Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Le clerc de Rozmar (première version)

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LE CLERC DE ROZMAR


I

   J’entends le clerc siffler,
En mettant l’eau sur le pré de son père ;

   Et (cela) me fait mille bien de l’entendre,
En attendant le temps où je pourrai le voir.

   Quand va le clerc aux pardons,
Il a de la muscade dans ses chaussures ;


   Il a de la muscade dans ses chaussures,
Et de la lavande dans ses poches.....

   — Taisez-vous, ma fille, ne pleurez pas !
Meilleur que celui-là vous épouserez.

   — Meilleur que celui-là si j’épouse,
Je n’aurai pas eu mon envie, en ce monde ;

   Dussent les gens y trouver à redire,
Si j’étais avec lui mendiant mon pain,

   (Du moins) j’aurais eu en ce monde mon envie,
(Tandis que) maintenant je puis dire que je ne l’ai pas (eue).

   Mais, si Jésus-Christ y consent,
Je serai faite veuve, dans trois mois !

   Je serai, dans trois mois, faite veuve
Et serai mariée à mon clerc !

II

   Voilà que Jeannette a obtenu ce qu’elle désirait,
Et, au bout de trois mois, elle a été faite veuve ;

   Au bout de trois mois, elle a été faite veuve ;
Et le clerc n’est pas (encore) marié.

   Jeannette s’en allait, à la brune,
A la rencontre dudit petit clerc ;

   Et comme par le chemin elle venait,
Son doux clerc elle a croisé.

   — Clerc, petit clerc, attendez-moi ;
Vous êtes à cheval, moi, je ne suis pas ;

   Vous êtes à cheval,
Et moi, je suis ici sur mes deux pieds.

   Je vous ai vu un temps
Où vous m’eussiez attendue, pour marcher côte à côte,

   Et (où) vous eussiez retiré vos gants
Pour me fourrer des poires dans les poches.

   — Si ce temps-là a existé pour moi,
Maintenant, Jeannette, il n’est plus.

   Jeannette, sitôt qu’elle entendit,
Trois fois à terre s’affaissa ;


   Trois fois à terre elle s’est affaissée,
Petit clerc de Rozmar l’a relevée.

   — Taisez-vous Jeannette, ne pleurez pas ;
Je vais à la maison, pour que nous soyons fiancés ;

   Je vais à la maison, pour que nous soyons fiancés ;
Ce n’est que pour vous plaisanter, ce que j’en ai fait.

   Quand ils ont été fiancés et mariés,
Le clerc lui a dit :

   — Sinon que vous êtes en deuil
Je vous aurait fait une guirlande,

   Une guirlande de grains de corail
Et une écharpe de soie noire (traînant) jusqu’à terre,

   Pour porter le deuil de votre mari,
Jeannette, puisque vous l’avez mérité.


Marie-Anne Le Noan mendiante. — Duault.
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