Catéchisme du curé Meslier/Partie 1

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CATÉCHISME


DU CURÉ MESLIER.




I.


De Dieu.


Demande. Qu’est-ce que Dieu ?

Réponse. Dieu est tout ce que veulent les Prêtres.

D. Pourquoi dit-on qu’il est un esprit ?

R. Pour faire peur à ceux qui sont toute matiere.

D. Pourquoi éternel ?

R. Pour faire durer plus long-temps le pouvoir de l’Église.

D. Pourquoi indépendant ?

R. Parce que les Prêtres n’ont jamais voulu dépendre de personne.

D. Pourquoi infini ?

R. Parce que l’Église voudroit n’avoir point de bornes.

D. Pourquoi présent par-tout ?

R. Parce que les Prêtres en ont besoin par-tout.

D. Pourquoi peut-il tout ?

R. Il pourra tout tant qu’on voudra bien le croire.

D. Que veut dire qu’il a créé toutes choses ?

R. Cela ne veut rien dire.

D. Pourquoi Dieu nous a-t-il créé & mis au monde ?

R. Pour le craindre & le servir dans la personne de ses Prêtres.




II.


De la Trinité.


D. Y a-t-il plusieurs Dieux ?

R. Oui, & non ! il n’y a qu’un Dieu ; mais ce Dieu unique en fait trois.

D. Pourquoi ces trois personnes divines sont-elles égales en toutes choses ?

R. Afin que les Prêtres aient trois cordes à leur arc.

D. Que faut-il conclure du mystere de la Sainte Trinité ?

R. Que c’est une rêverie renouvellée des Grecs. Voyez Platon, &c.




III.


De l’Incarnation.


D. Que veut dire qu’un Dieu s’est fait homme ?

R. Cela veut dire qu’un homme a voulu se faire passer pour un Dieu.

D. Est-il Dieu & homme en effet, & tout ensemble ?

R. Point de réponse à sotte demande.




IV.


Du Symbole.


D. Dites votre Credo.

R. Je ne crois qu’à la Vertu. S’il existe un Dieu, je ne crois pas qu’il ait un fils ; que ce fils ait été suspendu ; qu’il vienne un jour juger les vivants & les morts. Je ne crois pas non plus au Saint-Esprit de l’Église, encore moins à son infaillibilité. Je voudrois bien pouvoir me persuader la résurrection de la chair, & j’aimerois assez la vie éternelle.

D. Expliquez-nous ces premieres paroles :

Je ne crois qu’à la Vertu.

R. Parce que la Vertu me paroît la seule Divinité digne du cœur de l’homme.

D. Pourquoi dites-vous s’il existe un Dieu ?

R. C’est-à-dire, je n’ose affirmer l’existence d’un Dieu ; parce que je vois du mal & des méchants sur la terre, & j’aimerois mieux nier un Dieu que d’en faire un tyran.

D. Qu’entendez-vous par ces mots :

Je ne crois pas qu’il ait un fils.

R. Parce que Dieu le Pere, Dieu le Fils me paroît indécent & ridicule.

D. Pourquoi ne croyez-vous pas au Saint-Esprit ?

R. Parce que je n’entends rien à ce pieux galimathias.

D. Pourquoi ajoutez-vous :

Encore moins à l’infaillibilité de l’Église.

R. Parce que qui trompe peut être trompé.

D. Qu’entendez-vous par la résurrection de la chair ?

R. J’entends… une absurdité. La résurrection des corps n’est qu’un piége tendu à ceux qui n’ont point d’esprit.

D. Pourquoi paroissez-vous désirer plutôt une vie à venir que vous ne l’espérez ?

R. Parce qu’un pere bon & tout-puissant auroit tout d’abord placé ses enfants dans le meilleur des mondes possibles.




V.


Des Sacrements en général.


D. Qu’est-ce que les Sacrements en général ?

R. Ce sont des pratiques superstitieuses, instituées par des fourbes pour diriger des sots.

D. Pourquoi l’Église se sert-elle de tant de cérémonies dans l’administration des Sacrements ?

R. Parce qu’elle connoît le cœur humain : parce qu’elle n’ignore pas qu’il faut des spectacles au peuple, & qu’on mene son esprit quand on a frappé ses sens.




