Henri Laurens, éditeur, s.d. (1914?) (p. Titre--).
bookBramante et l’Architecture italienne au XVIe siècleMarcel ReymondHenri Laurens, éditeurs.d. (1914?)ParisTReymond - Bramante et l’Architecture italienne au XVIe siècle, Laurens.djvuReymond - Bramante et l’Architecture italienne au XVIe siècle, Laurens.djvu/7Titre--
LES GRANDS ARTISTES
LEUR VIE — LEUR ŒUVRE
BRAMANTE
et
l’Architecture Italienne au xvie siècle
par
MARCEL REYMOND
Correspondant de l’institut
ÉTUDE CRITIQUE
Illustrée de vingt-quatre planches hors texte
PARIS
librairie renouard
HENRI LAURENS, ÉDITEUR
6, Rue de Tournon (vie)
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
On désigne sous le nom de Renaissance l’influence exercée,
à la fin du moyen âge, sur les civilisations modernes
par la littérature, la philosophie et les arts antiques. De la
nature de cette influence et de l’époque à laquelle elle s’est
manifestée, on a longuement discuté : on l’a jugée profonde
ou superficielle, heureuse ou néfaste ; on a pu la faire
remonter au xive siècle, ou la retarder jusqu’au xvie siècle,
et ce sont des points qu’aucun historien, aucun philosophe,
aucun critique d’art ne peut négliger. Aujourd’hui, en
abordant l’étude de l’âge qui fut le plus grand siècle de la
Renaissance, nous devons dire quelle fut son action dans
le domaine propre de l’architecture.
L’influence de la Renaissance s’est manifestée dans l’art de bâtir, soit par la nature du décor, soit par les formes architecturales, soit enfin par l’esprit de la construction.
Le décor antique était ce que l’on pouvait le plus facilement assimiler dans l’architecture ; ce n’était qu’un goût nouveau pour des formes de détail, n’apportant qu’un changement presque insignifiant dans la nature des édifices. Les maîtres de la Renaissance, pour remplacer le décor gothique, purent tendre sur les monuments le fin réseau des arabesques antiques, sans porter aucune atteinte aux formes traditionnelles de leur architecture, sans contrevenir en rien à ses caractères essentiels. Aussi cette mode nouvelle se développa avec une étonnante rapidité et couvrit toute l’Italie, dès que, vers le début du xve siècle, elle eut fait à Florence sa première apparition.
Après le décor, ce sont les formes architecturales que la Renaissance emprunte à l’antiquité, la colonne, le pilastre, l’entablement et le fronton. Ces formes se diversifient suivant les ordres, et peuvent, en passant du dorique à l’ionique et au corinthien, exprimer tour à tour, la force, l’élégance ou la richesse. Elles se distinguent les unes des autres, non pas seulement par leurs lignes différentes, mais par leurs proportions qui, lorsqu’elles s’altèrent, suffisent à en modifier profondément l’esprit. Leur étude est donc particulièrement complexe, leur parfaite connaissance
difficile à acquérir, et l’on comprend que les architectes aient mis longtemps avant d’être maîtres dans cet art nouveau.
Une autre raison plus importante encore devait retarder l’adoption des ordres antiques, c’était la difficulté de les employer dans les édifices chrétiens. Comment en effet disposer dans les églises gothiques des entablements qui en auraient interrompu toutes les lignes ascensionnelles ? Comment parvenir à substituer des colonnes classiques
aux longues colonnettes fuselées s’élançant du sol jusqu’au faîte pour aller rejoindre les nervures des hautes voûtes ? L’emploi des ordres allait inévitablement nécessiter une modification notable dans les formes générales
de l’architecture. Or ces formes s’étaient créées progressivement, par une lente élaboration, elles étaient le fruit du travail continu et de la pensée de nombreuses générations, elles correspondaient aux besoins et aux désirs de leur époque et elles ne pouvaient être changées que si l’esprit qui les avait créées se modifiait lui-même, et ce ne fut pas l’œuvre du xve siècle.
Depuis Brunelleschi, jusqu’à l’apparition de Bramante, les architectes conservèrent dans son ensemble l’architecture traditionnelle du moyen âge ; ils se contentèrent, par des artifices plus ou moins habiles, d’y introduire quelques éléments antiques en les pliant aux exigences des constructions
dont ils ne voulaient pas changer les lignes essentielles.
L’architecture ne fut réellement et profondément modifiée que lorsque l’esprit qui la dirigeait fut lui aussi transformé, et ce fut le dernier terme qui marqua l’achèvement de l’œuvre de la Renaissance. Cette évolution ne s’accomplit qu’au xvie siècle ; elle caractérise la période dont Bramante a été le chef et qui succède à cette période de la première Renaissance qu’avaient illustrée les Brunelleschi, les Michelozzo et les Alberti.
Quelle est la nature de cet esprit nouveau ? Quelles modifications apporte-t-il dans l’architecture ? C’est ce qu’il importe tout d’abord de dire en quelques mots.
Le caractère fondamental de la Renaissance, c’est d’être en opposition avec l’esprit chrétien. L’histoire de l’art tout entier nous montre qu’à toute recrudescence de l’influence antique a correspondu un affaiblissement du sentiment chrétien. C’est là un phénomène, inconscient sans doute, mais d’une réalité indiscutable, et il s’explique très simplement par cette antinomie qui résulte de ce que le christianisme a le culte de l’âme et l’antiquité le culte de la beauté des formes.
C’est au début du xve siècle qu’apparaît l’influence antique, et dès ce moment l’esprit religieux commence à s’affaiblir : les artistes n’ont plus la foi des architectes qui avaient construit les grandes cathédrales, ni celle des sculpteurs et des peintres qui les décoraient. Le sentiment chrétien, au cours du siècle, voit de plus en plus diminuer sa suprématie : s’il est encore au premier rang dans l’œuvre d’un fra Angelico ou d’un Luca della Robbia, il est déjà très secondaire chez un Pollaiuolo ou un Signorelli. Au
xvie siècle, quand la Renaissance aura définitivement triomphé, nous trouverons des artistes dont l’œuvre est exclusivement profane, tels que les Ammanati et les Cellini.
Il ne faut pas cependant exagérer et conclure que la
Pl. 1.
Cliché Alinari.
ÉGLISE DE SAINT-SATYRE, À MILAN. ABSIDE, PAR BRAMANTE
Cliché Alinari.
SACRISTIE DE SAINTE-MARIE PRÈS SAINT-SATYRE (DÉTAIL), PAR BRAMANTE.
Renaissance fut volontairement un mouvement antireligieux, puisque bien au contraire elle eut pour principal appui l’autorité pontificale et que les plus grandes œuvres d’art du xve et xvie siècle furent faites pour les églises ; mais le sentiment religieux s’est parfois transformé à un
tel point qu’il devient méconnaissable. Par leur sujet les œuvres sont encore religieuses, par leur esprit elles ne le sont plus. Dans la réforme tentée par Luther, un des plus grands reproches qu’il adresse à la papauté est précisément le caractère profane de ses arts.
Une autre idée fondamentale de la Renaissance fut sa croyance à une beauté idéale, supérieure à la nature. On connaît le mot de Raphaël : « Manquant de bons juges et de belles femmes, je me sers d’une certaine idée qui me vient dans l’esprit. Je ne sais si celle-ci a quelque excellence d’art, mais je sais bien que je me fatigue beaucoup pour l’avoir. » De même Michel-Ange a dit : « Parce que la beauté de ce monde est fragile et trompeuse, je m’efforce d’atteindre à la beauté universelle. » Cette beauté universelle,
les hommes de la Renaissance crurent l’avoir trouvée dans l’antiquité, et leur admiration fut telle qu’elle entraîna le mépris pour toutes les œuvres conçues pendant les siècles précédents, pour cet art du moyen âge qui s’était formé en dehors de toute imitation de l’art antique. Les tendances peu chrétiennes et les recherches idéalistes de la Renaissance influèrent profondément sur l’évolution de l’art nouveau. Le caractère le plus apparent qui marquait en architecture le sentiment chrétien était la recherche du verticalisme. Par la hauteur des nefs, l’élancement des clochers, l’ascension de toutes les lignes, les architectes gothiques avait affirmé le désir de s’élever au-dessus des misères de la terre et de tourner tous les regards vers le ciel. L’art antique, au contraire, aussi bien l’art romain que l’art grec, avait toujours assis fortement ses constructions sur le sol, sans chercher des élévations inutiles. La ligne essentielle de leur architecture, la ligne horizontale, se substituant à la verticale gothique, tel est le premier caractère de l’influence de l’art antique sur l’architecture, et ce fut toujours l’un des plus importants, car c’est lui qui modifia le plus sensiblement le caractère de la construction.
La Renaissance influa aussi sur le décor des monuments. Nous avons dit déjà avec quelle rapidité l’ornementation antique avait remplacé les formes décoratives de l’art gothique, mais ce n’avait été encore qu’une modification d’importance secondaire. Beaucoup plus notable fut la disparition ou du moins la considérable diminution de toutes les grandes figurations religieuses qui remplissaient les églises : fresques à l’intérieur, bas-reliefs et statues sur les façades. C’est encore là une des conséquences les plus saisissantes de l’affaiblissement de l’esprit chrétien. On ne sent plus aussi vivement la nécessité d’utiliser l’église dans toutes ses parties, soit pour la consacrer à la gloire de Dieu, soit pour la faire servir à l’instruction ou à l’édification des fidèles. Et si les moindres raisons engagent les artistes à abandonner ces motifs religieux,
Pl. 2.
Cliché Giulio Carotti.
ÉGLISE SAINTE-MARIE, À ABBIATE GRASSO.
Cliché Moscioni.
GRANDE NICHE DU PALAIS DU BELVÉDÈRE, À ROME, PAR BRAMANTE.
ils n’hésitent pas à le faire. Ces raisons, ils les trouvent dans leur passion toujours croissante pour la beauté des formes aimées en elles-mêmes, en dehors de leur valeur expressive ; l’architecture antique leur paraît si belle qu’ils ne veulent pas admettre, en dehors de ses lignes, rien qui puisse en détourner les regards.
Les théories de beauté idéale contribuèrent encore à faire estimer certaines formes comme étant a priori supérieures à d’autres ; leur recherche primera toute autre préoccupation ; de là naîtront certains engouements, tels
que celui de la symétrie ou celui des proportions, qui régneront d’une façon vraiment tyrannique sur l’architecture de la Renaissance.
Le culte de la beauté fut une des gloires de la Renaissance, une de ses grandes forces, une source féconde de chefs-d’œuvre, mais ce fut aussi une de ses faiblesses ; car le souci trop absolu de la forme nuit à l’expression de la pensée, et l’idéalisme poussé trop loin, surtout en architecture,
non seulement en sacrifie le côté pratique et utilitaire, mais empêche les particularités, les diversités de caractère que doivent entraîner les changements dans la pensée des hommes.
I. — Pontificat de Jules II.
Bramante.
Bramante est le plus grand architecte de la Renaissance. De tous les architectes modernes, c’est lui dont le nom est le plus universellement connu. Et cependant on peut dire que nous ne possédons aucune grande œuvre de lui, aucune qui soit complètement représentative de son génie, Tout ce qu’il fit à Milan, dans la première partie de sa vie, doit être considéré comme appartenant encore au style du xve siècle, et s’il n’avait rien fait d’autre il n’aurait pas une place supérieure à celle des architectes florentins de son âge, tels par exemple que Giuliano da san Gallo ou Giuliano da Majano. Ce qui compte essentiellement, c’est ce qu’il fit à Rome. Là, par des œuvres telles que son Tempietto, et surtout par son Saint-Pierre, il rompt définitivement avec toutes les conceptions gothiques et le premier, plus que tout autre, dit que l’architecte doit demander tous ses conseils à l’antiquité. Malheureusement sa plus grande œuvre, celle qui est le vrai fondement de sa gloire, il ne put que la commencer : Saint-Pierre fut construit par d’autres et profondément modifié par eux ; il est surtout l’œuvre de Michel-Ange, de Maderne et du Bernin. Pour connaître Bramante, pour comprendre que Raphaël et Michel-Ange, ses contemporains, et après eux tous les plus illustres artistes, l’aient considéré comme le plus grand des architectes, nous en sommes réduits à raisonner surtout d’après ses plans et ses dessins et à restituer son œuvre par l’imagination ; c’est là la grande difficulté d’une étude sur Bramante.
Bramante est né à Urbino en 1444, il y a vécu jusqu’à l’âge de vingt-huit ans, fréquentant tous les grands artistes qu’y avait réunis le fastueux duc de Montefeltro,
Pl. 3.
Cliché Alinari.
SAINTE-MARIE DES GRÂCES, À MILAN PAR BRAMANTE.
Cliché Alinari.
LE TEMPIETTO, À ROME, PAR BRAMANTE.
artistes venus de toutes les régions de l’Italie et même de l’étranger. Dans ce milieu où devait plus tard se former Raphaël, Bramante put entendre discuter les théories les plus diverses, et par là il acquit une largeur de vues, une faculté d’assimilation, un éclectisme, qui lui permirent de résumer en lui toutes les connaissances acquises par ses prédécesseurs.
L’influence la plus profonde qu’il ressentit à Urbino fut celle de Luciano da Laurana, l’admirable architecte du Palais des ducs d’Urbino. C’est à son école qu’il s’affina le goût, qu’il apprit à aimer les formes délicates et élégantes que Laurana lui-même tenait des grands architectes de Florence ; c’est de là que lui vint cette distinction qui le fit remarquer à Milan au milieu des artistes lombards, et que plus tard, à Rome, il sut conserver en l’associant à cette expression de noblesse et de grandeur qui marqua son nouveau style.
Une seconde action très importante fut exercée sur Bramante par Alberti. Bramante, il est vrai, ne connut pas ce maître, qui travaillait alors à Rome où il mourut en 1470, mais il étudia ses œuvres à Rimini d’abord, où le Temple des Malatesta lui montra l’effet que l’on pouvait obtenir par de belles arcades monumentales, et plus tard à Mantoue, où il put voir dans l’église de Saint-André la première grande voûte en berceau construite par la Renaissance.
À Bramante, Luciano da Laurana apprit la grâce, et Alberti la grandeur.
Mais l’influence décisive qui acheva de former le génie de Bramante, celle qui transforma complètement son style ; et fit de lui le plus grand architecte de l’âge nouveau, ce fut, à mon sens, celle de Léonard de Vinci. Il faut bien se rendre compte qu’avant de connaître Léonard, Bramante, malgré tout ce qu’il avait appris à Urbino, loin d’être un novateur, ne pouvait être qu’un retardataire. À la fin du xve siècle, en effet, Florence seule compte dans le mouvement artistique de l’Italie ; tout vient d’elle, elle est le centre, le foyer où fermentent toutes les idées nouvelles de la Renaissance. Bramante qui vit à Urbino, puis à Milan, ne connaissant encore que bien peu de chose des idées florentines, n’est en somme qu’un provincial.
Tout change en lui du jour où il connaît Léonard, qui, bien que moins âgé que lui de huit ans, ne peut moins faire que de l’impressionner fortement par l’étendue de ses connaissances et la fécondité de son esprit.
