Bible Crampon 1923/Ruth
LIVRE DE RUTH
1
u temps où les Juges gouvernaient, il y eut une famine dans le pays. Un homme de Bethléem de Juda s’en alla, avec sa femme et ses deux fils, séjourner dans les champs de Moab.
2Le nom de cet homme était Elimélech, le nom de sa femme était Noémi, et les noms de ses deux fils étaient Mahalon et Cheljon ; ils étaient Ephratéens, de Bethléem de Juda. Ils allèrent aux champs de Moab, et s’y établirent.
3Elimélech mari de Noémi, mourut, et elle resta seule avec ses deux fils, 4Il prirent des femmes moabites, dont l’une se nommait Orpha et l’autre se nommait Ruth, et ils demeurèrent là environ dix ans. 5Mahalon et Cheljon moururent aussi tous deux, et la femme resta privée de ses deux fils et de son mari.
6Alors, s’étant levée, elle et ses belles-filles, elle quitta les champs de Moab, car elle avait appris dans la campagne de Moab que Yahweh avait visité son peuple et lui avait donné du pain. 7Elle sortit donc du lieu où elle s’était établie, avec ses deux belles-filles et elles se mirent en route pour retourner au pays de Juda. 8Noémi dit à ses deux belles-filles : « Allez, retournez chacune dans la maison de votre mère. Que Yahweh use de bonté envers vous, comme vous l’avez fait envers ceux qui sont morts et envers moi ! 9Que Yahweh vous fasse trouver à chacune du repos dans la maison d’un époux ! » Et elle les baisa. Elles élevèrent la voix et pleurèrent, 10et elles lui dirent : « Non ; nous retournerons avec toi vers ton peuple. » 11Noémi dit : « Retournez, mes filles ; pourquoi viendriez-vous avec moi ? Ai-je encore dans mon sein des fils qui puissent devenir vos maris ? 12Retournez, mes filles, allez. Je suis trop âgée pour me remarier. Et quand je dirais : J’ai de l’espérance ; quand je serais cette nuit même à un mari et que j’enfanterais des fils, 13attendriez-vous pour cela jusqu’à ce qu’ils fussent grands ? vous abstiendriez-vous pour cela de vous remarier ? Non, mes filles. Il m’est très amer à cause de vous que la main de Yahweh se soit appesantie sur moi[1]. » 14Et, élevant la voix, elles pleurèrent encore. Puis Orpha baisa sa belle-mère, mais Ruth s’attacha à elle.
15Noémi dit à Ruth : « Voici que ta belle-sœur s’en est retournée vers son peuple et vers son dieu ; retourne avec ta belle-sœur. » 16Ruth répondit : « Ne me presse pas de te laisser en m’en retournant loin de toi. Où tu iras, j’irai ; où tu demeureras, je demeurerai ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu ; 17où tu mourras, je mourrai et j’y serai ensevelie. Que Yahweh me traite dans toute sa rigueur, si autre chose que la mort me sépare de toi[2] ! » 18Voyant que Ruth était décidée à l’accompagner, Noémi cessa ses instances.
19Elles s’en allèrent toutes deux, jusqu’à ce qu’elles arrivassent à Bethléem. Lorsqu’elles entrèrent dans Bethléem, toute la ville fut émue à cause d’elles, et les femmes disaient : « Est-ce là Noémi ? » 20Elle leur dit : « Ne m’appelez pas Noémi ; appelez-moi Marah, car le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume[3]. 21Je m’en suis allée les mains pleines, et Yahweh me ramène les mains vides. Pourquoi m’appelleriez-vous Noémi, après que Yahweh a témoigné contre moi et que le Tout-Puissant m’a affligée[4] ? »
22C’est ainsi que Noémi revint et, avec elle, sa belle-fille, Ruth la Moabite, qui était arrivée des champs de Moab. Elles arrivèrent à Bethléem au commencement de la moisson des orges.1Noémi avait un parent du côté de son mari ; c’était un homme puissant et riche, de la famille d’Elimélech et son nom était Booz.
