Battling Malone, pugiliste/11

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Bernard Grasset (p. 213-233).


XI


Lord Westmount et sa sœur étaient debout en face l’un de l’autre dans le boudoir de Lady Hailsham.

Elle était en costume de ville et prête à sortir quand la visite un peu inattendue de son frère l’avait retenue. À voir celui-ci, son air ennuyé et son attitude générale de mécontentement, il apparaissait que leur conversation était de celles qui, chez des gens d’un autre monde, fût devenue cette chose odieuse et vulgaire : une dispute.

Lady Hailsham au contraire semblait parfaitement à son aise, et disposée à railler :

« Non ! disait-elle. — Vous pouvez calmer vos inquiétudes, ô le plus vigilant et le plus tendre des frères. Je n’ai pas l’intention de me laisser séduire par votre ami et protégé Patrick Malone, Esquire… S’il me plaît de le fréquenter et de m’amuser de lui quelque temps, cela est mon affaire. Votre intervention, mon cher Tom, est un peu ridicule, parce que vous devriez savoir que, s’il est vrai que j’ai quelquefois des audaces dont les gens de notre monde s’étonnent, je sais pourtant à peu près exactement où m’arrêter… »

« Je n’en doute pas ! — répondit son frère. — Mais à vrai dire ce n’est pas de cela seulement qu’il s’agit. Je ne crains pas que vous vous preniez de passion pour le pauvre Pat ; mais vous vous affichez avec lui, vous donnez à nos relations une occasion de plus de jaser, et vous risquez de lui tourner la tête, à lui ! Songez à ce qu’il est, d’où il vient, et ayez le bon sens et la charité de ne pas déséquilibrer et affoler ce pauvre diable. »

Lady Hailsham partit d’un long éclat de rire.

« Ah ! voilà qui est superbe !… Je m’étonnais un peu que vous vous inquiétassiez si fort de ma réputation et de la paix de mon cœur, et voici que c’est réellement le cœur de Patrick Malone qui vous inquiète, et sa réputation peut-être, et son avenir !… Rassurez-vous : je me contente d’amuser le brave garçon en m’amusant de lui pendant que sa main se consolide. Je ne suis pour lui qu’une distraction passagère entre les autres distractions beaucoup plus importantes et mieux de son goût que lui fournirent et lui fourniront l’excellent nègre Sam Langdon et l’estimable Français Serrurier. Je fais l’intérim…

« Et songez qu’il n’a rien à perdre à me fréquenter, et pas mal à gagner, en somme. Je lui ai déjà enseigné de quel côté d’une femme il faut marcher dans la rue, et à se servir de sa fourchette en homme civilisé, et à enlever son chapeau toutes les fois qu’il convient, et au bon moment… Quand il sortira de mes mains, votre ami Patrick Malone sera digne de prendre une place honorable dans le monde des boomakers et des publicans, auquel il est évidemment destiné, et d’y briller grâce à moi d’un éclat incomparable…

« N’ayez pas peur pour Pat, mon cher Tom ; dès que sa main sera assez solide pour lui permettre de reprendre l’entraînement et de battre le Français, je céderai ma petite place dans son existence à tous ces braves garçons qui le soignent, le massent et l’entraînent, et je rentrerai dans la coulisse, ou plutôt dans la salle, pour le voir exercer sa profession de loin. »


Comme elle le disait elle-même, Lady Hailsham n’en était pas à sa première audace ; les défis qu’elle avait déjà lancés aux conventions généralement acceptées et respectées par les gens de son monde avaient été nombreux, et variés.

Qu’elle eût conduit une 140 HP de course à l’autodrome de Brooklands ; qu’elle eût, la première, paru dans Rotten Row en jupe-culotte, par un matin de mai, en pleine saison de Londres, montant à califourchon un des demi-sangs de son écurie ; et qu’elle eût dans l’Inde chassé le tigre — à pied — aucune de toutes ces choses n’avait fait scandale ni n’avait nui à sa réputation ; au contraire ! On sait que les cercles sociaux les plus élevés en Angleterre sont aussi ceux où les idées sont les plus larges, et d’ailleurs c’étaient là des exploits sportifs qui n’avaient éveillé que sympathie et admiration.