Léonard, qui fut le plus grand génie de la Renaissance, apporte à Milan la quintessence de l’art florentin ; il pousse même plus avant les recherches nouvelles et en tire des conséquences que Florence n’a pas connues. Il ne faut pas oublier, en effet, que cet art de la Renaissance, créé à la cour de Laurent le Magnifique, fut brusquement interrompu à Florence par la chute des Médicis et le mouvement révolutionnaire de Savonarole, tandis que Léonard put librement le développer à Milan. Et c’est ainsi que, lorsque Bramante arrivera à Rome et y sera en rivalité avec les premiers artistes de l’Italie, avec ces artistes mêmes qui, après avoir créé la Renaissance à Florence,
Pl. 4.
PLAN DE SAINT-PIERRE PAR BRAMANTE.
PLAN DE SAINT-PIERRE, PAR ANTONIO DA SAN GALLO.
PLAN DE SAINT-PIERRE. PAR RAPHAËL.
PLAN DE SAINT-PIERRE PAR MICHEL-ANGE.
(D’après Palustre, l’Architecture de la Renaissance).
(D’après Palustre, l’Architecture de la Renaissance).
avaient dû quitter cette ville pour porter leur talent au service des papes, il se trouvera, par une singulière bonne fortune, être d’un degré plus avancé qu’eux dans l’art de la Renaissance, et deviendra naturellement
leur chef. Si Giuliano da San Gallo, qui tenait une si grande place à Rome et qui était l’architecte favori de la papauté, fut vaincu par Bramante dans le grand concours pour la construction de Saint-Pierre, c’est parce que Bramante apportait à Rome l’art de Léonard de Vinci : c’est parce qu’il pouvait triompher des Florentins en étant plus Florentin qu’eux.
Bramante à Milan. — Lorsque Bramante part d’Urbino pour aller à Milan, son âme est faite d’élégance et de délicatesse ; il a dans les yeux toutes les joies de la vie, et ses premières œuvres, comme celles de Raphaël,
revêtent un caractère de grâce incomparable.
Bramante, en quittant Urbino, n’était pas encore un architecte. Comme Michel-Ange, comme Raphaël, comme tant d’autres artistes de cette époque, il ne le devint que sur le tard, et son éducation première fut celle d’un peintre. Cela est capital, car c’est ce qui va nous faire connaître le caractère essentiel de sa première manière. Alors que l’architecture de Michel-Ange est celle d’un sculpteur, celle de Bramante est faite d’un décor charmant, léger, à fleur de pierre, et ce décor ne sera même souvent qu’une peinture.
Il n’y a pas d’exemple plus séduisant d’une architecture peinte que la délicieuse petite église de Saint-Satyre, cette église du ixe siècle que Bramante fut chargé de restaurer. Il n’y a rien de plus gracieux que son décor extérieur, dont les ornements architectoniques sont peints, et où il n’y a comme reliefs que des chapiteaux, une corniche, quelques têtes décorant une frise. Déjà la finesse des profils nous montre cette science qui a fait donner à Bramante le nom de grand « profilatore ». Il restera toujours le maître exquis des silhouettes (Pl. 1).
Cette qualité de peintre, nous la retrouvons dans une seconde œuvre, l’église de Sainte-Marie, qu’il construit près de Saint-Satyre. Là, pour agrandir aux yeux une église dont les dimensions étaient limitées, étant obligé de la terminer par un mur plat, il imagine, par des artifices de peinture et de légers reliefs, de donner à ce mur l’aspect d’une profonde abside. Le procédé est ingénieux ; on en parle beaucoup dans les livres consacrés à Bramante. Si je le cite ici, c’est afin d’insister sur cette manière de concevoir l’architecture avec des yeux de peintre : Bramante, qui plus tard sera essentiellement un constructeur, commence par être un fantaisiste.
À Sainte-Marie près Saint-Satyre, il faut surtout admirer la Sacristie, où son talent de décorateur se montre à nous dans sa forme la plus parfaite (Pl. 1). Se souvenant des merveilleuses décorations de Luciano da Laurana au Palais d’Urbino, les reprenant en leur donnant encore plus de grâce, plus de souplesse, plus de variété, il dit le dernier mot de l’élégance florentine du xve siècle. Pour rompre la monotonie des arabesques, par une trouvaille de
Pl. 5.
Cliché Alinari.
SANTA CASA DE LORETTE, PAR BRAMANTE ET ANDREA SANSOVINO.
génie, il compose sa frise d’une série de têtes dans des médaillons, qu’accompagnent des groupes de petits enfants ; et là il retrouve la force et la vie ardente d’un Donatello. L’artiste qui a exécuté ces sculptures, sans doute sur le dessin de Bramante, était digne de collaborer avec lui.
Sainte-Marie des Grâces est une œuvre plus importante que la précédente ; elle ne s’impose pas seulement à nous par son caractère décoratif, son principal mérite est d’être avant tout une œuvre d’architecture. C’est une grande coupole que dresse Bramante au-dessus du chœur, préludant ainsi à ses futurs projets pour Saint-Pierre (Pl. 3). La particularité, ici comme plus tard à Saint-Pierre, c’est qu’il cherche son effet, non pas dans la hauteur, mais dans la largeur ; qu’il s’intéresse peu à la coupole en elle-même, mais plutôt à son tambour ; et ceci est tout à fait spécial. La beauté rare de Sainte-Marie des Grâces, c’est ce tambour si harmonieusement décoré par les arcades à colonnes qui l’entourent.
À la Sacristie de Saint-Satyre, décorant un intérieur, Bramante s’était servi de marbres ; ici, dans le décor extérieur d’un monument construit en briques, fort logiquement, il se sert de la brique. Il faut voir comment, par une science étonnante d’architecte, par un art qui, sur certains points, rappelle les principes gothiques, il sait mettre en valeur un important soubassement, le distinguant du corps principal, marquant par des motifs très simples, tels que des rangs de perles, tous les profils de l’édifice.
La troisième œuvre capitale de Bramante en Lombardie est l’église d’Abbiate Grasso : il faut sans doute la considérer comme la dernière faite avant son départ pour Rome (Pl. 2). Là, plus encore que dans la coupole de Sainte-Marie des Grâces, le caractère de force qui était en lui, mais qui devait s’affirmer surtout à Rome, se manifeste puissamment. Ce qu’Alberti avait voulu à Saint-André de Mantoue, mais qu’il n’avait pas réussi, c’est-à-dire trouver dans les formes nouvelles de la Renaissance l’impression de grandeur pour une façade d’église, Bramante le réalise, et le motif de ce grand arc se déroulant majestueusement, sans accessoires inutiles, est si beau qu’il le reprendra à Rome, et qu’il ne trouvera pas une forme plus saisissante et plus grandiose pour terminer le palais du Belvédère.
Le séjour de Bramante à Milan eut une grande influence sur l’école milanaise : de nombreux architectes, Dolcebuone, Battaglio, Lonati, poursuivent son art et créent dans un style très délicat des églises, telles que celles de Sainte-Marie à Busto Arsizio (1517), de la Madone de Grema, de la Madone di Campagna à Plaisance, de la Steccata de Parme (1521).
Bramante à Rome. — En 1499 Bramante quitte Milan pour s’installer à Rome, et ce changement de résidence marque une transformation profonde de son style ; c’est l’art du xve siècle qui finit, et celui du xvie qui commence, c’est l’art florentin qui cède la place à l’art romain.
Bramante participe ainsi à l’évolution générale de la
Pl. 6.
Cliché Moscioni.
CHAPELLE CHIGI, À SAINTE-MARIE DU PEUPLE (ROME), PAR RAPHAËL.
Cliché Alinari.
LES LOGES DU VATICAN, PAR RAPHAËL.
civilisation italienne qui, à la suite des violentes luttes intestines qui déchirent la cité de Florence et ruinent pour un temps sa prospérité, avait transporté à Rome le centre de l’activité intellectuelle et artistique.
Ce changement de la capitale artistique de l’Italie ne se traduit pas par une brusque modification dans les arts, et cela se comprend. Ce sont en effet des artistes florentins ou de formation florentine qui sont appelés à Rome par les papes et qui y portent un art en pleine maturité, alors que le milieu romain n’a pas encore eu le temps de créer un art à son image. C’est la Renaissance florentine qui va se poursuivre et elle le fera d’autant plus facilement que, au début du xvie siècle, deux papes seront des Florentins, des membres de la famille même des Médicis.
Et le mouvement de la Renaissance, créé à Florence, se développera d’autant plus facilement à Rome, y prendra un caractère d’autant plus classique que la ville de Rome offrait aux architectes plus de monuments antiques que Florence. En outre l’esprit romain et ses traditions, jamais complètement éteintes, mettaient dans l’art un caractère de majesté que Florence n’avait jamais connu. Rome, ville des Césars, par son passé, par tous ses souvenirs, était toujours foncièrement attachée à l’expression de la puissance. Les joliesses, les élégances, les fins détails de l’art florentin ne sont pas à leur place dans cette ville où se dressent encore des monuments tels que le Panthéon, les Thermes de Caracalla, le Colisée. Aussi le style de la Renaissance va-t-il évoluer dans une direction nouvelle, et l’élégance florentine va céder le pas à la grandeur romaine.
L’influence de Rome peut se reconnaître d’une façon fort claire dans les monuments construits par Bramante. Dès sa première œuvre il donne une des formules les plus nettes de cet art. Le Tempietto de San Pietro in Montorio (Pl. 3) est une véritable restitution d’un temple antique, presque une copie ; et l’on comprend que dans ce monde du xvie siècle assoiffé d’antiquité cette œuvre ait été saluée comme marquant le point de départ d’une ère nouvelle. Et jusqu’à nos jours elle n’a cessé d’être regardée comme un des chefs-d’œuvre de l’architecture. Pour nous, cependant, qui jugeons plus librement la Renaissance, il semble qu’elle ait surtout un intérêt historique. Plus que tout autre, elle marque le désir de copier l’art antique ; mais nous devons bien reconnaître qu’elle ne le copie que très mal, et que d’autre part elle est trop éloignée des conceptions et des besoins de l’architecture moderne pour compter beaucoup dans son développement. Au surplus, c’était une œuvre si inutile que personne n’a songé à l’imiter.
Ce qu’il faut signaler, et c’est un saisissant exemple du caractère peu chrétien de la Renaissance, c’est la singularité de ce monument qui, destiné à sanctifier l’emplacement auguste où le premier chef de la chrétienté, l’apôtre saint Pierre, a subi le martyre, ne porte extérieurement aucun emblème religieux. Ce temple, qui, dans les projets de Bramante, devait être entouré d’une colonnade circulaire, nous montre bien que, dans les préoccupations de
Pl. 7.
Cliché Alinari.
VILLA MADAME, À ROME, PAR RAPHAËL.
artiste, la pensée chrétienne tient peu de place, et que ce qui l’intéresse avant tout, ce sont les formes, c’est la régularité et l’élégance des lignes, c’est le jeu des colonnes disposées suivant des cercles concentriques, ce sont des recherches purement esthétiques, la réalisation d’un rêve de classicisme et de prétendue beauté idéale.
Sans insister sur le Cloître de Sainte-Marie de la Paix, qui est une œuvre secondaire et d’une assez médiocre exécution, sans insister sur le chœur de Sainte-Marie du Peuple, qui tire surtout son intérêt de sa décoration, on peut dire que les deux œuvres maîtresses de Bramante à Rome furent le Palais du Vatican et la Basilique de Saint-Pierre.
Au Vatican, il fit d’abord les bâtiments qui entourent la cour de Saint-Damase, vaste édifice dont les trois étages s’ouvraient primitivement par d’élégantes loges, dont les décors de Raphaël complètent la beauté. Ensuite, il réunit par de grands corps de bâtiments l’ancien palais du Vatican avec la villa du Belvédère qui en était éloignée de 300 mètres. Il sut rompre la monotonie de ces longues lignes droites par la division de la cour en terrasses successives au moyen d’escaliers monumentaux, et il couronna l’ensemble par la niche du Belvédère, dont les dimensions colossales dominent tout le palais nouveau (Pl. 2). Une telle œuvre montre que Bramante était bien l’homme capable de réaliser les conceptions grandioses rêvées par la papauté. Il était l’architecte désigné de Saint-Pierre.
Saint-Pierre, c’est sa vraie gloire, ce sont les projets qu’il fait pour cette église, ce sont les dimensions qu’il lui donne, c’est la nouveauté des plans qu’il propose, qui ont
rendu son nom immortel (Pl. 4).
Certes on avait déjà vu, avant Bramante, un certain
nombre d’églises en croix grecque, dérivant plus ou moins
des modèles donnés par Brunelleschi, mais toutes ces
églises étaient de dimensions relativement restreintes :
elles se composaient de quatre bras très courts, ne faisant
qu’une légère saillie autour de l’espace central. Bramante
développe prodigieusement ce thème si simple : autour de
la coupole centrale, les nefs s’allongent, formant une véritable
croix, entre les bras de laquelle de nouveaux espaces,
conçus eux-mêmes comme de petits monuments en croix
grecque, et couverts aussi par des coupoles, viennent
ajouter à l’église principale la complication raffinée de
leurs lignes et la multiplicité de leurs perspectives. Des
tours aux quatre angles et des portiques complètent cet
ensemble, qui s’inscrit à l’extérieur dans les lignes d’un
carré, d’où seules émergent légèrement les quatre absides.
La largeur de la coupole, qui atteint 42 mètres, la hauteur
des nefs, qui s’élèvent à 46, font de cette église une
des œuvres les plus gigantesques que l’on ait rêvées.
Que la grandeur de cette conception ait été inspirée par
Rome nous n’en pouvons douter, et Bramante lui-même
l’a proclamé dans sa phrase célèbre : « Je prendrai les voûtes
du Panthéon et je les élèverai sur les arcs de la basilique
de Constantin. » Mais quelle est l’origine de ce plan ?
comment expliquer un progrès si brusque sur les édifices
antérieurs ? Que l’on compare le plan de Bramante, qui date de 1506, avec celui de la Madone des Carceri, de 1485, ou celui de Notre-Dame de Lorette à Rome, commencée la même année que Saint-Pierre, et l’on verra combien Bramante surpasse ses prédécesseurs et ses contemporains.
Nous avons dit précédemment que c’était en partie à l’influence de Léonard que nous attribuons cette supériorité de Bramante. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les dessins d’architecture de Leonardo et en particulier le manuscrit B de la bibliothèque de l’Institut, que l’on place entre les années 1488 et 1497 et qui contient de nombreux plans d’églises. On trouvera là des recherches pour tout ce qui constitue les nouveautés de Bramante : la symétrie absolue, le dôme employé comme motif essentiel
de l’église et flanqué d’autres petits dômes, la complexité des plans qui comprennent une série de petits espaces en forme de croix grecque, disposés symétriquement autour de la coupole centrale, enfin une prédilection
notable pour un plan qui est le plan même de Saint-Pierre et qui se compose d’un grand carré traversé par les quatre bras d’une croix grecque.
Il ne me paraît pas douteux que Bramante, qui avait passé avec Léonard plusieurs années à Milan, qui avait connu tous ses travaux, ne se soit, au moment d’établir son projet pour Saint-Pierre, souvenu des recherches de ce
grand artiste.
