Chansons rouges/Chanson de l’Oubli

La bibliothèque libre.
Maurice Boukay (
Ernest Flammarion, éditeur (p. 15-20).


LA CHANSON DE L’OUBLI


À Jules Lemaître.
Un philosophe chante :

<<
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r2 r4^\markup { 3 } \bar "||" r4 r8 g^\( g g | g4.\) g8 a g
g4. a8 a a | a4. d,8 e fis
g4 g8 g g g | g4. g8 g fis
a4. a8[ (b)] d | fis,4 fis8 g a b
e,4^> d8 r4 r8 \bar "||" 
  \tempo "Maestoso"
d4.\( e4 fis8 | g4 fis8 g4 a8
b4. (b4)\) b8 | d4. fis,8 g a | e4 e8 fis4 fis8
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d4.^\( e4 fis8 | g4^\) g8\( a4 g8
c4. c4 a8 | a4 a8 d4\)
<<
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\\
{fis8 fis4 fis8}
>>
g4.
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    \lyricmode {
_2. _4 _8 Que8 fais-8 tu8 là,4. vieux8 tis- se- "rand ?"4. Que8 tra- mes- tu, si4. tard,8 dans l’om-4 "bre ?"8 Quel est ce drap4. plus8 noir, plus grand,4. "Que —"4 les8 ai-4 les8 de la Nuit som-4 "bre ?"8 _4. C’est le4 lin-8 ceul4 noir8 de4 l’ou-8 "bli, ——"4. _4 L’ou-8 bli4. des8 a- mi- tiés4 pas-8 sé-4 es8
% {page suivante}
Je4. leur4 pro-8 met-4 tais8 mes4 pen-8 sé-4. "es :"4 Voi-8 ci4 l’a8 mour4 en-8 se-4 ve-8 "li !"4
  }
}
>>
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  }
}
I

Que fais-tu là, vieux tisserand ?
Que trames-tu, si tard, dans l’ombre ?
Quel est ce drap plus noir, plus grand
Que les ailes de la Nuit sombre ? —
C’est le linceul noir de l’oubli,
L’oubli des amitiés passées ;
Je leur promettais mes pensées :
Voici l’amour enseveli ! —
 

II

Dis-moi, tisserand diligent.
Pour qui cette toile si blanche,
Où le lys et l’aigle d’argent
Semblent périr sous l’avalanche ?

C’est le linceul blanc de l’oubli,
L’oubli de ceux que froisse et brise
Le règne qui me favorise.
Voici le lys enseveli ! —

III

Et pour qui donc, vieux tisserand,
Ce linceul rouge qui tressaille
Comme on voit, au soleil mourant,
Tressaillir un champ de bataille ? —
C’est le linceul rouge d’oubli,
L’oubli de ceux qui sont esclaves.
Pour que je vive sans entraves
Voici leur droit enseveli. —

IV

Arrête ! Vieillard, sans fierté,
Ta toile a fait le tour des âges.
Pour tisser une liberté
C’est trop de morts et de servages !
M’arrêter, non ! Je suis l’Oubli,
Je suis celui qu’en vain l’on prie.
Il faut pour que demain sourie
Qu’hier soit vite enseveli. —