Mais sa nature l’avait portée à satisfaire à diverses reprises des curiosités plus excentriques et qui avaient été jugées plus sévèrement. Elle avait pendant plusieurs semaines promené dans Londres avec elle un jeune chef zoulou venu en Angleterre pour protester auprès du roi lui-même contre de prétendues spoliations du gouvernement britannique. Elle avait, à son retour des Indes, mis en vogue une variante du théosophisme qui avait paru consister surtout en longues contemplations, par des femmes désœuvrées, d’un jeune mage de Delhi d’une beauté pittoresque. Et puis, lorsque le théosophisme avait perdu son attrait, elle avait, sans transition aucune, passé à la danse, et avait loué une salle de théâtre pour y donner, à un public d’invités, le spectacle de son corps à peine voilé de gaze et de filigrane d’or en des postures à la fois hiératiques et voluptueuses…

Maintenant elle avait adopté Battling Malone. Certains y voyaient un nouveau scandale ; d’autres, plus indulgents, trouvaient seulement que c’était une déchéance, une originalité dépourvue de distinction.

Le pugiliste lui inspirait une curiosité amusée ; mais, à vrai dire, ce qu’elle voyait surtout en lui c’était le moyen d’étonner les gens de son monde et de continuer son record de hardiesse et de bravades. Elle se plaisait à se montrer avec lui à Hyde Park et dans tous les endroits où elle se savait sûre de rencontrer quelques connaissances, hommes ou femmes. Cela l’amusait surtout d’arrêter au passage d’impeccables gentlemen de ses amis, gourmés, soucieux de leur dignité, et de leur dire négligemment, après quelques phrases polies :

« Je ne sais si vous avez déjà rencontré Mr. Patrick Malone… »

Certains affectaient de prendre la présentation comme une plaisanterie, et comblaient Pat d’amabilités ironiques. D’autres essayaient du dédain. Mais il est difficile d’exprimer avec efficacité son dédain à soixante-quinze kilos d’humanité redoutable et que rien ne paraît troubler. Car les hommes, quelle que fût leur position sociale, n’inspiraient à Patrick aucune timidité, et ses yeux simples et hardis les dévisageaient lentement, voyageant avec une sorte de curiosité placide sur leurs figures et sur les courbes de leurs épaules…

Lady Hailsham veillait à ce qu’il fût habillé d’une manière qui accentuât encore le caractère de son masque et de sa silhouette. Il portait des complets d’étoffe claire à dessins hardis, des vestons qui moulaient l’évasement prodigieux de son torse, des faux-cols bas dégageant sa puissante encolure, et des chapeaux à bords plats, un peu comiques, sous lesquels l’ossature de son visage et sa mâchoire massive semblaient disproportionnés et surprenants.

Dans l’allée qui longe Rotten Row, à onze heures du matin, quand les cavaliers et les piétons sont les plus nombreux et que tout ce que Londres compte de riche et de bien né passe là, Battling Malone s’en allait le long des rangées de chaises, se balançant un peu sur les hanches à chaque pas, nonchalant et redoutable, pareil à un reître pendant une trêve, et à côté de lui marchait Lady Hailsham, consciente et charmée du contraste, qui s’était faite suprêmement élégante, d’une élégance féminine et floue, et qui s’amusait prodigieusement de sentir sur son passage les silences subits et les longs regards offusqués…

D’autres femmes passaient, qui menaient en laisse des bull-dogs ou des barzois de race, leurs esclaves favoris, puissants et humbles… Elle, songeait que l’animal de combat qui marchait à son côté était plus redoutable que tous ceux-là, et plus singulier, et plus émouvant ; et qu’il y avait en outre une petite volupté aiguë à se demander s’il ne se lasserait pas quelque jour de rester muet et obéissant, et s’il n’allait pas à quelque minute inattendue s’éveiller, déchaîner sa violence latente…

