Bernard Palissy, étude sur sa vie et ses travaux/Chapitre XXIV
Les auditeurs de Palissy. — Alexanndre Champier. — M. de la Magdelène. — Pierre Pena. — Richard Hubert. — Jacques de la Primaudaye. — Marc Lordin de Saligny. — Alphonse del Bene. — Ambroise Paré. — Projet de monument. — Neuvième leçon. — De l’argile. — L’Art de terre. — Dernière leçon. — La marne. — Ses propriétés. — D’où lui viennent-elles ? — Stratification du globe. — Terre sigillée. — Attraction. — Appréciation.
Veut-on connaitre quelques-uns des auditeurs du potier ? Nous avons les noms de trente-quatre. Tous ne sont pas également célèbres. Ils ne laissaient pas d’être des personnages dans leur époque. Outre Pierre Milon et François Choisnin dont il a été déjà question, c’est d’abord M. de la Magdelène, médecin de Marguerite de France, épouse de Henri IV.
Il eut quelques démêlés sans doute avec le Parlement : car Étienne Pasquier lui décocha l’épigramme suivante en trois distiques :
Omnia Magdaleus damnat décréta Senatus,
Judicibusque nihil vilius esse putat.
Cæcutine malis et crimina inulta relinqni,
Nec nisi flagitiis nunc superesse locnm ?
Credo : nam medicus, tot jam qui sustulit olim,
Debuerat plecti morte, vel exsilio.
En voici la traduction :
La Magdelène avec aigreur critique
Les tribunaux, leurs arrêts, leur pratique.
Il a raison. Le crime est impuni.
Si l’on avait loi juste, juge austère,
Pour avoir mis tant d’innocents en terre,
Ce médecin serait mort ou banni.
Puis Denis Courtin, seigneur de Nermou en Nalliers, près de Luçon, médecin calviniste.
C’était ensuite le médecin de François duc d’Alençon, frère unique de Henri III, Alexandre de Campèse, CAMPESIUS, Champier, qui avait pour père Christophe Champier, médecin de la duchesse d’Angoulême, et pour oncle Symphorien Champier, naturaliste célèbre, médecin des rois Charles VIII et Louis XII. On sait qu’alors il y avait quarante-neuf médecins du roi, trente-quatre chirurgiens et un oculiste. Ce Champier-là était de l’avis de Maître Bernard, quant aux drogues à employer pour les maladies. Il voulait qu’on se servît seulement en France des simples qui croissent en France, prétendant que la nature à côté du mal plaçait le remède, et que Dieu savait bien donner à chaque région les médicaments qui lui convenaient.
C’était encore Pierre Pena, de Moustiers en Provence, dont ses ancêtres avaient été seigneurs en partie. Il se rendit tellement habile qu’il devint médecin secret de Henri III. Il mourut riche à plus de six cent mille livres et dans une grande réputation.
À la suite viennent d’autres savants dont nous ne savons guère que les noms : Guillaume Pacard, de Saint-Amour ; Philibert Gilles, de Nuits en Bourgogne, qui, en 1575, soutint Paris une thèse affirmative sur ce sujet : Si la fièvre guérit l’épilepsie, et l’année suivante une autre thèse pour prouver que les vieillards doivent avoir une nourriture particulière ; Jean du Pont, du diocèse d’Aire, premier médecin de la reine de Navarre ; Jean de la Salle, de Mont-de-Marsan ; Clément, de Dieppe, qui pourrait être Guillaume Clément, auteur en 1572 d’un livre publié à Avignon : Sententiæ præcipuæ medicorum, ou bien Gabriel Clément, qui a donné en 1594 à Paris, le Trespas de la peste ; Drouin, natif de Bretagne, dont le nom pourrait s’appliquer peut-être à Daniel Drouin, de Loudun, le poëte qui a chanté, en 1594, les vengeances divines, à Nicolas Drouin, du Mans, et surtout à Gabriel Drouin qui soutient ses thèses en 1583-1584, à Paris, et a écrit le Royal Sirop de pommes ; enfin François Mizières, de Fontenay-le-Comte, calviniste, qui a donné une édition des Psaumes de Marot. « Tous ceux cy-dessus nommez, ajoute Bernard Palissy, sont médecins doctes. »
