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Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome I/Séance du 7 février 1831

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N° 5. ─ FÉVRIER 1831


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Onzième Séance. — 7 février 1831.


M. Cordier occupe le fauteuil.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, on passe à la correspondance.

Le-président, proclame membre de la société, M. Hippolyte Brochant, de Villiers, présenté par MM. de Roissy, et Dufrsnoy.

Il est fait hommage à la société des ouvrages suivans :

1° De la part de la Société industrielle de Mulhouse, le numéro 17 de son Bulletin mensuel (in-8°) ;

2° De la part de M. F. Garnier, ingénieur des mines, de son ouvrage intitulé De l’Art du Fontainier-sondeur, et des Puits artésiens (in-4° de 143 pages avec 19 planches ; à Paris, 1822, chez Huzard) ;

3° De la part de M. Boué, de sa Carte géologique de l’Europe, nouvelle édition, faisant partie de la deuxième partie du premier volume des Mémoires de la Société linnéenne de Normandie, in-4° publié par M. de Caumont. Cette carte, formée d’une grande feuille, se vend séparément chez Lance, rue Croix des-Petits-Champs ; prix : 5 fr.

Le secrétaire présente à la Société le cinquième numéro du Journal de Géologie, contenant les mémoires suivans : sur le Sol tertiaire de la Gallicie, par M. Boué ; sur les Tremblemens de terre en Murcie, par M. Gutierrez ; sur les Environs d’Alger, par M. Rozet ; sur les Environs de Roveredo, par M. Pasini ; sur les Formations des provinces de la Russie, au sud de la Baltique, par M. Pusch ; sur les Formations de la Podolie et de la Russie méridionale, par le même ; sur plusieurs espèces de Coquilles des terrains tertiaires de la France méridionale, par M. Marcel de Serres ; Description du dépôt métallifère de Moldova, dans le Bannat, par. M. Miralowich ; sur le Mercure dans le calcaire des Alpes, par M. Boué ; correspondance et variétés.

M. Michelin annonce qu’à la saline de Montmoret, prèt de Lons-le-Saulnier, on vient de découvrir, après deux ans de recherches, à 397 pieds de profondeur, un banc de sel gemme, dont l’épaisseur reconnue au 16 janvier était déjà de 4 pieds.

M. le président fait connaître à la Société que M. Dulong a reçu la nouvelle de la découverte d’un nouveau métal, nommé Vanadium, et trouvé dans un minerai de fer de Taberg en Suède. Le directeur de la mine, ayant obtenu des échantillons de fer doux, examina les scories, et y découvrit ce métal, qui y est en petite quantité. Il a des propriétés assez semblables à celles du chrome ; ainsi il donne des sels très-colorés, son oxide est de la couleur verdâtre du minerai d’argent surnommé merde d’oie ; il s’acidifie aisément, il se combine avec les alcalis. Le vanadite de potasse est de la couleur orangée du chromate de plomb ; son acide peut se combiner avec son oxide, et donne une matière d’un bleu parfait.

M., le président rend compte de l’examen que le conseil a fait du budget présenté pour 1831 par M. le trésorier.


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Budget présenté pour l’année 1831.


RECETTE PRÉSUMÉE.
Fr. c.
Art. 1er. En caisse au 31 décembre 1830 1,157 55
Art. 2. Arriéré de 1830. 50 droits d’entrés 1,000 »
52 cotisations annuelles. 770 »
Art. 3. Année 1831. 6 droits d’entrée 120 »
147 cotisation annuelles 4,410 »
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Total 7,457 55
dépense.
Fr. c.
Impressions diverses lithographies 200 »
Bulletin 1,000 »
Mobilier 200 »
Ports de lettres et paquets, affranchissements 250 »
Agent 400 »
Loyer 1,000 »
Chauffage et éclairage 200 »
Dépenses diverses et imprévues 200 »
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Total 3,450 »
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La recette présumée étant de 7,457 55
La dépense proposée de 3,450 »
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L’excédant des recettes sur les dépenses se trouverait de 4,007 55

Présenté par le trésorier, le 7 février 1831.

G. Michelin.


Après avoir discuté chaque article, la Société ouvre à M. le trésorier les crédits précédens pour l’année courante, sauf la dépense pour l’impression du Bulletin qui est ajournée après le rapport d’une commission nommée pour aviser, s’il est possible, à un moyen de publication plus économique, Cette dernière commission est Composée de MM. Brongniart, Cambessedes, Walfredin, Jobert et Boué.