Quant à Pat… Mais il serait futile de tenter d’analyser ses sentiments. Les hommes de sa trempe ne peuvent concevoir une idée ou un désir sans le traduire immédiatement en action. S’il se laissait traiter en jouet, en animal favori, et manier par des mains habiles et douces, c’est assurément que cela lui suffisait. Quelques semaines de vie élégante et facile, la splendeur du monde nouveau au seuil duquel il se croyait, la camaraderie d’une femme jeune et belle — il n’était pas allé plus avant, et son cœur simple restait encore confondu d’être venu jusque-là.

Inutile de dire que ni dans les allées de Hyde-Park, ni dans les rues du West-End, ni à la réunion de printemps d’Epson, où elle l’emmena, il ne s’aperçut, lui, du petit scandale que leur association causait. De bonne foi il se croyait maintenant tout proche des aristocrates et des grands bourgeois qu’il voyait autour de lui, puisqu’il avait de l’argent à la banque, de beaux habits et une sorte de renommée. C’était cette extrême candeur qui faisait que Lady Hailsham s’amusait de lui sans réserve, certaine de pouvoir le manier à son gré. Un ou deux incidents, pourtant, lui donnèrent à penser.

Un matin ils venaient de quitter Rotten-Row et longeaient la Serpentine ensemble. Tout à coup un jeune homme fort élégant, à moustache militaire, salua le premier Lady Hailsham et vint lui parler. Elle l’accueillit avec une cordialité joyeuse, et ils causèrent quelques instants. À trois pas de là Patrick Malone les contemplait avec simplicité, parce qu’il n’avait pas encore appris à simuler une indifférence polie. Il entendit qu’elle appelait cet homme familièrement : « Dan » mais que lui parlait avec chaleur et semblait faire des reproches.

Bientôt Lady Hailsham se détourna, évidemment irritée, une rougeur aux joues ; son interlocuteur lui posa une main sur le bras comme pour la retenir… Pat fit trois pas et ferma son poing valide… Lady Hailsham n’arrêta que juste à temps, d’un geste et d’un mot, le coup qui allait venir.

« Non, Pat ! » fit-elle d’une voix brève.

Le gentleman regarda Patrick Malone de la tête aux pieds, dédaigneusement, resta immobile quelques secondes, puis tourna sur le talon et s’éloigna. Eux aussi se remirent en marche.

Après quelques instants elle lui dit avec un rire un peu forcé :

« Il paraît que vous me compromettez, Pat ! Savez-vous qui était ce gentleman… Mon beau-frère. »

« Ah ! fit Pat très simplement. — Je pensais que c’était votre mari. »

Elle le regarda à la dérobée, se souvint de ses trois foulées rapides, du geste menaçant, et une fois de plus un petit frisson d’inquiétude et de volupté mêlées secoua ses nerfs. Un pressentiment lui vint qu’un jour il pourrait bien prendre son rôle trop à cœur, y mettre trop de conviction maladroite, et transformer en un vulgaire mélodrame la jolie comédie pimentée et fine…


Mais bientôt la main droite de Pat fut guérie, assez solide pour lui permettre de se remettre à l’entraînement, et l’entraîneur Andy Clarkson reprit possession de lui avec une jalousie méfiante.

« Vous avez eu du bon temps et de la grande vie, garçon ! — dit-il — et vous devez être mou comme du blanc-manger. Souvenez-vous que vous avez à démolir le Français dans quelques semaines, et il paraît qu’il est damné bon, ce mangeur d’escargots ! »

Mou comme du blanc-manger ! Pat rit de bon cœur, et une demi-heure plus tard l’entraîneur esquissait aussi un sourire satisfait en voyant son torse nu, toujours formidable et sec après toutes ces semaines de « grande vie ».

Quelques jours plus tard Sladen télégraphiait de Paris :

« Signé pour rencontre vingt rounds de trois minutes onze stone six livres avec Jean Serrurier, 17 juin, Paris, bourse soixante-quinze mille francs divisée soixante quarante ».

