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Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1/Architecture

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La Bibliothèque Canadienne, Tome I, Numéro 1, Texte établi par M Bibaud, éditeur et propriétaire, Imprimerie J. LaneVolume I, Numéro 1 (juin 1825) (p. 19-20).

ARCHITECTURE.


On lira sans doute avec plaisir la description abrégée qui suit de la nouvelle Église paroissiale qui se bâtit actuellement à Montréal. Cette description a été donnée en anglais, l’année dernière, après la bénédiction de la première pierre, par l’architecte, Mr. O’Donell ; mais, à notre connaissance, on n’en a publié nulle part la traduction en français.

Cette grande Église, échantillon régulier de l’architecture gothique, est modellée en partie sur les plus beaux édifices de ce genre qu’il y ait maintenant en Europe. Elle est assise sur le sol primitif, et fait face à la rue Notre-Dame, ou plutôt à la Place d’Armes, et à la rue St. Joseph. Elle regarde de l’autre côté, le jardin du Séminaire, et un terrain vaste par derrière ; de sorte qu’il eut été impossible de trouver, même de désirer, une meilleure situation. La longueur totale de l’édifice est de 255 pieds, de l’Est à l’Ouest, et sa largeur de 134 pieds. Il y aura six tours, tellement disposées que chaque flanc, ou long pan, en présentera trois, le pan de derrière, ou de l’Est, deux, et le pan de devant, ou le frontispice, aussi deux, de 200 pieds de hauteur. Ces tours seront de forme quadrangulaire et auront à chacun de leurs angles des pilastres octogones, qui se termineront au haut par des pinacles piramidaux. La courtine, ou l’espace entre les deux grandes tours de devant, aura 73 pieds de largeur sur 112 de hauteur, et sera couronnée par un parapet crénelé. Les tours seront couronnées du même parapet.

Il y aura cinq entrées publiques et trois entrées privées dans le corps de l’Église, et quatre dans les tribunes ; de sorte que 10,000 personnes (le nombre que l’édifice pourra contenir à l’aise) pourront y entrer et en sortir commodément, dans l’espace de cinq minutes. Les portes et les fenêtres auront pour contour l’arche gothique en pointe. La fenêtre de l’Est, derrière le maître autel, qui aura 68 pieds de hauteur sur 32 de largeur, sera divisée par des colonnades qui se couperont en arches par le haut, en cinq compartimens, et subdivisée par des croisillons en panneaux trifoliés au sommet, pour recevoir des verres peints. Cette fenêtre sera vue avec beaucoup d’avantage de l’entrée du front, en même tems que les fenêtres des longs pans, les tribunes des deux côtés, et le plafond ou lambris, qui aura 80 pieds de hauteur. La voute de ce lambris sera soutenue en partie par deux rangs de colonnes groupées, chacune de trois pieds et six pouces de diamètre, et du haut desquelles partiront des arches qui seront traversées par des diagonales sculptées en bas relief, pour partager le plafond en compartimens vastes et ornés. Les fenêtres des longs pans, au nombre de neuf de chaque côté, auront 36 pieds de hauteur, sur 10 de largeur, et seront faites d’après le même modèle que celle de l’Est. Il y aura à l’extérieur des longs pans, entre les fenêtres des pilastres de même forme que ceux des tours, et terminés de même par des pinacles. Ces pilastres seront creux pour pouvoir servir de cheminées.

Il y aura dans l’Église sept autels, placés de manière à être vus à la fois des grandes portes de devant. Le maître autel sera aperçu en ligne droite un peu au delà de l’extrémité de la nef, et sera élevé dans le chœur de trois pieds audessus du niveau du plancher de l’Église, et entouré d’une rangée sémicirculaire de sièges pour le clergé, lequel entrera dans le chœur par une porte placée derrière le grand autel. Le devant du chœur restera ouvert, et l’on y montera par des degrés de peu d’élévation, en forme de cyme renversée. Les planchers suivront un plan légèrement incliné, depuis la grande entrée jusqu’au maître autel ; ce qui ne contribuera pas peu à rehausser le coup d’œil, et à faciliter à tous les assistans la vue du chœur et des cérémonies. Tout l’intérieur sera distribué pour la plus grande commodité possible, et de manière à produire un effet aussi imposant qu’agréable : il sera tempéré l’hiver par un air échauffé dans des fourneaux construits sous le plancher.

L’Église sera entourée d’une terrasse spacieuse audessus de laquelle seront toutes les entrées. Cette terrasse sera sur l’alignement des rues Notre Dame et St. Joseph, et l’édifice sera éloigné de 36 pieds de la rue Notre Dame, ou du bord extérieur de la terrasse, d’où il y aura une suite de marches jusqu’au portail, qui sera formé par une arcade consistant en trois arches, chacune de 19 pieds de largeur sur 47 de hauteur. Sous cette arcade, on entrera, par trois portes dans le bas de l’Église, et par deux dans les tribunes. Audessus de cette première arcade, il y en aura une autre de même forme, par laquelle les piliers seront joints ensemble. Il y aura des niches à sommets en feuilles de trèfle, pour recevoir des figures de marbre en haut relief. Audessus de la façade, entre les tours, il y aura une promenade de 75 pieds sur 25, élevée de 112 pieds audessus du niveau de la place. L’accès à cette promenade, d’où l’on aura un coup d’œil étendu et magnifique sur le fleuve et les campagnes environnantes, sera d’un accès sûr et facile même pour les femmes et les enfans. Les tours de devant sont destinées à recevoir des cloches à carillon, des horloges, et à servir d’observatoires. Enfin, la nouvelle Église paroissiale réunira la solidité, la grandeur, la régularité, la beauté simple et la commodité, et fera honneur en général au Canada, et en particulier à la ville de Montréal.


Nous tâcherons de nous procurer, pour le numéro prochain, la description scientifique de l’Église de St. Jacques, telle qu’elle doit être, lorsqu’elle sera achevée.