À côté des médecins, voici le chirurgien : maître Richard Hubert, chirurgien ordinaire du roi, ami d’Amboise Paré. En 1555, il avait obtenu du roi, par lettre du 24 août, de faire des dissections publiques d’anatomie sur les corps des suppliciés et de ceux qu’il pourrait recevoir de l’Hôtel-Dieu. Il mourut le 7 septembre 1581. — Puis les apothicaires que ne décourageaient pas les semonces de l’orateur ; Pajot et Guérin, de Paris ; un artiste, « homme expérimenté ès arts, » sculpteur remarquable, qui fit les figures couchées d’Anne de Montmorency et de sa femme Madeleine de Savoie sur le tombeau que leur a érigé, dans l’église de Saint-Martin de Montmorency, Henri II leur fils, je veux dire Barthélemi Prieur, collaborateur de Palissy et l’auteur d’une Madeleine au désert, dont les accessoires appartiennent à l’émailleur ; un simple amateur, Michel Saget, « homme de jugement et de bon engin ; » un docteur ès lettres, « maistre Philippe Olivin, gouverneur du seigneur du Château-Brési ; » un mathématicien Jean Viret, du Devens, au duché de Chablais sur le lac de Léman, « homme docte ès langues, selon La Croix du Maine, et savant aux mathématiques et en philosophie, » qui mourut en septembre 1583, à Paris, d’une fièvre pestilentielle, âgé de quarante ans, parent, fils peut-être, d’un Pierre Viret, ami zélé de Calvin, et l’un de ses acolytes avec de Bèze et Farel. Notons deux avocats maître Jean du Chony, du diocèse de Rennes ; Nicolas Bergeron, savant en lettres grecques et latines, droit, histoire, mathématiques, philosophie, disciple de Pierre La Ramée, dont il publia les œuvres en 1577, et auteur du Valois Royal, description de son pays natal ; un licencié ès lois, Brunel de Saint-Jacques, des Salies, diocèse de Dax en Béarn ; un étudiant en droit, Jean Poirier, de la Normandie. Près d’eux s’asseyaient Jean Brachet, seigneur de Port-Morant, dans l’Orléanais, secrétaire du roi ; un du Mont, qui peut être Nicolas du Mont, de Saumur, correcteur de la Bibliothèque de La Croix du Maine, et sans doute des livres de Palissy, homme très-savant et fort ami des savants. On y voyait encore Jacques de la Primaudaye, gentilhomme angevin ; de Comas, gentilhomme provençal ; la Roche-Larier, gentilhomme tourangeau. Le Bourbonnais avait fourni un membre de la famille Coligny, Marc Lordin, seigneur de Saligny, baron de la Mothe-Saint-Jean, chevalier de l’ordre du roi, l’un des cent gentilshommes de sa maison, et chevalier de l’ordre de l’Écu d’or. Né en septembre 1524, au château de Saiigny, il avait pris part à toutes les guerres de époque. On le trouve, en 1557, à Saint-Quentin assiégé par le roi d’Espagne, quand d’Andelot, son parent, y fit entrer du secours. Il assiste aux batailles de Dreux et de Saint-Denis, toujours fidèle au roi et digne fils de Renaud Lordin de Coligny, chambellan de Charles VII, Louis XII et François Ier, qui avait glorieusement combattu à Agnadel et à Marignan. Marc Lordin, mourut le 1er novembre 1597 et fut enterré dans l’église de Saligny. Sur les fonts baptismaux en marbre blanc est un écusson mutilé, et sur le bénitier j’ai lu :
LORDRE DV ROI MA FET FAIRE. 1592.
Le clergé envoyait Jacques de Narbonne, grand chantre de l'église cathédrale de Narbonne. Puis l'abbé Alphonse del Bene, issu d’une famille florentine établie à Lyon, ami de Passerat, qui le loue, et de Ronsard qui lui a dédié son Art poétique.
L’abbé del Bene était accompagné de son frère Barthélemi, « poëte italien excellent, » dit Ronsard en lui dédiant sa 33e élégie, et gentilhomme florentin, dont le fils, conseiller d’État, succéda à son oncle sur le siège d’Alby.