« Soixante-quinze mille francs — commenta Andy Clarkson — ça fait trois mille livres, hein ! Seulement la division me chiffonne, quarante pour cent au perdant, c’est bien trop ! Ce doit être le Français qui a stipulé ça : il sent la volée venir, ce grenouillard, et il ne veut pas se faire abîmer pour rien ! »

Pat fit une moue d’indifférence : sa part lui paraissait suffisante. Cette fois ce serait un authentique championnat du monde qui serait en jeu, Serrurier ayant battu au cours de l’hiver le champion américain, et ce serait en même temps la gloire définitive et le triomphe du vieux pays. Il aurait ensuite, lui, Pat, le choix entre une tournée aux États-Unis, des engagements de music-halls ou simplement la vie douce et magnifique à laquelle il venait de goûter, parmi des gens du meilleur monde qui le traiteraient en égal, des femmes pleines de beauté et de grâce un peu féerique, qui marcheraient à son côté !…

Et pour avoir tout cela il ne lui restait plus qu’à rosser un Français. Un Français ! Pat eut un sourire de pitié méprisante, et instinctivement il esquissa le geste facile qui devait remettre toutes choses en ordre, et humilier sans appel ces impudents étrangers.

Et l’entraînement commença. Tout avait été arrêté d’avance avec soin : quinze jours au hall de Deptford, avec des marches quotidiennes du côté de Greenwich et de Blackheath ; puis trois semaines à Eastbourne, et enfin pour acclimater Pat les derniers jours à Maisons-Laffitte, où Sladen avait déjà fait le nécessaire.

Steve Wilson et Jack Hoskins reprirent le collier avec allégresse, et déclarèrent ponctuellement, deux fois par jour : « Qu’il cognait encore plus dur qu’avant, l’animal ! » — D’innombrables boxeurs réputés, tant amateurs que professionnels, offraient leurs services pour entraîner le champion, avides de contribuer un peu à son succès et à la grande revanche. Cette fois ce n’était plus une préparation obstinée et résolue à un échec probable, mais bien une marche triomphale, car tous étaient emportés par une de ces vagues collectives de confiance et d’enthousiasme qui font de la possibilité d’une défaite quelque chose d’inconcevable, de contre-nature…

Chaque dimanche des prédicateurs de toute secte s’élevèrent avec une prolixité solennelle contre la vogue honteuse du pugilisme, ce jeu antichrétien et dégradant. Chaque semaine les journaux à tendances sportives répondirent à ces accusations en phrases enflammées et cinglantes, et les organes politiques et revues à grand tirage, un peu hésitants, prirent tantôt le pour et tantôt le contre, faisant alterner dans leurs colonnes les articles et les lettres de correspondants fanatiques, qui déploraient avec force citations de l’Apocalypse ces spectacles démoralisants, ou bien célébraient la renaissance heureuse du sport national d’Albion…

Certaines affirmations pourtant ne trouvèrent pas de protestataires ni de contradicteurs : ce furent les démonstrations données un peu partout que les succès des Français en pugilisme n’avaient été qu’un accident.

On le prouva copieusement. Des techniciens éminents reprirent un par un tous les combats où des boxeurs anglais avaient été battus par leurs adversaires d’outre-Manche, et expliquèrent avec une parfaite clarté que dans chacun de ces cas les circonstances avaient été exceptionnelles ; qu’au reste les défaites britanniques étaient la conséquence logique de la campagne anti-sportive qui avait longtemps discrédité le pugilisme dans le Royaume-Uni ; que la valeur des champions du vieux pays s’était, pour ces raisons, abaissée à un tel point que quelques Français exceptionnels, de beaucoup supérieurs au reste de leurs compatriotes, et en outre énormément aidés par le hasard, avaient pu se vanter de quelques succès internationaux… C’était fini.