VI.


Du Baptême.


D. Qu’est-ce que le Baptême ?

R. C’est un petit bain salé qu’on donne à l’enfant qui vient de naître, & qui déjà est coupable d’un gros péché commis, dit-on, il y a quelques milliers d’années, par ses premiers ancêtres.

D. Le Baptême efface-t-il tous les péchés ?

R. Oui ! un homme qui prudemment attendroit le moment de sa mort pour se faire baptiser, peut se conduire ad libitum pendant sa vie ; le baptême le lavera de ses souillures les plus invétérées ; cela est commode.

D. Le Baptême peut-il être suppléé ?

R. Oui ! en se faisant égorger ou en égorgeant soi-même pour défendre & soutenir les intérêts de la Religion pacifique ; c’est ce qu’on appelle un Baptême de sang.

L’expédition de la Saint-Barthelemi étoit un Baptême de sang, & la sainte Inquisition est un Baptême de feu.




VII.


De la Confirmation.


D. Qu’est-ce que la Confirmation ?

R. C’est une espece d’accolade spirituelle que vous donne l’Église, & par laquelle vous devenez son preux Chevalier envers & contre tous.

D. Quels sont les effets du Sacrement de Confirmation ?

R. Il y en a plusieurs.

D’abord, il nous rend parfaits Chrétiens ; c’est-à-dire, opiniâtres, intolérants, peres durs, maris bourrus & citoyens sans patrie.

Ensuite, il nous donne non pas de l’esprit, mais le Saint-Esprit qui ne fait plus de miracles pour descendre sur nous en langues de feu, comme au temps des bons Apôtres ; mais qui vient habiter en nous incognito.

En troisieme lieu, il nous rend insensibles, non pas aux menaces des tyrans ; car il n’y en a plus qui persécutent les Chrétiens ; mais au mépris des Philosophes qui ont trouvé les Chrétiens persécuteurs à leur tour.

D. Qu’est-ce que le Saint Crême ?

R. C’est un composé d’huile & de baume, emblême de la douceur & des bons exemples qu’on seroit en droit d’exiger des Prélats qui conférent ce Sacrement.

D. Pourquoi donne-t-on un soufflet ?

R. C’est un autre emblême des affronts & des mauvais traitements qu’il y a à dévorer au service de ces mêmes Prélats, qui ne sont pas tous des Fenelons.

D. Ce Sacrement est-il absolument nécessaire pour être sauvé ?

R. Les Prêtres eux-mêmes avouent que non.

D. En quelle occasion doit-on principalement le recevoir ?

R. Quand on veut ébranler notre foi. Jamais on n’a eu tant besoin de ce Sacrement qu’aujourd’hui & jamais il n’a été aussi négligé.

D. Quelle disposition exige ce Sacrement ?

R. Une grande provision de foi, un dévouement aveugle & un front d’airain.




VIII.


De l’Eucharistie.


D. Qu’est-ce que l’Eucharistie ?

R. C’est le grand tour de gobelet des Prêtres.

D. Comment appelle-t-on le changement suposé du pain & du vin ?

R. Cet escamotage s’appelle Transubstantiation, grand mot qui en impose aux petits esprits.

D. Comment se fait cette métamorphose ?

R. Cette métempsycose s’opere en vertu de deux ou trois lignes de mauvais latin que prononce gravement le Prêtre qui sans doute en rit sous cappe.

D. N’y-a-t-il que le corps sous l’espece du pain & le sang sous l’espece du vin ?

R. Dieu est tout entier sous chacune des deux especes & tout entier encore sous chaque partie de ces mêmes especes ; ensorte que, (pour rendre cela plus sensible par un exemple) s’il fait du vent quand le Prêtre dit la Messe, le moindre petit zéphir disperse autant de Dieux qu’il fait voltiger de miettes de cette pâte divine : il arrive delà qu’en jappant, ou en poursuivant les moucherons, le petit chien d’une dévote communie par la même occasion avec sa maîtresse & l’Aumônier de sa maîtresse.