Et c’est bien un pur monument de la Renaissance, c’est l’apogée même de cet art, que ce Saint-Pierre de Bramante, si étrange, lorsqu’on veut bien y réfléchir. Pour le raisonner et en discuter la beauté, pour le comprendre, il faut en effet oublier sa destination. On peut en admirer les formes, le goût, les proportions, on peut dire que rarement édifice fut d’une plus idéale beauté, mais il faut reconnaître aussi qu’il n’a rien de ce qu’il faut pour le programme qu’il devait réaliser, il n’a rien d’une église. La nef, cet
élément essentiel de l’église, cette nef où doivent se réunir les fidèles pour assister aux cérémonies qui se déroulent autour du maître-autel, elle n’existe pas ; on ne peut imaginer un emplacement pour le chœur ; et dans cette cathédrale de la chrétienté il n’y a pas de place pour dire les offices ; les chapelles latérales sont complètement isolées et ne peuvent être d’aucune utilité pour les cérémonies ; enfin les quatre grands bras égaux qui s’allongent autour de la coupole centrale, et qui ne sont ni nefs, ni transept, ni chœur, achèvent de nous dérouter dans la compréhension
de cet édifice. L’esprit de la Renaissance s’y est complètement substitué à l’esprit chrétien.
Malgré toute l’activité qu’il y dépensa, Bramante ne put pousser très avant la construction de Saint-Pierre. Lorsque, huit ans après le début des travaux, la mort vint l’arrêter, il n’avait élevé que les quatre piliers destinés à porter la coupole et bandé les arcs les réunissant ; et pendant plus d’un quart de siècle, les arcs se dressèrent semblables à des ruines de l’ancienne Rome.
Bramante fut remplacé comme architecte de Saint-Pierre par Raphaël, aidé de Giuliano da San Gallo et de Fra Giocondo. Ces maîtres firent pour la basilique de nouveaux projets ; et sans entrer dans leur étude, nous nous contenterons de signaler un fait capital. Comprenant ce qu’il y avait d’illogique dans la conception de Bramante, ils renoncent à la croix grecque pour adopter la forme traditionnelle de la croix latine (Pl. 4). Mais ils n’eurent pas le temps, eux non plus, de réaliser leurs projets.
Une des dernières œuvres de Bramante est la Santa Casa de Lorette, commencée en 1510 (Pl. 5). C’est sa science, c’est la pureté de son style que nous admirons dans tous les détails de l’architecture, et surtout dans la belle ordonnance qui reste encore très apparente malgré la surchage d’une ornementation qui a donné à cette œuvre un caractère tout nouveau. Après la mort de Bramante, Andrea Sansovino, avec l’aide des meilleurs sculpteurs florentins, fut l’auteur de cette étonnante décoration sculptée qui, par de grandioses bas-reliefs, par des statues et des ornements, couvrit le monument tout entier, de façon à ne laisser apparente aucune partie des
murs. Et cette œuvre a pris ainsi un double caractère très significatif par la superposition, au style purement architectural de Bramante, de la conception plus décorative des sculpteurs florentins.
II. — Pontificat de Léon X.
Michel-Ange, Raphaël. École de Bramante et de Raphaël.
Michel-Ange. — Dans l’histoire de l’architecture au xvie siècle le nom de Michel-Ange est celui qui tient la plus grande place à côté de celui de Bramante. Et ces deux grands génies furent très différents l’un avec l’autre. Michel-Ange est le chef d’une école qui, tout en semblant d’abord prendre la suite de celle de Bramante, fut au contraire en opposition profonde avec elle. Bramante c’était la Renaissance, Michel-Ange ce sera le Baroque ; Bramante c’est l’équilibre, la sagesse, l’harmonie, la distinction, le culte de la forme, Michel-Ange c’est la recherche expressive, c’est le sacrifice du détail à l’effet d’ensemble,
Michel-Ange c’est l’homme qui veut exprimer puissamment ses pensées, sans souci des incorrections nécessaires pour atteindre à son but. Certes, comme Bramante, Michel-Ange connaît l’architecture antique et il l’aime passionnément, et par là il est au premier rang des chefs de la
Renaissance, mais, tout en se servant de l’art antique, il n’hésite pas à s’affranchir de ses règles trop étroites, à déformer, on peut même dire à torturer ses formes, pour les rendre plus expressives.
L’architecture créée par Michel-Ange n’est pas immuable et impersonnelle, mais vivante et toute faite de sensibilité. Elle sera apte à se transformer du tout au tout selon les pensées par lesquelles sera dominé son auteur.
Dans sa longue vie artistique Michel-Ange a vu bien des changements survenir autour de lui. À Florence, après les triomphes et la richesse, il assiste aux désastres et à la ruine provoqués par les révolutions et l’invasion des armées étrangères. À Rome, il voit se succéder neuf papes sur le trône pontifical, et, après avoir connu le faste et le luxe de
Pl. 8.
Cliché Alinari.
ÉGLISE DE LA CONSOLATION, À TODI, PAR COLA DA CAPRAROLA.
Cliché Alinari.
MADONE DE SAN BIAGIO, À MONTEPULCIANO, PAR ANTONIO DA SAN GALLO LE VIEUX.
Jules II et de Léon X, il assiste à l’âge sévère des papes de la contre-réforme. Alors que Bramante ne reste à Rome que pendant quelques années, de 1499 à 1514, Michel-Ange y vit pendant trois quarts de siècle. Toute l’histoire du xvie siècle se reflète en lui ; nulle œuvre n’est plus féconde que la sienne en enseignements, nulle ne nous permet de suivre plus étroitement l’évolution des idées et la répercussion sur les arts des grands événements qui changent alors si fréquemment et si brutalement la face de l’Italie.
Dans la première période du xvie siècle, Michel-Ange ne remplit pas encore comme architecte un rôle de premier ordre. Sous Jules II, il se consacre tout entier à la Tombe du pape et à la Sixtine : il fut le peintre et le sculpteur de ce pape dont Bramante fut l’architecte. Jules II avait trouvé dans ces deux génies les artistes capables de le comprendre et d’exprimer ses pensées. Jamais pape plus grand ne trouva des artistes plus à sa taille.
Lorsque Léon X monte sur le trône, c’est un Florentin, c’est un membre de la famille des Médicis qui prend en mains les destinées de Rome et qui apporte dans cette ville un goût plus délicat, un plus ardent amour des belles-lettres et des plaisirs ; c’est un pape moins fait pour les luttes que pour la paix, plus épris des livres que des armes, c’est un humaniste succédant à un soldat. Avec lui, dans les arts, les idées de force vont céder la place aux idées d’élégance : son maître préféré, ce sera Raphaël, dont la faveur sera telle qu’il n’y aura plus de place à côté de lui pour Michel-Ange. Ces deux hommes sont trop grands pour pouvoir vivre à côté l’un de l’autre, et ils sont trop différents pour pouvoir s’aimer.
Léon X ne saurait toutefois méconnaître le génie de Michel-Ange, ni se priver de ses services. Puisque Rome est toute à Raphaël, à Michel-Ange il donnera Florence.
Léon X n’oublie pas la ville de ses ancêtres, il veut continuer là les œuvres qu’ils ont entreprises et il va demander à Michel-Ange de travailler à cette église de San Lorenzo que le vieux Cosme avait fait construire par Brunelleschi et que les Médicis n’avaient cessé d’enrichir pendant tout le cours du xve siècle. Il commande à Michel-Ange
la Sacristie Neuve destinée à servir de chapelle funéraire à sa famille, il lui demande d’aménager, dans le cloître annexe de l’église, une bibliothèque pour ces manuscrits dont la réunion était une des plus grandes gloires des Médicis, et surtout il lui demande de faire cette façade que ni Brunelleschi ni ses successeurs n’avaient commencée et qui reste encore à construire.
Le programme était considérable, et Michel-Ange va encore le compliquer par la façon gigantesque dont il rêve de l’exécuter. Ici comme toujours il voit trop grand et, de ce qu’il projette, il ne pourra rien terminer.
Ce qu’il faut avant tout remarquer dans ces œuvres, soit dans la Chapelle funéraire, soit dans la façade de l’église, c’est que Michel-Ange fait une architecture de sculpteur. Sa façade ne devait être qu’une grande surface
Pl. 9.
Cliché Alinari.
PALAIS DUCAL DE MANTOUE. SALLE DES MARCHESI.
Cliché Alinari.
VILLA IMPÉRIALE, À PESARO. Décor de la Salle des Amours.
plate, un simple support sur lequel il se proposait de dérouler tout un monde de bas-reliefs et de statues. Il voulait en faire, comme il nous l’a dit lui-même, le miroir de toute l’Italie.
La Chapelle devait être, elle aussi, très ornée et couverte de peintures et de sculptures. Telle qu’elle nous est parvenue, tout inachevée, elle nous montre encore bien le caractère plastique de l’art de Michel-Ange par cette complication de lignes, cet encombrement qui fait que, entre les pilastres, se pressent, sans laisser aucune place vide, des portes, des niches, des fenêtres, des frontons, formes parfois inutiles, critiquables dans les détails, mais dont le but est d’accompagner la richesse des tombeaux et de
faire concourir toutes les parties de la muraille au vaste et brillant ensemble décoratif qui devait être réalisé.
Le même esprit se retrouve dans le célèbre escalier de la bibliothèque Laurentienne. Dans son désir de faire une architecture expressive, il traite les murs comme des corps dont il ferait saillir les muscles. Et l’impression qu’on en éprouve est étrange, difficile à définir, mais extraordinairement
puissante.
Dès ces premières œuvres, on peut deviner que Michel-Ange sera le créateur du Baroque, puisqu’un des caractères de cet art est d’avoir usé des formes architecturales, non plus comme l’auraient fait de purs architectes, en se
préoccupant surtout de leur utilité constructive, mais comme des décorateurs visant à la réalisation de puissants effets.
Le goût de Michel-Ange pour une architecture sculptée eut une influence importante sur le développement artistique de l’Italie. Pour se procurer tous les marbres dont il avait besoin, il passa deux années entières à aménager les carrières de Carrare que l’on n’avait jusqu’alors que fort
mal utilisées. De sorte que l’on peut dire que le formidable développement de l’emploi des marbres en Italie date de ces travaux de Michel-Ange.
Cette architecture de sculpteur, Michel-Ange ne l’avait pas toute inventée. Elle était chez lui une suite de toutes les recherches de l’école florentine du xve siècle. Andrea Sansovino en avait donné d’admirable exemples, à Rome, dans les deux tombes du chœur du Sainte-Marie du Peuple, et plus encore dans la décoration de la Santa Casa de Lorette, dont nous avons dit plus haut toute la beauté.
Raphaël. — Nous avons tenu à citer immédiatement le nom de Michel-Ange à côté de celui de Bramante : mais ce n’est que plus tard que ce maître prendra vraiment toute son importance comme architecte. Au moment que nous
étudions, dans le premier quart du siècle, ce sont les élèves de Bramante, c’est surtout Raphaël, qui donnent son véritable caractère à l’architecture italienne.
Raphaël, l’artiste de Léon X, fut en architecture l’élève
et le disciple chéri de Bramante, c’est de lui qu’il tient la plupart des qualités de son style. Il s’en distingue toutefois par un sentiment plus gracieux, par la recherche de formes plus élégantes et plus ornées. On pourrait dire que
Pl. 10.
Cliché Alinari.
LE CAPITOLE, À ROME, PAR MICHEL-ANGE.
Cliché Alinari.
PALAIS FARNÈSE, À ROME, PAR ANTONIO DA SAN GALLO LE JEUNE.
si Bramante fut le Brunelleschi du xvie siècle, Raphaël en
fut le Michelozzo. Il aime employer la polychromie, les
marbres, les stucs, la peinture, tandis que Bramante,
plus purement constructeur, préfère s’en tenir à la pierre
et à la maçonnerie.
L’œuvre la plus caractéristique de Raphaël est la chapelle
Chigi, à Sainte-Marie du Peuple (Pl. 6). Là, dans un cadre
restreint, où la finesse des détails garde tout son prix et ne
se perd pas dans les lignes d’un trop vaste ensemble, il a su
réunir tout ce qui peut charmer les yeux : l’élégance des
formes architecturales et de l’ornementation sculptée, le
charme discret des peintures, l’éclat des mosaïques, le relief
des statues, la richesse des marbres de couleur et des porphyres,
qui font ressortir la blancheur des marbres blancs
de Carrare dans lesquels sont ciselés avec le goût le plus
pur les pilastres, les corniches et les chapiteaux. La chapelle
est couverte par une coupole portée par de larges pendentifs
trapézoïdaux qui rappellent ceux de Saint-Pierre et
la voûte, assez basse, est elle-même sans doute un souvenir
de la coupole projetée par Bramante pour cette église.
Le même goût du décor et des aspects colorés se retrouve
dans deux autres œuvres de Raphaël, dans les Loges du
Vatican et à la villa Madame. Ce sont deux immortels
chefs-d’œuvre de l’art décoratif. C’est là que Raphaël a
porté à son plus haut degré de perfection cette fine ornementation
formée de légères peintures et de stucs à faibles
reliefs qui avait déjà été esquissée par quelques artistes du
xve siècle, notamment par Pinturicchio. L’origine de ce style est dans la découverte, à Rome, des Thermes de
Titus, qui fut pour les artistes de la Renaissance une véritable
révélation de ce que l’antiquité romaine avait produit
de plus fin dans l’art du décor. Après l’architecture
et la sculpture dont les ruines couvraient le sol de Rome,
voici qu’apparaissaient brusquement aux regards la peinture
antique et cette ornementation charmante que les
Romains employaient à l’intérieur de leurs édifices. On
comprend sans peine le succès de cet art et la rapidité
avec laquelle il se répandit dans toutes les constructions
de plaisance du xvie siècle[2].
Dans les Loges (Pl. 6), le décor seul appartient à Raphaël,
la construction étant faite sur les plans de Bramante ; la
villa Madame (Pl. 7) est tout entière l’œuvre de Raphaël,
et elle est intéressante à étudier au point de vue purement
architectural.
C’est une des premières et l’une des plus parfaites de
ces villas si nombreuses qui se construisent au xvie siècle,
comme lieux de fêtes et de plaisirs. Le plus souvent elles
étaient tout à fait à proximité des villes, de sorte que l’on
n’y habitait pas et que l’on ne s’y rendait que pour des
réunions momentanées. Les logements n’existaient pas,
ou étaient tout à fait secondaires : tout était consacré aux
salons d’apparat, aux vestibules, aux galeries, aux portiques,
aux jardins. La villa Madame est en somme constituée tout entière par une grande salle s’ouvrant d’un côté sur
des jardins en terrasses, ornés d’arcades, de balustres et
de statues, et de l’autre sur une cour entourée de portiques.
L’influence de Bramante est visible dans l’architecture de
cette salle, qui est couverte en son centre par une coupole
basse rappelant celle qu’il avait employée au chœur de
Sainte-Marie du Peuple, et dont les grandes absides demi-circulaires
ornées de niches sont aussi un souvenir d’une de ses formes préférées.
Une œuvre de Raphaël, qui n’existe plus, le palais de
l’Aquila, occupe une place notable dans l’évolution de
l’architecture : après les grandioses façades florentines et
romaines du xve siècle, c’est un art nouveau qui rend les
murs moins sévères et donne aux façades un charme que
jusqu’alors on ne trouvait guère que dans les intérieurs,
et c’est la grande importance du décor s’associant aux
lignes architecturales.
À côté de ce palais, où le décor tient la première place,
deux autres types apparaissent : l’un, où dominent les
formes constructives, avec, au-dessus d’un soubassement
rustique, des colonnes accouplées séparant les fenêtres
(palais Caffarelli à Rome) : l’autre, plus simple, qui tire
tous ses effets de la disposition des fenêtres et du judicieux
rapport des pleins et des vides (palais Pandolfini à Florence).
