous aurez tout le caractère de votre mère ; puissiez-vous n’avoir jamais ses défauts, et ne jamais éprouver ses malheurs ! Je ne vous parle plus comme à un enfant, Hélène, votre raison est au-dessus de votre âge ; rappelez-vous toute votre vie ce que je vais vous dire : Vous possédez des talens, de la beauté, de la fortune ; vous serez admirée, entourée, flattée comme je l’ai été ; mais ne passez pas votre vie, comme j’ai passé la mienne, à chercher la louange des fous. Si j’eusse employé la moitié des avantages que je possède, comme j’espère que vous le ferez, j’aurais été l’ornement de mon sexe, j’aurais été une lady Percival.

Ici, la voix de lady Delacour fut extrêmement émue.

Choisissez bien vos amis, ma chère fille ; mon malheur et ma folie viennent de m’être liée dans ma jeunesse avec une femme inconséquente, qui m’a entraînée dans toutes sortes d’égaremens. Vous êtes trop jeune pour entendre les particularités de mon histoire ; ma meilleure amie, miss Portman vous la dira : c’est à ses soins que je vous confierai lorsque je mourrai.

Oh ! ma mère, pourquoi donc toujours parler de mort ? Elle jeta ses bras autour du cou de sa mère.

Doucement, mon amour, lui dit-elle, et elle saisit ce moment pour lui apprendre la cause de tous ses maux.

Hélène parut excessivement affligée.

J’aurais voulu, ma chère, lui dit sa mère avec calme, vous épargner le chagrin que je vous cause ; je vous ai donné si peu de plaisir dans ma vie, qu’il est injuste à moi de vous faire tant de peine au moment où… Demain je partirai pour Twickenham, et je vous laisserai avec votre tante Mangaretta ; si je meurs, Bélinde vous emmènera à Oakly-Parck. Ne vous livrez pas alors à votre douleur. Si vous m’eussiez montré moins de tendresse, vous verseriez moins de larmes, et vous m’auriez épargné…

Oh ! ma chère et tendre mère, interrompit Hélène en se jetant à ses pieds, ne me séparez point de vous : tout ce que je desire est de ne point vous quitter. Je serai mille fois plus inquiète en étant loin de ma mère.

Cédant aux prières de sa fille, lady Delacour consentit à l’emmener à Twickenham ; le reste du jour fut employé aux préparatifs du départ. La perfide servante fut renvoyée ; Mariette seule suivit sa maîtresse. Lord Delacour resta à la ville, afin de n’exciter, en aucune façon, la curiosité du public. Naturellement bon et sensible, il avait été touché par la tendresse que sa femme lui avait montrée. Son agitation fut extrême durant toute cette journée qu’il pensait pouvoir être la dernière qu’il passait avec sa femme. Lady Delacour, au contraire, fut calme ; son courage semblait s’accroître avec le besoin qu’elle pouvait en avoir.

Le lendemain matin, lorsque la voiture fut prête, elle remit au lord Delacour un papier contenant ses dernières volontés : il contenait quelques legs à ses domestiques, à Mariette, et un don à Bélinde du secrétaire dans lequel elle conservait les lettres de Clarence.

Ma fille, disait alors lady Delacour, est assez riche pour que je puisse disposer des bijoux qui sont dans ce secrétaire. Si miss Portman fait un mariage riche, elle les portera pour l’amour de moi ; sinon je la prie de les vendre sans scrupule.

Lord Delacour prit ce papier avec beaucoup d’émotion, en l’assurant qu’elle serait obéie si… Il n’en put dire davantage.

Adieu, mylord ; conservez votre courage : j’espère vous revoir bientôt.