D. Et quels sont les effets de ce Sacrement ?

R. Pour vous répondre encore par un fait, je citerai le bon mot d’un Capucin indigne. Il étoit Aumônier d’une Reine d’Espagne : un Homme de Cour le traitant d’une façon cavaliere, notre Capucin lui dit avec une sainte impudence : Sachez que j’ai tous les jours votre Reine à mes pieds & votre Dieu dans mes mains.

D. En quelles dispositions doit-on recevoir le Dieu-pain ?

R. Il y en a de deux sortes ; les unes regardent l’ame & les autres le corps.

Les premieres sont :

Une foi sotte & la confession de ses péchés à un Pécheur.

Quant aux secondes :

Il faut n’avoir pas mangé auparavant de pain de ménage ; il faut, crainte d’ébranler sa foi, fermer les yeux & avaler son Dieu sans le mâcher. Jacques Clément de pieuse mémoire avoit encore son Dieu sur ses levres, quand armé d’un poignard, imitateur de Judith, il massacra bravement son Roi.

D. Quel crime commettent ceux qui communient en péché mortel ?

R. Ils commettent un sacrilege plus horrible mille fois que s’ils eussent tué le bon Henri ou leur pere.




IX.


De la Messe.


D. Qu’est-ce que le Sacrifice de la Messe ?

R. C’est le pain quotidien des Prêtres.

D. Pourquoi a-t-il été institué ?

R. Pour nous rappeller sans cesse qu’autre fois les Juifs suppliciérent un fanatique qu’ils auroient dû plutôt envoyer paître avec les brebis dont il se disoit si souvent le Pasteur, ou avec le troupeau de cochons que cet énergumene effraya & fit noyer.

D. Dans quel esprit doit-on assister à ce Sacrifice ?

R. Il faut assister à la sainte Messe en réfléchissant à part soi, qu’il n’est pas impossible de voir un jour l’homme en Oraison dans sa garde robe, aux pieds de sa chaise percée, puisqu’on est venu à bout de lui faire diviniser ce que dans peu il doit digérer.




X.


De la Pénitence.


D. Qu’est-ce que la Pénitence ?

R. De tous les Sacrements que l’Église imagina, celui-ci est son chef d’œuvre de politique. On pourroit le définir : l’art de tirer les vers du nez aux sots.

D. Combien a-t-elle de parties ?

R. Trois.

La Contrition,

Le Confession,

Et la Satisfaction.

C’est principalement sur les deux dernieres que les Prêtres appuyent le plus.

D. Qu’est-ce que la Contrition ?

R. C’est une détestation feinte du péché que l’on a commis, avec promesse tacite d’y retomber le moment d’après.

D. Qu’est-ce que la Confession ?

R. C’est un tribut honteux que l’Église leve sur la conscience timorée des gens crédules pour en faire tout ce qu’elle voudra, quand une fois elle a surpris leurs secrets.

D. Faut-il déclarer tous ses péchés ?

R. Vraiment, si l’on s’avisoit d’en passer un……

D. La Confession des péchés véniels est-elle absolument nécessaire ?

R. Elle n’est pas tout-à-fait de rigueur, mais elle ne laisse pas que d’être très-utile… aux Prêtres, s’entend : par là ils étudient l’esprit d’une maison & peuvent dans la suite agir en conséquence.

D. Qu’est-ce que la Satisfaction ?

R. C’est une réparation que l’on doit à Dieu, c’est-à-dire, à ses Prêtres, des injustices commises envers le prochain.

D. Qu’est-ce que l’Absolution ?

R. C’est une quittance orale qui vous sauve d’un châtiment éternel en l’autre vie, mais qui ne vous absoud pas (faites attention à ce dernier article) d’une satisfaction temporelle en cette vie ; & c’est là où votre Directeur vous attend.