2Ruth, la Moabite, dit à Noémi : « je voudrais bien aller aux champs glaner des épis derrière celui aux yeux duquel j’aurai trouvé grâce. » Elle lui répondit : « Va, ma fille. »
3Ruth s’en alla et vint glaner dans un champ derrière les moissonneurs ; et il se rencontra qu’elle arriva dans la pièce de terre qui appartenait à Booz, qui était de la famille d’Elimélech. 4Et voilà que Booz vint de Bethléem, et il dit aux moissonneurs : « Yahweh soit avec vous ! » Ils lui répondirent : « Yahweh te bénisse ! » 5Et Booz dit à son serviteur établi sur les moissonneurs : « À qui est cette jeune fille ? » 6Le serviteur établi sur les moissonneurs répondit : « C’est une jeune Moabite, qui est revenue avec Noémi des champs de Moab. 7Elle nous a dit : Laissez-moi glaner et ramasser des épis entre les gerbes, derrière les moissonneurs, Et, depuis ce matin qu’elle est arrivée, jusqu’à présent, elle a été debout, et ce repos qu’elle prend dans la maison est court. »
8Booz dit à Ruth : « Ecoute, ma fille, ne va pas glaner dans un autre champ ; ne t’éloigne pas d’ici, et reste ainsi avec mes servantes. 9Regarde le champ que l’on moissonnera, et va derrière elles. N’ai-je pas défendu aux serviteurs de te toucher ? Et quand tu auras soif, tu iras aux cruches, et tu boiras de ce que les serviteurs auront puisé. » 10Alors, tombant sur sa face, elle se prosterna contre terre et lui dit : « Comment ai-je trouvé grâce à tes yeux, pour que tu t’intéresses à moi, qui suis une étrangère ? » 11Booz lui répondit : « On m’a rapporté tout ce que tu as fait pour ta belle-mère après la mort de ton mari, et comment tu as quitté ton père et ta mère et le pays de ta naissance, et tu es venue vers un peuple que tu ne connaissais pas auparavant. 12Que Yahweh te rende ce que tu as fait, et que ta récompense soit pleine, de la part de Yahweh, le Dieu d’Israël, sous les ailes duquel tu es venue te réfugier ! » 13Et elle dit : « Oh ! que je trouve grâce à tes yeux, mon seigneur ! Car tu m’as consolée, et tu as parlé au cœur de ta servante, bien que je ne sois pas même comme l’une de tes servantes[5]. » 14Au moment du repas, Booz dit à Ruth : « Approche, mange du pain et trempe ton morceau dans le vinaigre. » Elle s’assit à côté des moissonneurs ; Booz lui donna du grain rôti ; elle mangea et se rassasia, et elle garda le reste ; 15ensuite elle se leva pour glaner. Et Booz donna cet ordre à ses serviteurs : « qu’elle glane aussi entre les gerbes, et ne lui faites pas de honte ; 16et même vous tirerez pour elle quelques épis des javelles, que vous laisserez par terre, afin qu’elle les ramasse, et vous ne lui ferez point de reproches. »
17Elle glana dans le champ jusqu’au soir, et elle battit ce qu’elle avait glané ; il y eut environ un épha d’orge. 18Elle l’emporta et revint à la ville, et sa belle-mère vit ce qu’elle avait glané. Elle tira aussi ce qu’elle avait gardé de reste après son repas, et le donna[6]. 19Sa belle-mère lui dit : « Où as-tu glané aujourd’hui, et où as-tu travaillé ? Béni soit celui qui s’est intéressé à toi ! » Et Ruth fit connaître à sa belle-mère chez qui elle avait travaillé, en disant : « L’homme chez qui j’ai travaillé aujourd’hui s’appelle Booz. » 20Noémi dit à sa belle-fille : « Qu’il soit béni de Yahweh de ce qu’il n’a pas cessé d’être miséricordieux envers les vivants, aussi bien qu’envers ceux qui sont morts ! » Noémi lui dit encore : « Cet homme est pour nous un proche parent et l’un de ceux qui ont sur nous droit de rachat. » 21Ruth, la Moabite, dit : Il m’a dit encore : « Reste avec mes serviteurs jusqu’à ce qu’ils aient achevé toute ma moisson. » 22Et Noémi dit à Ruth, sa belle-fille : « Il est bon, ma fille, que tu sortes avec ses servantes, afin qu’on ne te maltraite pas dans un autre champ. »