Dans ces palais de Raphaël commencent à apparaître les
fenêtres surmontées de frontons portés par des pilastres ou
des colonnes, suivant la forme dite « à tabernacle ». C’était
alors une nouveauté, et, bien que la première fenêtre à fronton eût apparu à Florence depuis près d’un siècle,
ce type ne s’était pas développé encore dans l’architecture
civile et n’avait pas été appliqué aux palais. Les
fenêtres des palais florentins du xve siècle sont presque
toujours en plein cintre et géminées ; à Rome, celles du
palais de la Chancellerie et de la Farnésine sont carrées
et surmontées d’un simple bandeau. Le nouveau type
de fenêtres surprit et rencontra bien des résistances.
Vasari, dans sa vie de Baccio d’Agnolo, nous parle des
moqueries des Florentins pour de telles formes qui, disent-ils,
font ressembler à des temples les façades des palais.
École de Bramante et de Raphaël. — Autour de Bramante
et de Raphaël d’autres architectes, à ce moment,
ont illustré l’école romaine. Peruzzi est le plus grand.
Par la nature de son génie il se rapproche de Raphaël, et
l’une de ses œuvres, la Farnésine, a pu être attribuée par
d’excellents historiens à Raphaël lui-même. Fort bien conservée
encore, la Farnésine, faite pour le grand banquier
Agostino Chigi, est le type le plus significatif de la demeure
élégante d’un grand seigneur au début du xvie siècle. Sur
sa façade principale elle s’ouvre par un portique à jour
donnant sur la longue galerie qu’immortalise l’Histoire
de Psyché de Raphaël. Au sommet de la villa, une large
frise est décorée de figures sculptées ; des pilastres à léger
relief sont disposés à chaque étage pour séparer les
fenêtres. Les moyens employés sont très simples, et cependant
le résultat est délicieux.
Pl. 11.
Cliché Moscioni.
COUR DU PALAIS SPADA, À ROME. DÉCOR PAR GIULIO MAZZONI.
Ce n’est pas un des moindres attraits de l’architecture
italienne que cette simplicité de moyens. Si on la compare
à notre architecture française de la Renaissance, avec son
étonnante complication, avec ses tourelles et ses clochetons,
ses escaliers saillants et ses avant-corps, on peut
être conduit à la trouver un peu pauvre, mais on ne peut
néanmoins s’empêcher d’admirer les effets qu’elle obtient
uniquement par des jeux de lignes, et par de subtiles
recherches de proportion et d’harmonie.
Le palais Massimo est non moins digne d’éloges.
Peruzzi avait à lutter contre de grandes difficultés provenant
de la position et de l’irrégularité du terrain. Par sa
façade infléchie en courbe, avec son beau péristyle à
colonnes, par l’habile disposition des cours et des portiques,
par l’ornementation des murs au moyen de bas-reliefs et de
décors polychromes, il a réalisé une des œuvres les plus
précieuses de cet âge. Le classicisme romain n’a encore rien
détruit de l’originalité inventive de la Renaissance.
Antonio da San Gallo le Jeune, qui dans la suite du
siècle va tenir une place de premier rang, doit être cité
ici, au moment où il débute à l’école de Bramante. Sa
petite église de Notre-Dame de Lorette à Rome (1506), qui
se compose d’une coupole octogonale s’élevant sur un plan
carré, est du plus grand intérêt par la finesse de son décor
intérieur et la richesse discrète de ses dorures. Elle est
aux églises ce que la Farnésine et le palais Massimo sont
aux palais.
Cola da Caprarola fait au même moment (1508) la Consolazione de Todi, petite église composée d’une coupole
s’élevant sur une croix grecque, et qui est si charmante
par la finesse de ses lignes architecturales qu’elle a pu être
attribuée à Bramante lui-même (Pl. 8).
Un peu plus tard, et sur un plan analogue, en 1518,
Antonio da San Gallo le Vieux construit à Montepulciano
la Madone de San Biagio, très intéressante par les
clochers accompagnant la façade et surtout par l’architecture
intérieure, où les ordres grecs prédominent d’une
façon exclusive. Là San Gallo a réalisé, par un admirable
emploi du dorique, une impression de force robuste
inconnue à l’école de Bramante et de Raphaël, et que
seuls Michel-Ange et Antonio da San Gallo le Jeune sauront
retrouver (Pl. 8).
L’art de l’école romaine étend très rapidement son
influence sur toute l’Italie, et nous trouvons notamment à
Pesaro, à Gênes, à Mantoue, les chefs-d’œuvre de quelques-uns
des meilleurs élèves de Raphaël, Girolamo Genga,
Pierino del Vaga, Jules Romain.
Girolamo Genga, appelé par le duc d’Urbino, François-Marie
della Rovere, neveu de Jules II, construit près de
Pesaro la villa de Monte Imperiale ; c’est une construction
toute spéciale, solennelle comme le palais d’une ville, et
charmante comme une maison de campagne. Placés au
milieu de vastes jardins, dans un terrain accidenté, les
bâtiments s’étagent parmi les verdures et les eaux, et la
décoration intérieure, à laquelle travaillèrent de nombreux
artistes (Pl. 9), rivalise avec tout ce qu’il y a de plus beau à
Pl. 12.
Cliché Alinari.
VILLA MÉDICIS, À ROME. Façade sur les jardins.
Rome. Cette œuvre, si justement vantée par Vasari, est
comme une suite de la villa Madame et de la Farnésine,
et peut être considérée comme la plus importante des
grandes villas du xvie siècle.
À Gênes, nous trouvons, au palais Doria, construit par
Montorsoli, des décors exquis de Pierino del Vaga : les
grandes peintures à fresque dans les vestibules et les
salons, et des stucs qui, par leur beauté, peuvent être
comparés à ceux des Loges du Vatican.
Un autre élève de Raphaël, un grand artiste qui, tout
en continuant l’art de son maître, avait un tempérament
très personnel, Jules Romain, moins sensible à la pure
beauté, mais plus désireux d’un art expressif, agité par
des pensées plus ardentes et plus inquiètes, fait à Mantoue,
pour la puissante famille des Gonzague, une œuvre non
moins considérable que celle de Girolamo Genga à Pesaro.
Jules Romain, épris de force, adopte l’ordre dorique dont
Raphaël ne s’était jamais servi, mais il le traite d’une façon
tout à fait charmante, lui donnant une élégance que nous
ne trouvons chez aucun autre architecte. Par ce palais,
Jules Romain prend une position intermédiaire entre
Raphaël et Michel-Ange.
Dans l’œuvre de Jules Romain à Mantoue, il faut apporter
une attention particulière à la partie décorative, soit
à celle du palais du Té, soit à celle de l’ancien palais
des Gonzague, où il crée un style plus robuste que celui
de Raphaël, mieux fait pour décorer de grands espaces, et
dont la plus heureuse innovation est l’emploi de grandes statues (Pl. 9) dont les formes élégantes rompent les lignes
architecturales et s’associent admirablement au décor
peint. C’est l’art que le Primatice apportera à Fontainebleau,
et qui a été l’origine de toutes les splendeurs des
palais français du xvie siècle. Les palais de Mantoue sont
un des ensembles décoratifs les plus gigantesques qui aient
été faits en Italie. L’œuvre est si colossale qu’il semble
aujourd’hui que l’on se sente incapable de l’entretenir, et
cependant, la ruine d’une chose si belle, on devrait tout faire
pour l’empêcher.
III. — Pontificats de Clément VII et de Paul III.
Michel-Ange. Antonio da San Gallo le Jeune. Vignole.
Michel-Ange. — La prise de Rome en 1527, par les
armées du connétable de Bourbon, fut un événement d’une
importance exceptionnelle dans l’évolution de la civilisation
romaine. Toute la joie tranquille de cette société raffinée,
heureuse et calme, s’effondre en un instant : c’est
un horrible réveil après le beau rêve de la Renaissance.
L’école artistique, qui avait atteint un si haut degré de
beauté, est brusquement arrêtée dans son développement ;
tous les élèves de Bramante et de Raphaël, tous les disciples
de la Renaissance, quittent Rome et portent leur
art gracieux dans d’autres villes d’Italie.
À Rome, c’est pendant quelques années, pendant la fin
du pontificat de Clément VII surtout, une période de profonde
tristesse : il faut panser les blessures et réparer les ruines. Toute la douleur de cet âge sera exprimée par
Michel-Ange, et rien ne peut nous la faire mieux sentir
que des œuvres telles que le Tombeau de Jules II et ceux
des Médicis, qu’il avait commencés sous Jules II et
Léon X, pendant les jours les plus heureux de la
Papauté, mais qu’il reprend sous Clément VII et Paul III,
en en modifiant profondément le caractère, après avoir
subi dans son cœur de Romain et de Florentin toutes les
douleurs des sièges de Rome et de Florence.
L’exemple de la Tombe de Jules II est typique. Dans
cette œuvre, dont les premiers projets remontent à 1509,
nous voyons d’abord l’âme même de Jules II diriger la
pensée de Michel-Ange. À ce pape guerrier qui rêve de
délivrer, et de dominer toute l’Italie, qui a combattu et
triomphé toute sa vie, Michel-Ange veut élever un monument
comme seuls en eurent les Pharaons ou les empereurs
romains. Quarante statues accumulées autour d’un
mausolée triomphal devaient célébrer la gloire du pape
conquérant. Mais lorsque, trente ans plus tard, Michel-Ange
put enfin achever l’œuvre longtemps interrompue,
elle sortit de ses mains méconnaissable. Non seulement
les projets grandioses sont abandonnés, faute de temps et
d’argent pour les réaliser, mais l’œuvre change entièrement
de caractère. De joyeuse et triomphale qu’elle devait être,
elle devient triste et sévère. La farouche figure de Moïse,
qui ne devait être primitivement qu’une figure accessoire
devient le centre du monument, le constitue pour ainsi dire
tout entier et met sur tout ce tombeau une expression de sauvage terreur. Je n’insisterai pas sur les détails de cette
tombe, si incohérente qu’elle serait inexplicable si l’on ne
savait qu’elle fut faite en utilisant tant bien que mal des
fragments sculptés à diverses reprises en vue de projets
différents. Il faut remarquer pourtant combien frappantes
sont la sécheresse et la nudité de toutes les parties supérieures,
faites tardivement, et combien elles contrastent par
leur tristesse avec le brillant décor et la richesse de tous
les fragments de date antérieure.
La chapelle funéraire des Médicis et les Tombeaux
qu’elle renferme nous permettront de faire des constatations
analogues : commandés par Léon X, au milieu des
splendeurs et des triomphes de la papauté, ces tombeaux
ne furent terminés que vingt ans plus tard, après la tristesse
des invasions et de la défaite. Plus encore que la
tombe de Jules II, ils portent la marque du désespoir qui
étreignit l’Italie dans ces jours funestes, et Michel-Ange y
a mis la plus poignante expression de la douleur d’une
grande âme pleurant les malheurs de sa patrie. L’œuvre
qui a été toute transformée en cours d’exécution n’est plus
qu’un fragment des projets primitifs, et seules quelques
statues sont là disant la pensée du maître. Mais ces
statues sont si belles que notre esprit subjugué les
admire comme une des œuvres les plus géniales de l’art,
sans penser à critiquer la partie architecturale qui, toute
mutilée, est devenue pour ainsi dire incompréhensible[3].
Pl. 13.
Cliché Alinari.
SAINT-PIERRE DE ROME. Projet en bois de San Gallo, façade.
Cliché Alinari.
SAINT-PIERRE DE ROME. Projet en bois de San Gallo, partie latérale.
Cette période sombre qui suivit les jours du sac de Rome
ne fut pas de très longue durée, et, dès l’avènement de
Paul iii, une ère nouvelle s’ouvre à Rome. Paul iii, Farnèse, agit comme un grand seigneur, et le caractère de son pontificat sera l’importance des constructions civiles. Dans cette Italie, où de toutes parts les princes doivent songer à défendre leur couronne et leur vie, les préoccupations religieuses s’affaiblissent : on a trop peur de Charles-Quint pour ne pas un peu oublier Dieu. On cesse de construire des églises, pour construire des châteaux
forts et des palais. Au milieu de leurs guerres, les rois et
les princes vont être moins chrétiens et plus sensuels que
jamais : c’est l’âge de Cellini et du Primatice, de Jules Romain et de Paul Véronèse. Jamais la nudité n’a prédominé dans l’art comme à cette époque.
Il est une œuvre qui est très profondément empreinte du
caractère de cet âge, c’est le Tombeau du pape Paul iii, où un élève de Michel-Ange, Guglielmo della Porta, ne craint pas, sous prétexte de représenter une Vertu, de sculpter une statue de femme nue, et non pas seulement,
comme l’avait fait Michel-Ange pour les tombeaux des Médicis, une statue de femme dont la douleur et le désespoir semblaient faire oublier la nudité, mais une nudité outrageusement sensuelle, et telle que les successeurs de Paul III furent obligés de la faire recouvrir.
Un des grands événements du pontificat de Paul iii fut la réception de Charles-Quint à Rome. Les armées espagnoles n’entrent plus en ennemies mais en alliées, et il s’agit de fêter le souverain qui tient dans ses mains la
papauté, comme il tient toute l’Europe. C’est pour l’honneur
que Paul iii conçoit l’aménagement du Capitole, qui fut vraiment la première grande œuvre architecturale de
Michel-Ange, œuvre de véritable génie où il mit toute la
force de sa pensée. Devant elle il semble que toutes les autres productions de la Renaissance soient petites et qu’il faille remonter au moyen âge pour retrouver pareille grandeur.
L’aménagement de la place du Capitole comprend trois palais : au fond le Palais des Sénateurs, dont le perron seul fut construit par Michel-Ange, et qui fut terminé plus
tard par Girolamo Rainaldi, avec une sensible modification
de ses projets, et deux palais latéraux, identiques (Pl. 10),
construits très fidèlement, sauf la fenêtre centrale, d’après
les dessins de Michel-Ange.
Tout dans ces palais concourt à l’impression de puissance :
le grand ordre de pilastres embrassant deux étages et la
forte corniche qui les surmonte, les lourds frontons des
fenêtres, ainsi que les ouvertures du rez-de-chaussée,
avec les colonnes trapues qui soutiennent leur architrave.
Les reliefs énergiques, la vigueur et la simplicité des lignes
fortement accusées par les ombres, donnent à la façade un
aspect de plénitude et de force ; la balustrade ornée de
statues, qui la couronne, corrige ce qu’elle aurait de trop
sévère et achève de faire d’elle, pour la place du Capitole, le décor à la fois somptueux et puissant que devait désirer
Paul iii. Ce qui ajoute encore de l’intérêt à cette œuvre, c’est que toutes ces formes, grand ordre, ouvertures au
rez-de-chaussée, architraves, balustrades, statues terminales,
sont des nouveautés dans l’architecture des palais.