D. Quelles sont les œuvres de pénitence ?

R. C’est d’obéir ponctuellement & aveuglément à tout ce que prescrit le Confesseur ; de se conduire, par exemple, si le cas avoit lieu, comme la docile Cadiere, avec le bienheureux pere Girard……… Voyez les Causes Célebres, &c., &c., &c.




XI.


De l’Indulgence.


D. Qu’est-ce que l’Indulgence ?

R. C’est le casuel de l’Église ; c’est un bâillon sacré que l’on achete, pour empêcher le remords de vous étourdir de ses cris importuns.

N.B. Il faut bien se garder de confondre les Indulgences du Pape, avec l’Indulgence du Philosophe.

D. Par quel pouvoir l’Église donne-t-elle des Indulgences ?

R. Par les pouvoirs que lui ont transmis l’abus & l’ignorance.

D. Que faut-il faire pour gagner les Indulgences ?

R. Il faut accomplir les conditions prescrites par l’Église ; c’est-à-dire, remplir ses troncs, baiser la sandale des Prêtres, & quelquefois pis, &c., &c., &c.




XII.


De l’Extrême-Onction, et du Viatique.


D. Qu’est-ce que cette cérémonie ?

R. C’est un moyen assez adroit, inventé par les Prêtres, pour s’emparer des derniers moments d’un malade, & profiter de la foiblesse de son esprit, afin d’en obtenir tout ce qu’ils convoitent.

D. Quels en sont les effets ?

R. D’épouvanter le moribond, de le rendre encore plus malade, & de lui faire insérer dans son testament des clauses qui ne plaisent pas toujours à la veuve & aux orphelins.

Les Prêtres disent aussi que ce Sacrement rend la santé au corps ; mais comme un malade, réduit à l’Extrême-Onction, n’en revient gueres, l’Église finement ajoute : Si la santé est nécessaire pour le salut du malade ; ensorte que, par ce retour, l’Église ne se rend responsable de rien.




XIII.


De l’Ordre.


D. Qu’est-ce que l’Ordre ?

R. C’est le pire de tous les Sacrements ; c’est celui qui nous donne des tyrans spirituels, plus redoutables encore que les autres ; c’est celui qui assure aux plus fourbes des hommes le droit de tout faire impunément, au nom du Ciel.

D. D’où vient cette puissance ?

R. De la barbarie des temps, des préjugés, de la fausse politique, de l’ambition, &c., &c.

D. Comment cette puissance est-elle venue jusqu’à nous ?

R. Hélas ! je n’en sçais rien ; c’est peut-être parce que de tout temps il y a eu des sots & des fourbes sur la terre. On nous menace que ce despotisme, d’autant plus odieux qu’il est sacré, durera jusqu’à la fin des siecles : per omnia sæcula sæculorum. Ce n’est point ici le cas de répondre : Amen.

D. Avec quelles dispositions doit-on recevoir ce Sacrement ?

R. Il y a quatre principales dispositions pour être admis à l’Ordination ; savoir :

L’Impudence,

La Dissimulation,

L’Ignorance,

Et un Cœur de rocher.




XIV.


Du Mariage.


D. Qu’est-ce que le Mariage ?

R. C’est une question qui me fait toujours sourire, quand je l’entends proposer gravement à une fille de quinze ans, par un Clerc de vingt.

D. Qu’est-ce que le Sacrement du Mariage ?

R. C’est un droit assez bizarre, que les Prêtres de tout temps se sont arrogé, & maintiennent sur des plaisirs qui devroient leur être défendus ; ce qui prouve qu’il faut que les Prêtres touchent à tout : encore s’ils se contentoient de bénir le lit nuptial, sans en exiger la dixme !




XV.


Des Commandements de Dieu.


D. Est-ce assez d’être baptisé & d’avoir de la foi, pour être sauvé ?

R. Non. Il faut encore garder les Commandements de Dieu, & sur-tout ceux de l’Église.

D. Quels sont les Commandements de Dieu ?

R. À l’exception des trois premiers que Moïse eut le soin de mettre en tête du décalogue, parce qu’ils regardent les Prêtres, les sept autres suivants ne sont que les plus simples loix, les éléments de la morale, gravés dans le cœur de tous les hommes, & que le plus ancien comme le plus adroit des trois imposteurs, n’avoit pas besoin d’aller chercher sur une haute montagne, ni de les faire écrire sur des tables d’airain, par le doigt de son Dieu.