M. Cartier lit le rapport de la commission nommée dans la séance précédente pour examiner une proposition faite par M. Michelin.

La Société en rejette les conclusions favorables à la proposition, et décide, sur la demande de M. Brongniart, qu’elle se réserve cependant la faculté de se faire faire des rapports sur les ouvrages envoyés ; quand cela paraîtra utile.

M, de la Ribellerie lit la lettre suivante de M. Dujardin, de Tours.

« Le puits artésien dont le succès est déjà un phénomène. si remarquable, présenté dimanche dernier, 30 janvier, une circonstance des plus extraordinaires, et qui, observée pour la première fois, doit, sinon expliquer entièrement la théorie des sources jaillissantes, du moins circonscrire les hypothèses qu’on est encore réduit à faire.

« Le tuyau, de trois pouces un quart de diamètre, qui fournissait au niveau du sol une quantité d’eau évaluée à deux pouces et demi de fontainier, ayant été coupé 12 pieds plus bas, le produit se trouva tout-à-coup augmenté d’un tiers environ comme on pouvait s’y attendre ; mais l’eau, limpide auparavant, recevant ainsi un accroissement de vitesse, amena, durant plusieurs heures de la profondeur de 335 pieds, un grande quantité de sable fin et beaucoup de débris de végétaux et de coquilles. On pouvait y reconnaître des rameaux d’épine longs de quelques pouces, noircis par leur séjour dans l’eau, des tiges et des racines encore blanches de plantes marécageuses, des graines de plusieurs plantes, dans un état de conservation qui ne permet pas de supposer qu’elles aient séjourné plus de trois ou quatre mois dans l’eau, et parmi ces graines, surtout celle d’une espèce de caille-lait (Galium uligonosum) qui était dans les marais ; on y trouvait enfin des coquilles d’eau douce (Planorbis marginatus) et terrestres (Helix rotundata et striata) au reste, tous ces débris ressemblent à ceux que laissent sur leurs bords les petites rivières et les ruisseaux après un débordement.

« Ce fait est si extraordinaire et si imprévu, que s’il n’eût été observé avec soin, il pourrait être révoqué en doute : quant à moi, si MM. Jacquemin et Octave Chauveau, chargés de la direction des travaux, n’eussent eu l’obligeance de m’en rendre témoin, certes je n’eusse pas osé en tirer, d’une manière si absolue, les conséquences qui sont : 1° Que l’eau du puits artésien de la ville de Tours n’a pas dû être plus de quatre mois à parcourir son trajet souterrain, puisque des graines mûres à l’automne sont arrivées sans être décomposées 2° que les eaux n’arrivent point par une infiltration à travers des couches de sable, puisqu’elles entraînent des coquilles et des morceaux de bois, mais bien par des canaux plus ou moins irréguliers formés entre les couches solides, à mesure que les eaux ont entraîné les sables qui remplissaient l’intervalle ; 3° enfin que l’origine de ces eaux doit être dans quelques vallées humides de l’Auvergne ou du Vivarais, et qu’on, s’explique ainsi pourquoi cette eau, qui n’a fait que traverser des canaux sablonneux et non des couches de terre ou de pierre, est presqu’aussi pure que l’eau de rivière, et ne donne à l’analyse qu’une faible proportion de matières étrangères.

« Les débris de végétaux et de coquilles seront déposés au cabinet de minéralogie de la ville, et lorsque nous aurons déterminé à quelles plantes appartiennent les espèces de graines que nous avons trouvées, les naturalistes des contrées supérieures du bassin de la Loire pourront, peut-être, déterminer le point de départ de ces eaux souterraines.

M. de Roissy annonce la Société que M. Dujardin a rassemblé de nombreuses observations géologiques sur la Tourraine, et il propose d’engager ce savant à les communiquer à la Société.

M. Boué continue la lecture de son Compte rendu des progrès de la géologie.

« Une cinquantaine de cartes géologiques ont été publiées en 1830, et on travaille à la gravure ou au relevé d’une vingtaine d’autres.