Antonio da San Gallo le Jeune fut, à côté de Michel-Ange,
le grand architecte de cet âge. Son œuvre capitale est le
palais Farnèse (Pl. 10). Ce palais, commencé sous Léon x pour le cardinal Farnèse, et qui devait être d’abord relativement modeste, ne prit ses proportions actuelles que lorsque le cardinal devint le pape Paul iii. Son caractère se ressent des deux époques de sa construction : les fenêtres, avec la disposition de leurs frontons, avec la grâce des colonnes légères qui les bordent, appartiennent à l’époque et à l’art de Léon x ; elles mettent sur la façade du palais une élégance qui disparaît totalement à l’intérieur, pour faire place au sentiment de force qui est le trait essentiel de l’art sous Paul iii. Dans le vestibule encombré de colonnes, dans le cortile où, soit au rez-de-chaussée, soit au premier étage, s’ouvrent de puissantes arcades rappelant celles du Colisée ou du théâtre de Marcellus, San Gallo renonce à l’ordre corinthien et à l’ionique, aux styles gracieux de l’art grec que ses prédécesseurs avaient toujours préférés ; il comprend la valeur du dorique et il en tire des effets de grandeur qui n’ont été égalés que par Palladio à la Basilique de Vicence.
Le palais Farnèse, laissé inachevé par San Gallo, fut
terminé par Michel-Ange à qui l’on doit le second étage de
la cour, la corniche et la fenêtre centrale de la façade.
Vignole, dont l’art a les plus grandes analogies avec celui
de San Gallo, qui a la même sévérité, la même grandeur,
construit pour les Farnèse le palais de Caprarole. Ce
château polygonal, avec ses bastions, a l’aspect d’une
forteresse ; mais, sur toutes les murailles, Vignole prodigue
le décor des colonnes et des arcades. Son œuvre
ressemble à un château fort français, qui serait revêtu
de la parure de l’art antique.
Le château Saint-Ange, qui avait rendu de si grands
services à Clément vii, en lui servant de forteresse et d’abri, qui l’avait sauvé lors de la prise de Rome, Paul iii va le prendre en particulière affection : il y ménage des appartements où Pierino del Vaga met des chefs-d’œuvre d’art décoratif. Le décor des salles, tout en peintures, est une suite de l’art de Raphaël, et prépare celui d’Annibal Carrache au Farnèse.
Et il faut citer enfin, pour compléter les œuvres dues
aux Farnèse, les jardins que Paul iii fit si magnifiquement dessiner au milieu des ruines du Palatin.
À côté des palais des Papes, nombre de palais et de villas sont alors commandés par les grandes familles de Rome, et surtout par les cardinaux.
Le palais Spada, construit en 1540 pour le cardinal
Capodiferro, a une façade qui est inspirée de celle
du palais dell’Aquila de Raphaël. La recherche du décor
sculpté a une plus grande importance encore dans la cour du palais et atteint à une beauté qui semble n’avoir été que rarement égalée (Pl. 11). Cette belle décoration est l’œuvre du lombard Giulio Mazzoni.
La villa Médicis, construite pour le cardinal Ricci da Montepulciano,
est, elle aussi, un bijou digne des maîtres du
début du siècle. Comme au palais Spada, c’est le principe
du décor sculpté qui prédomine, avec cette particularité
que l’on emploie des bas-reliefs antiques encastrés dans les
murs, et c’est bien là un des témoignages les plus intéressants
de l’amour de cet âge pour tout ce qui rappelait
l’antiquité. Mais à côté de ce placage, à côté de cette accumulation
de bas-reliefs qui couvrent tous les murs, il y a
dans la façade de cette villa quelque chose de plus architectural,
le portique, qui est peut-être la plus belle entrée de
palais qu’il y ait à Rome (Pl. 12). C’est une grande
ouverture divisée par deux groupes de colonnes accouplées,
avec cette disposition, qui date de la chapelle Pazzi
de Brunelleschi et qui fut si souvent employée au
xvie siècle, notamment dans l’école de Bramante, d’une
haute baie centrale en plein cintre accostée de deux ouvertures
architravées. Une tradition vague veut que Michel-Ange
ait été pour quelque chose dans cette façade, et
vraiment, en raison de son exceptionnelle beauté, en raison
aussi de son analogie avec les palais du Capitole, soit
par la puissance de la conception, soit par le style des chapiteaux
et la forme des perrons, soit surtout par la disposition
du portique, semblable à celui de la façade intérieure
du palais des Conservateurs au Capitole, cette attribution
me paraît devoir être maintenue.
C’est encore un cardinal, Hippolyte d’Este, qui, au même moment, construit à Tivoli la villa d’Este, villa
capitale dans l’évolution de l’architecture, en raison de la
disposition de ses jardins et de ses eaux. Tout ce qui avait
été fait jusqu’alors, même les villas des Médicis à Florence,
semble petit à côté de cette œuvre nouvelle. Surtout,
c’est la première fois que les eaux prennent une place aussi
importante, et cela tient au site dans lequel sont placés les
jardins qui s’étagent sur les pentes de la colline de Tivoli
dont les eaux abondantes permirent de disposer partout
des bassins, des jets d’eaux, surtout des cascades, et de
créer un ensemble qui, nulle part ailleurs, n’a pu être
imité.
Si, pendant cet âge, la papauté s’intéresse peu à la construction
des églises, il en est cependant une qu’elle ne
saurait négliger, ce Saint-Pierre auquel de si grandes
sommes ont déjà été consacrées. Antonio da San Gallo le
Jeune, qui avait été l’élève de Bramante, va reprendre
l’œuvre dès la mort de Peruzzi, qui avait succédé à
Raphaël. Nul n’a fait pour cette église des projets plus
nombreux et plus différents, adoptant d’abord, comme
l’avait fait Raphaël, la croix latine. Mais rencontrant alors
de graves difficultés dans la répétition, le long des nefs,
des gigantesques piliers portant la coupole, il en arrive,
dans son projet définitif, à une sorte de moyen terme,
où l’église est en croix grecque, mais s’allonge en
avant par un grand portique qui la relie à un bâtiment
isolé, la loge de la Bénédiction, qui sert de façade à
toute l’église.
Pl. 14.
Cliché Alinari.
PALAIS DES DOGES, À VENISE. L’escalier des Géants.
Cliché Alinari.
PALAIS DES DOGES, À VENISE. Partie construite par Bergamasco.
Ce projet parut si beau que l’on ne se contenta pas de le fixer par des dessins, mais que l’on en fit faire un modèle en bois, modèle que l’on conserve encore à Saint-Pierre et qui est un document inappréciable pour l’histoire de l’architecture à cette époque (Pl. 4 et 13).
Le plan est encore assez voisin de celui de Bramante et surtout de celui de Peruzzi ; il se distingue d’eux par une tendance à la simplification des lignes, mais il garde malgré cela, par la multiplicité des espaces, une très grande complication, et cette complication fut un des principaux arguments dont se servit Michel-Ange pour le faire abandonner.
À l’extérieur, malgré l’excessive accumulation des formes architecturales, il faut louer le beau décor des grandioses absides et surtout la coupole, avec la double galerie de son tambour et sa puissante lanterne terminale.
La plus grande curiosité du projet de San Gallo est sans doute dans les hauts clochers qui flanquent la façade : c’est là une conception très éloignée de la Renaissance, et que Michel-Ange, avec raison, traitera d’œuvre gothique.
Le seul travail que San Gallo eut le temps d’exécuter fut la reprise des piliers et des murs de Bramante ; très justement, il comprend que ces piliers, déjà trop légers pour la coupole que ce maître avait conçue, seraient absolument insuffisants pour celle qu’il projette. Et il reprend toutes les fondations, que Bramante négligeait toujours, poussé par la fièvre de Jules II qui avait hâte de voir les murs sortir de terre. La grande œuvre de San Gallo à Saint-Pierre a été de donner aux piliers et aux murs les forces nécessaires. C’est grâce à ce qu’il fit que Michel-Ange, plus tard, put si rapidement et si facilement élever sa coupole, et c’est grâce à lui que sa solidité défie les
siècles.
IV. — L’art en dehors de Rome.
Vasari. Sansovino. San Micheli. Palladio.
Florence. — Après l’arrêt causé à Florence au début du siècle par les révolutions et les guerres, la restauration de la dynastie des Médicis, l’avènement d’un prince tel que le grand duc Cosme Ier, allié à la maison d’Autriche, marque une nouvelle ère de prospérité, une ère semblable à celle de Rome sous Paul III, peu chrétienne, toute faite pour la gloire et le plaisir du prince.
Cosme ne s’intéresse guère qu’à ses palais et aux monuments civils : il commence par abandonner le palais construit par Michelozzo pour s’installer au palais de la Seigneurie qu’il fait agrandir ; Vasari élève les importantes constructions destinées à recevoir les bureaux de son
administration, ces Uffizi si remarquables par la belle disposition de séries d’arcades au rez-de-chaussée. Pour Éléonore de Tolède, la femme du grand-duc, Vasari aménage des appartements, et plus tard, à l’occasion du
mariage de son fils François avec Jeanne d’Autriche (1565), on décore la grande cour intérieure avec une richesse qui
Pl. 15.
Cliché Alinari.
SCOLA DI ROCCO, À VENISE, PAR BARTOLOMEO BUON ET SCARPAGNINO.
rappelle toute la joie de l’architecture du xve siècle. La salle des Cinq-Cents, la grande salle construite par la République florentine en 1495, fut restaurée par Vasari à partir de 1567 : avec ses hautes colonnes, ses statues dans les niches, le décor somptueux de sa frise, elle est un
des beaux exemples de l’art décoratif du xvie siècle.
Cosme transforme en un véritable musée la Loggia de la place de la Seigneurie, faite au xive siècle pour les réunions des notables florentins, en y réunissant des chefs-d’œuvre antiques et modernes ; et les œuvres d’art se
multiplient sur cette place. Ce sont des statues placées en avant du palais ; c’est, sur le côté, la somptueuse fontaine de l’Ammanati, et ce fut plus tard la statue équestre du duc lui-même, statue qui fut à bon droit placée là pour conserver le souvenir de celui qui fit tant pour cette place de la Seigneurie, et qui lui donna une beauté digne de rivaliser avec celle de la place Saint-Marc à Venise.
Ce palais de la Seigneurie, cette Loggia, cette place ne lui suffisent plus ; il trouvait cette demeure trop triste et trop confinée dans l’intérieur de la ville, il s’installe au palais Pitti, qu’il fait considérablement agrandir par l’Ammanati et qu’il entoure de magnifiques jardins, donnant
là un des premiers exemples de belles ordonnances de jardins en terrasses, embellis par des allées aux épais ombrages et par la fraîcheur des eaux jaillissantes.
Gênes, au xvie siècle, se couvre de palais, et l’architecture civile y revêt une forme très originale et personnelle. Le climat méditerranéen, la topographie fort accidentée de la ville, l’absence de grandes places et l’étroitesse des rues sont autant de causes qui influent sur les constructions. Le manque de recul pour voir les façades engage à chercher, dans une ornementation abondante, dans le fort relief des
sculptures ou même dans la couleur des fresques, plus que dans des combinaisons purement architecturales, l’aspect somptueux que réclament pour leurs demeures des commerçants prodigieusement enrichis. Le sol en pente provoque d’ingénieuses dispositions de terrasses étagées, d’escaliers et de grottes dont les architectes ont su tirer des effets de perspective extrêmement brillants et variés. La beauté du climat, favorisant plus que partout ailleurs la vie à l’extérieur, a multiplié les portiques, les balcons, les terrasses, les balustrades et les perrons. Il ne faut pas oublier enfin que Gênes est tout près des carrières de Carrare et que, plus que toute autre ville, elle était à même de créer une architecture de marbre. Tout cela donne aux palais de Gênes un aspect très caractéristique, qui les distingue également des constructions romaines, des florentines,
ou des vénitiennes.
Venise occupe une place complètement à part dans l’architecture italienne. Elle a connu successivement tous les styles, depuis le byzantin, le roman et le gothique, jusqu’à la Renaissance et au Baroque, mais elle les a tous transformés au point de les rendre méconnaissables. L’originalité
de cette ville est si grande, qu’elle a su faire sienne
Pl. 16.
Cliché Alinari.
CHAPELLE DU SANTO, À L’ÉGLISE SAINT-ANTOINE, PADOUE.
toutes les formes d’art qu’elle a adoptées. Il y a vraiment un style architectural qui est purement vénitien, et c’est là un phénomène rare dans l’histoire de l’art. Tandis qu’au XVe siècle toute l’Italie se fait florentine, de même qu’elle sera toute romaine pendant les trois siècles suivants, on peut dire que Venise reste toujours vénitienne. Alors que
l’on aura souvent de la peine à distinguer un palais florentin d’un palais romain ou napolitain, une œuvre vénitienne se reconnaîtra toujours au premier coup d’œil. Il y a plus d’analogies entre deux palais vénitiens séparés par sept siècles d’histoire, entre le palais Lorédan du xie siècle par
exemple et le Rezzonico du xviie siècle, qu’il n’y en a entre deux palais construits à la même époque sur la lagune ou sur les rives de l’Arno, entre la Cà d’Oro et le Palais Vieux qui datent tous deux du xive siècle, ou entre le palais Vendramini et le Strozzi du xve siècle.
De quoi est fait ce style vénitien ? Avant tout de sa légèreté et de sa richesse : la légèreté est due à une habitude séculaire de la sécurité. Alors que partout au monde la maison noble fut toujours une maison forte et que, tout particulièrement en Italie, elle dut garder très tardivement
ce caractère, à Venise, c’est l’agrément que l’on cherche et non la défense. Le nombre et la dimension des ouvertures sont anormaux en Italie, pays du Midi, où la crainte de la chaleur fait du soleil l’ennemi, et conseille au
contraire les murs épais et les ouvertures rares. Pour trouver des fenêtres analogues à celles de Venise, il faut aller dans les pays du Nord, avides de lumière, en Hollande ou en Angleterre. Mais il faut remarquer d’abord que Venise, par sa situation relativement septentrionale, n’est pas très chaude, et il faut surtout penser que Venise, vivant au milieu de la mer, ne peut se lasser de la contempler. Venise a l’orgueil de ses canaux : ils sont l’âme de la cité ; c’est là que se font toutes les grandes cérémonies civiques, que se donnent toutes les fêtes. Il faut aux Vénitiens de grandes fenêtres pour voir, et il leur faut de magnifiques façades pour orner ces canaux où se passe toute leur vie. À Venise, tout est subordonné à la mer ; on pourrait dire que c’est la gondole qui a fait son architecture.
Un autre fait intéressant à noter, c’est la prédominance de l’architecture civile sur l’architecture religieuse. Ceci a toujours été un des caractères de l’art vénitien, mais il est encore plus apparent à cette époque du xvie siècle qui voit un affaiblissement général de la pensée religieuse dans
toute l’Italie.
Nous savons que Venise avait adopté vers la fin du xve siècle le style fleuri de la première Renaissance. Ce style se continue sans transformations pendant le premier tiers du xvie siècle. L’œuvre la plus importante qui se fait
alors est la continuation du décor de la cour intérieure du palais des Doges, commencée précédemment par A. Rizzo. L’escalier est particulièrement remarquable, avec les deux statues colossales qui l’encadrent et le groupe de trois arcades que domine superbement le Lion de Saint-Marc (Pl. 14). C’est là, au milieu d’un ensemble un
Pl. 17.
Cliché Alinari.
LA LIBRERIA DE VENISE, PAR JACOPO SANSOVINO.
peu confus, une partie irréprochable où s’allient, dans la plus juste mesure, l’élégance, la richesse et la force.