D. Dites ces Commandements en vers françois.

R. Vous avez bien de la bonté d’appeller cela des vers ; ce n’est que de la mauvaise prose mal rimée.

D. Qu’est-ce que croire en Dieu ?

R. C’est se soumettre servilement à tout ce que l’Église prétend avoir reçu de Dieu, par la Révélation.

D. Comment Dieu s’est-il révélé ?

R. Par l’Écriture, monument plus que suspect, & par une tradition incertaine, à des Prêtres infaillibles, quoiqu’ils soient hommes.

D. Comment peche-t-on contre la Foi ?

R. De quatre manieres :

1.o En se servant de sa raison.

2.o En osant douter.

3.o En restant neutre ou indifférent.

4.o En usant de tolérance.

D. Qu’est-ce qu’espérer en Dieu ?

R. C’est se nourrir de chimeres.

D. Comment peche-t-on contre l’espérance en Dieu ?

R. En se défiant (non sans raison peut-être) d’une Providence, Auteur, tout-à-la-fois, & du bien & du mal ; qui fait la pluie & le beau temps.

D. Qu’est-ce qu’aimer Dieu ?

R. C’est faire l’impossible ; car qui jamais a pu aimer ce qu’il ne connoît pas, ce qu’il n’a jamais vu, & ce qu’il craint ?

D. Comment peche-t-on contre l’amour de Dieu ?

R. En fermant son cœur à un tyran qui laisse agir les causes secondes ; qui peut à chaque instant m’anéantir, comme au tremblement de terre de Lisbonne, &c., &c., &c.

D. Est-on obligé d’aimer son prochain ?

R. Théologiquement parlant, on n’y est obligé qu’autant que l’intérêt des Prêtres n’en souffre point ; car ils sont les premiers amis, les premiers parents, les premiers pauvres, &c.

D. Qu’est-ce qu’adorer Dieu ?

R. C’est ramper aux pieds de ses Commettants.

D. Peut-on prier les Saints ?

R. Pourquoi non ? N’obtient-on pas tout d’un Évêque, quand on a gagné sa maîtresse, ou celle de son Grand-Vicaire ?

D. Comment doit-on invoquer les Saints ?

R. En chargeant de riches offrandes leurs Autels, desservis par les Prêtres.

D. Ne fait-on point injure à J. C., en priant les Saints ?

R. Point du tout ; ils s’entendent entr’eux.

D. Peut-on honorer les Reliques des Saints ?

R. À vous très-permis ; on vous invite sur-tout à les faire enchâsser avec luxe.

D. Peche-t-on en honorant les images ?

R. Pas plus que ne péchoient les pauvres Gentils, qu’on traite cependant d’idolâtres ; tandis que nous ne serons sauvés que par la même raison pour laquelle nous les damnons.

D. Qu’est-ce que le Dimanche ?

R. C’est le jour que le Tout-Puissant qui pouvoit créer mille mondes d’un souffle, se reposa, après avoir eu bien de la peine à parachever notre misérable petite planette, en six jours ; encore, dit-on, étoient ils trois à cette grande besogne.

D. Pourquoi l’Église sanctifie-t-elle le Dimanche ?

R. Pour faire sa recette.

D. Que faut-il pratiquer pour sanctifier le Dimanche ?

R. Il faut faire le paresseux, brâiller du mauvais latin qu’on n’entend pas, mettre dans le plat du Curé, & dormir à son Prône ou à son Sermon.

D. Qui sont ceux qui pechent contre la sanctification du Dimanche ?

R. Tous ceux qui ont trop d’oreille pour aimer le Plain-Chant, & trop de jugement pour se plaire aux saintes platitudes d’un Capucin nazillard ; ou bien encore ceux qui croiroient avoir perdu leur journée, s’ils ne l’avoient consacrée à un travail utile.

