Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1/Chirurgie

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Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1
La Bibliothèque Canadienne, Tome I, Numéro 1, Texte établi par M Bibaud, éditeur et propriétaire, Imprimerie J. LaneVolume I, Numéro 1 (juin 1825) (p. 21-22).

CHIRURGIE.


Nous pourrons donner, dans un des numéros suivants, la thèse d’un de nos docteurs Canadiens sur l’hydrophobie, maladie accidentelle qui a été funeste à plusieurs personnes dans ce pays, depuis un certain nombre d’années, faute d’un remède efficace. En attendant, nous croyons à propos de publier la recette suivante.

Extrait d’une lettre de Lyon. — En juin, 1824, un homme fut cruellement mordu par un chien qui, quelques jours après, mourut enragé. Sa femme suça la blessure, la nétoya complètement de toute la matière venimeuse, et de l’avis de son chirurgien, M. Dupin, l’opération fut plusieurs fois réitérée, et la plaie fut laissée ouverte pour donner lieu à l’écoulement. L’homme se rétablit, et il est maintenant bien portent. La femme a été désignée depuis sous le nom de chien-suc. Nous avons présentement trois femmes dont l’occupation, durant les mois d’été, est de sucer les blessures hydrophobiques, et que l’on désigne par la même dénomination. Le prix est de dix francs pour la première opération, et de cinq francs pour chaque opération suivante. Un monsieur anglais a été mordu dernièrement par un bichon auquel on a remarqué des symptômes d’hydrophobie, et qui a été tué ; mais il est tellement persuadé de l’efficacité de cette nouvelle opération à laquelle il a eu recours, qu’il n’appréhende aucun effet funeste de la morsure, et est aussi content et aussi gai que si rien n’était arrivé. J’ai examiné la plaie ; elle est un peu enflammée, depuis la dernière opération du chien-suc ; mais je ne doute nullement de sa guérison. Un traitement instantanné est, dans ces cas, de la plus grande importance : la personne même qui a été mordue, peut sucer la plaie sans le moindre danger. Depuis le 1er. de juin dernier, pas moins de trente-huit personnes ont été mordues par des chiens enragés, et pas une d’elles n’a éprouvé le moindre symptôme d’hydrophobie, grâces à l’adoption de ce nouveau système. »

Les rédacteurs du Medical Repository de Londres, donnent le cas suivant comme extraordinaire par sa rareté, sous le titre de

Ossification du Péricarde et d’une partie du Cœur.

« Le sujet, nommé Marsh, âgé de 43 ans, fut admis à l’hopital de Kent, le 30 juillet, 1824, malade d’une hydropisie générale. Il était sujet à des palpitations de cœur depuis plus de vingt ans. Il avait eu souvent recours à la médecine, et la saignée était ce qui l’avait soulagé davantage. Elle eut, avec des médecines diurétiques, le même effet pour un tems, à l’hopital. Il en sortit presque guéri, le 25 août ; mais il y rentra le 23 septembre, dans un état pire que le premier. L’extrême difficulté avec laquelle il respirait, avait été soulagée, pendant son absence, par la saignée ; mais elle était revenue presque aussitôt, et lorsqu’il arriva à l’hopital, il était forcé de se tenir à genoux les coudes appuyés sur une chaise, et à peine dans cette posture pouvait-il respirer. On eut en vain recours aux remèdes qui lui avaient procuré du soulagement la première fois. Il mourut le 3 octobre, et l’on observa les phénomènes suivants, à l’ouverture du corps, qui eut lieu treize heures après le décès.

« En ouvrant la poitrine, on y trouva répandue une quantité considérable de fluide aqueux. Les poumons adhéraient fortement des deux côtés à la plèvre costale : ils étaient d’une teinte plus pâle que d’ordinaire, mais sains d’ailleurs. Le fort de la maladie, comme on s’y était attendu, gisait dans le cœur et la membrane qui l’environne. Cette dernière était fort endurcie, et adhérait partout fortement au cœur. En la disséquant pour l’enlever, on en trouva plusieurs parties changées en os ; le cœur lui-même, qui excédait le double de la grosseur accoutumée, se trouva ossifié en plusieurs points de sa surface. On trouva aussi une matière osseuse dans le ventricule gauche, mais la substance de l’organe était en général extrêmement tendre, et l’auricule gauche était si mince que très probablement il aurait crevé de lui-même, si le malade avait vécu encore quelque tems. Ni les valves sémilunaires, ni celles qu’on appelle auriculo-ventriculaires n’étaient ossifiées. Les viscères abdominaux étaient généralement sains, si ce n’est que le foie était livide et peut-être un peu plus dur qu’il ne l’est naturellement. On trouva plusieurs petits calculs dans la vessie du fiel. »

La Chirurgie est une des sciences pratiques qui ont fait le plus de progrès en Europe, particulièrement en Angleterre et en France, depuis un certain nombre d’années. Presque tous les ans, cet art enfante à Londres et à Paris des merveilles nouvelles. Qui n’a pas entendu parler, par exemple, des opérations étonnantes des Dupuytren et des Richerand ? Mais ce n’est pas seulement la veille Europe qui se distingue dans un art si utile, et quelquefois si difficile et si délicat ; l’Amérique a aussi ses chirurgiens thaumaturges. Nous citerons pour exemple le docteur Lobatut, de la Louisiane. Un jeune homme de ce pays était aveugle depuis dix ans. Il s’était marié dans cet intervalle, et était devenu père de plusieurs enfans. Ayant entendu parler de la grande habileté du Dr. Lobatut, de la Nouvelle-Orléans, comme oculiste, il se hâta de s’aller mettre sous ses soins, laissant sa famille au Bâton-Rouge, lieu de sa demeure. En moins de quinze jours, le docteur Louisianais lui rendit l’usage parfait de la vue, et il se trouva en état de s’en retourner voir pour la première fois sa femme et ses enfans.