Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séance du 11 juin 1832

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Bulletin de la société géologique de France1re série - 2 - 1831-1832 (p. 419-423).


Séance du 11 juin 1832.


Présidence de M. de Bonnard.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté, sauf quelques légères modifications.

MM. C. Jackson et Francis Alger font hommage à la Société de leur ouvrage intitulé : Observations sur la minéralogie et la géologie de la Péninsule de la Nouvelle-Écosse, accompagnées d’une carte coloriée, indiquant la structure du pays (Remarks on the minoralog and gsolagy of the Peninsula of Nova Scotia). In-4° de 115 pages, avec 4 planches Cambridge, 1832.

La Société reçoit aussi de la part de M. Tournal une suite de roches et de fossiles des environs de Narbonne, département de l’Aude, savoir : 16 échantillons de roches, et une soixantaine d’échantillons de corps organisés, tels que bélemnites, ammonites, sphérulites, hippurites, huîtres, gryphées, peignes, cyclolites, etc.

M. Héricart Ferrand présente à la Société une coupe de la vallée de Montmorency, de Saint Denisà Pontoise, et communique quelques observations relativement à cette coupe.

« Les auteurs de la Description géologique des environs de Paris ont laissée dans le doute, si le calcaire grossier marin existait sous la plaine de terrain d’eau douce moyen, dont la vallée de Montmorency fait partie. Les sondages opérés à Saint-Denis, à Stains, à Epinay, ayant révélé dans leur profondeur la présence du nummulites lœvigata, fossile caractéristique de la partie inférieure du calcaire grossier, M. Héricart Ferrand en conclut qu’il y a lieu de substituer un fait positif au doute émis par MM. Cuvier et Brongniart. De Saint-Denis vers Paris, Gentilly et Châtillon, le calcaire grossier se relève subitement, et cette élévation du calcaire s’observe également vers l’est à Charenton et à Saint-Maur, et vers l’ouest, à Conflans Sainte-Honorine, Argenteuil et Passy. Il suit de là que le point le plus bas où le calcaire grossier ait été reconnu jusqu’à présent est de Saint-Denis à la Seine ; et qu’à l’observation déjà ancienne que ce calcaire est incliné du nord au midi, on doit ajouter qu’il se relève ensuite dans les trois directions du midi, de l’est et de l’ouest. Au sujet des grès de Beauchamps et du terrain d’eau douce qui les recouvre, M. Héricart rappelle que MM. Cuvier, Brongniart et C. Prévost s’accordent à rapporter les premiers au calcaire grossier marin, mais que M. C. Prévost a émis, une opinion distincte quant aux terrains d’eau douce qu’il regarde comme du terrain hors de place. M. Héricart se range la l’avis de M. Constant Prévost ; et il fait remarquer que pour adopter cette opinion il ne faut pas aller seulement à Beauchamps, mais venir vers ce lieu de divers points de la grande plaine de terrain d’eau douce moyen, et notamment du Ménil-Amelot, et de Villeron. M. Héricart Ferrand fait connaître les résultats de onze sondages qui ont été pratiqués dans la vallée de Montmorency sur la ligne que devait suivre le canal de Saint-Denis à Pontoise. Il résulte des indications données par ces sondages que l’inclinaison du terrain d’eau douce de l’ouest vers l’est est constante, et suit celle du calcaire grossier marin. Les sondages de Saint-Denis ont démontré que ce terrain d’eau douce descend jusqu’au niveau de l’océan. Sa plus grande élévation est sur le sommet de la montagne de Champigny ; ce qui établit entre ces deux niveaux une différence de 73 m. »

M. Élie de Beaumont communique à la société le résultat de l’analyse de la dolomie de Beyne, près Grignon (Seine-et-Oise). Cette analyse a été faite par M. Le Play, ingénieur des mines, qui a trouvé les proportions suivantes :

Carbonate de magnésie, 0,442. Acide carb. 0,228.
Carbonate de chaux, 0,540. Idem. 0,236.
Argile, 0,018.
────
1,000.