Des œuvres d’un esprit plus architectural commencent à s’établir dans les premières années du xvie siècle. C’est d’abord au palais des Doges une aile nouvelle construite en 1520 par Bergamasco, dont la simplicité contraste avec le luxe du reste du palais (Pl. 14). C’est surtout la très intéressante Scuola di San Rocco, œuvre de Bartolommeo Buon et de Scarpagnino (Pl. 15). Les progrès de la Renaissance se manifestent dans ces deux œuvres par
l’emploi des frontons et des colonnes, et nous voyons réapparaître le désir de tirer le principal effet de l’ossature architecturale. Mais on sent encore, surtout à la Scuola, une certaine inexpérience dans le maniement des
formes antiques : de grands frontons trop grêles reposent sur des colonnes trop effilées. Au point de vue de la connaissance de la Renaissance, c’est une œuvre en retard sur ce qui se fait à Florence, mais c’est une œuvre charmante, pleine d’originalité, où Venise a mis sa marque par un décor extrêmement délicat, en faisant un usage discret de la polychromie, en cannelant les colonnes, en les entourant d’un ravissant motif de bagues sculptées, en couvrant de riches ornements la large frise terminale.
Le même amour du décor se remarque dans les chapelles dont la plus belle est celle du Santo, à Padoue, qui, par le charme de son architecture, la délicatesse de son ornementation et la beauté de ses matériaux, est un exemple admirable de l’art vénitien au début du siècle (Pl. 16).
Il restait à Venise un pas à faire pour passer du style de la première Renaissance au vrai style du xvie siècle, au style de Bramante qu’elle ne connaissait pas encore. C’était là une épreuve redoutable, car si l’on conçoit sans peine que Venise ait pu s’assimiler et plier à ses fantaisies
décoratives le charmant et léger style florentin du xve siècle, on pouvait se demander quel effet produirait l’art plus sobre du xvie siècle, et l’on pouvait craindre que les caractères de gravité et de puissance qu’il avait pris à Rome ne parussent à Venise de la froideur et de la lourdeur.
Grâce au génie d’un très grand artiste, le plus grand après Bramante et Michel-Ange, cet art du xvie siècle créa au contraire les plus magnifiques chefs-d’œuvre de l’art vénitien. C’est Jacopo Sansovino qui, après le sac
de Rome, l’apporte à Venise. Sansovino a toute la science des successeurs de Bramante, mais il n’est pas l’esclave de leurs formules. Sansovino, qui était un sculpteur, comprit qu’à Venise l’aspect décoratif devait tout primer, il sut conserver le décor comme un des éléments essentiels de son art et lui subordonner la rigueur des principes. Aussi, si quelques critiques ont pu blâmer certains détails de ses œuvres et y montrer l’inobservance de prétendues règles d’architecture, il n’est personne qui, livré à ses propres impressions, n’en ait subi profondément le charme, et dans son cœur ne classe les œuvres de Sansovino au nombre des grandes merveilles de l’art.
Sansovino n’est pas arrivé du premier coup à cette perfection, à cette heureuse fusion du style romain et du
Pl. 18.
Cliché Alinari.
LOGGETTA DE LA PLACE SAINT-MARC, À VENISE, PAR JACOPO SANSOVINO.
style vénitien que personne après lui n’a si heureusement réalisée. Il débute à Venise par la Zecca, assez lourde construction où il emploie le style rustique que l’on avait pu essayer à Florence et à Rome mais qui est trop loin de l’élégance que l’on désire à Venise.
Le palais Corner est encore très romain par l’ordonnance simple et majestueuse de la façade. Le caractère vénitien y apparaît pourtant déjà, notamment dans le nombre et le relief des colonnes, dans la dimension des ouvertures et la profusion des balcons.
Le palais Corner est sans doute très beau, mais il pâlit et disparaît à côté de ces incomparables merveilles que sont la Libreria et la Loggetta.
La Libreria (Pl. 17) est une de ces œuvres devant lesquelles tous les critiques s’inclinent. Palladio, le plus puriste de tous les architectes, a déclaré que c’était le plus beau monument construit depuis l’antiquité. La Libreria est faite tout entière d’une suite d’ouvertures séparées par des piliers flanqués de colonnes. C’est le vieux motif romain remis en honneur par les maîtres de la Renaissance ; mais quelle vie nouvelle donnée à cette architecture ! quels effets encore inconnus ne va-t-elle pas réaliser ! Dans cette œuvre les qualités les plus contraires sont réunies : la puissance s’allie à la légèreté, le luxe et l’abondance de la décoration à la majesté de l’ordonnance purement architecturale. Le fort enfoncement des fenêtres et l’ouverture des arcades donnent à la façade une vigoureuse impression de relief qui manquait au palais Corner. Le couronnement est un étonnant chef-d’œuvre : le peu d’élévation de l’édifice ne permettait pas une corniche à forte saillie comme celle du palais Farnèse à Rome ; tout l’effet terminal est demandé à une haute frise très brillamment et très puissamment ornée d’une légère balustrade sur laquelle se dresse une longue série de statues qui donnent à la terminaison, et dans une forme incomparablement plus belle, ce même aspect de dentelle qu’offraient, de l’autre côté de la Piazzetta, les créneaux du palais des Doges.
Et la Loggetta ! (Pl. 18). Il semble que l’on n’en ait vraiment compris toute l’exquise beauté que le jour où elle disparut sous l’effondrement du Campanile ; toute la joie de Venise paraissait s’évanouir avec elle, avec ce petit monument que Sansovino avait si bien fait, noble et charmant, à l’image de l’aristocratie vénitienne. On a pu heureusement le reconstruire tel qu’il était avant sa destruction.
Il faut remarquer que l’œuvre de Sansovino avait été légèrement déformée au cours du xviie et du xviiie siècle et qu’elle était sortie plus belle encore de ses mains. Le sommet du monument avait moins de lourdeur et de monotonie et il se reliait plus intimement aux arcades du rez-de-chaussée
par des statues qui en surmontaient les colonnes ; mais surtout il n’y avait pas cette balustrade trop haute qui en cache les parties inférieures. Le vrai chef-d’œuvre de la Loggetta, celui qui est resté intact, ce sont les
arcades, avec le beau motif des doubles colonnes enfermant des niches décorées de statues. C’est un motif que la Renaissance florentine avait traité souvent, mais jamais avec une grâce aussi exquise. Et cela tient à un fait bien rare en architecture, c’est que Sansovino a été en même temps le sculpteur et l’architecte de son œuvre, mettant partout la délicatesse de son génie.
Sansovino avait une âme sensible qui lui permit de comprendre la joie de Venise et de faire l’architecture idéale qui pouvait plaire à cette reine de l’Adriatique. Un autre maître, d’un tempérament plus mâle et plus sévère,
San Micheli, allait, plus que lui, transporter dans la Vénétie quelque chose de la force et de la grandeur romaines. Il ne construisit pas seulement des palais, mais aussi des forteresses. Il fut vraiment l’architecte de ces guerriers, de ces princes qui passaient toute leur vie sur les champs de bataille. C’est moins à Venise qu’il travaille que sur la terre ferme, à Vérone, là où l’on est moins à l’abri des fléaux de la guerre que dans la ville des lagunes.
Le palais Bevilacqua, de Vérone (Pl. 19), montre bien l’impression de puissance qui se dégage de toutes ses œuvres ; on y trouve la plupart des caractères de son art : l’emploi de robustes bossages, la grande dimension
des ouvertures, la force des reliefs, la vigueur de l’ornementation, et cette manière qui lui est toute particulière de disposer sur ses façades des alternances de grandes et de petites fenêtres.
À côté de Sansovino, gracieux comme un Raphaël, à côté de San Micheli, énergique comme un Michel-Ange, Palladio, classique comme Bramante, complète le trio des grands architectes qui illustrèrent la Venise du xvie siècle.
Palladio plus que tous les successeurs de Bramante, plus que Bramante lui-même, car il profite de ses recherches et peut pousser ses études plus avant, est l’architecte qui a incarné de la façon la plus complète l’esprit de la Renaissance. « Nul architecte, dit le Cicérone, n’a pénétré plus
profondément jusqu’à l’essence des monuments antiques. Il est presque le seul qui n’ait jamais recherché un effet de détail décoratif et qui n’ait poursuivi dans l’organisme de ses édifices que l’ordonnance et le sentiment des proportions. »
Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il ait peu travaillé à Venise ; il était trop classique, trop assujetti à la rigide observance des règles, trop imbu de ce principe que la pure imitation de l’antiquité permet seule de réaliser la beauté (n’avait-il pas proposé de restaurer en style classique le palais des Doges ?). Il ne pouvait plaire dans la ville de la libre fantaisie.
C’est à Vicence que l’on trouve presque toutes ses œuvres. La Basilique (Pl. 19) suffirait à sa gloire, bien qu’elle ne soit pas absolument caractéristique de ce qui fut sa vraie manière. L’influence vénitienne s’y manifeste dans une certaine mesure par l’importance des ouvertures, par l’emploi des balustrades et par la ligne terminale ornée de statues : mais, malgré tout, la note dominante est celle de la puissance et de la sobriété. C’est une œuvre encore profondément romaine par son esprit ; on y sent le
souvenir des façades intérieures du palais Farnèse et involontairement on pense à Antonio da San Gallo. Cette Basilique ne fut pas un monument construit de toutes pièces, c’est une restauration, un aménagement du vieux palais de la Ragione du moyen âge. Palladio se contente d’entourer la grande salle par un somptueux double portique qui donne à l’édifice municipal une incomparable majesté et en fait une œuvre à peu près unique. Avec la Libreria de Sansovino il n’est pas de monument dans le nord de l’Italie plus digne d’être mis au premier rang.
Si la basilique de Vicence assure à Palladio une gloire impérissable, ce n’est pourtant pas elle qui constitua la plus grande part de sa longue célébrité et qui lui donna ses plus ardents admirateurs, les néo-classiques.
Cette célébrité, il la dut plutôt aux nombreux palais et villas qu’il construisit et à son Traité d’architecture où il étudia avec une amoureuse précision les monuments antiques et où il proposa une foule d’exemples dans le plus pur style classique. L’œuvre la plus représentative de ses recherches est sans doute la célèbre Rotonde, villa située dans les environs de Vicence, qui se compose d’une grande salle circulaire voûtée par une coupole, autour de laquelle sont disposés des appartements symétriques et
sur laquelle s’ouvrent quatre portes opposées, chacune précédée d’un portique à colonnes. La coupole basse, la symétrie parfaite, les colonnades, n’est-ce pas le résumé de tout le programme de Bramante et de la Renaissance ?
Le palais Chiericati (Pl. 20) appartient au même style et a été construit avec la même rigueur de principes. Il comporte, sur la façade à deux étages, un double portique de colonnes libres portant un entablement. C’est la vraie, la pure forme classique, la forme grecque, très rarement employée par les maîtres de la Renaissance qui se sont toujours inspirés de préférence de l’arcade romaine. La sobriété des ordres, le dorique et l’ionique, montre bien que c’est par les lignes architecturales seules, et non par le décor, que Palladio entendait obtenir ses effets. Le palais Valmarana présente sur la cour cette même disposition de portiques à deux étages, avec entablement.
Pour nous qui n’avons plus la même superstition de l’antiquité et qui nous intéressons à l’architecture surtout en raison des formes nouvelles qu’elle doit créer pour satisfaire à des besoins sans cesse renouvelés, nous avons
de la peine à admirer sans réserve de telles œuvres et nous y trouvons une certaine froideur. Palladio nous plaira davantage lorsque, faisant quelques concessions au goût de ses contemporains de Venise, il cherche certains effets plus hardis, et introduit le décor dans son architecture, Il est particulièrement intéressant dans la Loggia del Capitanio et dans le théâtre Olympique de Vicence, où, dégagé de toute préoccupation utilitaire, il peut donner un libre essor à ses pensées et créer une œuvre de la plus captivante fantaisie architecturale (Pl. 20).
Le classicisme de Palladio se retrouve dans ses églises. Nous publions ici l’intérieur du Redentore (Pl. 21), où l’on voit que Palladio, reprenant les traditions de Brunelleschi, renonce à tout décor peint ou sculpté pour ne
chercher ses effets que dans les lignes architecturales,
Pl. 19.
Cliché Alinari.
PALAIS BEVILACQUA, À VÉRONE, PAR SAN MICHELI.
Cliché Alinari.
BASILIQUE DE VICENCE, PAR PALLADIO.
et où l’on remarque particulièrement l’emploi des colonnes engagées dans les murs et la très intéressante forme d’abside portée par des colonnes, en avant d’un arrière-chœur. La façade de San Giorgio Maggiore (Pl. 21), dont
la silhouette très simple reproduit fidèlement la coupe de l’église, est remarquable par l’importance que prend le fronton et par le bel emploi d’un grand ordre de colonnes, qui est un des traits caractéristiques de l’art de Palladio.
V. — Les Papes de la Contre-Réforme.
Michel-Ange. Vignole. Giacomo della Porta. Domenico Fontana.
L’histoire de l’architecture, comme celle de tous les arts, comme toute l’histoire sociale de l’Italie, nous a montré comment l’âge de la Renaissance s’était peu à peu déchristianisé. Le paganisme, le décor emprunté à l’antiquité, s’est fait une place même dans les églises, et personne ne semble s’étonner d’y voir des figures de satyres et de chimères y étaler leur nudité. Le monde italien se plaît à l’évocation de cette civilisation antique si bien faite pour charmer des lettrés et des artistes, et le Christ n’est plus le maître unique vers lequel tendent toutes les pensées.
La révolte de Savonarole avait été une première protestation contre ces tendances ; celle de Luther en fut une plus significative. Les peuples du Nord s’insurgent contre Rome et se séparent d’elle, provoquant ainsi un des plus grands malheurs de l’Église chrétienne, créant une lamentable division entre les peuples de l’Europe jusqu’alors si étroitement unis dans une pensée religieuse commune.
La papauté, l’Église tout entière, sentit la nécessité de se défendre et de réformer un état social qui lui devenait si funeste : cette réaction, que les malheurs des guerres et du sac de Rome n’avaient pas suffi à produire entièrement, fut l’œuvre du concile de Trente, de ce concile qui marque
une des plus grandes dates de l’histoire de l’Italie et de l’Europe, et qui eut une influence capitale sur les arts. Avec Paul IV commence un art dont les traits essentiels sont un énergique réveil de l’esprit chrétien et l’abandon des doctrines de cette antiquité à laquelle on s’était livré avec une si imprudente confiance. Cette période, justement appelée Contre-Réforme pour caractériser sa lutte contre l’esprit luthérien, pourrait s’appeler dans l’art « Contre-Renaissance », pour marquer qu’elle fut une réaction chrétienne contre l’esprit de l’antiquité.
L’art allait peut-être s’appauvrir momentanément, en renonçant aux beaux modèles de l’antiquité, mais il allait vivre, vivre réellement, il allait retrouver sa loi essentielle qui est l’adaptation de la forme à la pensée : il allait comprendre que tout doit se renouveler dans les arts quand tout se renouvelle dans la pensée, et que c’est folie de vouloir faire servir les formes des temples des dieux antiques aux églises du Dieu chrétien.
Le changement fut le même dans tous les arts. En architecture, ce fut le grand souci de construire des églises, non plus en vue de simples recherches de beauté, mais pour en
Pl. 20.
Cliché Alinari.
PALAIS CHIERICATI, À VICENCE, PAR PALLADIO.
Cliché Alinari.