Après avoir parlé des Traites de géologie, M. B. rappelle les ouvrages dans lesquels les auteurs ont eu pour but de consigner les changemens survenus dans la configuration de la surface terrestre, et ceux qui y ont lieu tous les jours. Il appuie sur l’importance des nivellemens, et il prévoit que, dans la suite des siècles, ces travaux offriront beaucoup d’intérêt par la détermination des altérations qu’aura subies la surface du globe.

M. B. fait suivre les idées suivantes sur les alluvions et les sources minérales.

« Tout ce qui a rapport aux alluvions et aux changemens que la surface terrestre subit encore actuellement est donc de la plus haute importance pour la saine géologie, car les explications logiques de tout ce qui a rapport à cette science, ne doivent se baser que sur ce qui nous est connu, et sur les lois des sciences physiques et chimiques. S’il est rai que les progrès de ces dernières ne sont pas si rapides que celles de la géologie, et que ces sciences présentent encore bien des lacunes, il me semble qu’il vaut mieux marcher d’un pas sûr dans les explications géologiques, que préjuger sur ce qui n’est pas encore connu pour en bâtir un système jusqu’ici sans solidité véritable. D’un autre côté, il ne me paraît pas douteux que les sciences physiques et surtout la chimie n’aient beaucoup à apprendre de la géologie, et que cette dernière étudiée par un esprit philosophique pourrait conduire à des découvertes chimiques et physiques importantes. Malheureusement il y a très-peu peu d’individus qui se livrent à toutes ces sciences à la fois ; le champ est trop vaste, les connaissances nécessaires trop variées, et le temps de la vie individuelle trop courts Néanmoins, notre société peut être fière de posséder un homme qui serait bien capable d’entreprendre cette tâche, et qui a même déjà fait ses preuves a cet égard. On comprend que nous voulons parler de l’ingénieux M. Becquerel.

« Qui sait si l’étude de la géologie n’amènerait la perfectionner nos vues sur l’électricité magnétique et à produire une révolution dans les bases de la chimie. Je veux parler de ce que l’on est convenu d’appeler élémens, et des modifications que peuvent éprouver les propriétés de ces corps élémentaires, lorsqu’ils sont soumis à de certaines circonstances non encore étudiées. Si les expériences de Watt, de Hall, de Drée, de Fleuriau de Bellevue, et celles de diverses personnes sur les produits des hauts fourneaux, ou des actions électriques très-lentes, ont fait faire, de grands pas à la science minéralogique et géologique, le temps ne nous paraît pas éloigné ou la géologie ouvrira de nouvelles routes aux physiciens et aux chimistes.

« L’étude des sources minérales a produit beaucoup d’ouvrages spéciaux mais ce n’est guère que depuis l’époque où l’on a entrevu la liaison des eaux minérales avec les actions volcaniques lentes et souterraines qu’on les a examinées avec le plus de soin et géologiquement. D’ailleurs, l’analyse des eaux est une opération chimique difficile dans l’état actuel de cette science. Témoins ces substances qu’on n’a reconnues dans beaucoup d’eaux que depuis qu’on a fait la découverte de ces nouveaux élémes.

« MM. de Buch, Humboldt, de Hoff, Bischoff, Keferstein, Brongniart, etc., ont petit à petit fait entrer dans la géologie la théorie nouvelle sur l’origine des sources, quel que soit le terrain d’où elles sortent.

MM. de Hoff, de Buch et Daubeny, ont cherché à montrer que les sources surtout thermales sortaient principalement du fond de grandes crevasses ou gorges. Le dernier savant a été plus loin et a cherché à prouver qu’elles ne se trouvent que dans des endroits où la stratification des roches du voisinage indique des fouilles. M. de Buch, frappé par la position des diverses sources des bords du Rhin, a supposé que l’acide carbonique des eaux thermales s’échappe dans leur ascension vers la surface, et va imprégner des eaux froides dans des endroits plus élevés que la sortie des eaux chaudes.

« M. Hoffmann a lié la formation par soulèvement de quelques vallées circulaires aux eau minérales qui y indiquent encore les restes des soupiraux volcaniques. Il a de plus fait remarquer que ces fentes ou ces crevasses se trouvaient dans des lieux ou des systèmes de montagnes se croisent, c’est-à-dire où les soulèvemens ont dû produire le plus de brisures.

