Biographies de l’honorable Barthélemi Joliette et de M le Grand vicaire A Manseau/Chapitre XXXIV

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XXXIV.

Fondation du Collège Joliette en 1845.


Depuis longtemps, le projet de bâtir une grande maison d’éducation germait dans son esprit. Il n’attendait que l’occasion favorable pour réaliser ce vœu de son cœur.

Bientôt, à côté de l’Église, sur un vaste terrain qui devait servir de dot à la nouvelle fondation, on vit s’élever les murs d’un édifice de quatre-vingts pieds de longueur sur quarante de largeur ; c’était le futur Collège Joliette. Commencé en 1845, cette bâtisse en pierre de rang, à deux étages, se terminait l’année suivante.

Quelques semaines plus tard, dans le joli clocher qui en couronnait le toit, la cloche du grand moulin changeant de domicile et de mission, appelait dans l’enceinte du Collège naissant, l’intéressante jeunesse du Village d’Industrie.

Le bienfaiteur de l’institution, qui voulait imprimer à son œuvre le cachet de la stabilité, s’était proposé de confier le soin de cette maison d’éducation à une communauté religieuse. Dans ce but, il entreprit plusieurs démarches auprès de Mgr. Bourget qui, avec son zèle ordinaire, seconda puissamment son dessein.

En attendant que le projet en question pût être effectué, l’Évêque chargea le Rév. M. Rester, MM. Barret et Dequoy, ecclésiastiques, d’aller, en compagnie de quelques professeurs laïques, ouvrir les classes du Collège.[1]

Mais auparavant, il était juste que l’inauguration d’un établissement fondé sous l’inspiration d’une pensée de foi, empruntât à la religion quelques-unes de ses splendeurs.

En fait d’entreprises religieuses, l’Honorable B. Joliette ne faisait rien sans les conseils et la direction de son Évêque. La construction de l’Église, l’érection de son Collège et la direction qui y fut donné ne passèrent de l’état de projet à celui de faits accomplis, qu’après beaucoup de consultations dans lesquelles il se fit toujours remarquer par sa docilité, son humble soumission aux intentions et aux désirs de Mgr. de Montréal qu’il aimait et vénérait comme un bon fils aime et vénère son père. L’affection et l’estime dont l’entouraient son Évêque, le payaient largement de retour.

Le 22 Septembre 1846, fut un jour mémorable pour la paroisse de St. Charles. Feu Mgr. Prince, alors coadjuteur de Mgr. Bourget, s’était transporté au Village d’Industrie pour y faire la bénédiction du Collège qui venait d’être achevé.

Il était accompagné de feu M. le Grand-Vicaire Truteau, d’heureuse mémoire. Il y eût ce jour-là à l’Église de St. Charles, messe pontificale solennelle. En cette circonstance, comme au jour de sa bénédiction, ce temple tapissé de tentures, de verdure et de fleurs, tout retentissant de chants pieux, semblait n’avoir qu’une voix pour chanter en l’honneur de son fondateur l’hymne de la reconnaissance.

Après l’Évangile, l’Évêque monta en chaire et dans un discours plein de force et d’onction, il développa devant la foule que l’Église pouvait à peine contenir, les inappréciables avantages de l’éducation et surtout de l’éducation religieuse et catholique.

L’encouragement constant donné au Collège de M. Joliette prouve suffisamment que ces paroles avaient été comprises de la population. L’office terminé, au son des cloches et au bruit du canon, Mgr. se rendit au Collège pour en faire la bénédiction solennelle.

Les prières de l’Église étaient achevées, et la foule nombreuse qui encombrait la cour du Collège attendait encore quelque chose. Dans sa muette attitude, dans ces regards affectueux dirigés vers l’Honorable Joliette, elle semblait supplier l’Évêque de se faire auprès de son bienfaiteur, l’écho de l’universelle gratitude.

Le cœur de Mgr. Prince avait compris et ressenti lui-même ce vif et profond sentiment qui agitait la multitude. Aussi, il ne se fit pas prier ; sa bouche parla de l’abondance de son cœur. Sa pensée pleine d’heureux aperçus et d’ingénieux rapprochements se traduisit par une brillante improvisation qui laissa dans les âmes un profond souvenir.

Comme on le présume aisément, M. Joliette ne fut pas épargné, et sa modestie dût subir en silence, tous ces éloges mérités qu’accueillaient les nombreux et bruyants applaudissements de la foule.

Après avoir parlé des bienfaits de l’éducation religieuse et avoir félicité les citoyens de l’Industrie de l’heureuse fortune d’avoir au sein de leur village un établissement aussi précieux qu’une maison dirigée par les membres d’une communauté spécialement dévouée à l’instruction de la jeunesse, Mgr. Prince termina en disant : « En quittant ce Collège qui doit ouvrir ses portes aux jeunes gens de cette paroisse ainsi qu’à ceux des paroisses d’alentour, j’emporte dans mon cœur la douce pensée qu’il ne cessera de prospérer, et qu’il deviendra plus tard, une des plus florissantes maisons de cette province. »

L’œuvre patriotique et religieuse de M. Joliette allait commencer à produire des fruits. Bientôt cinquante élèves recrutés dans le village et la campagne environnante, animèrent joyeusement les salles de la nouvelle institution. Tout allait bien sous la direction du prêtre zélé et intelligent que l’Évêque avait placé à la tête du Collège naissant.

  1. M. Rester n’était que clerc à son arrivée au Collège, mais il fut ordonné prêtre quelques semaines plus tard, à Joliette, par Mgr. Gaulin, ancien Évêque de Kingston.