Il faut observer que le mode d’analyse qui a été suivi était propre à donner une petite perte sur le carbonate de magnésie, et une petite augmentation sur le carbonate de chaux ; il y a donc lieu de conclure du résultat obtenu, que les quantités d’acide carbonique des deux carbonates ne diffèrent pas sensiblement, et que par conséquent la composition de la dolomie de Beyne correspond exactement à la formule Ca C² + Mg C².

On lit un Mémoire de M. de La Bèche sur les environs de la Spezzia. L’auteur ayant appris que l’attention de la Société était portée sur le mélange des orthocères avec l’Ammonites Conybeari, et une Goniatite, voisine du Gon. Henslowi dans le calcaire salifère du Salzbourg, a cru devoir lui adresser une notice sur une association semblable d’orthocères et de bélemnites qu’il a observée dans un calcaire de la Spezzia. Il pense que plus les faits de ce genre se multiplieront, et mieux l’on pourra évaluer l’importance attribuée maintenant à la présence ou à l’absence de certains genres de fossiles dans certains dépôts. Après quelques considérations générales relatives aux conditions variées sous lesquelles les dépôts ont pu se former, l’auteur aborde la description des environs de la Spezzia. Les dépôts stratifiés sont indiqués dans leur ordre de superposition en commençant par les plus supérieurs. Il parle successivement des blocs et graviers de Massa, des lignites, argile et grès de Caniparola, du grès siliceux, du macigno, du calcaire compacte gris, ou marbre de Porto venere, des schistes bruns, des grès bruns et schistes gris, du calcaire grenu du Capo-Corvo, du marbre de Carrare, du schiste micacé de la vallée du Frigido, des euphotides et serpentines. Ce Mémoire est accompagné de plusieurs coupes, et d’une carte coloriée représentant les environs du golfe de la Spezzia ; il entrera dans le 1er vol. des Mém. de la Société.

M. Texier, architecte, lit un Mémoire sur la géologie des environs de Fréjus, département du Var.

En voici un extrait :

« La ville de Fréjus, qui, du temps des Romains, était située au bord de la mer, offrait aux vaisseaux un port et des arsenaux considérables. Aujourd’hui elle est située dans l’intérieur des terres. Les observations, basées sur l’inspection des monumens antiques de cette ville, font connaître que ce phénomène de la retraite des eaux continue encore aujourd’hui.

« Le golfe de Fréjus avait autrefois une étendue très considérable, la mer venait baigner le pied des montagnes qui s’étendent au-delà de Fayence ; des traces du séjour de la mer existent dans les roches calcaires qui forment le contour de l’ancien golfe, au fond duquel on trouve un terrain houiller qui contient les débris d’une forêt de bambous tous inclinés dans la même direction ; une éruption volcanique lança plus tard une coulée de laves qui couvrit une partie de ce terrain, et fut jusqu’à la mer, où son extrémité forma un promontoire.

« Enfin les débris dès montagnes de Fréjus roulés par les eaux jusqu’à la mer, formèrent des attérissemens qui consolidèrent le terrain et le rendirent habitable ; ces attérissemens continuent depuis ; il viendra un temps où le golfe de Fréjus sera entièrement comblé. Depuis les Romains jusqu’à nos jours, le retrait de la mer a été de 1050 mètres, ou 2 pieds par année.

Les montagnes de l’Esterelle sont de porphyre rouge. Entre la base de ces montagnes et la mer on remarque un gisement de porphyre gris-bleu, contenant des cristaux de feldspath blanc. Ce porphyre a été remarqué par les Romains, qui l’ont exploité pour en décorer le port de Fréjus, et qui en ont porté jusqu’à Rome, où on le regarde généralement comme provenant d’Égypte. Les carrières antiques existent encore dans ces montagnes ; elles sont situées à 1070 mètres du rivage de la mer, ce qui faciliterait beaucoup l’exploitation de ces roches, si l’on trouvait l’occasion de les employer de nouveau. »