Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BELLER, Balthazar

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BELLER (Balthazar) ou BELLÈRE, imprimeur, celui des fils de Jean Beller d’Anvers qui alla établir une imprimerie à Douai vers la fin du xvie siècle. Jusqu’à l’érection de son université, en 1502, cette ville importante de l’ancienne Flandre n’avait pas eu d’imprimerie ; cet art fut pratiqué en 1574 avec un peu d’extension par Jean Bogard, qui y fut appelé de Louvain, et il produisit bientôt des ouvrages longtemps recherchés poiur l’élégance des caractères et la correction des textes. Ce fut en 1590 que Balthazar Beller fonda une maison dans la même ville, et se montra digne de la réputation de l’établissement paternel à Anvers. Il va de soi que l’orthographe de son nom de famille fut Bellère au lieu de Beller suivant la manière dont il fut prononcé dans le Hainaut, la Flandre et l’Artois. Les recherches d’un savant bibliophile, M. H. Duthillœul, nous ont fourni des renseignements précis sur l’étendue de ses entreprises. Balthazar Beller habitait à Douai, rue des Écoles, à l’enseigne du Compas d’or. Quelquefois le compas, dirigé par une main sur une planche à tracer, avec la devise : Labore ac perseverantiâ, servait de vignette aux ouvrages qu’il publiait ; c’était l’emblème adopté de préférence par Plantin et Moretus à Anvers, par Fr. Raphelengius à Leyde. Mais le plus généralement, le titre de ses livres portait une vignette représentant une licorne plongeant sa corne dans un fleuve, avec l’inscription : Venena pello. On est parvenu à relever les titres des publications les plus rares de la maison Beller de Douai ; et il est avéré qu’elle a mis au jour des ouvrages considérables en même temps que de petits volumes en latin, en français et en d’autres langues. Il existe un catalogue des impressions qu’elle avait exécutées au bout de peu d’années et d’un assortiment de livres de tout genre, théologie, sciences, éducation, piété, dont elle faisait commerce : Thesaurus bibliothecarius, sive Cornu copiæ librariæ Bellerianæ, cum duobus supplementis ; in-4o de 58 p., ann. 1603-1605. Encore unie à nos provinces, soumise au même gouvernement, la ville de Douai, comme l’a dit M. Duthillœul, était, au commencement du xviie siècle, « un centre d’instruction vraiment imposant, puisqu’un de ses libraires tenait une pareille collection de livres à la disposition des professeurs et des étudiants. » Sans nul doute, Balthazar Beller était un homme non moins instruit que ses confrères qui ont écrit de leur main des notes, des préfaces, des dédicaces dans les livres qu’ils publiaient. Il avait mis quelques vers latins à l’adresse de toutes les facultés en tête du catalogue que nous venons de mentionner :

Thesaurum damus. Ecquis hune recuset ?
Et gratis damus. Ecquis hune maligna
Contractet, legat, aut manu revolvat ?

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Parmi les publications importantes qui firent honneur à Douai, à l’activité du typographe anversois, nous citerons uniquement les Biblia sacra, édition en six volumes in-folio (1617), imprimée avec le concours de Jean Kerberg d’Anvers ; la Bibliotheca mundi et le Speculum quadruplex de Vincent de Beauvais, la dernière édition d’un Miroir, justement célèbre entre les Encyclopédies du moyen âge (4 vol. in-folio d’environ 2,000 pages, année 1624), et enfin le grand ouvrage d’André Hoius, de Bruges, professeur royal d’histoire et d’éloquence à Douai : Historia sacra et profana, etc., (1629, in-folio.) Nous releverons surtout, en l’honneur d’un commentateur formé dans les écoles belges, la réimpression, à Douai, des éditions de Virgile et d’Horace publiées auparavant chez Plantin, à Anvers, par les soins de Théodore Pulmannus ou Poelman. Balthazar Beller fournit à Douai une belle carrière sous le gouvernement des archiducs ; on sait qu’il fut mandé en 1600, à Bruxelles, devant leur conseil privé, pour avoir imprimé les Slatuta synodi Diocesanæ Tornacensis, sans avoir demandé l’autorisation civile. On présume que l’imprimeur de Douai, du prénom de Balthazar, est mort vers le milieu du xviie siècle ; mais que son entreprise a été continuée par un fils du même prénom, jusqu’à l’année 1691 ; car il est naturel de partager entre deux hommes la direction d’un semblable établissement qui a publié grand nombre d’ouvrages connus dans le cours d’un siècle (1590-1691). C’est sans doute la veuve du second des Balthazar Beller qui a maintenu l’établissement de 1691 à 1713, et des membres de la même famille ont poursuivi l’entreprise plus tard encore, comme le prouvent des livres publiés de l’an 1713 à l’an 1722. On peut donc affirmer que les Beller de Douai ont soutenu pendant un siècle et demi, la concurrence des maisons fondées par des étrangers qui cultivèrent le même art après la fermeture de la maison renommée de Jean Bogard, mort en 1634.

Félix Nève.

Article de M. de Reiffenberg sur Jean Bellere dans la Biographie universelle, t. LVII, suppl., 1854. — Bibliographie douaisienne ou Galerie des livres imprimés à Douai depuis l’an 1563, par M. H.-R. Duthillœul ; nouv. éd. considérablement augmentée. Part. I. Douai, 1842, 1 vol. gr. in-8o ; part. Il (de l’année 1563 à 1853). Ibid., 1854, gr. in-8o. Voir t. I. pp. 69-143, 260-63, 264-66, app. p. 459. Ibid., Notices biogr., pp 405-406, t. II, pp. 12-18, 37-38, app. pp. 137-139.