D’autres chroniqueurs moins bien pourvus de technique se bornèrent aux considérations générales. Le Français — firent-ils observer — est un être essentiellement imitateur, doué d’une intelligence superficielle et vive.

La mode ayant acclimaté à Paris le noble art typiquement britannique du pugilat, il s’était promptement trouvé un certain nombre de jeunes gens qui avaient acquis une sorte de vernis superficiel, qui avaient appris les postures et les gestes et avaient joué leur rôle gentiment, en histrions de race. Et le public anglais, tousjours bon enfant, trop indulgent, les avait pris au sérieux. Mais lorsqu’on en arrivait aux luttes décisives… Quelques phrases courtoises mais sévères rappelaient de façon un peu obscure les grandes leçons de l’histoire, Waterloo, Trafalgar…

Le grand public, celui qui ne lit pas les journaux sportifs, fut forcé à l’attention par la rencontre constante de ces sujets peu usuels et toute cette rumeur de polémique. Simpliste, il en dégagea l’impression qu’il y avait quelque part un scandale à réparer, que quelqu’un avait manqué de respect à l’Angleterre, et qu’il était urgent qu’un champion se levât, messager du Seigneur, pour punir cette impertinence impie…


Dans le gymnase d’Eastbourne Andy Clarkson massait Pat avec science, et tout en promenant ses mains expertes sur les muscles relâchés, il lui parlait comme de coutume. Les yeux féroces, la mâchoire en avant, avec des mouvements esquissés des poings et des épaules, il prêchait la prudence et la ruse, et les trucs subtils…

« Voyez-vous, garçon, vous allez rencontrer cette fois-ci un homme qui ne tape pas assez fort pour faire un trou dans une motte de beurre, mais qui fera des entrechats et des simagrées, et sur les trois juges il y aura deux Français comme lui qui trouveront ça malin et qui ne voudront jamais donner leur voix contre lui tant qu’il sera debout… Alors, vous, vous n’allez pas perdre votre souffle à le suivre dans ses quadrilles ; mais vous le suivrez tout doucement, tout doucement, en faisant semblant d’être lent et maladroit, et puis quand vous verrez un jour, hep !… vous rentrez, avec des crochets des deux mains qui craqueront ses damnées côtes… »

La veille, l’auto de Lord Westmount, qui avait amené Pat de Londres, avait eu une roue cassée dans un caniveau, forçant ses passagers à faire deux ou trois milles à pied : aussi un journal du soir annonçait-il en grosses lettres :

« Battling Malone dans un accident d’automobile. Dernières nouvelles ».

L’édition se vendait bien, et les acheteurs, après avoir lu le compte rendu de l’accident, rassurés, continuaient leur chemin avec un soupir de soulagement.

Les membres du « British Champion Research Syndicate » s’occupaient déjà de l’organisation des trains spéciaux, et déploraient de ne pouvoir trouver assez de parieurs français pour couvrir leurs enjeux.

Andy Clarkson avait dû répondre en grommelant à un télégramme de Lady Hailsham, demandant : « Pat est-il blessé ? » Mais Pat n’en avait rien su. On ne lui lisait que les journaux sportifs, et quelques unes des lettres qui venaient de tous les coins du Royaume-Uni, toutes reprenant le même refrain monotone :

« Rossez le Français ! »

Elles avaient été écrites, ces lettres, par de braves gens dépourvus de haine, mais qui avaient été blessés au plus vif de leur orgueil par les inconcevables défaites de ces derniers mois. Ils avaient tous un grand désir de pouvoir se rendormir dans leur paisible assurance, une fois les choses remises en ordre et le cauchemar fini, le cauchemar malsain qui avait paru représenter un instant comme leurs égaux ces gens d’outre-Manche, ces Français pour lesquels ils nourrissaient toujours un invincible mépris héréditaire.

À Patrick Malone et à ses compagnons, qui étaient au centre de tout, cela ressemblait à une grande voix qui leur hurlait sans fin les mêmes mots d’encouragement et de commandement impérieux :

« Rossez le Français ! »