THÉÂTRE DE VICENCE, PAR PALLADIO.
faire des édifices parfaitement adaptés au culte et où tout fût subordonné à l’expression du caractère chrétien. En peinture et en sculpture ce fut l’abandon de tout ce qui dans la Renaissance n’était pas chrétien, ce fut la substitution, aux motifs empruntés à la mythologie et à l’histoire antique, de sujets purement religieux, ce fut surtout la proscription du nu jusqu’alors si prédominant. C’est le moment de l’apparition de cette école bolonaise qui va prendre la place des écoles de la Renaissance.
Les papes cessent d’être des guerriers, pour être avant tout les chefs de l’Église. S’ils sont toujours des politiques, leurs efforts tendent à agrandir non plus leurs possessions temporelles, mais leur pouvoir spirituel. Un pape, Pie V, méritera d’être élevé à la sainteté, et cela ne s’était pas vu depuis le xiiie siècle, depuis Célestin V.
Dans cette nouvelle organisation religieuse, la papauté aura besoin de grands bâtiments pour ses services qui vont devenir plus importants que jamais. Les papes ne consacreront plus tous leurs efforts à construire de riches palais pour leur famille, mais à compléter les palais pontificaux.
La première chose à faire était de terminer ces palais que Bramante avait conçus sur des plans gigantesques et qui, comme tout ce qu’il avait entrepris, comme l’église Saint-Pierre elle-même, étaient encore inachevés.
On achève au Vatican les colossales constructions du Belvédère ; et bientôt, ces bâtiments eux-mêmes ne suffisant plus, Domenico Fontana élève cette grande annexe du sud qui masque toutes les constructions précédentes et qui, jusqu’à nos jours n’a cessé d’être la demeure des papes. Le même architecte, dans une forme aussi sobre, construit comme seconde résidence des papes le palais du Latran. Et il fallait encore une résidence d’été, moins exposée
aux chaleurs que le Vatican et le Latran, et Grégoire XIII
fit commencer par Flaminio Ponzio le palais du Quirinal.
Les bâtiments pontificaux ne sont plus les seules constructions civiles nécessaires : il faut pourvoir à tous les besoins dont jusqu’alors la papauté s’était un peu trop désintéressée. Il faut songer au peuple, il faut songer à l’instruire. La tâche est immense. La papauté seule ne pouvait y suffire, elle créa autour d’elle l’armée des congrégations, et à l’une d’elles surtout, celle des Jésuites, elle confia le soin de faire connaître au loin, dans toute l’Italie, dans le monde entier, ses instructions nouvelles. De là tous ces collèges que l’on élève de toutes parts et
dont les plus importants furent le Gollegio Romano, la Sapienza, la Propagande.
Mais, plus que les palais, plus que les collèges, ce sont les églises qui vont passer au premier plan, et le type de l’église nouvelle apparaît, dans une église des Jésuites, le Gesù, œuvre de Vignole. Vignole la construit en véritable architecte, avec sa logique de théoricien, et sa solution fut
si satisfaisante qu’elle s’imposa à toute l’Italie et à toute l’Europe. Elle a comme mérite essentiel d’être particulièrement bien adaptée aux cérémonies du culte, d’être une construction très simple et très économique. Elle se compose d’une seule nef flanquée de chapelles, qui
Pl. 21.
Cliché Alinari.
SAN GIORGIO MAGGIORE, À VENISE, PAR PALLADIO.
Cliché Alinari.
INTÉRIEUR DU REDENTORE, À VENISE, PAR PALLADIO.
communiquant entre elles, remplissent, dans une certaine mesure,
le rôle des bas-côtés dans les églises du moyen âge.
L’abside et le transept sont peu profonds, et l’autel se dresse
au fond même de l’abside, afin que nulle partie de l’église
ne soit inutilisée. De même que l’autel, la chaire, placée à
la croisée du transept, est vue de toutes parts.
Quant au décor, tout ce qui est inutile, tout ce qui est
en dehors du programme religieux, tous ces ornements
imités de l’antiquité et adoptés en vue d’une exclusive
recherche d’agrément, tout cela perd son importance. Le
programme essentiel, ce sera de mettre devant les yeux
des fidèles des images religieuses, des sculptures ou des
tableaux sur les autels, mais surtout de grandes fresques
sur les murs du transept, de l’abside, et sur les voûtes.
Au début d’ailleurs, tant qu’il s’est agi d’aller au plus
pressé, on a dû multiplier la construction des églises en
économisant sur le décor. Les constructions de la
deuxième moitié du xvie siècle sont peu ornées ; c’est plus
tard, au xviie siècle, que l’on concevra un programme plus
riche et que l’on reprendra sur des idées nouvelles le décor
des églises du xvie siècle, en substituant le luxe à la sobriété.
C’est ainsi que le Gesù ne reçut la décoration de ses voûtes
qu’un siècle après sa construction ; leur richesse contraste
avec la simplicité des parties inférieures qui seules sont
aujourd’hui telles que Vignole les avait conçues.
L’œuvre de Vignole était la suite des plus anciennes
traditions de l’architecture italienne : elle était conforme
à son caractère le plus notable, celui de la recherche des grands espaces libres. C’est par là, c’est par ce trait
qu’elle diffère le plus essentiellement de l’architecture
française, de cet art gothique qui, pour avoir voulu
faire prédominer la fenêtre et le vitrail, a tellement affaibli
les murs qu’il en a été réduit à encombrer de piliers
tous ses intérieurs. Heureux du bel effet des vitraux
et des voûtes, dont la hauteur apparaissait d’autant
plus grande que l’étroitesse des nefs la faisait encore
plus ressortir, nos architectes ont un peu oublié que le
but fondamental d’une église était d’avoir des espaces
libres afin de réunir en un même groupe le peuple des
fidèles. De là, entre l’idée française et l’idée italienne, au
point de vue architectural, des divergences inconciliables.
Cette beauté des espaces, les anciens Romains en avaient
donné des exemples admirables, et il a suffi à Michel-Ange
de restaurer une de leurs ruines, une des grandes salles des
Thermes de Dioclétien, pour créer une église, celle de
Sainte-Marie des Anges, où la papauté trouvait les formes
convenant à la grandeur de sa pensée. L’art de Michel-Ange,
s’unissant à l’art de l’antiquité romaine, a réalisé un
des plus puissants effets de l’architecture.
L’église de Sainte-Marie des Anges fut une forme exceptionnelle ;
c’est dans le type du Gesù, mieux adapté aux
besoins du culte, que se construisent les églises qui
s’élèvent alors de toutes parts. Une liste de quelques-unes
de celles qui furent bâties à la fin du siècle fera comprendre,
mieux que tout autre développement, l’intensité du mouvement
religieux à cette époque, surtout si l’on se rappelle
Pl. 22.
Cliché Alinari.
CHAPELLE SIXTINE, À L’ÉGLISE SAINTE-MARIE-MAJEURE, À ROME, PAR DOMENICO FONTANA.
que, sous les pontificats de Jules ii, de Léon x et de Clément vii, on n’en avait pour ainsi dire construit aucune. Les Jésuites construisent le Gesù, les Dominicains Sant’ Andrea della Valle, les Jeunes filles pauvres Sainte-Catherine dei Funari, les Oratoriens la Chiesa Nuova. À côté des églises des ordres religieux, il faut citer celles des corporations civiles, telles que Sainte-Marie dell’ Orto (église des Jardiniers), et surtout celles des diverses nationalités : Saint-Louis des Français, Saint-Athanase des Grecs, San Girolamo dei Schiavoni, San Spirito des Napolitains, Sainte Marie de Monserrat des Espagnols, etc.
Dans ces églises nouvelles, ainsi que dans les anciennes,
on construit de nombreuses chapelles ; la plus somptueuse
est celle que Sixte-Quint fait faire à Sainte-Marie-Majeure
par Domenico Fontana pour recevoir son tombeau (Pl. 22).
À ce moment Saint-Pierre est loin d’être terminé, les
chantiers y sont en pleine activité, et les papes ne sauraient
plus y trouver une place pour leurs tombeaux. Paul iv, le pape très chrétien, s’était contenté pour lui-même d’une simple pierre tombale, la plus modeste des tombes papales, à la Minerve. Mais, lorsque ses successeurs, après l’ère des difficultés, virent réapparaître l’âge des triomphes, ils voulurent des tombes plus dignes d’eux. Et cette chapelle Sixtine, est un des monuments les plus significatifs de cet âge. Elle montre la papauté éprise, non
plus seulement de formes architecturales, comme nous le
voyons dans la tombe de Léon x, non plus de la beauté d’une statue comme dans la tombe de Jules ii, mais désireuse de célébrer les gloires de l’Église. Autour des
statues des papes, des séries de bas-reliefs disent les principaux
actes de leur pontificat. L’œuvre, par sa richesse,
indique que les jours d’épreuve sont terminés ; elle inaugure
la joie et les triomphes du xviie siècle.
L’architecture de la Contre-Réforme, qui donna des
résultats très satisfaisants pour les intérieurs, réussit moins bien, on peut même dire qu’elle échoua, pour les façades. Avec les formes de la Renaissance il était difficile de réaliser le problème de la façade des églises chrétiennes. La vraie logique du style de la Renaissance avait été d’aboutir pour les façades d’églises au portique grec, et c’est ce que Michel-Ange projeta pour sa façade de Saint-Pierre. Mais cela n’était pas chrétien, ce n’était expressif d’aucune pensée religieuse. On dut chercher autre chose, on tâtonna ; en conservant la colonne et les pilastres, la corniche et les frontons, on essaya d’en modifier les formes : on superposa les ordres pour pouvoir donner à la façade des
lignes plus hautes, pour grandir l’édifice et retrouver ce
caractère de solennité que l’art du moyen âge avait si
bien su réaliser.
La façade de San Spirito, construite par Antonio da San
Gallo[4], dérive de celles de Sainte-Marie du Peuple et de Saint-Augustin ; elle est le point de départ d’une forme
très simple, mais très logique, qui fut reprise et très bien
développée par Giacomo della Porta dans les façades du
Pl. 23.
Cliché Alinari.
FAÇADE DE SAINTE-CATHERINE DEI FUNARI, À ROME, PAR GIACOMO DELLA PORTA.
Gesù, de Sainte-Marie des Monts, de Sainte-Catherine dei
Funari (Pl. 23).
À côté et au-dessus de ces églises qui vont s’élever de
toutes parts, la grande préoccupation de la fin du
xvie siècle fut l’achèvement de Saint-Pierre (Pl. 4 et 24).
C’est Michel-Ange qui va entrer en scène et terminer sa
vie par son plus grand chef-d’œuvre. Mais ce n’est pas sans
de longues et confuses discussions que l’œuvre se continue
et s’achève. Plus que jamais on hésite sur ce que l’on
doit faire et Michel-Ange ne trouvera pas encore la solution
définitive qui fut adoptée. Michel-Ange, c’est le génie
souverain de l’Italie, l’homme que toute une suite
d’immortels chefs-d’œuvre ont consacré, que tous les papes
rêvent d’avoir à leur service, l’obligeant continuellement
à abandonner les œuvres commandées par leurs prédécesseurs
pour en entreprendre de nouvelles : et ce fut la
fatalité de cette longue vie d’avoir commencé tant de
travaux, sans, pour ainsi dire, en avoir pu terminer aucun.
Lorsque Michel-Ange se voit confier la construction de
Saint-Pierre, il a soixante-treize ans, et pendant toute la
fin de sa vie, c’est-à-dire pendant dix-sept ans, il va s’y
adonner tout entier. Il est âgé, mais encore sans maladie
physique, et sans faiblesse morale : il est dans toute la
puissance de son génie. Mais jamais il ne se trouva
aux prises avec de plus grandes difficultés : lui, si
indépendant, d’un caractère si absolu, si difficile, plus que
jamais, il va avoir à lutter. Et pourquoi ? C’est ici un point essentiel de ce moment si dramatique de l’histoire de l’art.
Michel-Ange qui, par tout son passé, par toutes ses
œuvres, est plus que tout autre l’homme de la Renaissance,
va être conduit par les événements à devenir le chef de cet
âge nouveau de la Contre-Réforme dont le mot d’ordre
est la proscription de tout ce que la Renaissance a aimé.
Lui qui a passé sa vie à étudier le corps humain, à dire
par ses écrits et par ses paroles, à prouver par ses
œuvres, qu’il ne pouvait y avoir de beauté que dans
l’étude de la nudité des corps, il va terminer sa carrière
par une œuvre chrétienne. Il se transforme, mais il ne
peut changer toutes les conceptions de son esprit, et
dans ce Saint-Pierre qu’il va construire, nous trouverons
encore, à côté de la pensée chrétienne, des souvenirs
de cette Renaissance qu’il ne peut oublier.
Dans ses projets pour Saint-Pierre, il est une chose qui
séduira la papauté, c’est la beauté de cette coupole qu’il
va dresser si magnifiquement dans les airs. Elle n’est plus
relativement basse et elle ne disparaît pas derrière les
clochers, comme dans les projets de Bramante et même
dans ceux de San Gallo, mais elle s’élève hardiment au-dessus
du tambour, dominant tout par sa masse et sa hauteur.
Si Michel-Ange a pu avoir une pareille conception,
c’est sans doute parce qu’il connaissait le dôme de Sainte-Marie
des Fleurs, parce qu’il avait grandi à l’ombre de la
coupole de Brunelleschi, mais surtout c’est parce que l’esprit
chrétien pénètre en lui, lutte avec la Renaissance, et
le pousse à renoncer aux proportions classiques, aux
Pl. 24.
Cliché Alinari.
SAINT-PIERRE DE ROME, COUPOLE ET ABSIDE, PAR MICHEL-ANGE.
lignes pondérées, inspirées de l’art antique, pour retrouver
l’élan de verticalisme qui est le legs de l’architecture du
moyen âge.
Mais, dans les projets de Michel-Ange, il y avait des
points qui ne pouvaient plaire, et qui, par la force des
choses, devaient être plus tard abandonnés : ce sont le
plan et la façade. Sa façade se composait d’un portique
formé de colonnes détachées portant un fronton, suivant
la plus pure théorie antique. Quant au plan, c’était le retour à la croix grecque, au monument symétrique conçu par Bramante,
et ayant au point de vue religieux les mêmes inconvénients.
C’est que Michel-Ange est avant tout un artiste.
Plus tard, quand la Contre-Réforme aura poursuivi son
œuvre, les idées chrétiennes imposeront la construction
d’une nef ; mais, pour l’instant, Michel-Ange, ayant conçu
sa coupole, lui subordonne tout : il ne veut pas qu’une
longue nef en diminue l’effet, ni qu’une façade trop haute
vienne lutter avec elle par ses lignes ascensionnelles.
Si l’on compare l’œuvre de Michel-Ange avec celle de
ses précesseurs, on voit que tout se simplifie : de toutes
les délicatesses de Bramante, de toutes les complications
de San Gallo, il ne reste rien. Quatre piliers pour supporter
la coupole, des murs suivant le contour des quatre nefs,
et ce fut tout.
À l’extérieur, les murs prennent, au point de vue esthétique,
une importance de premier ordre. Par la manière
dont Michel-Ange les traite, il se montre aussi grand que
dans la conception de la coupole elle-même. On y trouve l’expression la plus complète de cette force qu’il avait su
si parfaitement incarner dans le Moïse et dans la Sixtine,
et qui caractérise toutes ses œuvres d’architecture,
notamment le vestibule de la Laurentienne et les palais
du Capitole. C’est la même manière de masquer les murs
derrière les formes architecturales, grâce à la force et à
la variété des ouvertures, et à la multiplicité des
grands pilastres montant d’un jet de la base au sommet.
