Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1/Éducation

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La Bibliothèque Canadienne, Tome I, Numéro 1, Texte établi par M Bibaud, éditeur et propriétaire, Imprimerie J. LaneVolume I, Numéro 1 (juin 1825) (p. 22-25).
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ÉDUCATION.


L’Éducation est une des parties de l’économie morale, si nous pouvons ainsi parler, que nous nous proposons de suivre avec le plus de soin. Nous espérons pouvoir nous procurer pour la suite tous les renseignemens nécessaires pour parler avec certitude des commencemens, des progrès et de l’état actuel de nos principaux établissemens pour l’enseignement des sciences et des lettres, et même des élémens de l’éducation. Quoiqu’on en puisse dire, l’instruction fait tous les jours des progrès parmi nous : il est présentement peu de paroisses un peu considérables, où il n’y ait une école tenue sur un pied plus ou moins respectable, sans parler de l’enseignement privé qui s’étend aussi de son côté, et peut-être dans une plus grande proportion encore que l’enseignement public. Quoique les Résolutions suivantes aient déjà paru dans le Spectateur Canadien, on ne trouvera peut-être pas mauvais que nous les publiions ici.

« Dans une assemblée des Bourgeois et Notables de la Paroisse St. Pierre de L’Assomption, dans le district de Montréal, convoquée par Messire Gaulin, Prêtre, Curé de la dite paroisse, et qui a eu lieu ce jourd’hui au village de L’Assomption, aux fins de prendre en considération les moyens les plus convenables pour l’établissement d’une École en la dite paroisse St. Pierre, les résolutions suivantes ont eu lieu, comme suit :

Résolu, Qu’un comité de onze membres soit nommé immédiatement pour gouverner la dite École, faire tous marchés, règlemens, &c. à ce nécessaires.

Résolu, Que Messieurs Remy Gaulin, prêtre, Charles De St. Ours, Laurent Leroux, J. E. Faribault, Bmy. Joliette, Alexandre Mabbut, Charles Leodel, Ls. Jos. Chs. Cazeneuve, Benjamin Beaupré, Amable Archamuault, et Joseph Le Sanche, composent le dit comité ; que le dit Messire R. Gaulin, prêtre, soit Président d’icelui, et C. De St. Ours Vice-Président, comme aussi que L. Leroux, Ecr. soit Trésorier du dit comité et Mr. L. J. C. Cazeneuve, Secrétaire.

Résolu, Que sept membres du dit comité, y compris le président, ou en son absence, le vice-président, formeront le quorum.

Résolu, Qu’il est nécessaire et expédient d’ouvrir immédiatement une souscription pour aider à payer le ou les Instituteurs de la dite École, et pour d’autres fins.

Résolu, Que toute personne qui souscrira à l’avenir la somme de trente schelins courant, payables chaque année, durant trois années, pour le soutien de la dite École, deviendra de plein droit membre du dit comité.

Résolu, Que si aucun des souscripteurs néglige de payer le montant de sa souscription entre les mains du trésorier, il perdra en tel cas, si le comité le juge à propos, son droit comme membre du comité.

Résolu, Que les deniers qui seront perçus par le moyen de la dite souscription, ainsi que ceux qui proviendront de toute autre manière, pour le soutien de l’École susdite, seront employés conformément à ce qu’il sera réglé par le dit comité.

Résolu, Que le comité ne s’assemblera qu’à la réquisition du président ou du vice-président, qui ne pourront requérir telle assemblée que sur la demande qui leur en sera faite par écrit par deux membres du dit comité.

Résolu, Que les remercimens de cette assemblée sont dûs à Messire Gaulin, prêtre, en reconnaissance de son assistance à former l’établissement de la susdite École.

Lesquelles résolutions ont été signées des personnes présentes à la dite assemblée.

L’Assomption, le 12 Avril, 1825. »


Utilité des Journaux Scientifiques et Littéraires par rapport à l’Instruction.


Si l’on me permet de parler de moi-même, je dirai que c’est à la lecture de journaux de l’espèce ci-dessus que je dois principalement d’avoir fait un cours d’étude régulier. Dès l’enfance, je fus curieux d’apprendre ; mais peut-être au désir de l’instruction se mêlait-il toujours quelque chose d’étranger. À l’âge de sept à huit ans, ma plus grande ambition était d’être enfant de chœur ; et pour le devenir, je désirais d’apprendre à lire, parceque, selon ce qu’on m’avait fait entendre, c’était là une condition sine quâ non. Un peu plus tard, lorsque j’eus appris à lire, écrire, &c. être écolier au collège me semblait à peu près le comble du bonheur. Mais au désir d’apprendre davantage que je devais, en grande partie, à quelques livres qui m’étaient tombés sous la main, se joignait le goût pour l’habit bleu uniforme des écoliers du collège, leurs jeux, leurs promenades en corps, &c. Cependant, ce désir ardent d’entrer au collège, auquel mes parens, qui demeuraient loin de la ville, n’avaient pu se conformer, parceque payer pour moi une pension eût été une chose à peu près audessus de leurs moyens, ce désir ardent, dis-je, s’éteignit peu à peu ; tellement qu’à quelque tems de là, mon père m’ayant demandé si je désirais encore d’aller au collège, je lui donnai à entendre que je trouvais le chemin trop long, sans m’informer s’il avait l’intention de me l’accourcir. Un peu plus tard, étant chez un oncle, et ne pensant plus au collège, il me tomba sous la main un tome des Journaux de Trévoux. On sait que ces journaux contenaient des extraits et la critique des différents ouvrages qui se publiaient alors. Je lus tout ce que je pus, ou crus pouvoir comprendre, dans ce volume, avec une avidité et un plaisir presque indiscibles. La lecture d’un autre tome des mêmes journaux me fit éprouver les mêmes sensations. Alors renaquit tout mon premier penchant pour l’étude, mais sans aucun mélange de motifs étrangers. Ce n’étaient plus ni le surplis ni la ceinture qui me charmaient ; c’était le savoir, uniquement le savoir, dans l’intention pourtant d’en faire, quand je l’aurais acquis, un usage convenable. Il me semblait que si je ne parvenais pas à me mettre au fait des sciences dont il était parlé dans mes deux volumes, je ne pouvais vivre, ou ne pouvais être que malheureux tant que je vivrais. Mes parens, voyant non seulement à mon discours, mais encore à toute mon habitude mentale et corporelle, que ce soin me dévorait en quelque sorte, se déterminèrent à me faire étudier, quoiqu’il leur en coutât.

M.