Mais le plus illustre de ces personnages est sans contredit Ambroise Paré. Amhroise Paré, né vers 1517, à Laval, et mort le 22 décembre 1590, la même année que Palissy, fut premier chirurgien de Henri II, de François II, de Charles IX et de Henri III. On l’a appelé à juste titre le père et le réformateur de la chirurgie moderne. On a gravé sur le piédestal de sa statue élevée à Laval, sa patrie, ce mot admirable « Je le soignay, Dieu le guarit, » qu’il répétait en souvenir sans doute de ces paroles que prononçait le roi de France touchant les écrouelles : « Le Roi te touche ; Dieu te guérisse. »
Quand il fut question d’élever un monument à Bernard Palissy, j’avais, après la statue qui devait être la synthèse des éminentes facultés du personnage, artiste, potier, penseur, géologue, chimiste, écrivain, indiqué les sujets de quatre bas-reliefs qui pourraient orner le piédestal et être le commentaire en action de la pensée de la statue. Le premier sujet, c’est Palissy jetant, dans un moment d’enthousiasme irréfléchi, ses meubles et les planches de sa chambre au feu de son four qui va s’éteindre faute d’aliments, et retarder, peut-être empêcher à jamais, la découverte de l’émail. Prés de là sa femme se lamentant, ses enfants pleurant, et les voisins criant : Au feu ! à l’insensé ! Au second, c’est Palissy présenté dans son atelier à Charles IX et à Catherine de Médicis par le connétable de Montmorency, son protecteur. Au milieu des personnages de la cour on distingue les patrons de l’artiste, le duc de Montpensier, le sire de Pons, le comte de Burie. Au second plan, ses amis de Saintonge, le médecin Lamoureux, le maire Pierre Goy, et, comme fond du tableau, les monuments de la capitale de la Saintonge, l’arc de triomphe de Germanicus, les arènes, la masse énorme du clocher de Saint-Pierre et l’élégante flèche de Saint-Eutrope. Le quatrième montrerait Palissy à la Bastille. Au troisième, j’aurais mis Bernard faisant ses conférences à Paris. Devant lui, sur sa table, il a des objets d’histoire naturelle, pierres, minéraux, fossiles ; il les montre à l’appui de sa démonstration. La foule se presse, curieuse et attentive, étonnée de la nouveauté du spectacle, de la personne de l’orateur, charmée de sa parole, éblouie de la grandeur et de l’importance de ses théories. On y verrait des bourgeois, des savants, des ecclésiastiques, des gentilshommes, tous réunis au pied de la chaire d’un pauvre potier, d’un huguenot, par l’amour de la science. Ambroise Paré s’y distinguerait. Faujas de Saint-Fond ajoutait comme contraste au loin des édifices incendiés, des villes saccagées, des Français aux prises avec des Français, tant de fureurs ne pouvant troubler et respectant l’asile modeste où tous ces hommes remarquables se rassemblent comme en un sanctuaire, divisés d’état, de religion, de pensées, mais unis par le commun accord de la science. N’y a-t-il pas là, en effet, de quoi tenter le talent d’un grand artiste ?
Le concours de tant de personnages célèbres et importants devait singulièrement encourager le potier professeur. Aussi continuait-il avec ardeur ses conférences scientifiques. Après les pierres, il s’occupa de la terre. L’argile lui fournit la première leçon de cette série. Il y a bien des espèces d’argiles. Les unes font d’excellents creusets d’autres se liquéfient au feu parce qu’elles contiennent des substances métalliques.
Paris offre trois sortes d’argile ; la plus fine est à Chantilly. Celle de Chaillot sert à la tuile. Le Poitou et la Saintonge sont limitrophes aussi. Cependant au four la terre de Saintonge est bien plus tôt cuite. Il est une espèce qu’on peut étirer comme un fil sans qu’elle se casse. Celle des Ardennes, contenant des molécules de fer, est lente à sécher et dangereuse à chauffer. Et pour terminer cette énumération, citons ces vases de terre dont on trouve des fragments sur l’emplacement des villes antiques et dans les tombeaux.
