Air : Aussitôt que la lumière.
Aussitôt que la lumière
Frappe mon œil matinal,
Je commence ma carrière
Par dévorer mon journal ;
Si je vois la politique
Prendre un ténébreux chemin :
Je mets tout en république
Pour le bien du genre humain.
Vous comprenez que je prône
Franchement la liberté ;
Car je vois sur plus d’un trône
Une triste majesté.
On a chassé les Jésuites,
Mais Escobar n’est pas mort,
Malgré toutes nos poursuites,
En France il gouverne encor.
On nous a dit que le pape[1]
Était jadis libéral,
Mais il paraît que la chape
En fit un bon cardinal ;
Depuis qu’il a la tiare,
On a tant versé de sang,
Qu’il en traverse une mare
Pour monter au Vatican[2]
On promet le libre-échange
Et d’abolir les octrois,
C’est pour nous donner le change
Qu’on nous promet tant, je crois ;
Car, où règne la misère,
Les soldats et les cagots,
Il ne faut pas qu’on espère
Un dégrèvement d’impôts.
Quand le peuple saura lire[3],
Certe, on ne trouvera pas,
Comme aujourd’hui, pour l’empire,
Des mouchards et des soldats ;
Endormi par l’ignorance,
Il n’a pas de volonté ;
Lui, qui serait maître en France,
S’il voulait la liberté.
Mais, un jour, la République
Reviendra front haut, bras nus,
Pour anéantir la clique
Des vendeurs et des vendus ;
Si je meurs dans la tempête,
Ô peuple, écris de ta main :
« Ci-gît un pauvre poëte,
« Mort en bon républicain. »
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