Barzaz Breiz/1846/Chant des Ames du Purgatoire/Bilingue

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Barzaz Breiz, édition de 1846
Chant des Ames du Purgatoire



V


LE CHANT DES AMES DU PURGATOIRE.


( Dialecte de Cornouaille. )


Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Bonne santé, gens du logis ; bonne santé nous vous souhaitons. Mettez-vous tous en prières.

Quand la mort frappe à la porte, quand à minuit elle demande à entrer, tous les cœurs tremblent : qui la mort doit-elle emporter ?

Mais, vous, ne soyez pas surpris si nous sommes venus à votre porte : c’est Jésus qui nous envoie pour vous éveiller, si vous dormez :

Vous éveiller, gens de cette maison ; vous éveiller, grands et petits ; s’il est encore, hélas ! de la pitié dans le monde, au nom de Dieu ! secourez-nous.

Frères, parents, amis, au nom de Dieu ! écoutez-nous ! au nom de Dieu ! priez ! priez ! car les enfants, eux. ne prient pas.

Ceux que nous avons nourris nous ont depuis longtemps oubliés ; ceux que nous avons aimés nous ont sans pitié délaissés.


Mon fils, ma fille, vous êtes couchés sur des lits de plume bien doux, et moi, votre père, et moi, votre mère, dans les flammes du purgatoire.

Vous reposez là mollement, les pauvres âmes sont bien mal ; vous dormez-là d’un doux sommeil, les pauvres âmes veillent dans les souffrances.

Un drap blanc et cinq planches, un sac de paille sous la tête et cinq pieds de terre par-dessus, voilà les seuls biens de ce monde qu’on emporte au tombeau.

Nous sommes dans le feu et l’angoisse ; feu sur nos têtes, feu sous nos pieds ; feu en haut, feu en bas ; priez pour les âmes !

Jadis, quand nous étions au monde, nous avions parents et amis ; aujourd’hui, que nous sommes morts, nous n’avons plus de parents ni d’amis.

Au nom de Dieu ! secourez-nous ! Priez la Vierge bénie de répandre une goutte de son lait, de son lait sur les pauvres âmes.

Sautez vite hors de votre lit, jetez-vous sur vos deux genoux ; à moins que vous ne soyez malades ou appelés déjà par la mort.


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