La leçon sur les terres d’argile était la préface. Le livre devait arriver. C’est l’Art de terre, dont le titre, et sans doute l’idée, est empruntée à un ouvrage publié en 1548 par Piccolpasso, Arte di terra. Le potier parlait de ce qu’il avait vu, senti, éprouvé. Ses préceptes sont d’un homme qui en sait la valeur ; il a assez tâtonné, expérimenté, souffert, pour que le fruit de tant de labeurs ne soit pas perdu. L’Art de terre est un des traités les plus remarquables de l’écrivain ; ou plutôt ce n’est pas un traité ; c’est un long sanglot. Il avait dit tout à l’heure : « Un homme qui besogne en l’art de terre est toujours apprentif. » C'est le récit de son douloureux apprentissage qu’il va nous faire. Nous ne l’analyserons pas ; on ne dissèque pas une larme. Ailleurs nous avons raconté, d’après l’Art de terre, les essais si longtemps infructueux du potier. Il faut lire dans l’original ces pages attendrissantes.
C’est la marne qui fit le sujet des dernières leçons que nous connaissons. Après les métaux, les minéraux et les sels, devaient venir les terres diverses. Comme les alchimistes qui, en cherchant l’introuvable pierre philosophale, trouvèrent des substances et des corps nouveaux qu’ils ne cherchaient pas, de même Palissy, à la poursuite de l’émail, rencontre des pierres et des terres qui lui firent découvrir des secrets auxquels il ne songeait point. Aussi, je comprends que le titre le plus populaire de Maître Bernard soit d’avoir été potier. On ne voit en ce mot que ses longues tribulations ; on devrait y reconnaître l’origine de sa véritable grandeur. C’est parce qu’il fut potier, qu’il devint chimiste et géologue. Honneur donc à l’émail, puisque nous lui devons la porosité, la dilatation, les faluns et tant d’autres admirables découvertes.
On prétend, dit-il, que la vertu de la marne vient de la chaleur, comme les fumiers et la chaux. Grave erreur ! La paille n’est pas chaude ; la chaux n’est pas chaude, bien qu’on l’appelle ainsi parce qu’on lui suppose un feu intérieur. C’est l’eau qui, se mêlant au foin, produit une putréfaction, source de calorique, et qui, tombant sur la chaux, y cause une dissolution accompagnée de chaleur. Mais qui donc est la cause de l’action fertilisante de la marne, si ce n’est la chaleur ?
Il existe un cinquième élément que n’ont pas connu les philosophes ; « c’est une eau générative, claire ou candide, subtile, entremeslée parmi les autres eaux, indistinguible. » Cette eau, contenue dans les eaux communes, s’endurcit avec les choses qui y sont entremêlées. Elle y est portée avec les autres, comme les eaux communes que le soleil attire. Cette eau congélative, arrêtée avec l’eau commune en quelque endroit, se réunira, formera une pierre, et sera laissée là par sa compagne qui se perdra dans la terre ou s’exhalera en vapeur. Or, la marne était une terre où se sont arrêtées quelque temps l’eau commune et l’eau congélative. La première s’est évaporée ou répandue ; la seconde est restée là, et, se combinant avec la terre, a formé la marne. Quand vous portez la marne aux champs, le sol reprend à la marne ce cinquième élément, cette eau congélative ou générative ; et quand il l’a attirée tout entière, il ne reste plus qu’une poussière inutile, comme le marc de quelque décoction. Le sol alors est comme un homme qui sucerait le vin par la bonde, et laisserait la lie au fond du tonneau.