23Elle resta donc avec les servantes de Booz pour glaner, jusqu’à la fin de la moisson des orges et de la moisson du froment; et elle demeurait avec sa belle-mère[7].1Noémi, sa belle-mère lui dit : « Ma fille, je veux te chercher un lieu de repos où tu sois heureuse. 2Et maintenant, Booz, avec les servantes duquel tu as été, n’est-il pas notre parent ? Voici qu’il doit vanner cette nuit l’orge qui est dans l’aire[8]. 3Lave-toi et oins-toi, mets tes plus beaux vêtements, et descends vers l’aire. Ne te laisse pas apercevoir de lui, jusqu’à ce qu’il ait achevé de manger et de boire. 4Et quand il ira se coucher, observe le lieu où il se couche ; puis entre, soulève la couverture de ses pieds et couche-toi ; lui-même te dira ce que tu as à faire. » 5Elle lui répondit : « Je ferai tout ce que tu me dis. »
6Elle descendit dans l’aire et fit tout ce que lui avait ordonné sa belle-mère. 7Booz mangea et but, et son cœur fut joyeux. Il alla se coucher à l’extrémité du tas de gerbes ; alors Ruth s’approcha doucement, découvrit ses pieds et se coucha. 8Au milieu de la nuit, cet homme eut une frayeur ; il se pencha et, voici qu’une femme était couchée à ses pieds. 9Il dit : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis Ruth, ta servante ; étends sur ta servante le pan de ton manteau, car tu as droit de rachat. » 10Il dit : « Bénie sois-tu de Yahweh, ma fille ! Ton dernier amour surpasse le premier, car tu n’as pas recherché des jeunes gens, pauvres ou riches. 11Maintenant, ma fille, ne crains point ; tout ce que tu diras, je le ferai pour toi ; car tout le peuple de Bethléem sait que tu es une femme vertueuse[9]. 12Maintenant, c’est en vérité que j’ai un droit de rachat, mais il y en a un autre plus proche que moi. 13Passe ici la nuit ; et demain, s’il veut te racheter, c’est bien, qu’il te rachète ; mais s’il ne veut pas te racheter, je te rachèterai, moi. Yahweh est vivant ! Reste couchée jusqu’au matin ! »
14Elle resta donc couchée à ses pieds jusqu’au matin, et elle se leva avant qu’un homme pût en reconnaître un autre. Booz dit : « Qu’on ne sache pas que cette femme est entrée dans l’aire. » 15Et il ajouta : « Donne le manteau qui est sur toi, et tiens-le. » Elle le tint : et il mesura six mesures d’orge, qu’il chargea sur elle ; puis il rentra dans la ville[10].
16Ruth étant revenue auprès de sa belle-mère, Noémi lui dit : « Qu’as-tu fait, ma fille ? » Ruth lui raconta tout ce que cet homme avait fait pour elle[11] : 17« Il m’a donné, ajouta-t-elle, ces six mesures d’orge, en me disant : Tu ne retourneras pas les mains vides chez ta belle-mère. » 18Et Noémi dit : « Reste ici, ma fille, jusqu’à ce que tu saches comment finira l’affaire ; car cet homme ne se donnera point de repos qu’il n’ait terminé cette affaire aujourd’hui. »
1Booz monta à la porte de la ville et s’y assit. Or voici que celui qui avait droit de rachat et dont Booz avait parlé, vint à passer. Il lui dit : « Arrête-toi, assieds-toi ici, toi un tel. » Cet homme s’arrêta et s’assit. 2Alors Booz prit dix hommes parmi les anciens de la ville, et il dit : « Asseyez-vous ici. » Et ils s’assirent. 3Il dit à celui qui avait le droit de rachat : « La portion de champ qui appartenait à notre frère Elimélech, a été vendue par Noémi, qui est revenue des champs de Moab. 4Et j’ai dit : je veux t’en informer et te dire : Achète-la en présence de ceux qui siègent ici, et en présence des anciens de mon peuple. Si tu veux racheter, rachète ; si tu ne veux pas, déclare-le-moi, afin que je le sache ; car il n’y a personne avant toi qui ait le droit de rachat ; moi, je viens après toi. » Il répondit : « Je rachèterai. » 5Et Booz dit : « Le jour où tu acquerras le champ de la main de Noémi, tu l’acquerras en même temps de Ruth la Moabite, femme du défunt, pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage. » 6Celui qui avait le droit de rachat répondit : « Je ne puis pas le racheter pour mon compte, de peur de détruire mon propre héritage. Fais usage de mon droit de rachat, car je ne puis racheter. » 7C’était autrefois la coutume en Israël, en cas de rachat et d’échange, pour valider toute affaire, que l’homme ôtât son soulier et le donnât à l’autre cela servait de témoignage en Israël[12]. 8Celui qui avait le droit de rachat dit à Booz : « Acquiers pour ton compte. » Et il ôta son soulier. 