Chansons rouges/Chanson du Rémouleur

La bibliothèque libre.
Maurice Boukay (
Ernest Flammarion, éditeur (p. 7-14).


LA CHANSON DU RÉMOULEUR


À François Coppée.
Le Rémouleur au pied fourchu chante :

\relative c'' {
  \override Rest #'style = #'classical
  \set fontSize = #-1
  \key bes \major
  \time 6/8
  \tempo "Allegretto"
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 110
  \autoBeamOff
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\compressEmptyMeasures
R4.*6 \bar "||" 
r4 r8 r4 g8\( | bes bes bes a a c |
bes4.\) bes8 r a\( | a gis a c bes a |
g4.~ \) g8 r g | f f f e e g
f4. e8 r e | a a a a b c
a4.~ a8 r a\( | bes bes bes a a a\)
a4. a8 r a\( | bes bes bes a a a
% {page suivante}
a4.~ \) a8 r a\( | c^\markup { \italic Cresc. } c c c c c
b4~ \) b8 r4 b8 | d b c b b c
a4.~ a8 r r \bar "||" R4.*2^\markup { 1 } \bar "||"
  \time 2/4
  \tempo "Allegretto"
r8 a a a | b2~ b8^\markup { \italic Cresc. } b b b | c2 | c8 d c d
c-. c-. c-. c-. | b r b b | bes4 bes8 bes
a4 r8 ees' | aes,2^> | g4 g8 ees
d4 d'8 bes | a4 fis | g2~ g4 r \bar "||"
}
\addlyrics {
Ja- dis, en la paix des fa- mil- les, Ma meu- le chan- tait sa chan- "son ; ——" J’ai- gui- sais ser- pes et fau- cil- les Pour la ven- dange et la mois- son. Mais un jour, pour un peu de ter- re, Deux tri- bus en vin- rent aux 
% {page suivante}
mains.—— J’ai- gui- sai la faux de la "guer- re :" La faux mois- son- na les hu- mains. Mes bons mes- sieurs, mes bon- nes da- mes, N’ou- bli- ez pas le ré- mou- "leur !" Les cou- teaux, les ci- seaux, les la- "mes :" Grâce à moi, tout de- vient meil- leur.——
}
\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


I

Jadis, en la paix des familles,
Ma meule chantait sa chanson ;
J’aiguisais serpes et faucilles
Pour la vendange et la moisson.
Mais un jour, pour un peu de terre,
Deux tribus en vinrent aux mains.
J’aiguisai la faux de la guerre :
La faux moissonna les humains.

Mes bons messieurs, mes bonnes dames,
N’oubliez pas le rémouleur !
Les couteaux, les ciseaux, les lames,
Grâce à moi tout devient meilleur.

II

Ce que j’en ai fourbi d’épées !
Un peuple après l’autre s’en sert.
Bon Dieu ! si les têtes coupées
Pouvaient parler, quel beau concert !
Chacune à mon art rendrait grâces
D’avoir tranché vif leur orgueil
Et tous les préjugés de races,
Qui ne font la paix qu’au cercueil.


Mes bons messieurs, mes bonnes dames,
N’oubliez pas le rémouleur !
Les couteaux, les ciseaux, les lames,
Grâce à moi tout devient meilleur.
 

III

Bref, je rendis un tel service
Au monde en purgeant son péché,
Qu’au nom de la Loi, la Justice
M’a remis son glaive ébréché.
C’est un couteau triangulaire ;
Je l’ai poli. C’est un plaisir.
Ça vous coupe la jugulaire :
On n’a pas le temps de souffrir.

Mes bons messieurs, mes bonnes dames,
N’oubliez pas le rémouleur !
Les couteaux, les ciseaux, les lames.
Grâce à moi tout devient meilleur.

IV

Ma meule a soif, et mon eau s’use.
Ma meule a soif ; l’eau va tarir.
Voici bien des ans que l’eau fuse
Sur la pierre pour l’attendrir.

Sans eau, comment tremper les armes ?
Vous tous, qui voyez mon malheur,
Versez goutte à goutte vos larmes
Sur la meule du rémouleur.

Mes bons messieurs, mes bonnes dames,
N’oubliez pas le rémouleur !
Les couteaux, les ciseaux, les lames.
Grâce à moi, tout devient meilleur.