Cette eau congélative doit être, quand elle entre dans les plantes, mêlée à l’eau commune ; autrement elle activerait trop la végétation. C’est elle qui soutient toutes espèces d’arbres et d’herbes, et, même les hommes et les animaux. Elle ne se détruit pas au feu le caillou qui la contient se vitrifie ; le bois ou la paille qu’on brûle laisse une cendre où on la retrouve. Les os de certains animaux, les coquilles d’œufs ne se consument pas au fourneau le plus ardent. Et les crustacés, comment pourraient-ils former leurs coquilles sans ce cinquième élément ? Pour trouver la marne, on peut employer la sonde munie à l’extrémité d’une douille creuse, qui, plongée dans le sol, apporte à la surface un peu de terre. S’il se rencontre un banc de rocher, il faut le percer. On aura en outre la chance de pouvoir trouver une source qui montera au-dessus du point touché par la tarière, pourvu toutefois que l’eau vienne de plus haut. Cette rencontre ne doit point étonner car la terre est ainsi disposée par couches et l’on trouve quelquefois, banc de terre, banc de sable, banc de pierre, banc d’argile, comme par exemple entre Auteuil et Chaillot.
Que d’idées jetées un peu pêle-mêle dans cette leçon sur la marne ! Et encore en avons-nous omis.
Toutefois les principales idées de son chapitre sur la marne, c’est d’abord sa théorie de l’attraction que nous avons déjà remarquée à propos des métaux. Il y est revenu ici et y a longuement insisté. Quoique l’on saisisse bien sa pensée et qu’on comprenne bien qu’il entend ce qu’on appellera plus tard attraction newtonienne, affinité de Boyle ou force vitale, on ne peut s’empêcher de remarquer de l’indécision dans ses paroles. Il se débat dans ces expressions comme un bègue qui s’agite pour se faire entendre, et n’émet que des lambeaux de phrases. La langue scientifique lui manque. De là une indécision de termes qui cause du tort à la netteté de la pensée. « Une définition plus rigoureuse, écrit un de ses éditeurs, page 24, eût été un pas trop gigantesque pour l’époque et surtout pour un chimiste qui n’avait d’autre guide que les aspirations de son génie ; mais on ne saurait nier qu’il n’y eût là une pensée, une vue scientifique de premier ordre, et que ce principe, cet élément qu’il ne pouvait encore se représenter que sous la forme d’un corps palpable, fût autre chose que la force qui préside aux combinaisons chimiques, qu’on lui donne le nom d’affinité, de force chimico-électrique, de puissance catalytique, ou toute autre dénomination. Qui oserait assurer que cette pensée instinctive, bien que vague et obscurément exprimée, ait été perdue pour Boyle et pour Newton ! » Palissy le dit lui-même : « Voilà un chemin ouvert... il est facile d’adiouter à la chose inuentée ; aussi la science se manifeste à ceux qui la cherchent. » (Page 344.)
Ce cinquième élément de Palissy ressemble assez à la quintessence de ses contemporains, de Paracelse entre autres, qui professait en 1527, à Bâle, que la réunion des quatre éléments d’Aristote, en formait un cinquième. Mais en suivant l’exemple de ses devanciers dans la recherche, il poussait plus loin qu’eux et arrivait à la vérité, qu’il aurait clairement montrée, s’il eût eu le mot dont nous nous servons.
Ensuite on retrouve là le principe des jaillissements artésiens, déjà indiqué quand il parla des eaux et fontaines. Il y ajoute le sondage des terres et la stratification du sol, théories admirables qui, avec celle des faluns, ont créé vraiment la géologie. Faut-il rappeler, en outre, ses idées sur l’action de l’eau en communication avec la chaux et la fermentation, sur le rôle de la marne et du calcaire dans l’agriculture, sur la porosité des corps ? Il n’y a pas là seulement des intentions ; il y a des systèmes bien établis, des faits bien démontrés, et que la science moderne a acceptés comme des principes.
Nous devons cependant rectifier certaines idées. La marne, mélange d’argile et de calcaire qui est le plus favorable à la fertilité des terrains, doit être employée avec discernement. Un sol exclusivement argileux, ou exclusivement calcaire, est stérile. Il faut donc jeter dans la terre où le calcaire domine, une marne plus riche en argile, et vice versa. Puis notons que le marbre ou le verre n’est pas assez poreux pour laisser passer l’eau, et que la vitre n’est point traversée par la lumière ou la chaleur. C’est un phénomène particulier ; l’éther vibre et transmet la lumière. Il y a des corps transparents qui ne laissent point passer la lumière, et des corps opaques qui laissent passer la chaleur et non la lumière. La porosité n’est pas en cause.