9Et Booz dit aux anciens et à tout le peuple : « Vous êtes témoins aujourd’hui que j’ai acquis de la main de Noémi tout ce qui appartenait à Elimélech, et tout ce qui appartenait à Cheljon et à Mahalon, 10et que j’ai acquis en même temps pour femme Ruth la Moabite, femme de Mahalon, pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage, afin que le nom du défunt ne soit point retranché d’entre ses frères et de la porte de son lieu[13]. Vous en êtes témoins en ce jour ! » 11Tout le peuple qui était à la porte et les anciens dirent : « Nous en sommes témoins. Que Yahweh rende la femme qui entre dans ta maison semblable à Rachel et à Lia, qui toutes les deux ont bâti la maison d’Israël ! Sois fort dans Ephrata, et fais-toi un nom dans Bethléem ! 12Puisse ta maison être semblable à la maison de Pharès, — que Thamar enfanta à Juda, — par la postérité que Yahweh te donnera de cette jeune femme ! »
13Booz prit Ruth, et elle fut sa femme, et il alla vers elle. Yahweh donna à Ruth de concevoir, et elle enfanta un fils. 14Les femmes dirent à Noémi : « Béni soit Yahweh, qui ne t’a point laissé manquer aujourd’hui d’un rédempteur ! Que son nom devienne célèbre en Israël ! 15Il restaurera ton âme et sera le soutien de ta vieillesse ! Car ta belle-fille, qui t’aime, l’a enfanté, elle qui vaut mieux pour toi que sept fils[14]. » 16Noémi prit l’enfant, le mit sur son sein, et elle lui servit de nourrice. 17Les voisines lui donnèrent un nom, en disant : « Un fils est né à Noémi ! » Et elles l’appelèrent Obed. Ce fut le père d’Isaï, père de David.
18Voici la postérité de Pharès : Pharès engendra Esron[15] ; 19Esron engendra Aram ; Aram engendra Aminadab ; 20Aminadab engendra Nahasson ; Nahasson engendra Salmon ; 21Salmon engendra Booz ; Booz engendra Obed ; 22Obed engendra Isaï : Isaï engendra David.
- ↑ Il m’est très amer, etc. D’autres : Mon affliction est plus grande que la vôtre, car la, etc.
- ↑ Que Yahweh me traite, etc. ; litt., qu’ainsi Yahweh me traite et qu’ainsi il ajoute : formule de serment d’un fréquent usage dans les livres des Rois.
- ↑ Noémi évoque l’idée de douceur ; Marah vient d’une racine qui veut dire être amer.
- ↑ A témoigné contre moi, m’a déclarée coupable par les malheurs dont il m’a frappée. Toute infortune passait alors pour un châtiment divin. LXX et Vulg., m’a humiliée.
- ↑ Que je trouve grâce. La Vulg. traduit par l’indicatif, j’ai trouvé grâce.
- ↑ Après son repas, m. à m. après s’être rassasiée.
- ↑ Et elle demeurait (LXX) avec sa belle-mère, retournant chez elle chaque soir. La Vulgate traduit comme s’il y avait taschoub (de schoub, retourner), et rattache ces mots au chap. suiv. : Or, après que Ruth fut revenue chez sa belle mère, Noémi lui dit.
- ↑ L’orge qui est dans son aire, m. à m. l’aire des orges.
- ↑ Tout le peuple de Bethléem, litt. toute la porte (la ville) de mon peuple : en Orient, les habitants ont coutume de se réunir sur la place publique, qui est, non au centre de la ville, mais tout près de la porte ; de là cette locution.
- ↑ Il rentra ; Vulg., elle rentra.
- ↑ Qu’as-tu fait, ma fille, m. à m. qui es-tu, ma fille, peut être dans le sens de : comment vas-tu, ma fille ?
- ↑ Cette coutume tire sans doute son origine de ce fait qu’on prenait possession d’un bien fonds en y posant le pied. Oter son soulier et le donner à un autre devint donc le signe naturel de la transmission de la propriété.
- ↑ La porte de son lieu, de sa ville.
- ↑ Rédempteur. Le mot employé (gôêl) est le terme technique pour désigner celui qui a un droit de rachat. Mais il semble bien s’appliquer ici à l’enfant dont la présence mettra fin au deuil de Noémi et fera revivre le nom du défunt.
- ↑ La postérité : cette généalogie renferme 10 noms, 5 pour le séjour en Égypte (430 ans), 5 pour la période comprise entre la sortie d’Égypte et David (476 ans jusqu’à la mort de David). Cet arrangement paraît intentionnel ; plusieurs noms sont certainement omis. Comp. I Par. ii, 10-12 ; Matth. i, 3-6 ; Luc, iii, 32 sv. Esron : voy. Gen. xlvi, 12.