D. À quoi nous obligent les autres Commandements de Dieu ?

R. Je ferois injure aux enfants des hommes, si je les soupçonnois avoir besoin d’apprendre ce que la nature leur inspire en naissant.




XVI.


Des Commandements de l’Église.


D. L’Église a-t-elle le pouvoir de faire des Commandements ?

R. Du moins trouve-t-elle des esprits assez sots pour le croire.

D. Combien y a-t-il de Commandements de l’Église ?

R. Une demi-douzaine.

D. Quelles sont les Fêtes instituées par l’Église ?

R. Il y en a de deux sortes. Les unes regardent les mysteres, ce sont les grandes & les plus absurdes ; les autres ont pour objet d’honorer la Vierge & les Saints, ce sont les plus lucratives & les plus nombreuses.

D. Qu’est-ce qu’un Saint ?

R. C’est un homme qui a cessé de l’être pour son tourment & celui des autres.

D. À quoi nous oblige le second Commandement ?

R. À assister à tous les Offices, tant de jour que de nuit ; c’est-à-dire, à faire une cour assidue aux Prêtres.

D. Et le troisieme ?

R. À la Confession. Il est de la propreté de se purifier le corps tous les jours ; l’ame n’a besoin de l’être qu’à tout le moins une fois l’an.

D. De quelle peine l’Église menace-t-elle ceux qui ne s’acquittent point du quatrieme ?

R. L’entrée du Temple leur est interdite pendant leur vie, & la sépulture après leur mort.

D. À quoi vous obligent les cinquieme & sixieme Commandements ?

R. À manger davantage, mais moins souvent, ou plus tard, & à préférer un brochet à son potage ordinaire.

D. Pourquoi a-t-on institué le jeûne & l’abstinence ?

R. Entr’autres conjectures, celle-ci pourroit être admise. Un Évêque, dans les premiers temps de l’Église, n’aura trouvé pour tout revenu que des étangs ; en conséquence il aura ordonné le poisson dans l’étendue de son Diocèse.




XVII.


Du Péché.


D. Qu’est-ce que le péché originel ?

R. Une injustice digne de Tibere.

D. Qu’est-ce qu’un péché capital ?

R. Comme les exemples sont à la portée de plus de personnes, que les définitions, je réponds que la philosophie est un Péché capital, qu’elle donne naissance à trois péchés mortels pour lesquels l’Église refuse toujours l’absolution, savoir :

l’Incrédulité,

le Pirrhonisme,

la Tolérance.

D. Quelle est l’opposé de la philosophie ?

R. La Théologie, qui se divise aussi en trois branches, savoir :

l’Amour du Préjugé,

la Foi sur parole,

& le Fanatisme.

D. Où l’Église a-t-elle pris l’idée des sept péchés mortels capitaux ?

R. Dans son propre Giron. En effet :

Rien de plus orgueilleux qu’un Capucin.

Rien de plus avare qu’un vieux Prélat.

Rien de plus luxurieux qu’un Carme.

Rien de plus envieux qu’un jeune Prêtre.

Rien de plus gourmand qu’une None.

Rien de plus colere qu’un Pape.

Rien de plus paresseux qu’un Chanoine.




XVIII.


De l’état de l’homme après sa mort.


D. Que devient l’homme après sa mort ?

R. N’importe ce qu’il devient, il est heureux, puisqu’il se trouve hors des mains Sacerdotales.

D. Quelle est la récompense que Dieu promet aux justes ?

R. C’est de savoir s’il ressemble à ceux qui le représentent sur la terre.

D. Tous les Justes voient-ils Dieu après leur mort ?

R. Non, il n’y a que ceux qui ont eu le bonheur de voir leur Confesseur avant de mourir.

D. Qu’est-ce qu’un Juste ?

R. C’est un bon Chrétien pour lequel on a eu soin de payer la présence de son Curé à son convoi, qui n’a pas oublié de faire mettre sous le chandelier, le prix de la course du porte-Dieu, & a donné pour boire aux sonneurs qui ont rompu la tête de ses voisins, & aux crocheteurs apostoliques qui l’ont porté en terre.

