Chanson (Corneille, II)

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Chanson (Corneille, II)
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 55-56).

XIV

Chanson.

Voyez la courte notice de la pièce précédente. Voyez aussi la fin de celle de la pièce I, ci-dessus, p. 25.


Si je perds bien des maîtresses,
J’en fais encor plus souvent,
Et mes vœux et mes promesses
Ne sont que feintes caresses,
Et mes vœux et mes promesses 5
Ne sont jamais que du vent.

Quand je vois un beau visage,
Soudain je me fais de feu ;
Mais longtemps lui faire hommage,
Ce n’est pas bien mon usage ; 10
Mais longtemps lui faire hommage,
Ce n’est pas bien là mon jeu.

J’entre bien en complaisance
Tant que dure une heure ou deux ;
Mais en perdant sa présence 15
Adieu toute souvenance ;
Mais en perdant sa présence
Adieu soudain tous mes feux.

Plus inconstant que la lune,
Je ne veux jamais d’arrêt : 20
La blonde comme la brune

En moins de rien m’importune ;
La blonde comme la brune
En moins de rien me déplaît.

Si je feins un peu de braise[1], 25
Alors que l’humeur m’en prend,
Qu’on me chasse ou qu’on me baise,
Qu’on soit facile ou mauvaise,
Qu’on me chasse ou qu’on me baise,
Tout m’est fort indifférent. 30

Mon usage est si commode,
On le trouve si charmant,
Que qui ne suit ma méthode
N’est pas bien homme à la mode,
Que qui ne suit ma méthode 35
Passe pour un Allemand.


  1. D’ardeur, de flamme. Voyez le Lexique.