L’attique, si critiqué d’habitude, semble au contraire une
forme d’une admirable audace, qui apporte la force indispensable
pour couronner les murs de ce gigantesque édifice.
Une comparaison avec le projet, d’ailleurs très beau,
de San Gallo fera mieux saisir la grandeur de l’œuvre de
Michel-Ange.
Dans leur ensemble, ces murs sont une des conceptions
les plus impressionnantes de l’architecture : ils forment le
plus merveilleux piédestal qu’on puisse imaginer pour
supporter la coupole. Pour comprendre le Saint-Pierre de
Michel-Ange, ce n’est pas devant la façade qu’il faut se
placer, c’est en arrière de l’église, un peu haut si possible,
et, de là, tout ce qu’on voit appartient à ce maître.
Lorsque Michel-Ange mourut, la coupole ne s’élevait
que jusqu’au sommet du tambour ; ce fut un de ses élèves,
Giacomo della Porta, qui l’acheva. Sans avoir un génie
égal à celui de Michel-Ange, il sut néanmoins continuer
l’œuvre de son maître, sans l’amoindrir, et même en y
mettant une beauté nouvelle. Si nous nous en rapportons
à une peinture du Vatican, nous savons que la coupole de Michel-Ange devait être un peu plus basse que la coupole
actuelle, et que sa silhouette extérieure se rapprochait
davantage du plein cintre. C’est l’esprit chrétien qui l’a
surélevée, c’est à cet esprit que G. della Porta a obéi en
reprenant les formes gothiques ; c’est lui qui rend plus
aiguë la coupole de Michel-Ange ; surtout c’est lui qui
accentue l’élévation de la lanterne terminale, et, par là,
achève d’enlever à la coupole tout caractère qui pourrait
la rapprocher de l’art antique, et donne à cette œuvre le
même élan que les façades et les clochers gothiques mettent
sur les grandes cathédrales du moyen âge.
Alfred de Musset a eu raison d’associer des œuvres séparées
pourtant par de longs siècles, en parlant de ces
temps
Où Cologne et Strasbourg, Notre-Dame et Saint-Pierre,
S’agenouillaient au loin dans leurs robes de pierre.
C’est le dernier mot à dire sur ce siècle. Après avoir
débuté dans le culte du paganisme, après avoir mis son
idéal dans la copie des temples antiques, il redevient chrétien
et fait une cathédrale digne de celles du moyen âge ;
après avoir commencé par le Tempietto de Bramante, il
se termine par la Coupole de Michel-Ange.
MONUMENTS DE L’ARCHITECTURE ITALIENNE
AU XVIe SIÈCLE
TABLEAU CHRONOLOGIQUE
DÉCENNIES.
MONUMENTS.
AUTEURS.
VILLES.
1490
Palais Gondi
1490
G. da San Gallo.
Florence.
Façade de la Chartreuse
1491
Amadeo.
Pavie.
Madone dell’ Unielta
1494
Ventura Vittoni.
Pistoie.
Porte du Sud-Cathédrale
1491
Rodari.
Come.
S.-Satyre
1479-90
Bramante.
Milan.
Ste-Marie-près-S.-Satyre
1480-98
—
—
Ste-Marie des Grâces
1492
—
—
Façade du Dôme
1497
—
Abbiate Grasso.
1500
Tempietto
1502
—
Rome.
Cloître de Ste-Marie de la Paix
1504
—
—
Palais du Vatican
1506
—
—
S.-Pierre, début des travaux
1506
—
—
Chœur de Ste-Marie du Peuple
1509
—
—
Sta Casa de Lorette
1510
—
Lorette.
Tombes des cardinaux Sforza et Riario
1505
Andréa Sansovino.
Rome.
Annunziata
1506
A. da San Gallo le Vieux.
Arezzo.
N.-D. de Lorette
1506
A. da San Gallo le Jeune.
Rome.
La Consolazione
1508
Cola da Caprarola.
Todi.
1510
Chapelle Chigi
1512
Raphaël.
Rome.
Les Loges du Vatican
—
—
Villa Madame
1516
—
—
Palais Caffarelli
—
—
Façade San Lorenzo (projets)
1518
Michel-Ange.
Florence.
Sacristie de San Lorenzo
1520
—
—
Bibliothèque de San Lorenzo
1520
—
—
La Farnésine
1510
Peruzzi.
Rome.
Madone de San Biagio
1518
A. da San Gallo le Vieux.
Montepulciano.
Scuola di San Rocco
1517
Bartolommeo Buon.
Venise.
1520
Palais du Té
1525
Jules Romain.
Mantoue.
Palais Bartolini
1520
Baccio d’Agnolo.
Florence.
Palais Doria
1529
Montorsoli.
Gènes.
La Steccata
1521
B. Zaccagni.
Parme.
1530
Libreria
1530
J. Sansovino.
Venise.
Loggetta
1539-45
—
—
Palais Corner
1532
—
—
Palais Doria
Montorsoli.
Gênes.
Palais Massimo
Peruzzi.
Rome.
S.-Pierre
1538-48
A. da San Gallo le Jeune.
—
1540
Palais Farnèse
A. da San Gallo le Jeune.
Rome.
S.-Pierre
1546-48
Michel-Ange.
—
Capitole
1546
—
—
Villa Médicis
1540
Ant. Lippi.
—
Palais Spada
1540
Mazzoni.
—
Palais de Caprarola
1547-59
Vignole.
—
Basilique
1545
Palladio.
Vicence.
Palais Grimani
San Michele.
Venise.
1550
Villa di Papa Giulio
1550
Vignole.
Rome.
Villa d’Este
Pirro Ligorio.
Tivoli.
Palais Pitti (façade sur le jardin)
1550
Ammanati.
Florence.
Palais Ugoccioni
Mariotto di Zanobi.
—
Ste-Marie de Carignan
A. Alessi.
Gênes.
Palais Marino
—
Milan.
1560
Ste-Marie des Anges
1560
Michel-Ange.
Rome.
Ste-Catherine dei Funari
1560
G. della Porta.
—
Gesù
1568
Vignole.
—
San Spirito in Sassia
A. da San Gallo le Jeune.
—
Uffizi
1560-74
Vasari.
Florence.
Palais Chiericati
1565
Palladio.
Vicence.
S. Giorgio Maggiore
1560
—
Venise.
1570
Façade du Gesù
1575
G. della Porta.
Rome.
Chiesa nuova
1575-99
Martino Lunghi le Vieux.
—
Palais du Vatican
1572
D. Fontana.
—
Ste-Trinité (façade)
Buontalenti.
Florence.
Redentore
1576
Palladio
Venise.
Loggia del Capitano
1571
—
—
1580
Ste-Marie des Monts
1580
G. della Porta.
Rome.
Collegio Romano
1582
Ammanati.
—
S.-Louis des Français
1589
G. della Porta.
—
Villa Aldobrandini
—
—
Coupole de S.-Pierre
1588-90
—
—
Palais du Latran
1585
D. Fontana.
—
Chapelle Sixtine à Ste-Marie-Majeure
1585
—
—
Théâtre Olympique
Palladio.
Vicence.
Procuratie nuove
1584
Scamozzi.
Venise.
1590
S.-André della Valle
1591
Olivieri.
Rome.
Lanterne de S.-Pierre
1592
G. della Porta.
—
Palais Borghèse
Martino Lunghi le Vieux.
—
ŒUVRES CLASSÉES PAR ORDRE DE LIEUX
Abbiate Grasso. Ste-Marie
28
Caprarola. Château Farnèse
70
Florence. Sacristie, Bibliothèque et Façade de San Lorenzo
44, 64
— Tombes des Médicis
64
— Palais Pandolfini
55
— Les Uffizi
76
— Place et Palais de la Seigneurie
76, 79
— Palais Pitti
79
Gênes. Palais Doria
61
— Palais divers
79
Mantoue. Palais du Té ; — Palais ducal
61
Milan. St-Satyre, Ste-Marie près St-Satyre
23, 24
— Ste-Marie des Grâces
27
Montepulciano. Madone de San Biagio
58
Padoue. Chapelle du Santo
87
Pesaro. Villa Impériale
58
Rome. Tempietto
32, 121
— Cloître de Ste-Marie de la Paix
35
— Le Vatican ; — le Belvédère
35, 103
— St-Pierre
35, 72, 115
— Chapelle Ghigi ; — Loges du Vatican ; — Villa Madame
51, 52
— Palais de l’Aquila, Caffarelli
53
— Farnésine
54
— Palais Massimo
57
— Notre-Dame de Lorette
57
— Tombe de Jules II
63
Rome. Tombe de Paul III
67
— Le Capitule
68
— Le Palais Farnèse
69
— Le Château St-Ange
70
— Jardins Farnèse au Palatin
70
— Palais Spada
70
— Villa Médicis
71
— Palais du Latran ; — Palais du Quirinal
104
— Collegio Romano ; — La Sapienza ; — la Propagande
104
— Gesù
104
— Ste-Marie des Anges
108
— St-André della Valle ; — Ste-Catherine dei Funari : — Chiesa nuova
111, 115
— Ste-Marie dell’Orto ; — St-Louis des Français
111
— Chapelle Sixtine, à Ste-Marie-Majeure
111
— Façade de San Spirito
112
Tivoli. Villa d’Este
72
Todi. La Consolation
58
Venise. Palais des Doges
84
— Scuola di San Rocco
87
— La Zecca ; — le Palais Corner : — la Libreria
91
— la Loggetta
92
— Le Redentore
96
— S. Giorgio Maggiore
97
Vérone. Palais Bevilacqua
93
Vicence. La Basilique
94
— La Rotonde ; — le Palais Chiericati
95
— Loggia del Capitanio
99
— le Théâtre
99
CHRONOLOGIE DES PAPES
Jules II
1503-1513
Léon X
1513-1521
Adrien VI
1522-1523
Clément VII
1523-1534
Paul III
1534-1549
Jules III
1549-1555
Marcel II
1555-1555
Paul IV
1555-1559
Pie IV
1559-1566
Pie V
1566-1572
Grégoire XIII
1572-1585
Sixte V
1585-1590
Urbain VII
1590-1555
Grégoire XIV
1590-1591
Innocent IX
1591-1555
Clément VIII
1592-1605
CHRONOLOGIE DES ARCHITECTES
Bramante
1444-1514
Giuliano da San Gallo
1445-1516
Amadeo
1447-1522
Baccio Pintelli
1450-1492
Ant. Rizzo
1450-1555
Léonard de Vinci
1452-1519
Fra Giocondo
1453-1514
Antonio da San Gallo le Vieux
1455-1534
Cronaca
1454-1508
Falconetto
1458-1534
Andrea Sansovino
1460-1529
Baccio d’angolo
1462-1543
Andrea Riccio
1470-1532
Michel-Ange
1475-1564
Girolamo Genga
1476-1551
Peruzzi
1481-1537
Raphaël
1483-1520
San Micheli
1484-1559
Antonio da San Gallo le Jeune
1485-1546
Jacopo Sansovino
1486-1570
Jules Romain
1492-1546
Pirro Ligorio
1555-1580
Vignole
1507-1573
Leone Leoni
1509-1592
Vasari
1512-1574
Palladio
1518(?)-1580
Ammanati
1511-1592
G. Alessi
1512-1572
Pellegrini
1522-1592
Giacomo della Porta
1541-1606
Domenico Fontana
1543-1607
TABLE DES GRAVURES
PlancheXXIIII. —
Église de Saint-Satyre, à Milan, abside, par Bramante
9
—
Sacristie de Sainte-Marie près Saint-Satyre (détail), par Bramante
9
II. —
Église Sainte-Marie, à Abbiate Grasso, par Bramante
13
—
Grande niche du palais du Belvédère, à Rome, par Bramante
13
III. —
Église de Sainte-Marie des Grâces, à Milan, par Bramante
17
—
Le Tempietto, à Rome, par Bramante
17
IV. —
Plan de Saint-Pierre de Rome, par Bramante
21
—
Plan de Saint-Pierre de Rome, par Antonio da San Gallo le Jeune
21
—
Plan de Saint-Pierre de Rome, par Raphaël
21
—
Plan de Saint-Pierre de Rome, par Michel-Ange
21
V. —
Santa Casa, de Lorette, par Bramante et Andréa Sansovino
25
VI. —
Chapelle Chigi, à Sainte-Marie du Peuple, par Raphaël (Rome)
29
—
Les Loges du Vatican, par Raphaël (Rome)
29
VII. —
Villa Madame, par Raphaël (Rome)
33
VIII. —
Église de la Consolation, à Todi, par Cola da Caprarola
41
—
Madone de San Biagio, à Montepulciano, par Antonio da San Gallo le Vieux
41
IX. —
Palais ducal de Mantoue. Salle des Marchesi
45
—
Villa Impériale, de Pesaro. Décor de la Salle des Amours
45
X. —
Le Capitole, à Rome, par Michel-Ange
49
—
Palais Farnèse, à Rome, par Antonio da San Gallo le Jeune
49
XI. —
Cour du Palais Spada, à Rome, décor par Giulio Mazzoni
55
XII. —
La Villa Médicis, à Rome. Façade sur les jardins
59
XIII. —
Saint-Pierre de Rome. Façade d’après le projet en bois d’Antonio da San Gallo le Jeune
65
—
Saint-Pierre de Rome. Partie latérale d’après le projet en bois d’Antonio da San Gallo le Jeune
65
XIV. —
Palais des Doges, à Venise. Escalier des Géants
73
—
Palais des Doges, à Venise. Partie construite par Bergamasco
73
XV. —
Scuola di San Rocco, à Venise, par Bartolommeo Buon et Scarpagnino
77
XVI. —
Chapelle du Santo, à l’église Saint-Antoine, Padoue
81
XVII. —
La Libreria de Venise, par Jacopo Sansovino
85
XVIII. —
La Loggetta de la place Saint-Marc, à Venise, par Jacopo Sansovino
89
XIX. —
Palais Bevilacqua, à Vérone, par San Micheli
97
—
Basilique de Vicence, par Palladio
97
XX. —
Palais Chiericati, à Vicence, par Palladio
101
—
Théâtre de Vicence, par Palladio
101
XXI. —
L’église San Giorgio Maggiore, à Venise, par Palladio
105
—
Intérieur du Redentore, à Venise, par Palladio
105
XXII. —
Chapelle Sixtine, à Sainte-Marie-Majeure, de Rome, par Domenico Fontana
109
XXIII. —
Façade de Sainte-Catherine dei Funari, à Rome, par Giacomo della Porta
113
XXIV. —
Saint-Pierre de Rome, coupole et abside, par Michel-Ange
↑Consulter à la fin du livre les tableaux chronologiques des papes, des artistes et des monuments.
↑Le décor des Loges de Raphaël est aujourd’hui en si mauvais état que nous avons préféré reproduire dans notre gravure une des parties faites postérieurement dans le même style.
↑Voir mon article sur l’Architecture des Tombeaux des Médicis dans
la Gazette des Beaux-Arts. Janv. 1908.
↑Voir dans l’Arte (fasc. 6, 1912 et fasc. 1 et 2, 1913) une étude de M. Giovannoni sur les Chiese della seconda metà del cinquecento in Roma.