Chants et chansons politiques/Le Réveil

La bibliothèque libre.
G. Guérin, libraire (p. 43-45).


LE RÉVEIL

Élections de Paris : mai-juin 1869.
Air : Béranger à l’Académie. (Chautagne).


Peuple aujourd’hui ton grand bon sens étonne
Rome et Paris, le pape de l’empereur ;
Le despotisme en perdra sa couronne.
L’ouvrier rit et le bourgeois a peur,

Les chassepots à Rome ont fait merveille[1]
Pour un pouvoir tombant de vétusté ;
L’urne lait mieux : un peuple se réveille !
Paris debout marche à la liberté. (bis).

Napoléon l’illustre tueur d’hommes,
Vécut longtemps du soleil d’Austerlitz,
Cet astre encore éblouit nos Prudhommes
Soyons cléments pour ces pauvres esprits.
Le fer n’est plus l’argument de la force.
L’idée est tout : c’est la fraternité.
La tyrannie, un jour, sortit de Corse,
C’est du scrutin que sort la liberté. (bis).

Le peuple voit que la France est sevrée
Des droits sacrés que ses aînés ont eus ;
Sa forte main déchire sa livrée,
Il paye encor, mais il ne chante plus.[2]

Il parle haut ; sa voix rompt l’équilibre
Qui supprimait sa souveraineté.
Il sent enfin qu’il peut se rendre libre :
C’est de lui seul qu’il veut la liberté. (bis)

O Rochefort, du feu de ta lanterne
Tu lui montras les abus du pouvoir.
Un atelier vaut mieux qu’une caserne,
Le peuple apprend, il fera son devoir.
Le noir cancer qui ronge sa poitrine
Vient des impôts mis sur la pauvreté ;
Le statu quo, consacre la routine,
Quand le progrès mène à la liberté. (bis).
 
On sait que l’homme au regard glauque et terne
Qui pour régner gaspille notre argent,
Ne peut braver l’éclair de ta lanterne
Quand tu défends le peuple intelligent.
L’ouvrier veut avoir le droit de vivre :
Jusqu’à présent ce droit fut contesté…
Marche en avant, on n’aura qu’à te suivre
Pour conquérir enfin la liberté.



  1. Quand Garibaldi marcha sur Rome en 1863, il eut pour adversaire le général de Failly à la tête des troupes françaises. Ce dernier, dans son bulletin de la bataille de Mentana, dit : Les chassepots ont fait merveille. On s’en servait, pour la première fois, sur un champ de bataille.
  2. Allusion au mot de Mazarin. — Ce ministre disait, en parlant des mécontents qui le chansonnaient : Ils chantent, ils paieront.