I
J’ai chanté l’amour à vingt ans,
Et j’ai perdu, l’une après l’une,
Blonde ou brune, au clair de la lune,
Mes illusions et mon temps.
Mon cœur oubliait la Misère,
Lire lon laire,
Pourtant la Misère était là.
Lire lon la !
II
C’était un matin de rancœur ;
Ivre de ma tristesse accrue,
Je butai du pied, dans la rue,
Un pavé rouge comme un cœur.
C’était le cœur de la Misère,
Lire lon laire,
Entre deux pavés planté là,
Lire lon la !
III
Le pavé, se dressant vers moi :
« Combien j’ai vu de barricades.
Combien j’ai reçu d’estocades
De par la lettre de la loi !
Passant, prends garde à la Misère !
Lire lon laire,
Son cœur n’est pas mort. Halte là !
Lire lon la !
IV
« Je saigne à chaque iniquité,
Je suis le pavé de souffrance,
Je suis rouge du sang de France
Répandu pour l’Humanité.
Fleur de pavé, fleur de Misère,
Lire lon laire,
L’héroïsme a passé par là,
Lire lon la ! »
V
Égoïsme, arrière ! Je veux
Te marquer de ma chanson rouge.
L’espoir grandit. Le pavé bouge.
Debout, clairon ! Sonne les vœux !
C’est la chanson de la Misère ;
Lire lon laire,
La Justice viendra par là,
Lire lon la !
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