Célide/Avertissement

La bibliothèque libre.
La veuve Duchesne (p. np).

AVERTISSEMENT.

Quiconque écrit, eſt ſoumis au jugement du Public, & par conſéquent en butte aux traits de la critique. Les Écrivains les plus célébres ſont rarement à l’abri de la cenſure, Quelle eſt donc celle que je dois ạttendre ? Que de motifs ſe réuniſſent pour m’y expoſer. Je produis pour la premiere fois, le fruit de mes travaux : au lieu de jouir de cette réputation qui devance en tous lieux, & qui eſt toujours garant du ſuccès, mon nom eſt encore inconnu : éloignée des ſociétés bruyantes, je vis dans la ſolitude, ſous les yeux des reſpectables pere & mere, dont il plut au Ciel de me favoriſer : la tranquillité eſt le centre des réflexions : l’imagination que rien ne diſtrait, crée des idées : j’ai eu les miennes ; je les donne pour ce quelles ſont : c’eſt-à-dire, pour les eſſais d’une perſonne, qui depuis qu’elle reſpire, n’a vu écouler que trois luſtres. Ma jeuneſſe préviendra encore contre l’ouvrage. Je l’entends déjà traiter de puérilités, par ceux mêmes qui ne l’auront pas lu. Je n’ai garde d’entreprendre mon apologie. Cependant, je ne me pare pas ici d’une orgueilleuſe indifférence : j’avoue que je ſouhaite les ſuffrages du Public : mais loin de chercher à les captiver par un diſcours ſuppliant & inutile je ne veux les devoir qu’à ſa juſtice ; puiſſe il m’être favorable !

CÉLIDE