D. Pourquoi prie-t-on pour les morts ?

R. Pour avoir l’argent des vivants.

D. Qu’est-ce que le Purgatoire ?

R. C’est le brasier qui fait bouillir la marmite du Pasteur dont les ouailles fournissent le bois.

D. Quelle est la peine des Méchants ?

R. Leur corps subit le feu, l’ame aussi ; oui, l’ame : le Catéchisme dressé par ordre de Monseigneur…, le dit formellement ; je n’en suis ici que le Copiste.




XIX.


Du Signe de la Croix.


D. Pourquoi fait-on le Signe de la Croix ?

R. Ce Signe est le point de ralliement, le cri de guerre des Chrétiens. Au massacre de la Saint Barthelemi, il servoit à distinguer les charitables Catholiques égorgeant pieusement leurs Concitoyens Protestants.




XX.


Du Pater


Et de la Salutation Angélique.


I.


Du Pater.


D. Qu’est-ce que l’Oraison Dominicale ?

R. C’est une Priere qui certainement n’a pas pour auteur un Philosophe, encore moins un homme de goût.

D. Dites votre Pater.

R. Je vais vous le lire ; car ma mémoire récalcitrante n’a jamais pu le retenir tout entier…

D. Pourquoi dites-vous, Notre Pere ?

R. Dans le fait, je n’en sais rien : car Dieu ne nous traite pas comme ses enfants.

D. Pourquoi dites-vous, qui êtes aux Cieux ?

R. Je le dis ainsi, parce qu’il est écrit ainsi : car il y a long temps que j’ai cru voir dans ce peu de paroles une lourde inconséquence & même une contradiction manifeste. Dieu n’est-il pas par-tout ?

D. Expliquez-nous, que votre nom soit sanctifie.

R. J’en serois bien embarrassé, car je ne conçois pas comment un atôme peut glorifier & sanctifier un Dieu.

D. Expliquez-nous, que votre Regne arrive !

R. En effet, il seroit temps que le Maître arrivât : car on commence à être bien las de ses valets.

D. Et ces paroles, que votre volonté soit faite, &c.

R. Me semblent ridicules. Les Catholiques sont les premiers qui se soient avisés de dire à leur Maître absolu qu’ils veulent bien lui obéir.

D. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ? —

R. Si j’étois pere, je gronderois mes enfants, quand ils me feroient une priere aussi injurieuse à mes devoirs & à mon cœur.

D. Pourquoi dites-vous : pardonnez-nous nos offenses ?

R. Je dis cela pour obéir, car un homme ne peut pas plus fâcher un Dieu que lui faire plaisir : d’ailleurs Dieu a-t-il besoin, pour être juste & clément, qu’on lui rappelle son équité & sa bonté ?

D. Expliquez-nous : comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

R. Je tremble toujours, quand j’entends ce passage sortir de la bouche d’un Prêtre. Hélas ! Que devienderions-nous, si Dieu ne pardonnoit pas mieux que ses Ministres ?

D. Et ne nous induisez pas à la tentation.

R. Pour cet article, j’ai beaucoup de répugnance à le prononcer ; car je le crois un véritable blasphême. Quoi ! un Dieu tenter l’homme ! Dieu ne seroit-il qu’un avec le démon ? On auroit du penchant à le croire, si on le jugeoit, d’après ses Vices-Dieu.

D. Mais délivrez-nous du mal…

R. De quel mal ?


II.


L’Ave Maria.


D. Qu’est-ce que la Salutation Angélique ?

R. C’est un petit madrigal hébreux que l’Ange Gabriel fit, de la part de son maître le Saint-Esprit, à la Vierge Marie, femme de Joseph le Charpentier. Si j’etois mere, je me garderois bien de le faire apprendre, & sur-tout d’en expliquer le sens à mes filles.


Fin des Réponses catégoriques

Aux principales demandes du Catéchisme de Paris.




Ad majorem gloriam Ecclesia.