« La plupart des eaux minérales une fois placées dans le domaine igné, il ne paraît plus si singulier d’entendre quelques personnes prétendre qu’elles étaient jadis beaucoup plus abondantes, et qu’elles peuvent avoir contribué puissamment à la formation des masses calcaires de la croûte terrestre.

« Nous revenons à parler de M. Daubeny, puisque depuis quelques années il s’occupe surtout des eaux minérales. Déjà il nous a donné trois mémoires fort intéressans : l’un dans la Revue de Londres et le journal de Géologie, le second sur l’iode et le brôme de certaines eaux dans les Transactions philosophiques, et le troisième sur l’azote des eaux thermales dans la Bibliothèque universelle. La découverte de l’azote est pour lui une nouvelle preuve d’une oxidation lente dans l’intérieur de la terre ; tandis que la présence du brome et de l’iodine le conduisent à ne voir dans la nature de la mer actuelle que des substances provenant des volcans ou des sources minérales.

« De tous les pays d’Europe, l’Allemagne a fourni, jusqu’ici, le plus de monographies locales d’eaux minérales. La France en offre aussi un bon nombre ; l’Italie et surtout l’Angleterre beaucoup moins.

« Je termine cet article par quelques mots sur les sources salées qui ont occupé naturellement bien des ingénieurs, et dont l’origine est le plus souvent très-problématique. Dans ce cas sont celles qui sortent des fonds de puits faits sur le sol alluvial et tertaire de la Poméranie, du Mecklembourg, du Holstein et de la Wessphalie MM0 Blucher, d’Oeynhausen, Kastner et d’autres, les ont examinées soigneusement sans arriver à des résultats-satisfaisans. Probablement vous ne voudrez pas croire avec, M. Keferstein qu’il y a dans la terre des couches productrices de sel ; mais d’un autre côté le minéral est-il disséminé dans les marnes tertiaires, ou l’eau salé ne fait-elle que traverser ces roches, et dans ce dernier cas, peut-on raisonnablement la faire dériver des gites salifères secondaires ou doit-on les assimiler aux autres sources minérales ? Telles sont les questions que le temps ni mes observations ne me permettent pas de résoudre. On comprend toutes les difficultés de ce problème quand on sait toute l’obscurité qui enveloppe l’origine des eaux salées, même dans les contrées secondaires à gîtes salifères. MM. Dolffs et Buff se sont occupés de celles de la Wsetphalie près de la bande crayeuse ; d’autres ont pris ces source pour guides dans leurs recherches du sel. Mais la non réussite paraît avoir été aussi plutôt plus fréquente que le succès de pareilles entreprises. »

M. B. passe ensuite en revue les ouvrages paléontologiques, divisés en ouvrages généraux, descriptions locales, monographies et découvertes de nouveaux fossiles. Il fait suivre quelques mots sur les cavernes à ossemens décrites récemment dans les deux hémisphères, ce qui donne occasion à un membre de demander s’il est confirmé qu’il y ait des cavernes à ossemens de grands animaux dans la Nouvelle-Hollande, pays où l’on ne connait pas à présent de quadrupèdes de haute taille.

Il rappelle la discussion sur l’âge de l’élan d’Irlande, que M. Weaver, Hare, Hibbert et Brongniart font contemporain des époques alluviales anciennes et modernes. D’après les premiers savans, il n’aurait disparu que depuis les temps historiques récens.

Il parle de glaces à ossmens de mammouth, d’éléphant et de ruminans, que MM. Beechy et de Hedenstrom ont trouvées, le premier sur la côte N. O. de l’Amérique, et l’autre sur le bord de la mer glaciale de Sibérie.

Enfin, il dit quelques mots des ossemens de mammifères découverts dans la craie de Maestricht et de Beauvais.

M. de Roissy observe que M. Van Hees a rétracté sa première notice, et reconnaît que ces ossemens de cochon, de chevaux, etc., sont au milieu de matières de transport dans des cavités de la roche. D’un autre part, M. Michelin annonce que les ossemens découverts à Beauvais par M. Graves sont dans la craie blanche, et non point dans certaines couches crétacées et coquillières, qui rappellent dans ce pays les roches du mont Saint-Pierre ou le calcaire à baculites de Valognes.

La lecture de la fin du mémoire de M. Boué est ajourné à une des prochaines séances.


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